Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,
Je suis doublement heureux de me retrouver ici avec vous aujourd'hui au Guilvinec pour votre assemblée générale annuelle et je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre accueil.
Heureux tout d'abord de prendre part à vos travaux. Je sais le rôle stratégique que jouent les organisations de producteurs au sein de la filière pêche, au carrefour de la gestion de la ressource et du marché.
Heureux ensuite d'effectuer grâce à vous, mon premier déplacement sur le littoral en pays bigouden, haut lieu de la pêche artisanale française.
Votre intervention, Monsieur le Président, et celle de votre secrétaire général m'ont permis de constater que nous avions une large convergence de vues tant sur l'avenir de la Politique commune de la pêche que sur les évolutions de l'organisation du marché et donc sur la place et le rôle des organisations de producteurs.
Nous sommes à la veille d'une échéance majeure qui va nous conduire à réformer la Politique commune de la pêche. Il s'agit de définir le nouveau cadre réglementaire qui gouvernera aux destinées du secteur dans les dix années à venir.
Aussi, vous ne vous étonnerez pas que je consacre la première partie de mon propos (comme vous l'avez fait) à cet important dossier.
Les premières propositions de la Commission ont suscité de nombreuses réactions et je sais qu'elles provoquent beaucoup d'inquiétude dans le monde de la pêche.
Vous avez eu connaissance des positions que j'ai défendues lors de la réunion du Conseil des ministres le 11 juin dernier à Luxembourg.
Elles vont guider mon action dans les semaines et mois à venir au cours d'une négociation qui ne sera pas forcément facile, mais que j'aborde avec une totale détermination.
Personne ne conteste la nécessité d'une réforme de la Politique commune de la pêche ; mais quelle réforme ?
Celle qui nous est proposée est trop déséquilibrée ; elle est trop globalisante ; enfin, elle complexifie, à outrance, là où il faudrait simplifier.
Le déséquilibre tient au fait que la Commission ne prend pas suffisamment en compte la dimension économique, sociale et territoriale de la pêche. Cette activité, par son ancrage littoral et l'éventail des activités induites, constitue un vecteur d'équilibre essentiel dans l'animation du tissu social littoral, dont je mesure tout l'intérêt en matière d'aménagement du territoire. La pêche artisanale participe, tout particulièrement, à cette vitalité du littoral, elle en est même un facteur d'attractivité indiscutable. Le projet de la Commission, et j'insiste sur ce terme, car c'est bien d'un projet qu'il s'agit, accorde, au nom du principe de précaution une priorité à la dimension écologique et environnementale. Il faut revenir à un meilleur équilibre, qui s'exprime autour d'une gestion durable de la ressource, préoccupation que partagent les pêcheurs, et du maintien d'une activité économique vivante et diversifiée. C'est tout à fait possible dans le cadre d'une approche différenciée, pragmatique et qui laisse de côté les visions idéologiques et uniformisantes.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos. Comme vous le savez, la Commission propose de banaliser et de généraliser, à la plupart des stocks halieutiques, la mise en place de plans pluriannuels de gestion.
Cette proposition n'est pas acceptable en l'état. Il faut rétablir une distinction entre les plans de restauration pour les stocks en difficulté et l'approche pluriannuelle pour la fixation des taux autorisés de capture et quotas, qui exclut la notion de plan global.
De la même façon, la Commission voudrait, toujours dans le cadre des plans de gestion, et pour un même stock, additionner les instruments de régulation : aux taux autorisés de capture et quotas se superposeraient la gestion de l'effort de pêche, voire les fermetures de zones en temps réel.
De grâce, simplifions. Ce n'est pas la juxtaposition de mesures qui rendra la Politique commune de la pêche plus efficace, mais bien une bonne gestion et donc une bonne application des instruments fondamentaux que sont les taux autorisés de capture et quotas, assortis des mesures techniques pertinentes.
Bien entendu, il est exclu que le Conseil abandonne, sur des sujets aussi importants que la gestion de la ressource, ses pouvoirs au profit de la Commission. J'ai dit très clairement lors du dernier Conseil que, dans ce domaine, les décisions sont politiques. Une très large majorité de mes collègues a exprimé le même point de vue.
S'agissant de la flotte, la suppression pure et simple, dès le 1er janvier 2003, des aides à la construction et à la modernisation des navires, telle qu'elle nous est proposée, est révélatrice d'une approche d'abord idéologique étayée par une argumentation largement contestable.
Les aides publiques ne sont pas, contrairement à l'argument avancé, responsables de la surcapacité. La preuve en est qu'il n'y a pas plus de surcapacité dans les Etats membres, qui ont un régime d'aide, que dans ceux qui n'en ont pas. Elles ne sont pas, au demeurant, un facteur de distorsion de concurrence, contrairement à ce qui est parfois avancé, dès lors que l'accès à la ressource est régulé par la stabilité relative et que nous avons affaire à un marché largement déficitaire pour lequel la formation des prix est largement indépendante de la concurrence intra-communautaire.
L'accompagnement financier public pour la rénovation des navires est, par contre, l'élément indispensable au maintien d'une flotte de pêche moderne, sûre, économiquement viable, diversifiée et répartie harmonieusement sur notre littoral. Il en va, évidemment, de la compétitivité des entreprises de pêche, mais également de la sécurité des hommes et du confort des équipages, conditions essentielles à l'attractivité du métier auprès des jeunes, qui seront nos entrepreneurs de demain. Je ne désespère pas de faire entendre raison à la Commission, et à ceux de nos partenaires qui la soutienne, sur ce point fondamental. J'ai, d'ailleurs, tenu, à l'occasion de mon passage au Guilvinec, à embarquer, quelques heures, sur l'un de vos navires, qui navigue vaillamment malgré un âge vénérable de trente ans. Je tenais à me rendre compte personnellement de vos conditions de travail quotidiennes et des risques auxquels vous êtes exposés, faute de disposer de navires suffisamment récents.
Ces appréciations, pour le moins critiques, ne doivent pas être comprises comme un réquisitoire sans appel. Il y a aussi, dans le projet de la Commission, des orientations, qui vont dans le sens de nos propres préoccupations.
Les règles d'accès à la ressource avec le maintien du régime des 6/12 miles, la recherche d'une plus grande efficacité et d'une meilleure équité du contrôle, la volonté de promouvoir une meilleure gouvernance au travers d'une plus grande implication des pêcheurs dans le processus de décision, l'amélioration du contenu et de l'utilisation des avis scientifiques pour l'évaluation des stocks halieutiques, sont autant de propositions, qui vont dans le bon sens.
La réaffirmation du principe de stabilité relative est également un élément positif, même si nous devons rester vigilants sur l'évolution des clés de répartition des possibilités de captures entre Etats membres. Il n'est pas question, et je l'ai dit au Conseil, de modifier les clés de répartition historiques existantes.
Vous le voyez, nous avons du pain sur la planche. La négociation ne fait que commencer. Elle sera vraisemblablement longue et difficile. Je compte la mener avec un souci permanent de transparence et de concertation avec vous. Comme je l'ai dit au Commissaire FISCHLER, il faut que cette réforme se fasse avec les pêcheurs et non pas contre eux.
Avant d'en venir au rôle et aux missions des organisations de producteurs, je voudrais encore aborder deux sujets.
Le premier concerne la mise sous taux autorisés de capture et quotas des espèces profondes. C'est enfin chose faite puisqu'un accord est intervenu en ce sens lors du Conseil du 11 juin. Cet accord est largement favorable aux intérêts français ; il consolide nos références à des niveaux très satisfaisants tout en laissant à nos armements des marges de développement dans les eaux internationales.
Le deuxième a trait aux plans de restauration des stocks de cabillaud et de merlu. Les propositions de la Commission, en ce domaine également, sont loin de faire l'unanimité. Le mécanisme, qui nous est proposé pour la fixation des taux autorisés de capture, et la mise en place d'un système de gestion de l'effort de pêche d'une rare complexité posent à l'évidence de sérieux problèmes. Il faut en revenir à des dispositifs simples et efficaces. Je me réjouis, à cet égard, des initiatives prises par les professionnels et soutenues par les pouvoirs publics pour expérimenter des engins de pêche plus sélectifs. Il y a là une vraie voie pour répondre à la préservation des juvéniles, tout en maintenant une activité - celle de la pêche à la langoustine - qui est vitale pour les ports de la façade Atlantique.
Dans la négociation, qui va se poursuivre dans les mois à venir, je souhaite que vous puissiez, comme vous l'avez fait par le passé, nous apporter votre concours grâce à la connaissance très fine que vous avez des métiers. Mais nous serons d'autant plus écoutés et entendus à Bruxelles que nous saurons faire preuve de sérieux dans l'application d'un certain nombre de dispositions existantes. Je pense, en disant cela, au respect des tailles minimales de captures (sujet pour lequel nous avons quelques difficultés avec les instances communautaires) ou à la remise des log-books indispensables à une bonne gestion de la ressource.
Et les organisations de producteurs dans tout cela me direz-vous ? Je ne vous surprendrai pas en vous disant que leur rôle est très important et surtout qu'il est appelé encore à se développer.
Il y a un large consensus en France pour dire que les taux autorisés de capture et les quotas doivent être le principal instrument de régulation de l'accès à la ressource.
Ceci suppose que ceux-ci soient d'abord correctement établis et bien négociés. C'est de la responsabilité des pouvoirs publics. De même qu'il est de la responsabilité des pouvoirs publics de répartir les quotas entre organisations de producteurs. Vous noterez que, d'année en année, cette répartition se fait dans des conditions sans cesse améliorées. Enfin, il est toujours de la responsabilité des pouvoirs publics de contrôler le respect des quotas au niveau national et des sous quotas au niveau des organisations de producteurs.
Il appartient, par contre, aux organisations de producteurs de gérer, au plus près, les sous quotas qui leurs sont attribués.
Ce n'est pas un exercice facile ; dès lors que nous avons affaire à des captures, par nature, fluctuantes. Mais dans un contexte de raréfaction de la ressource, il est essentiel d'optimiser la gestion des sous quotas si l'on veut éviter des fermetures prématurées et assurer une valorisation, sans cesse meilleure, du produit de la pêche.
Les plans de gestion des sous quotas, tels qu'ils découlent de la loi d'orientation pêche et de ses décrets d'application, sont là pour vous y aider au travers d'un suivi fin des débarquements, voire de la limitation des apports ou de leur étalement.
Une bonne gestion des droits de pêche est indissociable d'une bonne organisation de la mise en marché.
Le nouvel instrument, créé par l'Organisation commune du marché récemment réformée, que constituent les programmes opérationnels de campagne de pêche, permet de répondre partiellement à cette problématique en définissant à l'avance un plan de capture, une stratégie de commercialisation et des mesures préventives pour les espèces dont la commercialisation connaît habituellement des difficultés. En outre, en cas de changements importants et imprévus sur le marché en cours de campagne, les programmes opérationnels peuvent être adaptés.
Je me félicite de la façon dont ces programmes opérationnels ont été établis et mis en uvre pour la deuxième année consécutive grâce à la compétence apportée par les structures de la FEDOPA. Tous les programmes opérationnels présentés par les organisations de producteurs ont été approuvés après un examen approfondi par l'OFIMER. Globalement, grâce à ces programmes, ce sont plus de 2 millions d'euros d'aides que les organisations de producteurs françaises vont percevoir.
Si la gestion rapprochée des sous quotas, l'organisation de la commercialisation sont fondamentales pour une bonne valorisation de la production, les organisations de producteurs peuvent et doivent aller encore plus loin pour répondre aux attentes du consommateur. Il s'agit de développer des démarches de qualité. Les organisations membres de la FEDOPA se sont déjà beaucoup impliquées dans ces démarches ; soit seules, je pense en particulier à ARPEVIE, qui a déjà sollicité et obtenu une reconnaissance spécifique au titre d'un plan d'amélioration de la qualité ; soit au travers de structures dédiées à cet effet, telles que Normapêche ou Normandie Fraîcheur Mer. Je ne peux que vous féliciter et vous encourager à poursuivre dans cette voie.
Les nouvelles exigences, en matière de traçabilité du produit, procèdent du même objectif. Je fonde de grands espoirs sur le profit que pourra retirer à terme la filière de la superposition de ces deux instruments de l'Organisation commune de marché que constituent l'obligation d'information du consommateur, entrée en vigueur au 1er janvier de cette année, et les plans d'amélioration de la qualité.
Votre position d'interface entre le marché et le producteur, la connaissance intime des tissus de consommation, que vous pouvez encore renforcer au travers de l'expertise de l'OFIMER, vous placent en position de relever le défi de la gestion d'une ressource limitée dans un marché ouvert pour satisfaire un consommateur exigeant. Votre efficacité participera à la consolidation du revenu du pêcheur et plus globalement à celui de l'ensemble de la filière.
A cet égard, je pense que lorsque la nouvelle Politique commune de la pêche aura vu le jour, nous devrons aller plus loin et réfléchir ensemble à une approche plus fine des missions des organisations de producteurs, notamment au regard de la consommation des quotas et des besoins du marché.
Nous devrons y revenir parce qu'en dépit de profondes modifications, le projet de réforme présenté par la Commission ne laisse aucune place au marché, lequel est pourtant la finalité de l'action de pêche et le troisième volet du triptyque institutionnel formé avec la ressource et la politique des structures.
En termes nautiques, je résumerai mon propos en disant que les organisations de producteurs doivent entrer dans le domaine du pilotage actif de leurs adhérents, le regard tourné vers le cap du marché.
Plus que jamais la pêche française a besoin d'organisations de producteurs fortes, ouvertes, tournées vers l'avenir et prêtes à prendre de nouvelles responsabilités. Je sais, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, que vous en êtes convaincus. Aussi, je fais confiance à votre dynamisme et à votre capacité d'adaptation pour relever les défis de l'après 2002.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 juillet 2002)
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,
Je suis doublement heureux de me retrouver ici avec vous aujourd'hui au Guilvinec pour votre assemblée générale annuelle et je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre accueil.
Heureux tout d'abord de prendre part à vos travaux. Je sais le rôle stratégique que jouent les organisations de producteurs au sein de la filière pêche, au carrefour de la gestion de la ressource et du marché.
Heureux ensuite d'effectuer grâce à vous, mon premier déplacement sur le littoral en pays bigouden, haut lieu de la pêche artisanale française.
Votre intervention, Monsieur le Président, et celle de votre secrétaire général m'ont permis de constater que nous avions une large convergence de vues tant sur l'avenir de la Politique commune de la pêche que sur les évolutions de l'organisation du marché et donc sur la place et le rôle des organisations de producteurs.
Nous sommes à la veille d'une échéance majeure qui va nous conduire à réformer la Politique commune de la pêche. Il s'agit de définir le nouveau cadre réglementaire qui gouvernera aux destinées du secteur dans les dix années à venir.
Aussi, vous ne vous étonnerez pas que je consacre la première partie de mon propos (comme vous l'avez fait) à cet important dossier.
Les premières propositions de la Commission ont suscité de nombreuses réactions et je sais qu'elles provoquent beaucoup d'inquiétude dans le monde de la pêche.
Vous avez eu connaissance des positions que j'ai défendues lors de la réunion du Conseil des ministres le 11 juin dernier à Luxembourg.
Elles vont guider mon action dans les semaines et mois à venir au cours d'une négociation qui ne sera pas forcément facile, mais que j'aborde avec une totale détermination.
Personne ne conteste la nécessité d'une réforme de la Politique commune de la pêche ; mais quelle réforme ?
Celle qui nous est proposée est trop déséquilibrée ; elle est trop globalisante ; enfin, elle complexifie, à outrance, là où il faudrait simplifier.
Le déséquilibre tient au fait que la Commission ne prend pas suffisamment en compte la dimension économique, sociale et territoriale de la pêche. Cette activité, par son ancrage littoral et l'éventail des activités induites, constitue un vecteur d'équilibre essentiel dans l'animation du tissu social littoral, dont je mesure tout l'intérêt en matière d'aménagement du territoire. La pêche artisanale participe, tout particulièrement, à cette vitalité du littoral, elle en est même un facteur d'attractivité indiscutable. Le projet de la Commission, et j'insiste sur ce terme, car c'est bien d'un projet qu'il s'agit, accorde, au nom du principe de précaution une priorité à la dimension écologique et environnementale. Il faut revenir à un meilleur équilibre, qui s'exprime autour d'une gestion durable de la ressource, préoccupation que partagent les pêcheurs, et du maintien d'une activité économique vivante et diversifiée. C'est tout à fait possible dans le cadre d'une approche différenciée, pragmatique et qui laisse de côté les visions idéologiques et uniformisantes.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos. Comme vous le savez, la Commission propose de banaliser et de généraliser, à la plupart des stocks halieutiques, la mise en place de plans pluriannuels de gestion.
Cette proposition n'est pas acceptable en l'état. Il faut rétablir une distinction entre les plans de restauration pour les stocks en difficulté et l'approche pluriannuelle pour la fixation des taux autorisés de capture et quotas, qui exclut la notion de plan global.
De la même façon, la Commission voudrait, toujours dans le cadre des plans de gestion, et pour un même stock, additionner les instruments de régulation : aux taux autorisés de capture et quotas se superposeraient la gestion de l'effort de pêche, voire les fermetures de zones en temps réel.
De grâce, simplifions. Ce n'est pas la juxtaposition de mesures qui rendra la Politique commune de la pêche plus efficace, mais bien une bonne gestion et donc une bonne application des instruments fondamentaux que sont les taux autorisés de capture et quotas, assortis des mesures techniques pertinentes.
Bien entendu, il est exclu que le Conseil abandonne, sur des sujets aussi importants que la gestion de la ressource, ses pouvoirs au profit de la Commission. J'ai dit très clairement lors du dernier Conseil que, dans ce domaine, les décisions sont politiques. Une très large majorité de mes collègues a exprimé le même point de vue.
S'agissant de la flotte, la suppression pure et simple, dès le 1er janvier 2003, des aides à la construction et à la modernisation des navires, telle qu'elle nous est proposée, est révélatrice d'une approche d'abord idéologique étayée par une argumentation largement contestable.
Les aides publiques ne sont pas, contrairement à l'argument avancé, responsables de la surcapacité. La preuve en est qu'il n'y a pas plus de surcapacité dans les Etats membres, qui ont un régime d'aide, que dans ceux qui n'en ont pas. Elles ne sont pas, au demeurant, un facteur de distorsion de concurrence, contrairement à ce qui est parfois avancé, dès lors que l'accès à la ressource est régulé par la stabilité relative et que nous avons affaire à un marché largement déficitaire pour lequel la formation des prix est largement indépendante de la concurrence intra-communautaire.
L'accompagnement financier public pour la rénovation des navires est, par contre, l'élément indispensable au maintien d'une flotte de pêche moderne, sûre, économiquement viable, diversifiée et répartie harmonieusement sur notre littoral. Il en va, évidemment, de la compétitivité des entreprises de pêche, mais également de la sécurité des hommes et du confort des équipages, conditions essentielles à l'attractivité du métier auprès des jeunes, qui seront nos entrepreneurs de demain. Je ne désespère pas de faire entendre raison à la Commission, et à ceux de nos partenaires qui la soutienne, sur ce point fondamental. J'ai, d'ailleurs, tenu, à l'occasion de mon passage au Guilvinec, à embarquer, quelques heures, sur l'un de vos navires, qui navigue vaillamment malgré un âge vénérable de trente ans. Je tenais à me rendre compte personnellement de vos conditions de travail quotidiennes et des risques auxquels vous êtes exposés, faute de disposer de navires suffisamment récents.
Ces appréciations, pour le moins critiques, ne doivent pas être comprises comme un réquisitoire sans appel. Il y a aussi, dans le projet de la Commission, des orientations, qui vont dans le sens de nos propres préoccupations.
Les règles d'accès à la ressource avec le maintien du régime des 6/12 miles, la recherche d'une plus grande efficacité et d'une meilleure équité du contrôle, la volonté de promouvoir une meilleure gouvernance au travers d'une plus grande implication des pêcheurs dans le processus de décision, l'amélioration du contenu et de l'utilisation des avis scientifiques pour l'évaluation des stocks halieutiques, sont autant de propositions, qui vont dans le bon sens.
La réaffirmation du principe de stabilité relative est également un élément positif, même si nous devons rester vigilants sur l'évolution des clés de répartition des possibilités de captures entre Etats membres. Il n'est pas question, et je l'ai dit au Conseil, de modifier les clés de répartition historiques existantes.
Vous le voyez, nous avons du pain sur la planche. La négociation ne fait que commencer. Elle sera vraisemblablement longue et difficile. Je compte la mener avec un souci permanent de transparence et de concertation avec vous. Comme je l'ai dit au Commissaire FISCHLER, il faut que cette réforme se fasse avec les pêcheurs et non pas contre eux.
Avant d'en venir au rôle et aux missions des organisations de producteurs, je voudrais encore aborder deux sujets.
Le premier concerne la mise sous taux autorisés de capture et quotas des espèces profondes. C'est enfin chose faite puisqu'un accord est intervenu en ce sens lors du Conseil du 11 juin. Cet accord est largement favorable aux intérêts français ; il consolide nos références à des niveaux très satisfaisants tout en laissant à nos armements des marges de développement dans les eaux internationales.
Le deuxième a trait aux plans de restauration des stocks de cabillaud et de merlu. Les propositions de la Commission, en ce domaine également, sont loin de faire l'unanimité. Le mécanisme, qui nous est proposé pour la fixation des taux autorisés de capture, et la mise en place d'un système de gestion de l'effort de pêche d'une rare complexité posent à l'évidence de sérieux problèmes. Il faut en revenir à des dispositifs simples et efficaces. Je me réjouis, à cet égard, des initiatives prises par les professionnels et soutenues par les pouvoirs publics pour expérimenter des engins de pêche plus sélectifs. Il y a là une vraie voie pour répondre à la préservation des juvéniles, tout en maintenant une activité - celle de la pêche à la langoustine - qui est vitale pour les ports de la façade Atlantique.
Dans la négociation, qui va se poursuivre dans les mois à venir, je souhaite que vous puissiez, comme vous l'avez fait par le passé, nous apporter votre concours grâce à la connaissance très fine que vous avez des métiers. Mais nous serons d'autant plus écoutés et entendus à Bruxelles que nous saurons faire preuve de sérieux dans l'application d'un certain nombre de dispositions existantes. Je pense, en disant cela, au respect des tailles minimales de captures (sujet pour lequel nous avons quelques difficultés avec les instances communautaires) ou à la remise des log-books indispensables à une bonne gestion de la ressource.
Et les organisations de producteurs dans tout cela me direz-vous ? Je ne vous surprendrai pas en vous disant que leur rôle est très important et surtout qu'il est appelé encore à se développer.
Il y a un large consensus en France pour dire que les taux autorisés de capture et les quotas doivent être le principal instrument de régulation de l'accès à la ressource.
Ceci suppose que ceux-ci soient d'abord correctement établis et bien négociés. C'est de la responsabilité des pouvoirs publics. De même qu'il est de la responsabilité des pouvoirs publics de répartir les quotas entre organisations de producteurs. Vous noterez que, d'année en année, cette répartition se fait dans des conditions sans cesse améliorées. Enfin, il est toujours de la responsabilité des pouvoirs publics de contrôler le respect des quotas au niveau national et des sous quotas au niveau des organisations de producteurs.
Il appartient, par contre, aux organisations de producteurs de gérer, au plus près, les sous quotas qui leurs sont attribués.
Ce n'est pas un exercice facile ; dès lors que nous avons affaire à des captures, par nature, fluctuantes. Mais dans un contexte de raréfaction de la ressource, il est essentiel d'optimiser la gestion des sous quotas si l'on veut éviter des fermetures prématurées et assurer une valorisation, sans cesse meilleure, du produit de la pêche.
Les plans de gestion des sous quotas, tels qu'ils découlent de la loi d'orientation pêche et de ses décrets d'application, sont là pour vous y aider au travers d'un suivi fin des débarquements, voire de la limitation des apports ou de leur étalement.
Une bonne gestion des droits de pêche est indissociable d'une bonne organisation de la mise en marché.
Le nouvel instrument, créé par l'Organisation commune du marché récemment réformée, que constituent les programmes opérationnels de campagne de pêche, permet de répondre partiellement à cette problématique en définissant à l'avance un plan de capture, une stratégie de commercialisation et des mesures préventives pour les espèces dont la commercialisation connaît habituellement des difficultés. En outre, en cas de changements importants et imprévus sur le marché en cours de campagne, les programmes opérationnels peuvent être adaptés.
Je me félicite de la façon dont ces programmes opérationnels ont été établis et mis en uvre pour la deuxième année consécutive grâce à la compétence apportée par les structures de la FEDOPA. Tous les programmes opérationnels présentés par les organisations de producteurs ont été approuvés après un examen approfondi par l'OFIMER. Globalement, grâce à ces programmes, ce sont plus de 2 millions d'euros d'aides que les organisations de producteurs françaises vont percevoir.
Si la gestion rapprochée des sous quotas, l'organisation de la commercialisation sont fondamentales pour une bonne valorisation de la production, les organisations de producteurs peuvent et doivent aller encore plus loin pour répondre aux attentes du consommateur. Il s'agit de développer des démarches de qualité. Les organisations membres de la FEDOPA se sont déjà beaucoup impliquées dans ces démarches ; soit seules, je pense en particulier à ARPEVIE, qui a déjà sollicité et obtenu une reconnaissance spécifique au titre d'un plan d'amélioration de la qualité ; soit au travers de structures dédiées à cet effet, telles que Normapêche ou Normandie Fraîcheur Mer. Je ne peux que vous féliciter et vous encourager à poursuivre dans cette voie.
Les nouvelles exigences, en matière de traçabilité du produit, procèdent du même objectif. Je fonde de grands espoirs sur le profit que pourra retirer à terme la filière de la superposition de ces deux instruments de l'Organisation commune de marché que constituent l'obligation d'information du consommateur, entrée en vigueur au 1er janvier de cette année, et les plans d'amélioration de la qualité.
Votre position d'interface entre le marché et le producteur, la connaissance intime des tissus de consommation, que vous pouvez encore renforcer au travers de l'expertise de l'OFIMER, vous placent en position de relever le défi de la gestion d'une ressource limitée dans un marché ouvert pour satisfaire un consommateur exigeant. Votre efficacité participera à la consolidation du revenu du pêcheur et plus globalement à celui de l'ensemble de la filière.
A cet égard, je pense que lorsque la nouvelle Politique commune de la pêche aura vu le jour, nous devrons aller plus loin et réfléchir ensemble à une approche plus fine des missions des organisations de producteurs, notamment au regard de la consommation des quotas et des besoins du marché.
Nous devrons y revenir parce qu'en dépit de profondes modifications, le projet de réforme présenté par la Commission ne laisse aucune place au marché, lequel est pourtant la finalité de l'action de pêche et le troisième volet du triptyque institutionnel formé avec la ressource et la politique des structures.
En termes nautiques, je résumerai mon propos en disant que les organisations de producteurs doivent entrer dans le domaine du pilotage actif de leurs adhérents, le regard tourné vers le cap du marché.
Plus que jamais la pêche française a besoin d'organisations de producteurs fortes, ouvertes, tournées vers l'avenir et prêtes à prendre de nouvelles responsabilités. Je sais, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, que vous en êtes convaincus. Aussi, je fais confiance à votre dynamisme et à votre capacité d'adaptation pour relever les défis de l'après 2002.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 juillet 2002)