Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les mesures et les actions en faveur du développement économique, social et humain de l'outre-mer et des îles de la Guadeloupe, Le Gosier (Guadeloupe) le 30 octobre 1999.

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Circonstance : Déplacement du Premier ministre en Martinique et en Guadeloupe du 27 au 30 octobre 1999-réception à la résidence départementale du Gosier (Guadeloupe) le 30 octobre 1999

Texte intégral

Madame et Messieurs les ministres,
Madame et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Mes premiers mots iront au Président Marcellin LUBETH que je remercie de nous recevoir dans le cadre superbe de la résidence départementale de Gosier. Je suis très heureux de l'accueil chaleureux qu'avec lui vous nous faites, aux ministres qui m'accompagnent comme à moi-même. Ce voyage est bien sûr une visite de travail. Le ministre de l'agriculture, M. Jean GLAVANY, est venu à la rencontre des agriculteurs antillais et notamment ceux du secteur de la banane, qui traversent une crise très dure. Le ministre délégué à la ville, M. Claude BARTOLONE, veille à la mise en uvre de la politique de la ville, si importante pour ce département. La secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, Mme Marylise LEBRANCHU développe des contacts particuliers avec des acteurs économiques. Je ne parle pas du secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, M. Jean-Jack QUEYRANNE, qui est votre voix au sein du Gouvernement.
Le développement économique, social et humain de vos îles est une préoccupation constante du Gouvernement.
Je vous retrouve alors que nous travaillons à l'élaboration d'une nouvelle politique en faveur de l'outre-mer. J'ai pu, hier en Martinique, prendre la mesure des attentes suscitées par le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer qui est en préparation. J'en parlerai demain lors de ma rencontre avec les parlementaires, les conseillers régionaux, les conseillers généraux et les maires de votre département.
Aujourd'hui, après la visite que j'ai rendue à Madame la maire de Basse-Terre, j'ai rencontré à Saint-François des femmes représentatives de la Guadeloupe. Puis à la Désirade, j'ai fait la connaissance d'une population courageuse qui prend en main son développement malgré les handicaps liés à la " double insularité ". J'y ai constaté le caractère innovant et exemplaire des réalisations guadeloupéennes en matière d'énergies renouvelables. A Saint-François, les professionnels du tourisme m'ont fait part de leurs projets et de leurs préoccupations. Demain, je rencontrerai au Lamentin les responsables de la profession agricole de Guadeloupe et de Martinique.
Ce soir, je souhaiterais vous dire quelques mots de l'Europe et de la Guadeloupe.
L'Union européenne joue dans votre développement un rôle croissant.
Donnons-nous les moyens de profiter pleinement du cadre nouveau du traité d'Amsterdam.
L'Union européenne a reconnu la spécificité des régions ultrapériphériques. Même si vous êtes séparés géographiquement de l'Europe par près de 7000 kms, votre région fait pourtant partie du grand ensemble économique qu'est aujourd'hui l'Union Européenne. Votre appartenance à la République a, tout naturellement, conduit à votre intégration au marché commun dès sa création en 1957. Le traité de Rome prévoyait que les institutions communautaires pouvaient décider d'adapter certaines dispositions du traité pour favoriser le développement économique et social des régions d'outre-mer.
Ainsi l'Etat, en lien étroit avec vos représentants, a contribué à l'élaboration par la Communauté européenne, en décembre 1989, du Programme d'Options Spécifiques à l'Éloignement et à l'Insularité des Départements d'Outre-Mer (POSEIDOM). Celui-ci autorise la mise en place de mesures particulières au profit de l'agriculture et de la pêche. Il a permis de donner une meilleure assise au régime de l'octroi de mer dont les ressources, dans le respect des règles communautaires, sont essentielles tant pour le budget de vos collectivités locales que pour la promotion de votre économie.
Le même souci a fondé la définition d'un régime fiscal privilégié pour le rhum traditionnel. Il faut maintenant obtenir des instances communautaires sa reconduction au-delà du 31 décembre 2002.
Le traité d'Amsterdam, en juin 1997, a conforté ce traitement particulier des départements d'outre-mer. La détermination des autorités françaises, solidaires avec les présidents des régions d'outre-mer, a permis de faire figurer dans le traité une référence statutaire nouvelle. Elle servira de base juridique à la mise en oeuvre de mesures différenciées au profit des départements d'outre-mer, qui relèvent désormais de la catégorie des régions ultrapériphériques. Le nouvel article 299 § 2 prévoit la pleine application de l'ensemble des dispositions du Traité aux régions ultrapériphériques. Il permet au Conseil d'arrêter à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, des mesures spécifiques fixant les conditions de l'application du Traité à ces régions. C'est l'aboutissement d'un long travail engagé dès le traité de Maastricht. Cette disposition permettra de mieux prendre en compte les réelles contraintes que connaît votre région. L'éloignement du marché communautaire, l'insularité - et même en Guadeloupe la double insularité que j'évoquais à l'instant- la faible superficie, le relief et le climat difficiles et, surtout, la dépendance à l'égard d'un petit nombre de produits entravent votre développement. Des mesures appropriées pourront désormais corriger, dans certaines conditions, ces handicaps. Il conviendra donc de fixer des priorités d'action dans ce nouveau cadre.
Dans cette perspective, le Gouvernement élabore un mémorandum qui sera, après consultation, transmis aux instances européennes. Vos réflexions et propositions seront examinées avec la plus grande attention.
Nous avons aussi souhaité que la notion de région ultrapériphérique soit reprise en droit français. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire adoptée cette année la consacre.
Les fonds structurels sont pour la Guadeloupe une ressource précieuse. Au titre des deux programmes communautaires, depuis 1989, c'est plus de 4 milliards de francs que l'Europe aura mis à la disposition de l'économie de l'île. Il est aujourd'hui acquis que votre région demeurera, au titre de la programmation communautaire 2000/2006, éligible à l'objectif n°1 qui concerne les régions en retard structurel de développement. Comme je l'ai indiqué le 14 décembre dernier à vos représentants, quand je les ai reçus à Matignon, le Gouvernement a veillé à ce que dans le cadre de l'Agenda 2000 les concours de l'Union européenne continuent à accompagner votre développement. Le total des crédits consacrés aux DOM -hors PIC, Programme d'Initiatives Communautaires- doublera au cours de la prochaine période de programmation, passant de 10,5 milliards à 21 milliards de francs. Ces crédits devront, avec ceux du contrat de plan, financer des projets porteurs et des initiatives réalistes, de nature à consolider durablement le socle de votre économie.
Le Gouvernement a pris pour les prochains contrats de plan la mesure de vos besoins. La Guadeloupe bénéficiera de financements suffisants pour mobiliser les contreparties nécessaires aux fonds européens. Elle est au troisième rang des 26 régions françaises pour la dotation par habitant. L'actuel contrat de plan a vu la réalisation de grandes infrastructures, comme l'aéroport. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, je pense notamment aux projets d'irrigation. Il conviendra d'orienter ces fonds vers la création d'emplois durables, la formation des hommes et l'éducation.
Mesdames, Messieurs,
Les conditions me semblent aujourd'hui réunies pour envisager avec sérénité les nouvelles relations entre la Guadeloupe et l'Europe. Un cadre juridique rénové, des fonds structurels en forte augmentation, une validation du principe de l'octroi de mer assortie d'un encadrement du système d'exonérations, sont des éléments positifs dont il convient de tirer tout le parti.
Plus généralement, je veux vous redire que le Gouvernement a confiance dans la capacité de la Guadeloupe à relever les défis auxquels elle doit faire face. L'Etat, et maintenant l'Europe, l'y aideront. Aux Guadeloupéens aussi d'avoir confiance dans l'avenir de la Guadeloupe, confiance dans la République.

(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 novembre 1999)