Interviews de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans Var-Matin le 30 août et dans La Nouvelle République du Centre Ouest le 3 septembre 2002, sur la dissuasion nucléaire, le projet de deuxième porte-avions et l'action en faveur de la gendarmerie.

Prononcé le

Média : La Nouvelle République du Centre Ouest - Var matin

Texte intégral

Interview à Var-Matin :
Votre gouvernement a demandé une révision de la loi de programmation militaire. Sur quels axes travaillez-vous ?
- Nous travaillons en fonction des objectifs fixés par le Président de la République. En premier lieu, le redressement significatif des crédits d'équipement. Il vise à rétablir la disponibilité des moyens opérationnels des armées, à assurer la capacité opérationnelle des forces et à réaliser le modèle d'armée 2015.
Des moyens financiers supplémentaires par rapport au projet de loi préparé par le précédent gouvernement sont alloués sur la période 2003-2008. Ils intègrent aussi les enseignements tirés des événements du 11 septembre, ainsi que les leçons des engagements de la France sur les théâtres d'opérations extérieurs dont les Balkans ou en Afghanistan.
- La dissuasion nucléaire sera-t-elle remise en cause au profit de programmes mieux adaptés aux opérations de projection confiées notamment à la Marine ?
- Ainsi que l'a rappelé récemment le Président de la République, " notre sécurité, fondée sur le droit, appuyée par une défense plus mobile, plus collective et plus européenne est et sera avant tout garantie par la dissuasion nucléaire. C'est vrai aujourd'hui, cela le sera plus encore demain ".

La dissuasion est au cur des moyens qui permettent à la France d'affirmer son autonomie stratégique. Notre politique de défense en découle.

S'agissant de la composante océanique de nos forces nucléaires, le format retenu est de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Ce format est le seul qui permette de garantir la permanence à la mer. Non seulement la construction du 4e SNLE reste à l'ordre du jour, mais " Le Terrible ", puisque c'est son nom, a déjà fait l'objet d'une commande en juillet 2000. Il sera terminé en 2010 et remplacera le sous-marin de la précédente génération " L'inflexible ".

- Après le mouvement de grogne des gendarmes, l'ensemble des armées a mis l'accent sur la faiblesse du budget de la Défense (1,8 % du PIB). Votre analyse ?

- La situation financière du ministère de la Défense, telle que je l'ai trouvée, n'était pas bonne. Conséquences : les équipements étaient mal entretenus, ou insuffisamment modernisés.

La France ne peut continuer à admettre un affaiblissement financier, et demain stratégique. Le projet de programmation militaire, a pour objet de remettre les choses dans le bon sens. Un effort financier important sera engagé dès 2003. Mais il est aussi important que les crédits budgétaires soient utilisés au mieux des objectifs.

- La réforme des arsenaux, lancée par votre prédécesseur, vous semble-t-elle la bonne solution pour remédier à ce problème chronique ?

- Le rétablissement de la disponibilité des matériels des armées est à mes yeux une priorité. Il conditionne la capacité opérationnelle des forces et pour une large part le moral des personnels. Il est clair que les moyens financiers qui y ont été consacrés dans le passé ont été insuffisants. Entre 1997 et 2002, ils ont chuté de 13 %.

C'est pourquoi, j'ai obtenu qu'une enveloppe de 100 millions d'euros soit inscrite dès la loi de finances rectificative 2002 votée en juillet par le parlement. Mais l'entretien des matériels dépend également de la qualité de l'organisation mise en uvre et de la politique industrielle décidée par le gouvernement.

La réforme de DCN répond à cette exigence. C'est une réforme que je souhaite poursuivre afin que cette entreprise puisse fournir à la marine les services qu'elle est en droit d'attendre tant en matière d'entretien que de constructions neuves.

- On l'a souvent dit : un seul porte-avions relève du handicap pour le rôle international que la France veut continuer à jouer. A quand le deuxième porte-avions ?

- Comme l'a rappelé le Président de la République lors de sa visite sur le Charles-de-Gaulle le 1er juillet dernier, " notre groupe aéronaval est un outil militaire unique en Europe. Nous devons prendre les moyens d'assurer dès que possible sa permanence... " Le Charles-de-Gaulle seul, ne peut assumer cette permanence. La construction d'un second porte-avions est donc nécessaire pour combler cette lacune. Par ailleurs, la pertinence du " modèle 2015 " de la marine a été confirmée par la nature des missions opérationnelles qu'elle a réalisées récemment et les conditions d'emploi de ses moyens. A l'exception du porte-avions, depuis la cession du Foch, la marine est déjà au format de ce modèle, notamment en nombre de frégates et de sous-marins. Toutefois ses unités aujourd'hui sont vieillissantes. Il est donc important que le lancement de la construction d'un deuxième porte-avions ne se fasse pas au détriment des efforts de renouvellement de la flotte qui sont tout aussi nécessaires.

Quant au calendrier prévu pour répondre à cette attente de nos marins, il relève des arbitrages rendus dans le cadre du projet de loi de programmation militaire 2003-2008 qui sera soumis au conseil des ministres en septembre. "
Interview à La Nouvelle République du Centre Ouest :
Où en est le moral de la gendarmerie après les soubresauts d'il y a quelques mois ?
L'ambiance dans la gendarmerie est aujourd'hui plus sereine. Les mesures annoncées il y a quelques mois ont été budgétées grâce au collectif présenté par le gouvernement en juillet et voté par le parlement. Le vote de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure, qui comporte notamment des moyens substantiels en faveur de la gendarmerie nationale a contribué à raffermir le moral. Ces moyens s'ajouteront à ceux dont je demanderai l'inscription au titre de la loi de programmation militaire.
De plus, des décisions ont été prises dernièrement quant à la revalorisation de la condition militaire en matière de pension de retraite. Il s'agit d'une mesure d'équité en faveur des gendarmes. Enfin, la coordination police- gendarmerie se met en place en général dans de bonnes conditions.
Comment se positionne désormais la gendarmerie, notamment dans sa collaboration avec la police nationale ?
La gendarmerie reste attachée au ministère de la Défense : ses personnels, les gendarmes gardent leur statut militaire. La mise en place d'un ministère chargé de la sécurité intérieure responsable de l'emploi dans ce domaine témoigne de la volonté du gouvernement d'accentuer les coordinations et de renforcer les complémentarités. La gendarmerie est déjà en train de relever le défi, en participant activement aux groupements d'intervention régionaux, les GIR.
Au sein des offices centraux qui luttent contre la grande criminalité, sa présence encore faible va se renforcer : l'organisme qu'elle a crée pour suivre la délinquance itinérante, va être érigé en office central auquel les policiers vont participer. Bien d'autres projets sont en cours de développement, notamment en matière d'interopérabilité des systèmes de transmissions. Vous voyez que cette coopération est effective, bien loin des vieux clichés parce que chacun a conscience que c'est la condition essentielle de l'efficacité attendue par nos concitoyens.
Les gendarmes se plaignent de leurs conditions de travail et d'hébergement
Les gendarmes travaillaient dans des conditions souvent difficiles, faute de matériel efficace et d'un renouvellement insuffisant des moyens. 1 200 empois de militaires d'active et 700 gendarmes adjoints volontaires vont venir renforcer les effectifs de la gendarmerie sur le terrain. Le gouvernement est conscient de la charge de travail qui pèse sur les militaires : progressivement, compte tenu des délais de recrutement et de formation, l'arrivée de ces renforts sera un soulagement.
En plus, la gendarmerie va bénéficier de nouveaux matériels : des gilets pare-balles, des véhicules, des armes, des caméras thermiques emportées par les hélicoptères.
En outre, et ce n'est pas le moindre aspect de l'action entreprise, un véritable " Plan Marshall " de l'immobilier en gendarmerie va permettre d'entreprendre la rénovation des casernes. La qualité du casernement est un élément essentiel de la capacité opérationnelle et du moral des gendarmes. Je rappelle que les militaires et leurs familles vivent sur le lieu de travail du gendarme.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 16 septembre 2002)