Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, dans "Libération" le 22 novembre et "Le Figaro" le 23 novembre 2002, sur la sécurité maritime, notamment la vérification par l'Agence de sécurité maritime européenne de l'homogénéité des contrôles menés par les États membres.

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Le Figaro du 23 novembre 2002
Comme le président de la République l'a justement souligné, les Français et les Européens sont révoltés par l'insupportable naufrage du pétrolier Prestige, moins de trois années après celui de l'Erika. "Je suis une fois de plus horrifié par ce qui vient de se passer en Espagne et cette espèce d'incapacité des responsables politiques, nationaux et européens à prendre les mesures qui s'imposent pour lutter contre le laxisme avec lequel on laisse se développer des bateaux poubelles, ou simplement dangereux, sous des pavillons de complaisance, dans des conditions tout à fait inacceptables", a dit Jacques Chirac.
Qu'a-t-on fait depuis l'Erika ? "Rien", ont pu dire ou écrire certains. Aux professionnels du pessimisme et du "yaka", le gouvernement répond que des mesures fortes ont été prises, dont certaines sont déjà en application. Mais nous avons encore du chemin à faire. Le président de la République s'est sur ce point également exprimé avec force et fermeté : "C'est trop lent ! Il est urgent que les propositions que nous avions faites et qui avaient été approuvées, non sans mal et avec quelques réserves par le Conseil européen, soient mises en oeuvre."
Au plan national, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a décidé de recourir à de jeunes retraités de la marine marchande qui, dès 2003, en tant que vacataires épauleront, lors des contrôles des navires faisant escale dans nos ports, les inspecteurs de la sécurité déjà en activité. Cet appel aux compétences et à l'expérience est justifié, non pas par le manque d'inspecteurs, mais par l'absence temporaire d'inspecteurs formés et habilités. Les jeunes inspecteurs sont en cours de formation et ne sont pas immédiatement opérationnels. Le taux de contrôle des navires, effectués dans le cadre du mémorandum de Paris (1), était de 9 % en juillet 2002; il est désormais de 14 % en ce mois de novembre. Notre objectif pour 2003 est celui fixé par le mémorandum, c'est à dire 25 %.
Pour 2003 le budget consacré à la sécurité maritime augmente de 14 %, passant de 14,5 millions d'euros à 16,5 millions d'euros. Un second patrouilleur est programmé pour veiller sur nos côtes; il sera construit durant l'année 2003 et entrera en service en 2004. Les centres régionaux de surveillance et de sauvetage en mer de Gris-Nez (Pas-de-Calais), Jobourg (Manche) et Corsen (Finistère) seront équipés de radars encore plus performants qui permettront de suivre sans discontinuer les navires transitant au large de nos côtes.
Au plan européen, le gouvernement, comme vient de le souhaiter Mme Loyola de Palacio, commissaire européen aux Transports, va demander l'anticipation des dispositions déjà prises mais dont l'échéance actuelle ne se situe que dans une décennie.
Nous soutenons ainsi la création de l'agence européenne de sécurité maritime qui se mettra en place en décembre prochain. Il faudra que l'agence s'assure sans délai de l'homogénéité des contrôles effectués par les services portuaires de chaque Etat membre et définisse dans les six mois les critères permettant de mieux identifier le pays qui a accordé aux navires sa nationalité, afin que cessent les comportements de complaisance.
Comme le demande le président de la République, le gouvernement est déterminé et mobilisé. La France ne doit plus accepter le transit devant ses côtes de pétroliers âgés, à simple coque, transportant des hydrocarbures. Leur passage sera désormais considéré comme non inoffensif au sens de la Convention de Montego Bay. Les armateurs français ont anticipé la mise en oeuvre de l'élimination des navires pétroliers français à simple coque. La moitié de la flotte pétrolière française a été renouvelée en 3 ans. Elle est désormais l'une des plus jeunes au monde. L'âge moyen a baissé, en 3 ans, de plus 5 ans, pour atteindre aujourd'hui 8 ans.
De même, autant le droit maritime définit les responsabilités des opérateurs ayant les intérêts sur des navires, autant leur identité est très difficile, voire souvent impossible, à déceler. Il faut rendre transparente la chaîne des responsabilités dans les transports maritimes. Ensuite, force est de constater que des navires tels que Prestige et Erika ont pu naviguer parce que certains Etats leur ont accordé, sans contrôle sérieux, le bénéfice de leurs pavillons. La lutte contre les pavillons de complaisance est un autre des combats de la France. Ces propositions seront présentées, sans délai, à l'Union européenne.
Notre mobilisation est légitime lorsque la France et l'Europe sont victimes du comportement inacceptable d'opérateurs irresponsables. Les conséquences humaines et économiques de ces accidents pèsent très lourdement auprès des professionnels de la mer. Outre la mévente ou l'interdiction de vente des produits, les actions de promotion mises en oeuvre par les marins pêcheurs et les éleveurs d'huîtres et de moules sont anéanties. La reconquête du consommateur est tout aussi difficile que la reconquête de la qualité de l'eau.
La France fera dans tous ces domaines entendre son message.

(1) Le Mémorandum de Paris signé par l9 Etats (les 13 Etats côtiers de l'Union européenne, l'Islande, le Canada, la Russie, la Croatie, la Pologne, la Norvège) est une entente internationale, définissant des procédures communes quant aux modalités de contrôle, par les pays signataires, des navires y taisant escale. Sont ainsi précisés les mêmes référentiels réglementaires et notamment les critères de non-conformité conduisant à l'arrêt du navire dans le port. Les informations sont mises en commun et stockées au centre informatique de Saint-Malo./.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2002)