Texte intégral
DISCOURS DE MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE
29 juillet 1998 - Publication du rapport du professeur GOT relatif à la gestion du risque et des problèmes de santé publique posé par l'amiante
Je souhaite maintenant évoquer les principales mesures que j 'entends prendre en ce qui concerne l'ensemble des victimes de maladies professionnelles et plus spécifiquement celles de l'amiante.
Les réformes que je souhaite engager, dans les mois qui viennent, après consultation de nos partenaires, reposent sur l'amélioration du dénombrement de ces maladies. sur la volonté d'aplanir les difficultés que rencontrent les victimes pour faire reconnaître leur maladie comme professionnelle et sur la recherche d'une indemnisation plus juste.
Les statistiques de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés se bornent à l'heure actuelle à des données directement liées à la gestion des risques : nombre des maladies professionnelles reconnues et montant des indemnisations versées. Elles ne comportent aucun élément ni a fortiori d'analyse sur les déclarations, les taux de rejet et leur cause qui peut être, soit administrative, soit médicale. C'est de ce fait un handicap important à la conduite de politique de prévention en matière de maladies professionnelles.
Il a donc été demandé à la CNAMTS de mettre en place un appareil statistique plus performant.
Il convient également d'aplanir, pour les victimes, les difficultés de reconnaissance des maladies professionnelles : les victimes mettent en avant les lenteurs de la procédure et la mauvaise qualité des enquêtes. Elles ont, en outre, le sentiment d'être suspectées de fausses déclarations.
La Caisse nationale, consciente de ces difficultés, a établi une charte des procédures pour améliorer l'instruction des dossiers : il s'agit de renforcer la formation des agents chargés des enquêtes, d'organiser au sein de l'institution des relations plus étroites entre les différents services et le contrôle médical, de créer les liaisons entre les caisses primaires et les services de prévention des caisses régionales, afin de faciliter la recherche des éléments susceptibles de contribuer à la qualité de l'enquête.
En outre, la réglementation porte en elle-même des facteurs de lenteurs dans l'instruction des dossiers -. en effet, les caisses de sécurité sociale ont la possibilité de contester, dès le dépôt d'une demande de reconnaissance, le caractère professionnel d'une maladie ; elle doit en informer par écrit la victime et l'employeur dans un délai de 60 jours. A défaut de contestation dans ces délais, le caractère professionnel de la maladie est considéré comme établi. Mais les caisses utilisent quasi systématiquement cette possibilité de contestation préalable. Dès lors, elles ne sont plus tenues par aucun délai. Cette procédure est, de ce fait, une des principales causes de la lenteur d'instruction des dossiers. Il s'agit donc d'encadrer dans des délais raisonnables la réponse des caisses à une demande de reconnaissance et de réparation des maladies professionnelles. Dans le projet de décret que mes services ont préparé, il est question de fixer ces délais à trois mois, le cas échéant renouvelables, en cas d'enquête particulièrement complexe.
La recherche d'une indemnisation plus juste, quant à elle, passe tout d'abord par la définition plus précise- de l'incapacité permanente.
En cas d'incapacité permanente, la victime a droit à une rente viagère. La rente est calculée en fonction du salaire antérieur et d'un taux d'incapacité permanente. Ce taux est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge de la victime, etc. compte tenu d'un barème d'invalidité. Mais ce barème est facultatif contrairement au barème en vigueur pour les accidents du travail : il n'est donc pas opposable aux caisses par les victimes et trop souvent il en est pas fait application.
Le moment est donc venu d'officialiser le barème d'invalidité des maladies professionnelles, jusqu'à présent officieux, afin de le rendre opposable, et de mettre à l'étude son actualisation, après saisine, dans les prochains jours du Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale.
Je souhaite également revoir les règles de prescription des droits de la victime. En effet, la prescription qui éteint les droits de la victime (ou de ses avants droit) aux prestations et indemnités de la branche accidents du travail et maladies professionnelles est actuellement de deux ans à compter de la date de première constatation de la maladie. Passé ce délai la victime ne peut plus être prise en charge au titre des maladies professionnelles. Pour des maladies dont le délai de latence est important ou dont l'étiologie est complexe, ce délai de deux ans est fréquemment dépassé. Par ailleurs, les malades sont souvent trop tardivement informés de l'origine professionnelle de leur maladie.
Afin que ces patients ne soient plus pénalisés, la date retenue comme point de départ de la prescription sera celle de la première constatation de l'origine professionnelle de la maladie et non plus la date de la première constatation de la maladie elle-même. Une mesure législative sera proposée en ce sens.
La réforme de la réparation des pneumoconioses (celles-ci incluent les maladies dues à l'amiante) doit enfin permettre l'indemnisation de ces maladies selon le droit commun de la réparation des maladies professionnelles, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Seules les manifestations sévères de pneumocomioses sont indemnisées par la branche "accidents du travail - maladies professionnelles". Dans les autres cas, l'indemnisation est celle, moins avantageuse, de l'assurance maladie.
Toutes les dispositions dérogatoires au droit commun aujourd'hui applicables aux pneumoconioses seront supprimées ou modifiées. Il s'agit des articles D 461-5 à D 461-24 du code de la sécurité sociale, Les textes réglementaires sont prêts et doivent être soumis à la CNAMTS. Les modifications de tableaux qui en résulteront seront soumises pour avis à la commission spécialisée du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Enfin, je souhaite soumettre à une expertise complémentaire des dispositions relatives à une meilleure prise en compte des situations individuelles. Le rapport du professeur GOT qui s'éloigne d'une mesure générale d'indemnisation des travailleurs de l'amiante recommande de rouvrir les dossiers des victimes dont les demandes de reconnaissance au titre des maladies professionnelles ont été rejetées au cours des dernières années. Il s'agirait de leur appliquer les nouvelles procédures que je viens de définir.
Il propose également de permettre aux personnes qui ont travaillé directement dans les entreprises de manufacturation de l'amiante ainsi qu'aux personnes dont l'exposition à l'amiante est à l'origine d'une maladie professionnelle, de bénéficier d'une cessation anticipée d'activité.
Cette expertise complémentaire sera confiée à l'IGAS et constituera la base de la concertation qui doit s'engager avec nos partenaires.
Je n'ai pas attendu ce jour pour affirmer ma détermination à répondre avec la plus grande justice à ces problèmes et à poursuivre toute réflexion permettant de mieux cerner la réalité des expositions aux risques professionnels. La réforme est en route.
INTERVENTION DE M. BERNARD KOUCHNER SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA SANTÉ
29 juillet 1998 - Présentation du rapport du professeur GOT relatif à la gestion du risque et des problèmes de santé publique posé par l'amiante
Mesdames, Messieurs,
I - OBJECTIFS DE LA MISSION DE Claude GOT
La décision d'interdire l'utilisation de l'amiante en France est intervenue le 3 juillet 1996, à la suite du rapport de l'expertise collective de l'INSERM sur l'amiante. Elle a été mise en oeuvre le ler janvier 1997.
En effet, le danger de l'amiante, soupçonné depuis les années 30 et classée comme cancérogène par l'OMS en 1977, est celui de l'inhalation des fibres. Il s'agit donc essentiellement des atteintes pulmonaires ou plurales. L'expertise collective de l'INSERM a ainsi estimé que l'exposition à l'amiante dans notre pays était responsable de 2 000 décès par an et il faut rappeler que l'incidence des mésothéliomes est en augmentation de + 25 % tous les trois ans.
Outre l'interdiction de l'utilisation, de l'amiante, la réglementation visant à protéger la santé des populations est récente. Un décret pris le février 1996 a imposé l'inventaire de tous les immeubles bâtis à usage collectif afin d'identifier la présence d'amiante et, plus particulièrement, dans l'habitat et dans les lieux de travail.
Nous avons étendu à l'automne dernier cet inventaire à d'autres catégories de produits, les faux plafonds, susceptibles de contenir de l'amiante.
Compte tenu de la diffusion très large de l'amiante, la gestion de ce risque est devant nous, et pour de nombreuses années encore, dans toute sa complexité mais surtout dans la durée. C'est pourquoi., nous avons confié au Pr Claude GOT en décembre dernier une mission sur "la gestion du risque et les problèmes de Santé Publique posés par l'amiante".
Car nous devons être à l'écoute des problèmes posés, qu'il s'agisse de ceux des professionnels, des organisations syndicales ou des associations.
En effet, devant la complexité de ce problème, nous avons estimé nécessaire que les décisions déjà prises soient évaluées, et qu'une expertise complémentaire, à partir d'une analyse précise des risques et des moyens d'y faire face, puisse déterminer si d'autres mesures devaient être prises.
D'autres rapports, celui de M. Jean-Yves LE DEAUT pour l'Office Parlementaire. des choix scientifiques et technologiques. ou celui de la commission présidée par M. DENIEL ont mis en évidence la nécessité d'améliorer le dispositif réglementaire, en particulier celui concernant les maladies professionnelles :
Qu'il s'agisse de la sous déclaration: alors que certaines maladies sont liées essentiellement à l'amiante (cas des mésothéliomes), la commission Deniel a mis en évidence un écart important entre le nombre de maladies constatées et le nombre de maladies professionnelles déclarées à ce titre.
Qu'il s agisse également de la difficulté pour la victime a franchir les obstacles menant à la reconnaissance professionnelle de la maladie.
Le Pr GOT avait donc pour mission :
1- D'évaluer si les mesures prises étaient adaptées à l'évolution des connaissances.
2- De dresser un inventaire des difficultés rencontrées pour l'application des textes en vigueur.
3- De faire des propositions concrètes visant à améliorer :
- La prévention du risque et l'information concernant le risque lié à l'amiante.
- Les procédures de reconnaissances de l'origine professionnelle des maladies liées à l'amiante.
II - LA METHODE
Avant d'en venir au rapport proprement dit, il est important de souligner la méthode suivie. En effet, un des objectifs de cette mission est d'accroître l'information et la sensibilisation des différents acteurs concernés par le risque lié à l'amiante : les professionnels, mais aussi le grand public.
La démarche du Pr Claude GOT, qui, conformément à la lettre de mission, a réussi a bâtir un outil d'échange d'information, de consultation et de proposition à partir du site INTERNET du ministère est nouvelle, utile, particulièrement adaptée aux problèmes complexes posés par l'amiante. Cette démarche innovante répond a plusieurs impératifs :
- faciliter l'accès aux connaissances aux différents textes de références, en particulier réglementaires, de manière simple et rapide.
- ouvrir la possibilité d'interroger, de faire des remarques et des propositions.
Cette démarche a permis un véritable dialogue conduisant, pour reprendre une expression du Pr GOT, à "l'analyse exhaustive des questions pertinentes justifiant une réponse argumentée".
C'est une dimension importante du travail réalisé par Claude GOT au cours de ces derniers mois, et cette démarche de participation, de transparence concernant la prise de décision en matière de Santé Publique nous apparaît exemplaire.
III - LE RAPPORT DU PR CLAUDE GOT
Le travail du Pr GOT comprend, outre la constitution d'un site Internet, un rapport rendu public aujourd'hui, composé de deux parties :
1) Une analyse de la situation et des principales orientations en matière de prévention du risque et de réparation.
2) Une quarantaine de propositions qui concernent
- le repérage de l'amiante dans les bâtiments, le contrôle,
- la sécurité des travailleurs,
- la reconnaissance au titre des maladies professionnelles et la réparation.
Comme l'indique le Pr GOT, "l'exposition à l'amiante ne peut être considérée comme un risque homogène dans le temps" et il identifie "cinq groupes différents" au cours des 40 dernières années
1) Les personnels impliqués dans la manufacture de produits contenant de l'amiante avant 1977 (date de la valeur limitée d'empoussièrement en milieu
professionnel) : (risque maximum).
2) Les personnels impliqués dans la manipulation de l'amiante (par exemple concernant le flocage qui a pris fin en 1978) : (risque très élevé).
3) Les personnels des entreprises d'enlèvement de l'amiante, pour lesquels la règlementation de 1996, si elle est correctement appliquée, permet de
prévenir le risque.
4) Les travailleurs du bâtiment (électriciens, plombiers, ...) susceptibles d'intervenir sur des matériaux contenant de l'amiante.
Ce groupe est exposé à un risque beaucoup plus faible, mais les effectifs sont "100 fois plus importants (1,4 million de personnes). Or c'est ce groupe dans lequel désormais survient la majorité des pathologies tumorales produites par l'amiante. C est là également où différentes propositions doivent améliorer et réduire au "minimum techniquement possible" les expositions à l'amiante.
5) Le public pour lequel la pollution "environnementale" peut être maîtrisée par
une application correcte des réglementations de 1996.
Le problème de l'amiante concerne donc deux situations :
1) La prévention du risque présent et futur : qui repose sur une bonne application des décrets de 1996 (santé et travail), l'information et le contrôle.
2) La question de la réparation qui porte essentiellement sur des expositions qui, compte tenu du temps de latence (30 ans), vont conduire à l'apparition de cancers- broncho-pulmonaires et de mésothéliomes au cours des prochaines
années.
Nous vous laisserons prendre connaissance de l'intégralité du rapport. Mais il nous paraît important de souligner quelques unes des propositions formulées :
1 - Des propositions qui visent à améliorer la gestion du risque sanitaire : connaissance, prévention, contrôle.
Le Professeur GOT met l'accent sur l'enjeu que constitue la maîtrise effective de l'évaluation du risque. L'amélioration du système de reconnaissance d'amiante dans les bâtiments doit ainsi permettre de mieux assurer la protection des personnes réalisant des travaux, pour leur propre compte ou dans le cadre de leur activité professionnelle.
Nous retenons à cet égard la proposition d'une recherche obligatoire de l'amiante, quelle qu'en soit la forme, avant une opération de démolition ou de réhabilitation importante qui me parait de nature a faciliter la mise en oeuvre de la prévention nécessaire pour les travailleurs comme pour la population;
La mise à disposition de tout intervenant de l'information complète sur la présence d'amiante dans un bâtiment, l'élaboration de plans de gestion des immeubles, sont des dispositions qui sont en discussion avec les autres départements ministériels et qui m'apparaissent des dispositions utiles.
Ces différentes propositions concernent :
- l'amélioration de la qualité du repérage de l'amiante dans les bâtiments,
- la déclaration obligatoire de la, présence d'amiante dans chaque bâtiment, afin de disposer d'un registre permettant d'assurer un suivi effectif du risque et de, contrôle des mesures prises,
- le repérage exhaustif en cas de démolition ou de réhabilitation importante,
- la mise en place d'un plan de gestion dans les bâtiments où la présence d'amiante a été identifiée,
- l'amélioration de la mise à disposition de ces informations, notamment pour les professionnels du bâtiment ou de la maintenance susceptibles d'intervenir,
Leur mise en oeuvre nécessite des modifications des décrets de 1996. Elles seront prises d'ici le début de l'année 1999, après examen par la commission interministérielle pour la prévention et la protection contre les risques liés à l'amiante. Nous mettrons ainsi en place un système d'information permettant de connaître plus précisément l'état des immeubles par rapport au risque "amiante", de contrôler l'application effective de la réglementation, de protéger ceux qui interviennent sur les bâtiments.
Nous sommes également favorables à ce que la base de données EVALUTIL puisse être accessible aux professionnels. Cette base de données indique pour une activité donnée, le niveau d'empoussièrement auquel le travailleur est susceptible d'être exposé. Elle a été réalisée - à la demande du ministère et de la CNAMTS. Sa validation est en cours. Les résultats seront disponibles au mois de septembre prochain, et sa diffusion programmée dès l'année prochaine.
2- Une amélioration dé la médecine du travail :
Le rapport de Claude GOT préconise une amélioration substantielle de l'organisation de la médecine du travail en France. Il pointe d'ailleurs que la France est l'un des pays industrialisés où le nombre de médecins du travail rapporté au nombre de salariés est parmi les plus élevés. Il en résulte qu'il ne s'agit pas d'un problème "numérique" mais bien d'une insuffisance d'organisation et de clarification des missions.
C'est pourquoi des premières orientations ont été présentées le 3 juillet dernier lors du conseil supérieur de prévention des risques professionnels. Un plan d'action doit être défini, en concertation avec les partenaires sociaux au cours du 4ème trimestre 1998.
3 - Des propositions qui visent à simplifier les mécanismes de reconnaissance des maladies professionnelles.
A la suite du. rapport DENIEL, le rapport du Professeur GOT préconise une simplification des procédures de reconnaissance des maladies professionnelles et notamment :
- supprimer les procédures spécifiques aux pneumoconioses,
- redéfinir les délais de prescription des droits de la victime,
- supprimer certaines conditions restrictives dans la définition des affections imputables à l'amiante et adapter le barème d'invalidité.
La réforme est engagée et les mesures essentiellement réglementaires, mais parfois législatives, seront soumises à concertation à la rentrée pour être prises dans les prochains mois.
4 - Des propositions qui visent à mieux prendre en compte les dommages actuels liés à des expositions passées. A cet égard, le Professeur GOT préconise :
- que la réforme de la reconnaissance des maladies professionnelles permette de "réouvrir" des dossiers qui auraient pu être refusés sous la
réglementation actuelle,
- que des possibilités de pré-retraite soient accessibles aux personnes
particulièrement exposées par leur activité professionnelle.
La mise en oeuvre de cette dernière série de propositions nécessite une expertise approfondie et une discussion avec les partenaires sociaux. Nous y sommes favorables sur le principe et nous y travaillerons avec l'ensemble des partenaires concernés.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 25 septembre 2001)
29 juillet 1998 - Publication du rapport du professeur GOT relatif à la gestion du risque et des problèmes de santé publique posé par l'amiante
Je souhaite maintenant évoquer les principales mesures que j 'entends prendre en ce qui concerne l'ensemble des victimes de maladies professionnelles et plus spécifiquement celles de l'amiante.
Les réformes que je souhaite engager, dans les mois qui viennent, après consultation de nos partenaires, reposent sur l'amélioration du dénombrement de ces maladies. sur la volonté d'aplanir les difficultés que rencontrent les victimes pour faire reconnaître leur maladie comme professionnelle et sur la recherche d'une indemnisation plus juste.
Les statistiques de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés se bornent à l'heure actuelle à des données directement liées à la gestion des risques : nombre des maladies professionnelles reconnues et montant des indemnisations versées. Elles ne comportent aucun élément ni a fortiori d'analyse sur les déclarations, les taux de rejet et leur cause qui peut être, soit administrative, soit médicale. C'est de ce fait un handicap important à la conduite de politique de prévention en matière de maladies professionnelles.
Il a donc été demandé à la CNAMTS de mettre en place un appareil statistique plus performant.
Il convient également d'aplanir, pour les victimes, les difficultés de reconnaissance des maladies professionnelles : les victimes mettent en avant les lenteurs de la procédure et la mauvaise qualité des enquêtes. Elles ont, en outre, le sentiment d'être suspectées de fausses déclarations.
La Caisse nationale, consciente de ces difficultés, a établi une charte des procédures pour améliorer l'instruction des dossiers : il s'agit de renforcer la formation des agents chargés des enquêtes, d'organiser au sein de l'institution des relations plus étroites entre les différents services et le contrôle médical, de créer les liaisons entre les caisses primaires et les services de prévention des caisses régionales, afin de faciliter la recherche des éléments susceptibles de contribuer à la qualité de l'enquête.
En outre, la réglementation porte en elle-même des facteurs de lenteurs dans l'instruction des dossiers -. en effet, les caisses de sécurité sociale ont la possibilité de contester, dès le dépôt d'une demande de reconnaissance, le caractère professionnel d'une maladie ; elle doit en informer par écrit la victime et l'employeur dans un délai de 60 jours. A défaut de contestation dans ces délais, le caractère professionnel de la maladie est considéré comme établi. Mais les caisses utilisent quasi systématiquement cette possibilité de contestation préalable. Dès lors, elles ne sont plus tenues par aucun délai. Cette procédure est, de ce fait, une des principales causes de la lenteur d'instruction des dossiers. Il s'agit donc d'encadrer dans des délais raisonnables la réponse des caisses à une demande de reconnaissance et de réparation des maladies professionnelles. Dans le projet de décret que mes services ont préparé, il est question de fixer ces délais à trois mois, le cas échéant renouvelables, en cas d'enquête particulièrement complexe.
La recherche d'une indemnisation plus juste, quant à elle, passe tout d'abord par la définition plus précise- de l'incapacité permanente.
En cas d'incapacité permanente, la victime a droit à une rente viagère. La rente est calculée en fonction du salaire antérieur et d'un taux d'incapacité permanente. Ce taux est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge de la victime, etc. compte tenu d'un barème d'invalidité. Mais ce barème est facultatif contrairement au barème en vigueur pour les accidents du travail : il n'est donc pas opposable aux caisses par les victimes et trop souvent il en est pas fait application.
Le moment est donc venu d'officialiser le barème d'invalidité des maladies professionnelles, jusqu'à présent officieux, afin de le rendre opposable, et de mettre à l'étude son actualisation, après saisine, dans les prochains jours du Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale.
Je souhaite également revoir les règles de prescription des droits de la victime. En effet, la prescription qui éteint les droits de la victime (ou de ses avants droit) aux prestations et indemnités de la branche accidents du travail et maladies professionnelles est actuellement de deux ans à compter de la date de première constatation de la maladie. Passé ce délai la victime ne peut plus être prise en charge au titre des maladies professionnelles. Pour des maladies dont le délai de latence est important ou dont l'étiologie est complexe, ce délai de deux ans est fréquemment dépassé. Par ailleurs, les malades sont souvent trop tardivement informés de l'origine professionnelle de leur maladie.
Afin que ces patients ne soient plus pénalisés, la date retenue comme point de départ de la prescription sera celle de la première constatation de l'origine professionnelle de la maladie et non plus la date de la première constatation de la maladie elle-même. Une mesure législative sera proposée en ce sens.
La réforme de la réparation des pneumoconioses (celles-ci incluent les maladies dues à l'amiante) doit enfin permettre l'indemnisation de ces maladies selon le droit commun de la réparation des maladies professionnelles, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Seules les manifestations sévères de pneumocomioses sont indemnisées par la branche "accidents du travail - maladies professionnelles". Dans les autres cas, l'indemnisation est celle, moins avantageuse, de l'assurance maladie.
Toutes les dispositions dérogatoires au droit commun aujourd'hui applicables aux pneumoconioses seront supprimées ou modifiées. Il s'agit des articles D 461-5 à D 461-24 du code de la sécurité sociale, Les textes réglementaires sont prêts et doivent être soumis à la CNAMTS. Les modifications de tableaux qui en résulteront seront soumises pour avis à la commission spécialisée du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Enfin, je souhaite soumettre à une expertise complémentaire des dispositions relatives à une meilleure prise en compte des situations individuelles. Le rapport du professeur GOT qui s'éloigne d'une mesure générale d'indemnisation des travailleurs de l'amiante recommande de rouvrir les dossiers des victimes dont les demandes de reconnaissance au titre des maladies professionnelles ont été rejetées au cours des dernières années. Il s'agirait de leur appliquer les nouvelles procédures que je viens de définir.
Il propose également de permettre aux personnes qui ont travaillé directement dans les entreprises de manufacturation de l'amiante ainsi qu'aux personnes dont l'exposition à l'amiante est à l'origine d'une maladie professionnelle, de bénéficier d'une cessation anticipée d'activité.
Cette expertise complémentaire sera confiée à l'IGAS et constituera la base de la concertation qui doit s'engager avec nos partenaires.
Je n'ai pas attendu ce jour pour affirmer ma détermination à répondre avec la plus grande justice à ces problèmes et à poursuivre toute réflexion permettant de mieux cerner la réalité des expositions aux risques professionnels. La réforme est en route.
INTERVENTION DE M. BERNARD KOUCHNER SECRÉTAIRE D'ÉTAT A LA SANTÉ
29 juillet 1998 - Présentation du rapport du professeur GOT relatif à la gestion du risque et des problèmes de santé publique posé par l'amiante
Mesdames, Messieurs,
I - OBJECTIFS DE LA MISSION DE Claude GOT
La décision d'interdire l'utilisation de l'amiante en France est intervenue le 3 juillet 1996, à la suite du rapport de l'expertise collective de l'INSERM sur l'amiante. Elle a été mise en oeuvre le ler janvier 1997.
En effet, le danger de l'amiante, soupçonné depuis les années 30 et classée comme cancérogène par l'OMS en 1977, est celui de l'inhalation des fibres. Il s'agit donc essentiellement des atteintes pulmonaires ou plurales. L'expertise collective de l'INSERM a ainsi estimé que l'exposition à l'amiante dans notre pays était responsable de 2 000 décès par an et il faut rappeler que l'incidence des mésothéliomes est en augmentation de + 25 % tous les trois ans.
Outre l'interdiction de l'utilisation, de l'amiante, la réglementation visant à protéger la santé des populations est récente. Un décret pris le février 1996 a imposé l'inventaire de tous les immeubles bâtis à usage collectif afin d'identifier la présence d'amiante et, plus particulièrement, dans l'habitat et dans les lieux de travail.
Nous avons étendu à l'automne dernier cet inventaire à d'autres catégories de produits, les faux plafonds, susceptibles de contenir de l'amiante.
Compte tenu de la diffusion très large de l'amiante, la gestion de ce risque est devant nous, et pour de nombreuses années encore, dans toute sa complexité mais surtout dans la durée. C'est pourquoi., nous avons confié au Pr Claude GOT en décembre dernier une mission sur "la gestion du risque et les problèmes de Santé Publique posés par l'amiante".
Car nous devons être à l'écoute des problèmes posés, qu'il s'agisse de ceux des professionnels, des organisations syndicales ou des associations.
En effet, devant la complexité de ce problème, nous avons estimé nécessaire que les décisions déjà prises soient évaluées, et qu'une expertise complémentaire, à partir d'une analyse précise des risques et des moyens d'y faire face, puisse déterminer si d'autres mesures devaient être prises.
D'autres rapports, celui de M. Jean-Yves LE DEAUT pour l'Office Parlementaire. des choix scientifiques et technologiques. ou celui de la commission présidée par M. DENIEL ont mis en évidence la nécessité d'améliorer le dispositif réglementaire, en particulier celui concernant les maladies professionnelles :
Qu'il s'agisse de la sous déclaration: alors que certaines maladies sont liées essentiellement à l'amiante (cas des mésothéliomes), la commission Deniel a mis en évidence un écart important entre le nombre de maladies constatées et le nombre de maladies professionnelles déclarées à ce titre.
Qu'il s agisse également de la difficulté pour la victime a franchir les obstacles menant à la reconnaissance professionnelle de la maladie.
Le Pr GOT avait donc pour mission :
1- D'évaluer si les mesures prises étaient adaptées à l'évolution des connaissances.
2- De dresser un inventaire des difficultés rencontrées pour l'application des textes en vigueur.
3- De faire des propositions concrètes visant à améliorer :
- La prévention du risque et l'information concernant le risque lié à l'amiante.
- Les procédures de reconnaissances de l'origine professionnelle des maladies liées à l'amiante.
II - LA METHODE
Avant d'en venir au rapport proprement dit, il est important de souligner la méthode suivie. En effet, un des objectifs de cette mission est d'accroître l'information et la sensibilisation des différents acteurs concernés par le risque lié à l'amiante : les professionnels, mais aussi le grand public.
La démarche du Pr Claude GOT, qui, conformément à la lettre de mission, a réussi a bâtir un outil d'échange d'information, de consultation et de proposition à partir du site INTERNET du ministère est nouvelle, utile, particulièrement adaptée aux problèmes complexes posés par l'amiante. Cette démarche innovante répond a plusieurs impératifs :
- faciliter l'accès aux connaissances aux différents textes de références, en particulier réglementaires, de manière simple et rapide.
- ouvrir la possibilité d'interroger, de faire des remarques et des propositions.
Cette démarche a permis un véritable dialogue conduisant, pour reprendre une expression du Pr GOT, à "l'analyse exhaustive des questions pertinentes justifiant une réponse argumentée".
C'est une dimension importante du travail réalisé par Claude GOT au cours de ces derniers mois, et cette démarche de participation, de transparence concernant la prise de décision en matière de Santé Publique nous apparaît exemplaire.
III - LE RAPPORT DU PR CLAUDE GOT
Le travail du Pr GOT comprend, outre la constitution d'un site Internet, un rapport rendu public aujourd'hui, composé de deux parties :
1) Une analyse de la situation et des principales orientations en matière de prévention du risque et de réparation.
2) Une quarantaine de propositions qui concernent
- le repérage de l'amiante dans les bâtiments, le contrôle,
- la sécurité des travailleurs,
- la reconnaissance au titre des maladies professionnelles et la réparation.
Comme l'indique le Pr GOT, "l'exposition à l'amiante ne peut être considérée comme un risque homogène dans le temps" et il identifie "cinq groupes différents" au cours des 40 dernières années
1) Les personnels impliqués dans la manufacture de produits contenant de l'amiante avant 1977 (date de la valeur limitée d'empoussièrement en milieu
professionnel) : (risque maximum).
2) Les personnels impliqués dans la manipulation de l'amiante (par exemple concernant le flocage qui a pris fin en 1978) : (risque très élevé).
3) Les personnels des entreprises d'enlèvement de l'amiante, pour lesquels la règlementation de 1996, si elle est correctement appliquée, permet de
prévenir le risque.
4) Les travailleurs du bâtiment (électriciens, plombiers, ...) susceptibles d'intervenir sur des matériaux contenant de l'amiante.
Ce groupe est exposé à un risque beaucoup plus faible, mais les effectifs sont "100 fois plus importants (1,4 million de personnes). Or c'est ce groupe dans lequel désormais survient la majorité des pathologies tumorales produites par l'amiante. C est là également où différentes propositions doivent améliorer et réduire au "minimum techniquement possible" les expositions à l'amiante.
5) Le public pour lequel la pollution "environnementale" peut être maîtrisée par
une application correcte des réglementations de 1996.
Le problème de l'amiante concerne donc deux situations :
1) La prévention du risque présent et futur : qui repose sur une bonne application des décrets de 1996 (santé et travail), l'information et le contrôle.
2) La question de la réparation qui porte essentiellement sur des expositions qui, compte tenu du temps de latence (30 ans), vont conduire à l'apparition de cancers- broncho-pulmonaires et de mésothéliomes au cours des prochaines
années.
Nous vous laisserons prendre connaissance de l'intégralité du rapport. Mais il nous paraît important de souligner quelques unes des propositions formulées :
1 - Des propositions qui visent à améliorer la gestion du risque sanitaire : connaissance, prévention, contrôle.
Le Professeur GOT met l'accent sur l'enjeu que constitue la maîtrise effective de l'évaluation du risque. L'amélioration du système de reconnaissance d'amiante dans les bâtiments doit ainsi permettre de mieux assurer la protection des personnes réalisant des travaux, pour leur propre compte ou dans le cadre de leur activité professionnelle.
Nous retenons à cet égard la proposition d'une recherche obligatoire de l'amiante, quelle qu'en soit la forme, avant une opération de démolition ou de réhabilitation importante qui me parait de nature a faciliter la mise en oeuvre de la prévention nécessaire pour les travailleurs comme pour la population;
La mise à disposition de tout intervenant de l'information complète sur la présence d'amiante dans un bâtiment, l'élaboration de plans de gestion des immeubles, sont des dispositions qui sont en discussion avec les autres départements ministériels et qui m'apparaissent des dispositions utiles.
Ces différentes propositions concernent :
- l'amélioration de la qualité du repérage de l'amiante dans les bâtiments,
- la déclaration obligatoire de la, présence d'amiante dans chaque bâtiment, afin de disposer d'un registre permettant d'assurer un suivi effectif du risque et de, contrôle des mesures prises,
- le repérage exhaustif en cas de démolition ou de réhabilitation importante,
- la mise en place d'un plan de gestion dans les bâtiments où la présence d'amiante a été identifiée,
- l'amélioration de la mise à disposition de ces informations, notamment pour les professionnels du bâtiment ou de la maintenance susceptibles d'intervenir,
Leur mise en oeuvre nécessite des modifications des décrets de 1996. Elles seront prises d'ici le début de l'année 1999, après examen par la commission interministérielle pour la prévention et la protection contre les risques liés à l'amiante. Nous mettrons ainsi en place un système d'information permettant de connaître plus précisément l'état des immeubles par rapport au risque "amiante", de contrôler l'application effective de la réglementation, de protéger ceux qui interviennent sur les bâtiments.
Nous sommes également favorables à ce que la base de données EVALUTIL puisse être accessible aux professionnels. Cette base de données indique pour une activité donnée, le niveau d'empoussièrement auquel le travailleur est susceptible d'être exposé. Elle a été réalisée - à la demande du ministère et de la CNAMTS. Sa validation est en cours. Les résultats seront disponibles au mois de septembre prochain, et sa diffusion programmée dès l'année prochaine.
2- Une amélioration dé la médecine du travail :
Le rapport de Claude GOT préconise une amélioration substantielle de l'organisation de la médecine du travail en France. Il pointe d'ailleurs que la France est l'un des pays industrialisés où le nombre de médecins du travail rapporté au nombre de salariés est parmi les plus élevés. Il en résulte qu'il ne s'agit pas d'un problème "numérique" mais bien d'une insuffisance d'organisation et de clarification des missions.
C'est pourquoi des premières orientations ont été présentées le 3 juillet dernier lors du conseil supérieur de prévention des risques professionnels. Un plan d'action doit être défini, en concertation avec les partenaires sociaux au cours du 4ème trimestre 1998.
3 - Des propositions qui visent à simplifier les mécanismes de reconnaissance des maladies professionnelles.
A la suite du. rapport DENIEL, le rapport du Professeur GOT préconise une simplification des procédures de reconnaissance des maladies professionnelles et notamment :
- supprimer les procédures spécifiques aux pneumoconioses,
- redéfinir les délais de prescription des droits de la victime,
- supprimer certaines conditions restrictives dans la définition des affections imputables à l'amiante et adapter le barème d'invalidité.
La réforme est engagée et les mesures essentiellement réglementaires, mais parfois législatives, seront soumises à concertation à la rentrée pour être prises dans les prochains mois.
4 - Des propositions qui visent à mieux prendre en compte les dommages actuels liés à des expositions passées. A cet égard, le Professeur GOT préconise :
- que la réforme de la reconnaissance des maladies professionnelles permette de "réouvrir" des dossiers qui auraient pu être refusés sous la
réglementation actuelle,
- que des possibilités de pré-retraite soient accessibles aux personnes
particulièrement exposées par leur activité professionnelle.
La mise en oeuvre de cette dernière série de propositions nécessite une expertise approfondie et une discussion avec les partenaires sociaux. Nous y sommes favorables sur le principe et nous y travaillerons avec l'ensemble des partenaires concernés.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 25 septembre 2001)