Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les conflits sociaux liés aux problèmes de la pëche et de la banane, les aides de l'Etat, la préparation de la loi d'orientation sur les DOM et sur les perspectives d'avenir de l'économie de la Martinique, Fort-de-France le 28 octobre 1999.

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Circonstance : Déplacement du Premier ministre en Martinique et en Guadeloupe du 27 au 30 octobre 1999-rencontre à l'atrium de Fort-de-France (Martinique) avec les chambres consulaires

Texte intégral

Madame et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du conseil régional,
Monsieur le Président du conseil général,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Messieurs les Présidents des chambres consulaires,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver à l'Atrium, dans ce superbe centre culturel réalisé par le conseil général. Notre rencontre est un moment important de mon déplacement aux Antilles. Le développement des départements d'outre-mer est en effet un sujet essentiel pour le Gouvernement. J'ai donc souhaité aborder avec les élus et les acteurs économiques et sociaux de votre département aussi bien les difficultés conjoncturelles que les perspectives d'avenir de l'économie de la Martinique. Plusieurs ministres m'accompagnent : le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Jean-Jack QUEYRANNE, que vous connaissez bien, le ministre délégué à la ville, M. Claude BARTOLONE, la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, Mme Marylise LEBRANCHU. Ils ont l'occasion sur place de traiter les problèmes de leurs compétences, mais je peux vous assurer que c'est l'ensemble du Gouvernement qui entend répondre à vos préoccupations.
Je veux d'abord vous dire que l'Etat est à vos côtés pour faire face aux crises les plus aiguës. Je prendrai l'exemple de deux problèmes d'actualité.
La pêche a, dans le nord de votre département, été touchée récemment par un phénomène mal expliqué de mortalité de la ressource. Celui-ci a privé les professionnels d'activité pendant plusieurs semaines. Le Gouvernement est immédiatement intervenu pour mobiliser des crédits européens dont la contrepartie nationale a été trouvée auprès du conseil général grâce à l'action de Claude LISE. Les pêcheurs ont donc été indemnisés au titre des catastrophes naturelles à hauteur d'environ 1,2 millions de francs. Cela montre la volonté du Gouvernement de reconnaître la pêche comme un secteur essentiel.
Je sais plus encore les inquiétudes qui sont les vôtres pour l'avenir de la banane. Ce problème revêt une dimension internationale. Vous savez la détermination qui est la nôtre dans l'Union européenne et dans le cadre de l'OMC pour défendre les intérêts des producteurs antillais. Nous souhaitons pouvoir définir en accord avec vous la meilleure position de négociation Il a aussi des aspects locaux. Il ne faut pas qu'il soit aussi touché par des formes de conflits sociaux qui se prolongent et pénalisent la commercialisation. Je souhaite lancer un appel aux uns et aux autres pour que l'intérêt général prime en chaque occasion, pour le bien de la Martinique. Quelle que soit la vision que l'on puisse avoir de son avenir, personne ne peut avoir avantage à affaiblir son économie.
Le dernier conflit de la banane à durement frappé l'économie de l'île. Camille DARSIERES et Claude LISE notamment avaient appelé mon attention sur les difficultés financières rencontrées par les producteurs de bananes. Bien que l'État n'ait pas vocation à indemniser les conséquences des conflits sociaux et bien qu'un rapport des inspections générales de l'agriculture et des finances, rédigé avant le conflit, ait conclu à l'époque à la capacité des groupements martiniquais à rembourser immédiatement les prêts accordés en janvier 1997 par l'ODEADOM, j'avais décidé d'accorder un différé de 6 mois et un étalement du remboursement sur 30 mois sans intérêt. Cette mesure devait contribuer au rétablissement de la trésorerie de la profession. Or, la chute des cours observée depuis le début de l'année a encore obéré la situation financière de la profession et généré des difficultés de trésorerie qui menacent de nombreuses entreprises. Le gouvernement a donc décidé de prendre de nouvelles mesures, constituant un véritable plan d'urgence pour la banane.
Pour améliorer la trésorerie des exploitations, le Gouvernement a arrêté, avec un pool d'établissements financiers, un dispositif d'avances doté de 120 millions de francs, destiné à préfinancer - les intérêts étant pris en charge par l'Etat - la moitié environ du solde de l'indemnité compensatoire versée par l'Union européenne. L'obtention des concours bancaires pour le financement de l'autre moitié en sera ainsi facilitée.
S'agissant du versement de l'indemnité compensatoire, la France a saisi la Commission d'une demande de réaménagement de son rythme de versement. Le versement du solde avec un an de retard est en effet une cause de vos difficultés actuelles.
La dette sera aussi allégée. Le remboursement des prêts ODEADOM sera étalé sur une année supplémentaire, soit 42 mois pour la Martinique. Les mensualités venant à échéance avant le 30 juin 2000 seront réduites à 25 % de leur montant, les 75 % restant étant reportées sur les échéances postérieures. De plus, pour favoriser le désendettement des planteurs de Martinique et de Guadeloupe, 50 millions de francs de subventions seront débloquées sans délai, sous forme de subventions, dans le cadre de la procédure " banadif " et du fonds d'allégement des charges (FAC).
Par ailleurs, je vous indique que j'ai donné toutes instructions pour que les modulations des aides susceptibles d'intervenir pour dégager les financements des contrats territoriaux d'exploitation ne touche pas la filière.
Enfin, sera introduite, en temps opportun, la demande de régionalisation du mode de calcul de l'aide compensatoire.
J'en viens maintenant aux perspectives d'avenir. Le Gouvernement entend créer un environnement juridique, administratif et fiscal favorable à votre développement.
C'est le cas pour la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer. Je sais que les mesures prises par le Parlement fin 1997 ont conduit certains d'entre vous à s'interroger sur les intentions du Gouvernement. Le Parlement a modifié la loi de défiscalisation pour éviter que les dérives parfois constatées, qui nuisaient à l'image de l'outre-mer, ne se poursuivent. Mais le principe de la défiscalisation n'a pas été condamné. J'ai fait proroger le mécanisme actuel jusqu'au 31 décembre 2002 et, comme je l'ai déclaré à vos parlementaires le 14 décembre dernier, en les recevant à Matignon, si des mesures devaient être mises en préparation pour le modifier après 2002, ce serait en concertation avec les élus d'outre-mer et en consultant les responsables économiques. Ils seraient alors associés à la définition d'un dispositif plus efficace, auquel l'État consacrerait les mêmes moyens budgétaires et qui prendrait le relais, sans discontinuité. J'ai demandé aux ministres concernés de m'adresser des propositions.
La question s'est également posée de l'avenir à réserver à la loi du 25 juillet 1994. Selon ses auteurs, elle devait normalement cesser de s'appliquer en mars 2000. Elle sera prolongée jusqu'à la fin de 2000 car, là encore, il n'est pas question qu'un dispositif d'aide s'éteigne sans relais. Jean-Jack QUEYRANNE a confié une mission à M. Bertrand FRAGONARD qui lui a remis des propositions dans ce sens. Elles font actuellement l'objet d'un examen interministériel approfondi. Les mesures que retiendra le Gouvernement seront prochainement soumises à l'avis des assemblées locales.
En ce qui concerne le commerce et l'artisanat, Marilyse LEBRANCHU apportera, grâce au FISAC, son aide au développement du secteur. Plusieurs opérations sont en cours en Martinique. Afin de favoriser le montage des dossiers et de renforcer l'environnement administratif de ce secteur, comme dans les trois autres départements d'outre-mer, l'île se verra affecter, avant la fin de l'année, un délégué régional au commerce et à l'artisanat.
Pour venir en aide aux entreprises, notamment aux PME-PMI, et répondre aux sollicitations nombreuses relatives au financement de l'économie, le Gouvernement a créé avec la BDPME le fonds DOM. Il constitue, grâce à l'intégration de la Sofodom dans la Sofaris et à des modalités d'interventions privilégiées, un mécanisme de fonds de garantie plus efficace que le réescompte. Créé le 1er octobre 1999, ce fonds est d'ores et déjà doté de 200 millions de francs, à parité entre l'Etat et l'Union européenne. A terme de deux ans, nous garantissons 500 millions de francs par an.
Si la région veut se doter d'un outil de financement pour la création et la transmission d'entreprise, je m'engage à ce que la BDPME et la Caisse des dépôts et consignations soient à ses côtés pour abonder ce fonds de " capital-risque ".
S'agissant du Crédit martiniquais, l'Etat a agi pour éviter que sa crise ne fragilise l'économie de la Martinique. Je peux vous annoncer que le Fonds de garantie des dépôts vient d'accepter, sur proposition de la commission bancaire, d'intervenir à titre préventif. Cette intervention va permettre, dans les prochaines semaines, la reprise du fonds de commerce du Crédit martiniquais et notamment des comptes de dépôt, par une filiale de la BRED, du groupe des banques populaires. Le Gouvernement se réjouit qu'une issue satisfaisante pour les déposants, pour le personnel et pour l'économie de la Martinique soit ainsi trouvée.
S'agissant de la politique de la ville, qui a des conséquences économiques, vous savez que le Gouvernement a placé l'emploi au rang de première priorité. La revitalisation économique, et notamment l'activité commerciale des centres villes, seront au cur des actions initiées dans les prochains contrats de ville de Martinique pour la période 2000-2006. Sur Fort-de-France, cet objectif devra mobiliser les services de l'Etat, en lien avec l'ensemble des partenaires économiques et commerciaux. Cette priorité sera concrétisée par une augmentation de 70 % des crédits spécifiques pour la politique de la ville, pour les sept prochaines années.
Les catastrophes naturelles peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les entreprises. Le Gouvernement a donc décidé d'étendre le régime d'indemnisation aux dommages causés par les cyclones exceptionnels, dans les D.O.M. Cette mesure, que les élus et les acteurs économiques demandaient sans succès depuis plusieurs années, sera soumise au Parlement dans les prochains mois. De ce fait, les assureurs se sont engagés à améliorer les conditions d'indemnisation des dommages causés par les tempêtes tropicales et les cyclones de moindre intensité.
La future loi d'orientation sera au service de l'emploi dans les DOM.
Les orientations du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer seront soumises à une large consultation des élus et des acteurs économiques et sociaux des D.O.M..
En faveur de l'emploi, elle proposera un dispositif sans précédent d'allègement des charges sociales, pour les entreprises les plus fragiles et pour les secteurs les plus exposés. Ce dispositif prendra en compte la mise en uvre de la loi sur la réduction du temps de travail dans les départements d'outre-mer. Un volet particulier sera consacré à l'emploi des jeunes, pour encourager l'accès à l'emploi, la création d'entreprises et la mobilité.
Des mesures particulières seront également proposées pour favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, en permettant un cumul partiel de l'allocation et de la rémunération du travail, notamment du travail intermittent.
La volonté du Gouvernement est d'orienter davantage les aides publiques vers l'emploi. Dans des départements où le taux de chômage dépasse 30 %, il ne serait pas concevable que ces aides à l'économie ne soient pas dirigées de manière privilégiée vers les secteurs, les activités ou les projets les plus créateurs d'emplois.
Aucun département ne doit être en retard face au développement rapide des nouvelles technologies. C'est pourquoi nous appuierons toute initiative de développement du commerce électronique.
Enfin, les mesures actuellement en cours d'élaboration dans le cadre de la loi d'orientation concernent particulièrement les PME-PMI qui forment l'essentiel du tissu économique de votre département. Elles seront ciblées sur les entreprises et les activités susceptibles de créer le plus d'emplois et privilégiant la simplicité et l'efficacité afin de réellement bénéficier aux entreprises et d'ainsi les inciter à développer l'emploi.
Je rappelle enfin la mobilisation importante des fonds structurels européens et des crédits nationaux pour les contrats de plan. Il est aujourd'hui acquis que votre région demeurera, au titre de la programmation communautaire 2000-2006, éligible à l'objectif numéro un qui concerne les régions en retard structurel de développement. Comme je l'ai indiqué le 14 décembre dernier à vos représentants que je recevais à Matignon, le Gouvernement a veillé à ce que, dans le cadre de l'agenda 2000, des concours de l'Union européenne puissent continuer à accompagner votre développement. C'est ainsi que le total des crédits consacrés aux DOM -hors Programme d'initiatives communautaires (PIC)- doublera au cours de la prochaine période de programmation, en passant de 10, 5 à 21 milliards de francs.
Le Gouvernement a également fait en sorte que la Martinique bénéficie des financements suffisants pour mobiliser les contreparties nécessaires aux fonds européens.
Mesdames, Messieurs,
Le Gouvernement, vous pouvez le constater, a entrepris une politique ambitieuse pour les départements d'outre-mer. Il est prêt à nouer avec les responsables économiques et sociaux des relations de partenariat. Il nous appartient de conjuguer nos efforts pour le développement de la Martinique.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 novembre 1999)