Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les transports périurbains, la réduction du temps de travail des conducteurs d'autocars, et enfin sur la nécessité de réglementer la concurrence internationale des transporteurs, Paris, le 7 octobre 1999.

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Circonstance : Colloque de la Fédération nationale des transporteurs de voyageurs à Paris, le 7 octobre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je sais et tiens à affirmer le rôle stratégique que joue votre profession pour nombre de nos concitoyens, rôle dont je souhaite qu'il soit pleinement reconnu. Votre profession est déterminante au regard des enjeux d'aménagement du territoire, au regard des évolutions de la ville et de la vie urbaine, au regard du développement du tourisme, en complémentarité avec le transport urbain, le transport ferroviaire et plus généralement avec les différents modes de déplacement.
Je vous propose que nous réfléchissions ensemble sur les grands enjeux de développement de votre activité et sur les conditions qui permettent et favorisent un tel développement.
Au titre de ces enjeux de développement, je voudrais d'abord évoquer le transport collectif régulier périurbain assuré par vos entreprises dans le cadre de conventionnements avec les départements. Une des grandes transformations de nos villes au cours des quinze dernières années a été le développement et l'extension -pas toujours bien contrôlés- de celles-ci. Ce développement pose des défis nouveaux, en particulier pour le transport périurbain, " transport régulier non urbain " selon la terminologie en vigueur, assuré par votre profession. Je considère que l'amélioration significative de ces services -leur extension et la mise en place de moyens adaptés- est essentielle. C'est pourquoi je souhaite que les instances représentatives de votre profession soient consultées sur les orientations de ce projet de loi. Il y a un peu plus d'un an, dans le cadre d'un groupe de travail mis en place à l'issue du CIADT de décembre 1997, vos représentants ont d'ailleurs été associés à une première série de réflexions prospectives conduites par la direction des transports terrestres. J'ai demandé au Directeur des Transports Terrestres de reprendre contact dans les prochaines semaines avec vos représentants pour examiner les premières esquisses de la traduction législative que pourrait prendre les orientations alors évoquées.

La question du transport régulier dans les zones " périurbaines " est aussi un enjeu important des prochains contrats de plan Etat-Régions et des futurs contrats d'agglomération. Dans cette perspective, l'État a fait savoir aux régions qu'il était prêt à contractualiser pour des investissements concourant à l'amélioration des transports dans les secteurs de forte périurbanisation. Cela peut concerner des dessertes ferroviaires, comme les " trains-trams ", mais aussi, -et cela vous concerne plus directement-, des gares routières, en particulier lorsqu'elles permettent d'assurer des fonctions d'échange entre la voiture, le transport collectif urbain et non urbain ; ou encore pour des projets " immatériels ", comme la mise en place de la télébillétique et de systèmes d'information multimodale. De tels projets, qui visent à assurer la continuité entre le transport non urbain et les autres modes de déplacements, sont décisifs pour satisfaire les besoins nouveaux de mobilité.
Je souhaite à cet égard dire quelques mots sur la télébillétique, qui va sans doute révolutionner les transports dans les vingt prochaines années, et notamment dans les rapports transporteurs clients. Vous êtes tous concernés par ces évolutions, et je sais que votre fédération a souhaité s'associer aux réflexions que la DTT a menées depuis mai 98 avec les autres parties concernées (GART, UTP, STP) dans le cadre de la charte billétique monétique. Vos représentants doivent exprimer dans ce cadre les spécificités de vos activités, en particulier la nécessité d'adapter les produits aux besoins des petites entreprises de transport qui ne peuvent exploiter des systèmes trop complexes.
L'objectif de l'État est bien de faire converger les différentes expérimentations vers une carte transport qui soit utilisable largement, mais aussi susceptible de profiter des évolutions technologiques qui se dessinent, en particulier les porte-monnaies électroniques et les cartes villes. L'État est aussi attentif à ce que ces systèmes soient ouverts et évolutifs, afin notamment d'éviter d'être obligé de tout réinvestir lorsque les techniques se perfectionnent.
Tout ce que je viens d'exprimer pourrait laisser entendre que je ne vois des autocars que dans le périurbain ou comme maillon d'une chaîne de déplacements, quelque part entre l'urbain et les transports à moyenne et longue distance qui seraient assurés par d'autres. Ce n'est pas le cas bien évidemment. D'abord nous savons tous ici que la réalité du transport par autocar, c'est aussi le transport scolaire au niveau départemental, le transport régional, le tourisme -Michelle DEMESSINE a pu vous en parler plus longuement hier- et au-delà, le transport international en fort développement. Il est nécessaire, pour ces transports à longue distance, de développer une vision prospective vigoureuse. Des propositions doivent être formulées et votre profession a un rôle à jouer à cet égard, notamment dans le cadre de l'élaboration des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire et des schémas nationaux de service. En ce qui concerne les schémas régionaux, je voudrais lever, si elle existe encore, une ambiguïté : ces schémas ont pour vocation de permettre une réflexion sur l'ensemble des transports à l'échelle régionale et sur leur articulation avec les transports départementaux et urbains. La plupart des régions l'ont d'ailleurs bien compris et n'ont pas limité leur réflexion au seul mode ferroviaire, ce qui aurait peu de sens.
La promotion du transport collectif constitue une orientation majeure du gouvernement : le transport par autocar fait partie intégrante de ces transports collectifs au même titre que le train ou les transports urbains.
Après ces quelques mots sur les enjeux, je voudrais parler des conditions nécessaires. En fait ces conditions tournent toutes autour d'une idée simple : une règle du jeu claire, équitable et appliquée par tous.
La règle du jeu, c'est d'abord le cadre contractuel qui vous lie à vos donneurs d'ordre, en particulier les collectivités locales. Un point me paraît décisif quels que soient les contrats, ceux-ci doivent, dans tous les cas, être passés avec le mieux-disant au regard de critères de sélection précis et annoncés à l'avance. C'est ce que nous avons notamment dit, très clairement, avec Dominique STRASS-KAHN et Jean-Pierre CHEVENEMENT dans une circulaire de mars 1998. Cette circulaire s'impose, vous le savez, aux préfets et aux services extérieurs des ministères des finances et des transports, notamment dans l'exercice de leurs missions de contrôle de légalité. Il faut reconnaître clairement le fait qu'une prestation de transport n'est pas seulement du " véhicule-kilomètre " et qu'un chauffeur qualifié a un rôle qui va au-delà de la simple prestation de conduite.
Un mot sur les questions sociales auxquelles vous me savez très attaché, et plus particulièrement sur la formation professionnelle et les 35 heures.
La formation des personnels contribue à une meilleure sécurité et à une meilleure qualité de service. Votre activité est concernée par la mise en oeuvre de la loi du 6 février 1998, qui prévoit la généralisation de l'obligation de formation professionnelle à tous les conducteurs routiers professionnels : des négociations ont été engagées en 1998 à ce sujet, mais elles n'ont pas été conclusives : je sais qu'il est prévu qu'elles reprennent ce mois-ci ; je serai très attentif à leur bon déroulement, et je souhaite une conclusion aussi rapide que possible. La loi a prévu une intervention réglementaire, pour " boucler " le dispositif de généralisation, notamment pour les activités qui n'auraient pas conclu d'accord : le projet de décret correspondant va être préparé dès cet automne par la Direction des Transports Terrestres.
Votre profession est aussi concernée par les deux lois Aubry, à la fois sous l'angle de l'aménagement-réduction du temps de travail, comme toutes les professions, pour créer des emplois, mais aussi sous l'angle de la " moralisation " du recours au temps partiel, pour favoriser des conditions d'emplois plus stables et plus satisfaisantes pour les personnels.
Dans le cadre de la première loi, vous avez conclu le 23 décembre 1998 un accord, mais cet accord n'était valable que jusqu'au 30 avril 1999.
Nous serons très attentifs à l'évolution des négociations en cours.
En tout état de cause, comme cela vous a déjà été indiqué, je vous confirme que Mme AUBRY et moi-même considérons que l'accord du 15 juin 1992 sur le contrat de travail des conducteurs scolaires satisfait aux exigences de la " loi Aubry n° 1 " : les conditions d'emploi des conducteurs scolaires ne sont donc pas remises en cause, et j'ai eu l'occasion de le rappeler personnellement, à plusieurs reprises, aux élus départementaux qui m'avaient saisi.
En ce qui concerne les autres conducteurs, il faut un accord définitif, sinon les dispositions de la loi sur les coupures s'appliqueront pleinement.
J'ai proposé au Premier ministre, qui a retenu ma proposition, que dans le cadre du projet de " loi AUBRY n° 2 " , il soit précisé qu'à défaut d'accord, pour les transports de voyageurs présentant un caractère de service public, la question des coupures dans les journées de travail des salariés à temps partiel puisse être traitée par décret. Cette disposition figure dans le projet de loi dont le Parlement a amorcé l'examen.
Elle montre que nous sommes prêts, le moment venu, à assumer toutes nos responsabilités.
Vous avez, Monsieur le Président, jusqu'à la fin de l'année, pour conclure avec les organisations syndicales un accord définitif ce qui éviterait une intervention réglementaire. Trouver un bon accord, un bon compromis, est toujours préférable, et nous souhaitons que les propositions de la FNTV permettent d'arriver à un bon accord.
Le respect de la règle du jeu concerne aussi directement l'État. Je pense, par exemple, au dossier de la TVA, non récupérée sur les transporteurs étrangers, ce qui est tout à fait choquant et j'ai décidé de saisir sur cette question directement mon collègue ministre des Finances.
Concernant ces mêmes aspects de concurrence internationale, je vous confirme que la modification du code de la route autorisera la circulation d'autocars de plus de 12 mètres et dans la limite de 15 mètres, sous réserve qu'ils comportent plus de deux essieux, à partir du 1er octobre 200l. Le décret correspondant va être transmis prochainement au Conseil d'État. De façon plus immédiatement opérationnelle, les porte-skis seront autorisés à l'arrière des autocars de 12 mètres dès la saison d'hiver 1999/2000.
Je veux enfin évoquer les nouvelles dispositions introduites par la loi du 18 juin 99 relatives à l'obligation faite aux entreprises de transport de voyageurs d'être titulaires à l'international d'une licence de transport adaptée dont une copie conforme devra se trouver à bord de chaque véhicule. Le même principe sera étendu au transport national à l'issue d'un décret en Conseil d'État qui sera une refonte du décret du 16 août 1985. Ce décret prévoira également une sanction de retrait de copies conformes pouvant conduire à l'immobilisation de véhicules. L'objectif de ce dispositif est de mieux sanctionner les infractionnistes lourds, afin de défendre la qualité du transport public en ne se laissant pas aspirer dans la spirale du " moins disant " pour le choix des titulaires de contrats.
Dans le même esprit, je souhaite que nous fassions preuve de rigueur et d'exigence pour le respect des réglementations dans le transport international : les objectifs de sécurité et de concurrence loyale s'imposent dans ce secteur, et je n'ignore pas les risques et les tentations de dérives qui peuvent exister. Je sais que votre organisation attend beaucoup de l'État dans cette action de contrôle, et vous pouvez compter sur mon appui. Je souhaite que la DTT mette au point avec vous un programme de travail pour renforcer notre efficacité sur ce point.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 28 octobre 1999)