Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur le contenu de l'accord franco-allemand lié au financement de l'élargissement et notamment de la PAC, l'Irak, la prise d'otages à Moscou, Bruxelles le 24 octobre 2002.

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Circonstance : Réunion du Conseil européen à Bruxelles les 24 et 25 octobre 2002 : rencontre franco-allemande dans le cadre du processus de Blaesheim le 24

Texte intégral

L'entretien entre le président de la République et le chancelier allemand qui s'est tenu cet après-midi a permis de trouver les bases d'un accord entre nous. Il permet d'ouvrir ce Conseil européen de Bruxelles sous les meilleurs auspices.
Grâce au dialogue et à l'entente franco-allemande, nous sommes heureux d'avoir apporté notre contribution à ce Conseil européen. La présidence danoise a été aussitôt informée de notre proposition commune. Nous allons ce soir exposer cette proposition à nos partenaires, j'ai bon espoir que, sur cette base, nous pourrons présenter aux pays candidats la position commune de l'Union selon le calendrier qui a été prévu. C'est l'élément dont nous avions besoin pour conclure les négociations d'élargissement en décembre à Copenhague.
Je sais combien ce Conseil européen est important et suivi avec beaucoup d'attention par les gouvernements et les peuples des pays candidats qui attendent avec impatience ce grand rendez-vous. Ce soir, l'Allemagne et la France ont su répondre à leur attente.
Alors, quel est le contenu de cet accord ?
La position commune de l'Union sur les aides directes agricoles comprendra, comme le propose la Commission, un versement progressif aux nouveaux membres de ces aides à partir de l'adhésion, et ce jusqu'en 2013.
A compter de 2007, la France et l'Allemagne sont d'accord pour stabiliser les dépenses agricoles en euros constants et ce, au niveau atteint en 2006 à 25. Lorsque je parle de dépenses agricoles, je veux dire les dépenses de marché et les aides directes sans intégrer le développement rural. Concrètement, cela signifie que l'on part du plafond de Berlin prévu en 2006 pour les Quinze, on y ajoute le plafond qui sera fixé pour les dix nouveaux états membres sur l'année 2006 et chaque année, on prendra bien sûr en compte l'inflation. Des modalités particulières seront prévues pour financer les dépenses agricoles liées à la future adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Les autres dépenses de l'Union, après 2006, devront également faire l'objet d'une maîtrise budgétaire, cela concerne les fonds structurels et les compensations de toutes natures. La France et l'Allemagne sont d'accord pour maintenir la Politique agricole commune inchangée jusqu'en 2006, conformément à ce qui a été décidé à Berlin en 1999. L'effort doit donc être global, c'est important que chacun y prenne sa part, c'est la vocation de responsabilité et de solidarité de l'Europe.
En conclusion, vous me permettrez de souligner qu'il s'agit je crois d'un bon accord pour l'Europe. Il permet d'envisager l'élargissement dans les meilleures conditions et de le réussir grâce à une maîtrise de l'ensemble des politiques européennes ; C'est un bon accord aussi pour la relation franco-allemande, il montre qu'elle fonctionne à plein et que la France et l'Allemagne savent prendre leurs responsabilités au service de l'Europe.
C'est un bon accord enfin pour chacun de nos deux pays car il assure la continuité de la politique agricole commune et le contrôle des finances européennes. Cet accord respecte les intérêts agricoles de notre pays et la vocation de l'Europe à avoir une agriculture forte et en même temps compétitive.
Q - Plafonnement en 2006 OK. Après cela, on peut imaginer que le gâteau sera divisé en 25 Etats et non plus en 15. Comment la part qui, jusque-là, revenait aux agriculteurs français notamment ne diminuerait-elle pas ?
R - Par définition, qui dit plafonnement, stabilisation de la dépense signifie bien qu'il y aura un effort à faire pour nous comme pour l'ensemble des autres pays puisque nous parlons d'une maîtrise budgétaire d'ensemble qui doit concerner la PAC mais aussi les autres dépenses que j'ai mentionnées, les fonds structurels, les compensations de toutes natures, cela veut donc dire qu'il y aura un effort à faire pour tout le monde et c'est, bien sûr, le principe de solidarité et de responsabilité de l'Europe dont j'ai parlé, il y aura donc un effort pour tout le monde.
Q - Pourriez-vous nous informer sur les nouveaux développements au Conseil de sécurité concernant la nouvelle résolution américaine sur l'Iraq ?
R - En deux mots, les discussions se poursuivent à New York. Vous connaissez l'état actuel des discussions, des progrès ont été faits au cours des derniers jours puisque nous avons obtenu qu'il soit bien distingué deux temps, qui permettent de vérifier la responsabilité du Conseil de sécurité à chaque étape. Mais nous éprouvons encore le besoin d'avoir un certain nombre d'éclaircissements, il y a encore du travail à faire à New York, c'est ce que nous sommes en train de faire avant de pouvoir nous entendre sur une résolution. Le dialogue se poursuit donc entre l'ensemble des parties à New York et nous abordons évidemment cette étape dans un esprit constructif mais fidèle aux principes qui sont les nôtres, vous les connaissez.
Q - Pourriez-vous faire un commentaire sur ce qui se passe à Moscou. Ces dernières années, l'Union européenne s'est beaucoup occupée de la Tchétchénie et des Droits de l'Homme. Ne pensez-vous pas que le fait qu'un groupe tchétchène passe à une telle action, pas à cause de la communauté internationale, mais c'est un cri car on ne parlait plus d'eux.
Avez-vous un commentaire ? L'Union européenne entend-elle faire une médiation, proposer quelque chose à M. Poutine ?
R - A ce stade, vous me permettrez de ne pas faire de longs commentaires. Nous suivons évidemment avec beaucoup d'attention la situation, nous sommes en contact avec les responsables russes, le président de la République a parlé avec son homologue russe, nous sommes très mobilisés, très concernés. Vous me permettrez de ne pas en dire davantage à cet instant.
Q - Vous dites que tous les Etats membres devront faire des efforts. Cela signifie-t-il que le Royaume-Uni devra en faire un aussi, et la France remettra-t-elle la question du chèque britannique sur la table ? A ce sujet, la France souhaite-t-elle un engagement du Conseil et qu'en pense l'Allemagne ?
R - Quand nous parlons de maîtrise budgétaire, d'un effort pour contrôler la dépense, cela vaut bien sûr pour la période après 2006, et dans cette période, je l'ai dit et je le redis, cela concerne tout le monde, tous les Etats. J'ai parlé des fonds structurels, de la PAC, des compensations de toutes natures, y compris bien sûr, le chèque britannique, je crois que tout le monde est concerné par la nécessité de maîtriser cette dépense et de faire un effort financier pour contrôler de la façon la plus sérieuse possible cette évolution budgétaire de l'Union.
Q - Ce soir ou demain dans le communiqué, entendez-vous que tout soit marqué, c'est-à-dire l'accord franco-allemand tiendrait-il, y compris l'engagement de la France d'accepter un plafonnement après 2006, si ce que vous avez cité, c'est-à-dire les autres dépenses et les autres compensations n'y figuraient pas d'une manière ou d'une autre ?
R - Nous allons parler ce soir avec l'ensemble de nos partenaires. Je vous ai dit les termes de l'accord de principe qui a été conclu entre la France et l'Allemagne, je ne peux pas anticiper sur ce qui peut être maintenant décidé par l'ensemble de nos partenaires, vous le comprendrez.
Q - Etait-il sage, tactiquement pour la France d'accepter une maîtrise de la dépense agricole sans avoir d'engagement du Royaume-Uni sur le chèque britannique ou de l'Espagne sur les fonds structurels ?
R - Je crois que lorsque la France et l'Allemagne s'entendent pour faire des propositions de façon à permettre la réussite de ce Conseil européen de Bruxelles, la réussite à Copenhague de l'élargissement, c'est une décision on ne peut plus sage. En effet, nous sommes fidèles à l'engagement européen qui est le nôtre, nous souhaitons ardemment faire avancer cette Europe. Nous avions dit depuis plusieurs semaines que les Français et les Allemands travaillaient et travailleraient ensemble. Il y a là un engagement très profond et vous savez que celui-ci ne date pas d'hier. Nous sommes donc fidèles à l'idée que nous nous faisons de l'Europe et nous souhaitons le marquer d'une volonté forte et évidemment, nous prenons, de ce fait, toutes nos responsabilités. C'est bien sûr tout l'esprit de cet accord conclu et tout le sens de cette proposition que nous faisons maintenant à l'ensemble de nos partenaires.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 octobre 2002)