Déclaration de M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, sur les implications de la loi de décentralisation sur la répartition des compétences dans le domaine du tourisme, et sur la nécessité d'évaluer précisément le poids économique du tourisme en France, Royan, le 8 novembre 2002.

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Circonstance : Assises des libertés locales - atelier tourisme à Royan, le 8 novembre 2002

Texte intégral


L'activité touristique constitue un enjeu important pour l'économie de notre pays et essentiel pour certaines régions.
J'ai retenu qu'en Poitou-Charentes 23 000 emplois étaient liés à l'activité touristique. Le camping et l'hôtellerie constituent le fondement de l'offre touristique, concentrés essentiellement autour de certaines destinations phares comme le littoral, le Futuroscope, le Marais Poitevin, la Vallée de la Charente.
J'ai retenu que des sommes publiques très importantes sont investies chaque année dans ce secteur de l'économie.
Enfin, malgré la concertation exemplaire qui existe dans cette région entre les services de l'Etat et ceux des collectivités territoriales, j'ai retenu que les entreprises souhaitent néanmoins davantage de simplification dans les procédures administratives et les collectivités souhaitent davantage de clarification dans la répartition des compétences.
Le grand chantier de la décentralisation voulu par le Premier Ministre, Jean-Pierre RAFFARIN et le gouvernement auquel j'appartiens prend d'abord la forme d'un débat auquel tous les acteurs du tourisme sont conviés.
Nous devons ensemble, et à juste titre, nous poser des questions essentielles :
- quelles sont les compétences que l'Etat entend garder pour jouer son rôle d'impulsion et de régulation ?
- comment entend-il répondre à l'attente concrète des usagers, des entreprises et des collectivités territoriales ?
Il convient de distinguer :
- tout d'abord l'état des lieux aujourd'hui du tourisme en France,
- ce qui est et doit rester de la compétence propre de l'Etat, ce que l'Etat se doit de soutenir au nom de la cohérence nationale et de la solidarité entre les territoires,
- ce qu'il serait souhaitable de décentraliser pour une plus grande efficacité.
Le tourisme est déjà largement décentralisé :
* la loi du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme a reconnu la région en tant qu'acteur touristique et placé sous sa responsabilité directe les Comités Régionaux du Tourisme.
* la loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme a attribué aux différents échelons de l'administration territoriale des compétences propres de la politique touristique et insisté pour que ces compétences s'exercent en coopération et de façon coordonnée.
* la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, assure au Conseil régional la coordination d'initiatives publiques et privées.
A ce sujet, la spécificité de la Corse ne constitue pas un exemple en soi. La décentralisation doit s'adapter en fonction des territoires différents de France et leurs besoins.
* l'outre mer fait l'objet de dispositions particulières, qui tiennent compte des réalités des territoires concernés.
Les Missions de l'Etat
Dans le cadre du processus de décentralisation, l'Etat devrait conserver au moins quatre missions qui constituent l'essentiel du bon fonctionnement de la République et de l'équilibre des territoires dans le domaine du tourisme.
1ère mission :
l'action internationale qui comprend deux aspects :
- d'abord la promotion de l'image de la France à l'étranger mise en uvre par Maison de la France dont je souhaite renforcer l'action.
Il m'apparaît, en effet, que la France doit parler d'une seule voix sur les marchés étrangers, pour délivrer un message cohérent de nos atouts, de notre patrimoine et de ce qui fait notre richesse aux yeux des millions de visiteurs que nous accueillons chaque année.
Notre image doit rester claire et lisible dans le monde.
- la coopération internationale et l'exportation de nos savoir-faire, où la France est et doit rester une référence mondiale et un modèle en matière d'actions touristiques et de promotion.
Je souhaite, à ce niveau, re-dynamiser les accords de coopération qui nous lient à de nombreux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, notamment ceux des destinations touristiques de demain.
2ème mission :
La réglementation et l'établissement des normes essentielles qui doivent rester du ressort de l'Etat, dans un souci de protection du consommateur, de lisibilité des textes applicables et de sécurité juridique.
Ainsi, la réglementation des professionnels du tourisme, de même que les critères de classement des stations, des hébergements et des organismes de tourisme ne peuvent que relever de la compétence de l'Etat.
3ème mission :
Le maintien d'une cohésion territoriale, dont le but est d'assurer notamment l'égalité des régions devant la République et de garantir les solidarités fondamentales aux provinces les plus éloignées des centres de décision.
Je pense par exemple aux secteurs ruraux où la notion d'aménagement du territoire peut prendre un sens différent.
En outre, l'Etat doit veiller, en coopération avec les collectivités territoriales, à ce que le développement touristique concilie le respect de l'environnement, des emplois attrayants et des vacances accessibles pour tous, et cet aspect me paraît essentiel pour prendre en compte de façon efficace la dimension touristique du développement durable.
Cette mission de cohésion territoriale rend de ce fait nécessaire, selon moi, le maintien d'une représentation territoriale de l'Etat en matière de tourisme au niveau régional, qui tienne compte des missions relevant du niveau central.
La cohésion territoriale, passe aussi par le maintien au plan national d'un outil d'ingenering comme l'AFIT, pour aider à la réalisation des projets d'aménagements locaux en tenant compte des expériences faites sur d'autres points du territoire.
Enfin, cette mission inclue, et cela me paraît important, les aspects du tourisme social et l'amélioration, pour les handicapés, des conditions d'accès, d'accueil et de services.
4ème mission :
Elle concerne l'outil statistique, référence indispensable de l'observation touristique dans notre pays, au profit de l'ensemble des acteurs, publics et privés concernés en la matière.
L'Etat doit en outre fournir à des organismes internationaux un certain nombre de statistiques, notamment la réalisation des comptes satellites du tourisme, ou l'établissement du nombre de touristes visitant le territoire national.
Il serait difficile sinon d'établir ces statistiques nationales même si les méthodes employées par les régions et les départements étaient uniformisées, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Une réflexion sur l'organisation nationale de l'observation statistique et sur la mission de l'INSEE, qui pourrait être étendue, s'avère nécessaire, pour disposer de chiffres plus complets, plus rigoureux, plus réactifs et plus opérationnels.
L'évaluation précise du poids économique du tourisme en France permettra une meilleure reconnaissance et valorisation de la première industrie de notre pays.
Les nouvelles pistes de décentralisation
Si, comme je l'ai dit, l'établissement des critères de classement des hébergements et organismes du tourisme me paraît relever de la compétence de l'Etat, par contre la mise en oeuvre de ces réglementations pourrait être confiée aux collectivités territoriales.
Il convient, dans cet état d'esprit, d'harmoniser les actions entre les différents échelons des collectivités territoriales : régions, départements, et communes, pour valoriser au mieux le territoire et le rendre attractif sur le plan touristique.
En outre, le caractère transversal de l'activité touristique facilite les échanges et l'intégration des aspects qui lui sont propres dans les autres politiques générales de l'Etat (transports, finance, commerce, affaires sociales, emplois, culture...).
De plus la logique touristique répond à des critères spécifiques dans le temps et dans l'espace : le tourisme balnéaire, les châteaux de la Loire, les routes des vins et pour votre région le Futuroscope, le Marais Poitevin etc...
Ces concentrations touristiques pourraient être l'occasion d'expérimenter des interventions interrégionales et de créer de nouvelles synergies.
Par exemple : La loi pourrait, par dérogation de la loi du 23 décembre 1992, inciter les collectivités locales à expérimenter des modes de répartitions des compétences et d'organisations touristiques nouvelles : Une coopération interrégionale, une répartition différente de compétences actuellement exercées par des niveaux de collectivités, la création d'organisme commun en utilisant des formes juridiques nouvelles (GIP locaux et EPIC) afin de mettre en oeuvre une organisation touristique innovante au plan de l'intercommunalité.
Pourraient être aussi envisagée des structures promotions concernant plusieurs régions, la création de syndicats mixtes pouvant regrouper une région et quelques départements, etc...
CONCLUSION
Les Assises des Libertés Locales ouvrent un débat de fond qui implique l'adaptation de la loi de décembre 1992 sur la répartition des compétences dans le domaine du tourisme.
La concertation débute, elle doit se faire à tous les niveaux d'intervention :
Entre collectivités et Etat,
Entre secteur privé et public,
Entre professionnels et populations.
Il est prévu que le processus de décentralisation prenne en partie la forme d'une expérimentation limitée dans le temps et à l'échelle de la région.
C'est donc un moment privilégié pour la créativité, et l'innovation, et j'ai pu mesurer ici combien était riche et importante votre participation à ce débat si important pour l'avenir de notre démocratie.

(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 18 novembre 2002)