Texte intégral
Le Premier ministre a réuni à l'Hôtel Matignon le mercredi 27 mars 1996 l'ensemble des ministres concernés par la Corse. Il a rappelé que l'action que le Gouvernement conduit dans l'île repose à la fois sur l'absolue nécessité du dialogue - à titre d'exemple, le ministre de l'intérieur recevra à nouveau, prochainement et successivement les parlementaires de l'île, puis les différents groupes de l'Assemblée territoriale et sur le respect de l'état de droit : le Gouvernement continuera à faire preuve de la fermeté et de la ténacité nécessaires, comme l'illustrent les événements de ces derniers jours.
- Le dialogue a trouvé un champ d'application privilégié dans le domaine économique. Depuis la mi février et à la demande du Premier ministre, des ateliers de travail ont permis aux élus et aux socio-professionnels de rencontrer les ministres compétents et de s'exprimer.
- Le Premier ministre et les ministres concernés ont pris connaissance des conclusions provisoires de ces ateliers et ont arrêté une première série de mesures concernant la modernisation de l'agriculture, la relance des activités touristiques, l'assainissement de la situation financière des petites et moyennes entreprises corses, le statut fiscal, les conditions du dialogue social, notamment avec les syndicats et enfin les modalités d'expression de la culture corse. Ces mesures sont détaillées en annexe.
- Pour relancer l'activité économique de l'île et prendre en compte sa spécificité, le Premier ministre a décidé le principe d'une zone franche s'appliquant à l'ensemble de la Corse. Les modalités en seront étudiées d'ici le mois de juin, en concertation avec les élus et les socio-professionnels et en s'inspirant des dispositifs existants en matière d'aménagement du territoire.
- Le Premier ministre a souligné à cette occasion que le redressement de l'économie corse exige l'engagement non seulement de l'Etat, mais aussi de tous ses acteurs parmi lesquels les collectivités publiques. Il a dans cet esprit demandé aux ministres de prendre l'attache de la Collectivité Territoriale de Corse pour examiner avec elle comment elle pourrait apporter son concours aux décisions de l'Etat.
- Le dialogue engagé avec les représentants des milieux socio-professionnels sera poursuivi, notamment sur les modalités d'application des décisions prises ce jour et sur leurs effets sur l'emploi.
- Une nouvelle réunion de ministres se tiendra en juin pour examiner les problèmes du réseau routier, du logement social et de l'environnement ainsi que l'application à la Corse du plan PME-PMI.
- Le Premier ministre a demandé d'examiner les moyens d'améliorer le fonctionnement du service public des transports à destination de la Corse conformément à la demande exprimée par l'Assemblée Territoriale.
- Dans le même temps, une réflexion sera conduite sur les modalités d'une utilisation plus efficace des aides et transferts publics à la Corse.
Le Premier ministre a demandé au garde des Sceaux et au ministre de l'intérieur de féliciter les services dont l'action a permis samedi dernier l'arrestation de deux personnes qui s'apprêtaient à commettre un attentat terroriste à Ajaccio. Relevant le caractère exemplaire de cette action, il a confirmé toute l'importance qu'il attache à ce que la lutte contre toute les formes d'insécurité soit poursuivie sur l'île avec la plus grande détermination.
- Annexes.
- I - Agriculture
- 1) Le Gouvernement a obtenu de la Commission de l'Union européenne la reprise des versements de la prime à la vache allaitante.
- 2) L'Etat va proposer à la profession des plans de modernisation pour 5 filières pour un montant total de 40 MF.
- 1 - Filière viande
- Accompagnement de la modernisation des abattoirs et des ateliers de transformation des productions charcutières corses ;
- Mise en place d'une unité d'alimentation de bétail ;
- Aide à la promotion et à la commercialisation des produits corses.
- 2 - Herbages - Mesure agri-environnementale
- Amélioration de la production d'herbes de qualité associée à la lutte contre l'incendie.
- 3 - Modernisation du vignoble
- Restructuration et surgreffage ;
- Modernisation des caves coopératives.
- 4 - Agrumes
- Plan qualité pour l'amélioration des cultures de clémentines et de leur commercialisation.
- 5 - Forêt
- Création d'un centre régional de la propriété forestière.
- En accompagnement de cette politique de filière, pour bâtir une agriculture solide et diversifiée, il convient de remédier à l'endettement agricole. Les agriculteurs qui le souhaitent pourront voir leur situation examinée.
- A cette fin, deux Comités d'experts seront mis en place :
- * le premier associant l'Etat, la profession agricole, le Crédit Agricole et les autres établissements de crédit définira après analyse de la structure de la dette, les critères d'examen des dossiers d'endettement et les modalités d'étalement.
- * le deuxième sera chargé d'examiner les demandes individuelles et de proposer, le cas échéant, un plan d'apurement. Jusqu'à décision du Comité, le moratoire venu à expiration le 29 février 1996 sera prolongé pour chaque cas ayant fait l'objet d'une demande individuelle d'examen.
- Par ailleurs, un allègement de la charge de la dette par bonification du taux d'intérêt interviendra au titre de l'année 96 pour tous les agriculteurs.
II - Tourisme
- Les entreprises hôtelières connaissent un endettement important que 2 saisons touristiques mauvaises n'ont pas permis d'alléger. C'est pourquoi un plan visant à restructurer l'endettement de la branche, à moderniser le parc hôtelier et à promouvoir le tourisme en Corse est mis en place.
- Il comporte, entre autres, les mesures suivantes dont les modalités d'application seront discutées avec les professionnels :
- * prolongement jusqu'au 30 juin 1996 du moratoire des dettes fiscales et sociales, permettant la jointure avec la prochaine saison touristique ;
- * la dette des hôteliers corses fera l'objet de trois mesures spécifiques : diminution des taux des prêts restructurés en 1994-95 pour tenir compte de la baisse des taux réglementés ; restructuration des prêts non traités en 1994-95 ; mise en place d'une mesure d'urgence exceptionnelle sous la forme de garantie SOFARIS de prêts de trésorerie ;
- III - Actions en faveur des petites et moyennes entreprises et de l'artisanat
- Les entreprises corses souffrent de difficultés financières dues à la crise économique. A titre de mesure d'urgence, un moratoire de trois mois des dettes fiscales et sociales avait été décidé en février. Le moment est venu de préparer l'extinction progressive de ces dispositions et de mettre en place des mesures adaptées à la situation propre de chaque entreprise et de nature à restaurer durablement leur situation financière.
- Trois mesures ont d'ores et déjà été arrêtées :
- mise en place, pour les entreprises qui en feront la demande, d'une procédure de restructuration de leurs dettes fiscales et sociales : la Commission départementale des chefs de services financiers pourra leur accorder un plan de règlement pouvant comporter un différé de paiement d'un an maximum et quatre ans d'étalement. Le moratoire, dont elles bénéficient actuellement, est prolongé jusqu'à ce qu'intervienne la décision de la Commission Départementale les concernant ;
- accélération du règlement des dettes des collectivités locales auprès des entreprises : création d'une commission de validation de leurs créances et avance par le CEPME du paiement des entreprises ;
- conformément à l'accord passé entre le ministre de l'économie et des finances et les présidents de l'Assemblée territoriale et de son Conseil Exécutif, l'Etat participera à la recapitalisation de la caisse de développement de la Corse (CADEC) à hauteur de 70 MF en appui d'un apport équivalent de la Collectivité Territoriale.
- En outre, l'Etat est prêt à mettre à la disposition de la CADEC une enveloppe de prêts de 95 MF sur ressources CODEVI.
- D'ici au mois de juin, seront préparées des mesures en faveur du financement à long terme des entreprises corses. Elles comporteront notamment une valorisation spécifique à la Corse du plan PME et artisanat, notamment en ce qui concerne l'animation commerciale, le financement de l'artisanat et la formation dans les PME.
IV - Conditions du dialogue social
- Le Gouvernement, par voie règlementaire, va améliorer les conditions de représentation des syndicats représentatifs à l'échelon local.
- Des décrets préciseront les comités consultatifs départementaux et régionaux en matière d'emploi, de formation professionnelle, de COTOREP et de conciliation, qui pourront s'ouvrir à la présence d'organisations syndicales représentatives au niveau de la collectivité territoriale corse.
- V - Enseignement et culture
- 1) Enseignement
- La langue corse fait partie du patrimoine culturel national. Il convient d'assurer son enseignement dans l'île.
- Diverses mesures, intéressant tous les niveaux de formation, seront mises en place.
- Premier degré :
- ouverture de plusieurs sites expérimentaux bilingues ;
- renforcement des moyens de formation continue des maîtres pour l'enseignement de la langue corse.
- Second degré :
- généralisation des sections méditerranéennes dans les collèges qui couplent l'enseignement d'une langue romane (italien, espagnol) avec l'enseignement de la langue corse.
- En outre, des opérations de développement d'outils pédagogiques modernes (CD ROM, Télé-enseignement) pour l'enseignement de la langue corse seront lancées.
- Enfin, la formation initiale des maîtres du premier et second degré prendra en compte, dans son déroulement, la préparation spécifique à l'enseignement du corse et de l'enseignement bilingue.
- Enseignement supérieur :
- l'ouverture de l'université de Corse sur les centres économiques de l'île sera encouragée.
- des filières professionnalisantes s'appuyant sur les expériences acquises dans plusieurs secteurs en Corse notamment à Ajaccio et à Bastia, seront développées dans les domaines de l'innovation technologique, de l'agro-alimentaire et du tourisme.
- 2) Culture
- Par ailleurs, afin de conserver, de développer et de diffuser le patrimoine culturel de la Corse, le Préfet de région reçoit mandat d'élaborer, en étroite collaboration avec la Collectivité territoriale Corse, une charte culturelle qui prévoiera des engagements réciproques en matière :
- d'inventaire détaillé du patrimoine corse ;
- de recherche sur les traces préhistoriques dans l'île ;
- de gestion dynamique des archives qui portent la mémoire de l'histoire de l'île ;
- de promotion et de diffusion de spectacles en langue corse.
- Cette charte devrait être signée à l'automne.