Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur les premières actions du gouvernement de J-P Raffarin, la rencontre entre la CGT et le MEDEF le 24 octobre 2002, les propositions de la CGT en faveur d'une "sécurité sociale professionnelle" et d'une réforme du système des retraites, les atteintes à l'exercice du droit syndical et la préparation des élections prud'homales de décembre 2002, Rouen le 21 novembre 2002.

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Circonstance : Meeting de la CGT à Rouen le 21 novembre 2002

Texte intégral

Chers amis, chers camarades,
Je vous remercie d'avoir répondu si nombreux à l'invitation de la CGT et de son comité régional Normandie. Nous sommes réunis ce soir à vingt jours des élections prud'homales. Autant dire que c'est la dernière ligne droite et qu'il nous faut conjuguer toutes nos forces et rassembler toute notre énergie pour gagner. Ces élections constituent un moment décisif pour affirmer la représentativité du mouvement syndical en général et celle de la CGT en particulier. Le 11 décembre, en Normandie comme dans toute la France une grosse partie va se jouer, et le résultat global de la CGT dépendra pour une large part de votre engagement.
Chaque jour fournit son lot de motifs supplémentaires d'avoir une meilleure prise sur les événements, et le vote CGT du 11 décembre s'inscrit clairement comme un des moyens pour y parvenir.
Que l'on se tourne du côté des stratégies des entreprises ou de l'action gouvernementale, on se heurte depuis des années aux mêmes discours obstinément rabâchés, aux mêmes mesures qui débouchent immanquablement sur de plus grandes inégalités, des gâchis et autant d'occasions manquées de façonner un univers de progrès et de justice sociale. D'autres choix, d'autres orientations sont possibles. Les salariés et le mouvement syndical doivent se mettre en capacité de les faire prévaloir.
Utopie déclareront certains ! Certes, le syndicalisme est historiquement porteur d'espoir voire d'une part de rêve, mais il est d'abord bien placé pour apprécier si les décisions qui sont prises et qui intéressent la vie de dizaines de millions de salariés et de leurs familles sont bien de nature à s'attaquer à l'insécurité sociale qui marque la société française.
On peut prendre la situation par tous les bouts, pour les salariés, les sources d'inquiétude sont bien plus nombreuses que les sources de satisfaction. Au-delà de sa posture traditionnelle de défense et de résistance qui lui est reconnue, le syndicalisme est particulièrement attendu sur son aptitude à proposer des alternatives permettant au " social " de conquérir une place centrale.
Il faut renforcer la cohésion sociale autour d'un ensemble dynamique de droits collectifs, dont la satisfaction conditionne la production et la répartition des biens et services, et oriente le développement.
Il faut libérer la dimension sociale de sa soumission au critère de la rentabilité financière, et, pour y parvenir, il faut pénétrer au coeur de la gestion de l'entreprise.
Des réponses efficaces et durables impliquent également des politiques publiques et des pratiques démocratiques participatives. Elles ne signifient pas une étatisation mais un immense effort de démocratie publique. C'est " dans la proximité ", en les articulant à chaque niveau territorial, que se joueront de pair le développement de l'économie et de la démocratie, à l'intérieur de chaque pays comme au sein d'un ensemble coordonné de pays comme l'Europe.
Il y a un besoin impérieux de (re)solidariser fortement territoires et entreprises dans tous les domaines et à toutes les échelles : production, emploi, activités de Recherche/développement, services, droit social, financements, fiscalités, respect de l'environnement
C'est selon ces deux axes principaux, la mise en oeuvre des politiques publiques et le resserrement des liens entre entreprises et territoires que nous jugerons le projet de décentralisation du gouvernement et que nous serons amenés à faire des propositions précises pour le combattre ou l'amender selon les cas.
L'égalité des droits, l'égalité d'accès et l'égalité de traitement demeurent des revendications modernes. Elles nécessitent un combat permanent, car chaque évolution, chaque innovation peut toujours être monopolisée, exploitée, détournée par une minorité qui s'ingénie à maintenir ses privilèges. L'égalité ne peut pas exister là où une compétition sans merci ou un rapport de domination détruisent ou étouffent les solidarités humaines.
Que les françaises et les français, les salarié(e)s en particulier attendent du changement, c'est une évidence ; mais le changement qu'ils appellent de leurs 3 voeux, ne consiste pas à contourner ou saper le droit du travail, brader le service public, démolir les statuts, bousiller les retraites et tailler des croupières à la Sécu !
La question de l'emploi reste la source d'inquiétude la plus constante des salariés de notre pays, une inquiétude que celle de l'avenir des retraites vient redoubler. La situation est grave, et en Normandie le taux de chômage se tient depuis de nombreuses années à un niveau plus élevé que la moyenne nationale. Chacun sait bien malheureusement que, mois après mois, le chômage ne cesse d'augmenter depuis un an et demi maintenant Que cela est commun à presque tous les pays d'Europe Que personne ne voit d'amélioration prévisible avant douze ou dix-huit mois
" Le gouvernement se mobilise " ont cru bon de titrer certains journaux.
Nous jugeons de l'action gouvernementale aux actes, et malheureusement, dès le coup d'envoi il est allé à la faute. En juillet ce sont les smicards qui se sont vu refuser la revalorisation de leur salaire. Dans la foulée, le gouvernement a adopté une série de dispositions qui mettent fin au processus de réduction du temps de travail, en particulier pour les salariés des petites entreprises, et offrent au patronat un cadre idéal dans lequel il ne manquera pas de s'engouffrer pour généraliser les emplois à temps partiels complétés d'heures supplémentaires plus nombreuses et moins coûteuses pour les entreprises.
Volonté de revanche et manque de lucidité sur l'évolution des besoins sociaux, tout y est, mais cela n'empêchera pas que la relation entre temps de travail, temps privé et temps social doit être repensée, ni que le processus 35 heures a remis durablement l'organisation du travail au centre de l'activité revendicative. La flexibilisation, les flux tendus, l'extension du travail posté, du travail des samedis et des dimanches et du temps partiel contraint, et la mise sous tension permanente du personnel d'encadrement ne sont pas un tribut éternel à payer au nom de la concurrence et de la modernité. Les exigences et les méfaits d'une conception intensive de la productivité deviendront progressivement insupportables : si pour certains " le temps c'est de l'argent ", pour un salarié son temps c'est sa vie.
Le budget 2003 du gouvernement, tiraillé par des tactiques contradictoires et prisonnier de ses promesses, allie les ingrédients de l'inefficacité économique au parti pris de l'injustice sociale.
On a affiché l'objectif de 2,5 % de croissance pour le proche avenir, mais les choix politiques qui l'accompagnent rendent cette ambition non crédible. Lorsque l'on confond politique et communication, c'est le double langage qui triomphe, c'est l'austérité qui s'avance masquée derrière l'esbroufe et la manipulation.
L'injustice du budget transparaît dans les choix fiscaux. Tout est fait pour une clientèle politique ayant des revenus confortables. Le soi disant pouvoir d'achat redonné aux français ira en fait gonfler l'épargne des ménages aisés sans impact positif sur l'économie et l'emploi. L'Etat lui devra compenser les conséquences sur la Sécurité sociale des allégements consentis aux entreprises, au moment même où les rentrées fiscales vont diminuer, au détriment du financement des politiques publiques de l'école, de la santé et de la recherche.
L'échec de la politique d'exonérations des cotisations sociales menée depuis dix ans est pourtant évident. Il ne sert à rien d'octroyer des aides, sans contrôle ni contreparties à des entreprises qui avouent que leur première préoccupation c'est la rémunération de leurs actionnaires. Il y a là 19 milliards d'euros, 120 milliards de francs de crédits publics gâchés qu'il vaudrait mieux utiliser pour un vaste plan de formation et de qualification de tous les salariés.
La majorité parlementaire, enivrée par un résultat qui doit plus à la providence qu'à ses mérites, brûle de profiter des commodités d'une victoire pléthorique.
Le 30 octobre, c'est Jacques BARROT lui-même, le général ou le maréchal du groupe UMP à l'Assemblée, qui ne cachait pas sa vision d'avenir de la Sécurité Sociale. " Ce n'est plus la peine d'être hypocrite " - disait-il - " Ce que l'on souhaite, c'est une concentration de l'assurance maladie obligatoire sur toutes les maladies graves ". " Pour le maintien en santé, il faut que chaque français puisse être en mesure d'avoir une assurance complémentaire, il faut que chacun consente un petit effort supplémentaire ".
Le plus dangereux et le plus cher pour la Sécu, ce sont les rechutes ! Monsieur BARROT qui était Ministre du Travail en 1995 nous en a fait une. Plus grave encore la maladie paraît contagieuse, et le docteur MATTEI est visiblement atteint d'une forme aiguë du mal, tant sont grandes sa fièvre et son agitation médiatiques.
Monsieur FILLON serait bien inspiré de faire comprendre à son collègue que la Santé c'est le Travail, et que amputation et jambe de bois sont des solutions boiteuses pour ne pas dire foireuses, que les salariés ne se laisseront pas appliquer sans réagir très vigoureusement.
Mais continuons l'inventaire.
Lorsque l'on égrène la sinistre liste des plans dits sociaux, cela fait penser à ces interminables appels aux morts devant les monuments des deux dernières guerres. Et ce n'est pas dans la région où l'on a assassiné Moulinex, et tant d'autres, que j'ai besoin de faire un dessin.
Quelle est dans ces conditions la crédibilité de la nouvelle cellule de prévention des suppressions d'emplois dont le ministre du Travail a annoncé la mise en place ? Quelle est la crédibilité du renvoi à la négociation avec le patronat des mesures à prendre pour éviter les licenciements lorsque l'on a entendu, comme nous l'avons entendu le 24 octobre dernier, le MEDEF dire " qu'il n'y avait pas grande chance d'aboutir " sur ce sujet ?
Depuis, il a bien du condescendre à incorporer ce thème dans le programme de travail de 2003. Mais le courrier que nous a adressé Monsieur SEILLIERE il y a 3 jours est sur ce point tout à fait éloquent. Je reprends ses propres termes mot à mot : " je vous propose par ailleurs d'initier des discussions interprofessionnelles sur les modalités du droit de licenciement, à partir d'une analyse des pratiques existantes, pour proposer les adaptations nécessaires aux textes relevant des pouvoirs publics ".
Une fois de plus, le MEDEF livre ici les clés de la compréhension de son attitude passée et présente. Les cris d'orfraie poussés par ses dirigeants contre la loi de modernisation sociale au nom d'un primat de la négociation entre " partenaires sociaux " n'étaient que la manifestation de leur opposition absolue à toute restriction du droit de licenciement. Maintenant que la majorité a changé, comme pour les 35 heures, le MEDEF préférerait que la droite défasse par la loi ce que la gauche avait institué, parfois timidement.
Bordée de cette façon, et d'ores et déjà repoussée au bout du calendrier 2003, voilà une discussion qui ne risquera pas de troubler ni les restructurateurs ni les dépeceurs, ni les déménageurs. J'ai peine à comprendre qu'avec des accents inutilement enthousiastes certains puissent y trouver des raisons d'espérer.
La faiblesse structurelle du droit du travail est de laisser quasiment libre l'employeur de mettre un terme à l'emploi d'un salarié. Cela lui est encore plus facile avec un emploi précaire. Mais ce droit unilatéral de l'employeur s'applique aussi au titulaire d'un CDI. En second lieu l'essentiel des droits étant lié à l'emploi, le salarié licencié se trouve complètement démuni et rapidement n'est 6 plus couvert que par des dispositifs publics. Il s'agit donc de bâtir une véritable alternative au licenciement et il s'agit d'en imposer le principe par la mobilisation et par l'action syndicale la plus large.
La CGT avance l'idée d'une " sécurité sociale professionnelle ".
Notre objectif est que tout salarié bénéficie quelles que soient les circonstances, d'un ensemble de droits individuels, garantis au plan interprofessionnel, opposables à tout employeur et transférables d'une entreprise à une autre : droit à l'intégration dans un emploi, droit à la formation continue, droit à une carrière professionnelle, droit au maintien d'un contrat de travail en cas de suppression d'emploi, continuité des droits pour le calcul de la retraite, droit à l'expression syndicale.
Cet objectif est au coeur de la première résolution qui sera soumise à l'approbation du 47ème congrès de la CGT en mars 2003. Les projets de résolution de ce congrès vont d'ailleurs être diffusés dans toutes les organisations afin que chacun d'entre vous puisse en prendre connaissance et en débattre.
Nous vous proposons de le faire dès maintenant avec les salariés des entreprises où s'annoncent des suppressions d'emplois, et plus généralement dans tous les sites où les salariés du privé, mais aussi du secteur public et des administrations doivent faire face à la dégradation des conditions d'emplois. Nous avons un véritable intérêt commun à défendre : c'est l'emploi et la qualification contre le chômage et la précarité.
Nous en avons d'autant plus besoin que s'agissant de l'indemnisation du chômage, le MEDEF en appelle à des décisions " courageuses " pour la fin de l'année, ce qui augure bien de sa conception de la négociation à venir début 2003 : un peu plus de sacrifices, toujours pour les mêmes !
La grande cause du sacrifice vient d'ailleurs de perdre momentanément un de ses plus ardents prédicateurs, avec non pas le regretté, mais le regrettable Denis KESSLER, champion du dialogue social à balles réelles. Je le cite pour qu'on visionne le calibre : " Les impératifs de l'économie moderne sont incompatibles avec les exigences de sécurité et de protection qu'attendent les salariés des entreprises ".
Oui, c'est avec cette formule percutante qu'il avait donné le baptême à la " refondation " modèle MEDEF, dont il était le parrain, à tous les sens du terme.
Oui, le cher homme est reparti pantoufler dans l'assurance, nous ne l'entendrons plus à la grand-messe des patrons psalmodier le saint cantique :
" Laissez-nous les mains libres pour faire des salariés flexibles, ne nous soumettez pas à des obligations pour les rémunérations et délivrez nous des cotisations sociales en abaissant les charges patronales. Ainsi soit il ! "
A gauche, beaucoup d'analystes politiques et économiques ont cru à ce catéchisme ou se sont résignés à n'y voir qu'un regrettable mais inéluctable tribut à payer au nom de la sacro-sainte efficacité de l'économie concurrentielle de marché.
On a renâclé à mettre en cause le développement de l'emploi précaire. On a trop facilement accepté le principe de l'irresponsabilité des entreprises vis-à-vis des dégâts sociaux provoqués par leurs objectifs, leurs critères ou leurs erreurs de gestion. On en est même venu à prôner la réduction des prélèvements fiscaux et sociaux indispensables tant à la justice sociale qu'à l'efficacité de l'économie.
Comment s'imaginer qu'à partir de tels présupposés on soit en capacité de proposer une véritable alternative à la dérive dangereuse dans laquelle s'engage le monde capitaliste, c'est-à-dire le monde entier, à travers la domination des logiques de rentabilité financière ?
Quelle illustration plus noire et plus révoltante de cette dérive que le naufrage du pétrolier "Prestige" au large de l'Espagne et du Portugal. Tous les ingrédients y sont : la sous-traitance et le pavillon de complaisance qui autorisent les formes les plus cyniques de surexploitation du travail et de la misère et l'utilisation de navires hors d'usage. L'impuissance des pouvoirs publics face aux violations des normes et des règles de conduite. L'impunité des donneurs d'ordre qui, par tous les moyens, se défaussent de leur responsabilité pour ne pas écorner leurs profits. L'avenir de la planète, tout comme la sécurité des biens et des personnes sont partout les victimes de cette course effrénée et criminelle à la rentabilité.
Des choix politiques et sociaux qui marqueront notre société pendant les décennies à venir doivent arrivent à échéance. Si tout ne relève pas de la compétence syndicale, il est clair que notre vigilance et notre action sont décisives pour que tous les débats aient lieu au grand jour, pour que chaque analyse et chaque décision prennent en compte les intérêts du monde du travail.
Ces débats appellent une franche confrontation, et celle ci a commencé.
Lancée le 3 octobre par les dizaines de milliers d'électriciens et gaziers, mobilisés dans l'unité la plus large, elle s'est poursuivie le 17 octobre avec la mobilisation des personnels de l'Education nationale et de la Recherche, le 21 octobre, avec les intermittents du spectacle, les techniciens, acteurs, réalisateurs massivement descendus dans la rue.
Le 14 novembre, c'était une forte journée d'action par de nombreux débrayages dans la métallurgie sur l'emploi, les salaires et les retraites, de nouvelles actions unitaires chez les électriciens et gaziers. Depuis, les initiatives et la mobilisation prennent de l'ampleur dans la construction, la chimie, le textile
C'est, en ce moment, une mobilisation large dans les radios et télévisions publiques.
C'est aussi une grande manifestation nationale, à l'appel de 6 fédérations de cheminots actifs et retraités, le 26 à Paris, date également retenue dans les transports, et plus particulièrement les transports urbains, pour la défense des revendications professionnelles. Les personnels civils de la Défense sont aussi appelés à se mobiliser ce jour là, alors que le budget de leur ministère sera en débat à l'Assemblée Nationale, tandis que l'action unitaire est programmée à la Poste et dans les Télécommunications.
La mobilisation est aussi d'actualité dans plusieurs grandes enseignes du commerce et de la distribution pour les semaines qui viennent.
Le 5 décembre sera consacré à porter les exigences des emplois jeunes qui attendent un autre avenir qu'une lettre de remerciements pour leur dévouement de ces dernières années. Le 8 décembre c'est à nouveau une manifestation pour l'école qui aura lieu à Paris et dont toute la CGT sera naturellement partie prenante.
J'en oublie forcément. Que les intéressés me pardonnent, le plus significatif c'est que tout cela témoigne de prises de conscience et de mobilisations qui peuvent changer le cours des choses.
Sur la compréhension des enjeux et des convergences possibles, il y a effectivement des choses qui progressent. C'est cela le plus important et c'est ce qu'il faut cultiver, travailler, protéger pour espérer aboutir à des mouvements concertés plus amples et, pourquoi pas, qui nous réunissent ensemble pour être plus forts.
Le syndicalisme m'apparaît comme une cheville ouvrière de la remise en ordre de bataille pour la conquête du progrès social. Sa capacité d'entraînement et de mise en mouvement des salariés demeure importante : elle peut, elle doit encore se renforcer dans les semaines et les mois qui viennent. C'est sur sa capacité à reformuler et à construire des systèmes solidaires en matière de droit au travail, de santé, de retraite, de formation mais aussi de cadre de vie qu'il sera jugé.
La réalité sociale c'est que pour des millions de femmes et d'hommes il y a urgence à sortir au plus vite des schémas dans lesquels on les enferme depuis des années.
Ils sont scandalisés de voir une oligarchie financière pourrir ou même ruiner la vie de millions de salariés et de retraités par leurs opérations calamiteuses ou frauduleuses.
Ils en ont assez des leçons de civisme alors que d'autres " jouent " avec la planète dans leurs Conseils d'administration.
Ils refusent cette société du risque que les bonimenteurs du MEDEF leur présentent tour à tour comme l'horizon radieux ou le destin inéluctable du " meilleur des mondes ", là où il n'y a qu'un OGM douteux issu de la dernière mutation génétique du capitalisme.
Cette prise de conscience peut déboucher sur le ressentiment, celui sur lequel surfe aussi bien le populisme le plus violent et le plus rétrograde que celui qui se pare abusivement des couleurs de la révolution.
L'extrême droite a montré sa capacité à réunir de nombreux suffrages en exploitant ce ressentiment. Elle l'a fait en mettant en relation, sur fond de racisme et de xénophobie, le processus de mondialisation, l'immigration et la sécurité.
Parmi les salariés sensibles à son discours, certains peuvent être syndiqués à la CGT ou lui faire confiance. Ne faisons preuve d'aucune complaisance vis-à-vis du système de pensée dans lequel ils se sont enfermés. Il n'y a aucune place, ni dans notre point de vue ni dans notre pratique, pour le racisme, la xénophobie, l'autoritarisme, la morgue ou l'étroitesse chauvines, l'exacerbation des peurs collectives et la manipulation démagogique des désarrois sociaux.
Je le dis d'autant plus fermement que cette attitude n'est apparemment pas partagée dans une partie du mouvement syndical. On l'a bien vu à l'occasion du 1er mai lorsque certains ont cru bon de déserter les rangs des manifestants en invoquant l'argument, en l'occurrence très spécieux, de l'indépendance syndicale.
Voilà une attitude que n'auraient pas reniée les sbires de l'ancienne Confédération des Syndicats Libres, c'est-à-dire deux mensonges en trois mots. Un petit rappel s'impose car tout le monde ici ne connaît pas cette triste page écrite, il n'y a pas si longtemps, par ce que certains s'obstinent à appeler nos " partenaires sociaux ".
Payés par les directions d'entreprise, notamment chez Peugeot, Ford et Citroën, un ramassis d'individus à la fois activistes de la droite factieuse et truands du patronat, s'étaient fait une spécialité d'éliminer la CGT par la menace, les voies de fait et même le crime. Ils s'étaient ainsi constitués en une organisation qui, après s'être appelée CFT, a fini par répondre au nom usurpé de Confédération des syndicats libres. Ils ont également bénéficié, jusqu'en 2001, des avantages en nature dispensés par les administrateurs d'une très grande ville qui jusqu'en 2001 aura été la capitale du copinage, de la prébende et de la prévarication.
Ce sont ces gens là qui viennent de céder leur fonds de commerce à Force Ouvrière ! Chaque organisation est bien sûr maître de ses alliances et de ses accointances. Mais on ne m'empêchera pas de penser que, même toilettés ou pasteurisés, il y a des gens infréquentables pour des syndicalistes attachés réellement aux valeurs de solidarité, d'indépendance et de dignité des luttes sociales.
Le syndicalisme a une tâche immense à assumer et notre syndicalisme en particulier. C'est là notre priorité.
Il y a besoin d'articuler de mieux en mieux notre intervention dans les entreprises, les localités, au plan national et international, notamment dans sa dimension européenne.
C'est ce qui justifiait notre présence au Forum Social Européen de Florence qui a vu une grande affluence notamment de jeunes en quête de nouveaux horizons pour la société de demain.
C'est ce qui nous fait observer ce qui se passe dans d'autres pays européens où l'on constate bien souvent remise en cause des droits sociaux mais aussi réactions et mobilisation syndicale.
En Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Suisse l'action est à l'ordre du jour. En Norvège, ce fut une grève générale le 14 novembre et nos camarades portugais préparent celle du 10 décembre prochain.
Ce mardi, à Bruxelles, nous avons fait le point une nouvelle fois entre organisations adhérentes de la Confédération Européenne des Syndicats. Nous sommes à une étape décisive de la construction européenne préparant l'entrée de nouveaux pays qui rend plus légitime et plus urgente encore l'exigence d'une construction européenne qui place le développement social au centre du projet politique.
C'est bien parce que nous mesurons tous qu'il nous faut donner des suites aux Euro manifestations de Nice, Barcelone et de Bruxelles que nous avons, ensemble, décidé de conjuguer une nouvelle fois nos efforts.
Je suis donc heureux de pouvoir vous annoncer qu'avec l'ensemble de nos camarades de la CES, nous avons décidé de faire du 21 mars 2003 - date d'un nouveau Sommet des chefs d'Etats - une journée d'action européenne coordonnée à l'appel de tous les syndicats.
L'Europe ne deviendra jamais une véritable communauté si elle n'est qu'une zone de libre échange. L'Europe n'a pas de légitimité si elle ne se construit pas autour d'un projet de partage des revenus qui donne une place centrale à la protection sociale. L'Europe n'a pas de sens si elle ne se met pas au service de la construction d'une alternative à la version actuelle de la mondialisation : c'est à dire la conjugaison du pouvoir des multinationales avec l'hégémonie politique et militaire des Etats-Unis.
La délégation que j'ai conduite le 24 octobre avait très clairement proposé au MEDEF l'ouverture de quatre chantiers de négociations, et c'est au pied de ces quatre murs là que nous voudrions voir celui qui se prétend le patron des patrons :
Un, le droit à la formation tout au long de la vie et la reconnaissance des qualifications.
Rappelons nous que le volet formation de la refondation sociale à la sauce patronale avait abouti à un fiasco total, le MEDEF ayant réussi à faire l'unanimité contre ses positions.
Deux, la revalorisation des salaires et l'évolution des qualifications.
Le MEDEF conteste que ces sujets puissent être traités au plan national.
Cela veut il dire qu'il s'en tient à sa volonté d'être débarrassé du SMIC ? Ou encore que ni le MEDEF ni son Président n'auraient de mandat pour aborder avec les confédérations de salariés la question d'une répartition des richesses plus favorable au travail, c'est-à-dire la revendication interprofessionnelle la plus fondamentale.
Trois, le recul de la précarité dans l'emploi et l'insécurité sociale.
L'organisation patronale invoque pour se dérober la complexité de la question et la faible probabilité qu'aurait la discussion de déboucher sur un résultat. La précarité n'est pas un phénomène météorologique, c'est un choix de gestion fait par les directions des plus grandes entreprises pour transférer leurs risques de marché sur les salariés à travers la sous-traitance et l'intérim. Ne pas déboucher sur cette question ne relève pas d'une quelconque probabilité mais de la certitude de ne pas vouloir l'aborder.
Et quatre, le respect du droit et des libertés syndicales dans les entreprises.
Et alors là, tenez vous bien, d'après le MEDEF, il n'y a pas de problème en la matière ! Sur l'air de " Tout va très bien Madame la Marquise ", nous sommes donc invités à entonner "Vous êtes trop bon Monsieur le Baron".
C'est quand même bien en France que des salariés sont licenciés, exclus, traînés devant les tribunaux parce qu'ils ont accepté la confiance de leur entourage, accepté d'être élus et délégués syndicaux ou tout simplement accepté de participer à une action syndicale. C'est bien en France, dans le pays de l'invention des Droits de l'Homme et du citoyen, que 15 000 élus et mandatés de toutes organisations sont chaque année licenciés, dont beaucoup pour des motifs qui travestissent la réalité pour dissimuler la vindicte patronale.
C'est impressionnant. Ça l'est d'autant plus qu'on n'en parle pas souvent. Il y aurait pourtant beaucoup à dire et à montrer du climat " terroriste " entretenu par les services juridiques des employeurs. Ceux-ci excellent à exploiter les insuffisances, les imprécisions et les lacunes du droit du travail. Ils en ont les moyens, c'est-à-dire le temps et l'argent, lesquels continuent à peser de façon très inégale sur les plateaux de la balance.
Défendre les droits individuels et collectifs des salariés est une des tâches fondamentales du syndicalisme. Le combat syndical est et sera toujours inspiré par le progrès du droit contre l'injustice et l'arbitraire.
La dérive sécuritaire de la société a été accélérée par les surenchères des campagnes électorales. Avec l'énergie et la ruse de celui qui croit en son destin, l'homme de l'Intérieur réchauffe une à une toutes les peurs pour s'offrir le privilège de les rassurer. Charriant une conception du droit fondée sur le primat du " maintien de l'ordre ", il entretient un climat répressif dangereux pour tous ceux qui doivent braver une autorité. C'est évidemment le cas des militants syndicaux qui, en exerçant dans la réalité des conflits du travail leur fonction de résistance à la subordination patronale, sont souvent exposés à ces dérives, qu'elles viennent de l'employeur ou de ceux qui taisent ou qui couvrent les abus de pouvoir de la force publique.
A ce propos, je veux saluer à nouveau notre camarade Alain HEBERT, victime parmi d'autres d'un déni de justice qui bafoue le droit et la démocratie. Je suis heureux de constater que face au complot et au parjure qui déshonorent ceux qui y ont recours contre lui et contre son organisation, c'est un mouvement syndical unanime qui continue à le soutenir, à conforter une solidarité que nous ne lui ménagerons pas.
A l'instar de la grève qui en concentre tous les symboles, il faut admettre que l'action syndicale a pour ressort de créer un " rapport de force ", faire pression sur l'autre partie pour la faire " céder ". pas plus tard qu'hier matin, c'est Ernest Antoine SEILLIERE lui même que j'entendais se répandre sur les ondes pour suggérer que les routiers qui se rendraient responsables d'un blocage de l'activité économique se voient retirer leur permis de conduire ! Il ferait mieux de préconiser de retirer le permis de conduire les entreprises à tous les patrons qui ont failli à leurs obligations sociales, précipitant tout un territoire dans le marasme et des milliers de salariés dans l'angoisse du lendemain.
Il ne faut laisser ni aux employeurs ni aux pouvoirs publics la possibilité d'invoquer abusivement des règles du code pénal ou de responsabilité civile, de déplacer le terrain de l'action syndicale pour parvenir à la criminaliser. Un nouvel exemple vient de s'ajouter à tous ceux qui émaillent notre histoire syndicale avec la condamnation scandaleuse à 14 mois de prison fermes de José BOVE.
Une mesure s'impose, c'est l'amnistie. Le Premier Magistrat de la République en a les moyens, il reste à le convaincre. Avec d'autres, la CGT va s'y employer activement.
L'entrave aux libertés syndicales est partout présente. Elle peut l'être de façon absolue, pesante comme une chape de plomb sur les plus démunis, ceux dont l'emploi est le plus menacé jusqu'au cas extrême du sans papiers qui a le choix entre être exploité ou être expulsé. Elle est alors emblématique de l'atteinte aux libertés, à toutes les libertés.
Elle peut, et c'est le cas le plus fréquent, être rampante s'exprimant par la menace plus ou moins feutrée des uns et l'autocensure des autres. Combien d'ouvriers ou d'employés hésitent à s'adresser au délégué quand il existe de peur de se faire remarquer, de se faire étiqueter, porte ouverte à des brimades ou des mesures de rétorsion ? Combien hésitent à former un syndicat, et quand ils l'ont formé, combien se résignent à le faire fonctionner dans la clandestinité ou la plus grande discrétion ? Mais même là où les syndicats ont acquis droit de cité, quelles facilités sont données pour qu'une vie syndicale réelle puisse exister, que le contact puisse être maintenu avec tous les salariés du collectif de travail et au delà ?
Il faut se rendre à l'évidence, dans un pays comme la France, le fait syndical est loin d'être reconnu au niveau qu'exige une démocratie de bon aloi.
Combien de négociations qui se concluent par la signature d'accords minoritaires qui ne tiennent pas compte de l'opinion des salariés ?
Le patronat a beau jeu de vouloir négocier les droits sociaux par entreprise, voire même par établissement. Lorsqu'il rencontre une présence syndicale - ce qui est malheureusement loin d'être le cas partout - il sait pouvoir contourner l'obstacle puisqu'il lui suffit d'obtenir une signature de l'une des 5 confédérations pour mettre en oeuvre un accord.
Cette situation n'est plus tenable. Il aurait été salutaire que le gouvernement précédent ait le courage et l'audace d'ouvrir le chantier de la démocratie sociale. Il est urgent que le nouveau gouvernement s'attelle à cette réforme, sinon son discours sur le dialogue social s'avérera n'être que du verbiage ou de la poudre aux yeux. !
Il faut tenir compte de ce que disent les salariés aux élections professionnelles. Ainsi, seuls doivent être mis en oeuvre les accords signés par des organisations syndicales représentant une majorité des salariés concernés par la négociation.
En matière de retraites, les salariés ont suivi les rounds d'observation et pour l'essentiel déjoué le coup bas du patronat par la mobilisation unitaire et exemplaire du 25 janvier 2001. Le gouvernement a fixé son calendrier. Les négociations s'ouvriront après les élections prud'homales. Il n'est pas besoin d'être devin pour pronostiquer une sérieuse confrontation.
Le Ministre des Affaires Sociales a affirmé que " les préretraites étaient une catastrophe pour les régimes de retraite, alors même que les salariés vont devoir, à l'avenir, cotiser plus longtemps ".
A force de multiplier à tout bout de champ les petites phrases, en pratiquant les annonces chocs sur tous les sujets, et à ne pas respecter les représentants syndicaux, le gouvernement - comme on dit chez moi - " va finir par gagner un gros canard " !
Chacun se prépare avec, au centre, l'avenir de notre système de retraite par répartition et donc l'avenir pour des millions de retraités d'aujourd'hui et des salariés qui le seront demain.
Alors que nous allons rentrer dans une phase active de négociations, la campagne redouble pour opposer les salariés du secteur privé aux fonctionnaires et agents publics.
Il n'est pas la peine devant vous d'argumenter sur le danger de clivage alimenté en permanence par des campagnes de presse, des déclarations patronales, de fausses informations et de vraies opérations de désinformation.
À l'opposé de tout catastrophisme, la CGT affirme qu'il est possible de construire en matière de retraite les solutions qu'attendent les salariés et les citoyens : nous misons sur la solidarité dans et entre les générations pas sur l'individualisme et la division. Et pour cela, nous n'entendons pas fuir les problèmes d'autant qu'ils intéressent tous les salariés, et les jeunes au plus haut point.
Stopper l'inégalité qui va se creuser entre les salariés du privé et les agents du secteur public est indispensable. Le débat se concentre sur les 37,5 années et demies de cotisations comparées aux 40 qui s'appliquent pour le secteur privé. Il 16 est évident que les adversaires du système par répartition font tout pour limiter le débat à cette seule question. Une étude d'un organisme de prospective, publiée à l'automne 2001, parlait même de s'attaquer au " statut excessivement privilégié des fonctionnaires ". Pardonnez-moi mais, pour ce qui est des vrais privilégiés, à la CGT nous avons une toute autre grille de lecture.
N'oublions pas que l'essentiel de l'écart qui se creuse entre public et privé vient de la réforme Balladur de 1993 et des règles d'indexation, d'abord pour le calcul de la pension, ensuite pour la pension liquidée : 1 point d'écart pendant 25 ans conduit à une pension plus basse de près de 20 % à la liquidation, pension qui perdra encore un tiers de sa valeur avant le décès du retraité !
En proposant de poursuivre les orientations de 1993 et de les appliquer à tous les régimes, le MEDEF entérine un effondrement du niveau relatif des retraites de plus d'1/3. Dans vingt-cinq ans, les plus basses retraites avoisineront le seuil de pauvreté d'alors ! Le MEDEF trompe tout le monde en parlant " de garantie du pouvoir d'achat des retraites ". En paraphrasant Jacques PREVERT, je crois que nous pouvons dire que " Le monde patronal ment, monumentalement. "
Alors que l'harmonisation progressive des conditions d'acquisition et de liquidation des droits à retraite entre les différents régimes est le plus souvent présentée comme un préalable indispensable à toute réforme des retraites, nous mettons en avant les garanties communes que nous sommes en droit d'exiger. Au plan des objectifs, nous sommes au diapason de l'écrasante majorité des français. Nous avons largement diffusé nos propositions en la matière.
Nous mettons en avant la garantie pour tous du droit à la retraite à 60 ans avec un niveau de la retraite représentant au moins 75 % du salaire. Il s'agit d'assurer la continuité du niveau de vie des salariés lors du passage à la retraite : c'est la vocation du système par répartition. 60 ans et 75 %, c'est cela qui sera au cur de l'affrontement dans la négociation.
Quant à la durée de cotisation nous proposons d'ouvrir la possibilité de cotiser dès l'âge de 18 ans ou même de 16 ans pour les jeunes dans des cycles de formation, d'apprentissage et d'études.
Mettre au second plan ces objectifs en présentant l'harmonisation public/privé comme la clé de voûte de la réforme du système, c'est s'enfermer dans la logique de l'alignement vers le bas. L'égalité de traitement suppose des conditions cimentant durablement la solidarité de tous les salariés pour que tout le monde soit bien traité.
Une augmentation des contributions financières prélevées dans l'entreprise est donc nécessaire ; elle devra assujettir ses revenus financiers et tenir compte de l'ensemble de la richesse créée par le travail.
La retraite ne doit ni basculer dans le champ de la rente, ni glisser dans une logique d'allocation. Elle est une rémunération salariale socialisée. La retraite doit donc dans son montant comme dans son financement rester étroitement liée aux évolutions du travail. C'est dans ce cadre que son avenir doit être discuté et négocié. C'est clairement l'enjeu d'une solidarité actifs/jeunes/retraités que nous voulons renouveler. Ces enjeux de solidarité seront sans aucun doute le coeur du débat de l'année 2003.
La fermeté de la CGT sur ce dossier sera sans faille, mais nous allons devoir, ensemble, nous mobiliser comme jamais si nous voulons que nos revendications soient prises en compte.
Aussi, je vous donne franchement mon sentiment. A entendre les dernières déclarations gouvernementales soufflant le froid et le chaud sur ses orientations, à voir le MEDEF s'aiguiser les dents et saliver devant le fromage des retraites, il ne faut plus perdre de temps avant que les salariés entrent dans la partie pour que les négociations se déroulent bien sur la base de nos besoins.
J'ai fait une proposition en ce sens aux autres syndicats et des contacts se sont établis pour y parvenir. La CGT leur propose de construire une vaste mobilisation unitaire sur les retraites, dès le début de l'année prochaine.
Le MEDEF regrettait dernièrement qu'en 95 ce qu'il appelle le " camp des conservateurs " soit entré en résistance et ait réussi finalement à l'emporter. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que la CGT sera effectivement entrée en résistance et elle en est fière.
A entendre ces messieurs, il faudrait toujours se plier à leurs conceptions : c'est d'ailleurs ce qu'ils appellent la flexibilité ! Et bien non, la CGT ne se plie pas et elle invite les salariés à bien conserver la faculté de rester debout.
Chers camarades,
Des élections syndicales, cela sous-entend une certaine compétition entre les organisations. Nous n'avons pas l'intention, pour ce qui nous concerne, de la conduire en tirant à vue sur le voisin.
Dans toutes nos actions, nous avons présent à l'esprit que l'unité syndicale est bien la question stratégique que nous avons à résoudre et à laquelle il va falloir consacrer beaucoup d'effort dans les jours et les semaines à venir. Car, si les organisations syndicales vont à la négociation divisées, elles seront toutes en situation de faiblesse, et les salariés avec elles !
Il faut cependant que ceux-ci connaissent les raisons qui conduisent chaque organisation à défendre telle ou telle position.
Il faut que chaque salarié puisse se faire librement son propre jugement sur le comportement des uns ou des autres pendant et à la fin des négociations.
Avons-nous eu tort ou raison en refusant la dernière convention d'indemnisation du chômage qui laisse à la charge de la collectivité 60 % des chômeurs ?
Avons nous eu tort ou raison de bannir le système répressif que le patronat voulait imposer aux chômeurs avec sa version du PARE ?
Avons-nous eu tort ou raison de rejeter, après la mobilisation de janvier 2001, le texte sur les retraites complémentaires qui stipule expressément qu'il faudrait, à l'avenir, privilégier un nouvel allongement de la durée de cotisations des salariés dans la réforme des retraites ?
C'est aussi sur tout cela qu'il faudra se prononcer le 11 décembre.
Chacun comprend, dans les circonstances actuelles, combien les élections prud'homales du 11 décembre représentent un rendez-vous de première importance pour notre avenir à tous.
L'enjeu est multiple, chacun doit en prendre la mesure.
Il concerne bien sûr, la qualité des juges salariés qui seront élus à l'issue de cette consultation nationale.
La CGT présentera des listes de candidats dans toutes les circonscriptions et dans toutes les sections.
Signe de notre dynamisme, 60 % des candidatures seront le fait de nouveaux candidats et près de 40 % des listes seront composées de candidates . C'est un progrès sensible sur le dernier scrutin et je veux saluer ce premier résultat qui est le fruit des efforts réels des directions syndicales et des syndiqués.
Les militantes et les militants présentés par la CGT peuvent s'appuyer sur une organisation qui a l'expérience et l'expertise nécessaires.
Dans les différentes sections, nous pouvons nous servir de notre propre bilan pour mettre en évidence que dans bien des cas, nous avons contribué à réparer des préjudices à sanctionner des employeurs voulant ignorer le droit.
Mais l'enjeu dépasse largement l'élection de conseillers prud'hommes. Il s'agit en effet du seul rendez-vous permettant aux salariés de s'exprimer ensemble sur des listes syndicales, une opération vérité, en quelque sorte, de la représentativité des uns et des autres. C'est la seule occasion, qui se renouvelle tous les 5 ans, offerte aux chômeurs, aux salariés des petites entreprises qui n'ont ni Délégué du Personnel, ni Comité d'Entreprise, d'exprimer leur opinion. Quelles que soient leur nationalité, leur branche professionnelle, leur place dans l'entreprise, tous peuvent voter.
Le 11 décembre, les salariés procéderont à des élections et, dans le même temps, ils adresseront plusieurs messages.
Par leur vote, ils apporteront indirectement leur soutien à une démarche et à des objectifs syndicaux.
En ce sens, la question que chaque salarié devra aussi se poser au moment de voter c'est : "dans les circonstances présentes, quel peut être le vote le plus efficace, quel est le syndicat qui me semble le plus pertinent, à qui dois-je donner mon soutien sachant que cela aura des conséquences pour ma situation et celle de mes proches "?.
A cette question, il va nous falloir convaincre que c'est la CGT la bonne réponse.
Le bulletin de vote qui va porter le progrès social, c'est le bulletin CGT.
Le bulletin de vote qui fera réfléchir le gouvernement et le MEDEF à deux fois, c'est le bulletin CGT.
Le bulletin pour l'avenir des retraites, de la sécu, des salaires et des 35 heures, pour la démocratie sociale, c'est le bulletin CGT.
Le bulletin utile pour construire un rapport de forces qui permette aux salariés d'être écoutés et respectés avant d'avoir recours aux prud'hommes, c'est le bulletin CGT.
Le bulletin pour le tous ensemble, pour l'unité, pour l'efficacité, c'est le bulletin CGT.
17 millions d'électeurs, c'est une consultation sociale unique en son genre. Et pourtant les pouvoirs publics n'ont pas retenu de dispositions particulières permettant aux organisations syndicales d'avoir accès aux principaux média, pour que chacun connaisse les enjeux et ses droits pour le 11 décembre. Il n'est pas surprenant dans ces conditions qu'une enquête portant sur les intentions de vote laisse apparaître que la participation au scrutin s'annonce de nouveau trop faible.
De plus, nous constatons dans de nombreux départements un grand nombre d'anomalies concernant les inscriptions des salariés sur les listes électorales ou dans les procédures pour l'envoi des cartes d'électeur et du matériel de vote par correspondance.
Il faut donc d'abord compter sur nous-mêmes pour aller à la conquête de centaines de milliers de voix. Nous n'avons plus que quelques semaines devant nous pour organiser une mobilisation générale afin de contrarier ceux qui redoutent le verdict des urnes.
Chacun de vous, militant, syndiqué, sympathisant va devoir, dans son entourage familial, professionnel, aller chercher les voix une à une pour que la participation au vote progresse et que le nombre de bulletins CGT soit plus important encore.
Si les millions d'électeurs affirment leur confiance dans la CGT et confirment sa place en approuvant sa combativité et les principes de son action revendicative, le 11 décembre s'avérera, à sa manière, une des plus grandes journées d'action nationale interprofessionnelle que nous ayons construite ensemble.
Il faut que chacune de nos fédérations, chacune de nos Unions départementales, chacun de nos syndicats perçoive cette évidence de bon sens :un bon score pour la CGT et c'est un immense ballon d'oxygène pour toutes les revendications.
Le 11 décembre, c'est dès maintenant, avec votre engagement, qu'il se prépare :
* En allant largement à la rencontre des salariés de toutes catégories dans les entreprises, les zones d'activité. En allant là où il n'y a pas ou peu de syndicats implantés,
* En vérifiant que les salariés sont bien inscrits sur les bonnes listes électorales,
* En faisant respecter pour tous le droit de vote pendant le temps de travail le 11 décembre, une date que chaque salarié doit réserver pour aller voter.
* En exploitant, à chaque fois que cela s'avère nécessaire, le vote par correspondance dont les possibilités ont été étendues.
Nous le ferons d'autant mieux que nous aurons la préoccupation de faire de cette campagne un tremplin pour renforcer notre organisation.
Dans ces milliers de rencontres et de contacts, nous ne devons pas hésiter à solliciter chacun pour qu'il s'engage davantage, qu'il se syndique, qu'il nous aide à implanter de nouvelles bases syndicales, qu'il participe à la construction du syndicalisme revendicatif, unitaire et démocratique dont le monde du travail a le plus grand besoin.
Il y a beaucoup d'ingrédients réunis pour nous conduire à être plus offensifs dans le renforcement de la CGT. L'écoute et les attentes à l'égard du syndicalisme sont importants. La pertinence de notre démarche est de mieux en mieux appréciée. Nous sommes sans cesse sollicités pour donner un coup de main ; malheureusement, beaucoup de salariés attendent souvent que les choses tournent mal à l'entreprise avant de s'organiser en syndicat CGT.
A nous de convaincre aussi de la nécessité d'avoir partout des forces organisées, des forces CGT plus nombreuses.
A nous d'être persuasifs, d'aider à franchir le pas de l'adhésion à la CGT, comme un autre moyen d'action pour faire face à la situation.
Je le dis très amicalement aux sympathisants qui hésitent encore. Votre soutien et votre présence nous sont précieux. Vous avez besoin de la CGT, mais la CGT a aussi besoin de vous. C'est maintenant que nous avons besoin de réunir nos forces et nos idées.
Alors,
Venez prendre part à la défense de vos intérêts.
Venez voir la CGT de l'intérieur et vous verrez, comme tant d'autres, qu'elle n'est pas ce que ses adversaires disent d'elle.
Venez vous informer chaque semaine, notre journal, la Nouvelle Vie Ouvrière, est fait pour cela.
Venez, avec nous, construire votre meilleure force pour l'avenir.
Venez et vous participerez, comme les autres syndiqués de la CGT, à la réflexion collective, aux débats, aux décisions qui seront prises lors du prochain congrès de la CGT en mars prochain.
Chers camarades et chers amis,
Je veux vous dire, pour conclure, ma conviction et plus largement celle de la direction de la CGT.
La période que nous traversons est effectivement lourde d'enjeux, lourde de défis.
Mais si nous y mettons toute notre détermination et notre confiance - je n'en manque pas et je sais que vous n'en manquez pas non plus - si, sur chaque lieu de travail nous nous engageons résolument dans la mobilisation et la campagne et bien, tous ensemble, nous gagnerons sur les revendications et aux élections du 11 décembre.
(source http://www.cgt.fr, le 26 novembre 2002)