Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur l'application de la réforme de l'hospitalisation concernant le secteur des cliniques privées, Paris le 27 novembre 1996.

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Circonstance : 8èmes rencontres nationales de l'Union hospitalière privée (UHP) à Paris le 27 novembre 1996

Texte intégral

Monsieur le Président du comité directeur,
Monsieur le Délégué général,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de participer cette année aux 8èmes Rencontres nationales de l'UHP. Je suis particulièrement heureux du thème que vous avez retenu, les liens entre les nouvelles technologies médicales et l'hospitalisation : il invite à une réflexion de fond sur l'influence des évolutions scientifiques sur l'organisation interne de vos établissements. Les conséquences sont souvent difficiles à appréhender par les acteurs de terrain, mais elles modifient l'organisation de l'activité médicale et non médicale de chaque établissement.
Permettez-moi de profiter de l'occasion que vous me donnez pour élargir mon propos aux principaux enjeux qui concernent l'hospitalisation privée. Je retiendrai trois idées : l'importance des mutations qu'a connues le secteur des cliniques privées, la mise en oeuvre d'un nouveau mode de régulation avec l'Etat et avec l'assurance maladie, et enfin la nécessité d'introduire un peu de flexibilité dans l'organisation interne de vos établissements.
Je tiens tout d'abord à souligner l'importance des mutations que vos établissements ont assumée, et à vous dire que le Gouvernement souhaite les accompagner pleinement.
Comme le soulignait justement votre Délégué général dans une conférence de presse hier, le secteur a absorbé un mouvement de regroupements très important depuis 1988, 250 cliniques ont été reprises, tout en conduisant à une progression de l'emploi de 4 % sur la période. C'est bien le signe que les restructurations ne sont pas toujours synonymes de réduction d'effectifs et de licenciements. C'est une mutation exemplaire, que le secteur public hospitalier pourrait méditer.
Je souhaite également rappeler la discipline de l'ensemble des cliniques privées en matière de maîtrise des dépenses. L'objectif quantifié national est l'outil de cette nécessaire régulation : depuis 1991, il a montré que c'était un bon outil. J'observe cependant que pour 1996 les choses sont jouées, et pas bien. Il faudra donc tenir compte du dérapage dans l'objectif pour 1997. Pour l'année prochaine, l'objectif devra tenir dans l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie qui a été voté récemment par le Parlement. Il sera certainement très proche de celui qui sera appliqué à l'hôpital public. A partir de 1998, il nous faudra réfléchir à une approche plus locale des mécanismes de financement. C'est pourquoi, l'objectif national a vocation à se transformer en objectif quantifié régional. Les cliniques privées, ce sont 35 000 médecins et 120 000 personnels non médicaux. Les résultats sur l'emploi montrent bien que si les économies portent sur tous les postes, et notamment sur le volume des actes, la maîtrise des dépenses n'est pas forcément contradictoire avec la qualité des soins.
Cette mutation, le Gouvernement souhaite l'encourager. Il souhaite d'abord répondre à un souci de sécurité juridique. C'est le sens de l'ordonnance du 24 avril 1996 qui reconnaît pleinement les spécificités du secteur privé hospitalier. La réforme n'est d'ailleurs pas une réforme de l'hôpital, mais bien de l'hospitalisation publique et privée. Les agences régionales seront compétentes tant pour l'hospitalisation publique que privée, ce qui est une nouveauté essentielle, et qui permettra de mieux coordonner les actions de l'Etat et de l'assurance-maladie, et de veiller à une meilleure cohérence de l'offre hospitalière. Les coopérations entre établissements publics et privés seront facilitées par la création de groupements de coopérations sanitaires : le décret auquel l'UHP a beaucoup contribué est actuellement soumis à la concertation. Il s'agit surtout d'encourager les initiatives sur le terrain. La balle est donc dans votre camp. Enfin, l'opposabilité du schéma régional d'organisation sanitaire et de ses annexes garantira que l'évolution de chaque établissement s'inscrit dans un cadre régional cohérent.
Au-delà des mutations de votre secteur, je voudrai souligner le nouveau mode de régulation qui doit s'instaurer entre l'Etat, l'assurance-maladie et les établissements privés.
L'ordonnance du 24 avril 1996 introduit la démarche contractuelle à l'hôpital. Le contrat est non seulement un instrument de régulation de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire, mais aussi un levier formidable de responsabilisation de l'ensemble des acteurs, médicaux et non médicaux, au sein des établissements. Pour les établissements privés, le contrat fixera les tarifs des prestations et se substituera au mécanisme antérieur de conventionnement.
Je me félicite que l'UHP se soit totalement investie dans l'élaboration du projet de décret qui concerne la contractualisation des établissements privés. Ces contrats devront être ambitieux : ils devront non seulement fixer les tarifs applicables aux établissements, ce qui est l'objet des conventions actuelles, mais également porter sur les actions en matière de qualité et de sécurité des soins. Les contrats devront aussi mentionner les formules de coopération auxquelles l'établissement privé est prêt à adhérer. Ils devront enfin prévoir des mécanismes de sanction en cas de manquements graves aux obligations législatives, réglementaires ou contractuelles de la part des établissements.
Les tarifs tout d'abord. Nous ne pouvons plus tolérer des situations aussi inégalitaires et incohérentes, pour des établissements aux caractéristiques proches, sur des activités lourdes comme la neurochirurgie ou la chirurgie cardiaque : les tarifs de base qui font l'objet de revalorisations périodiques ont été souvent calculés à partir d'éléments qui ne sont plus connus par les caisses, les revalorisations annuelles gèlent les inégalités, et les écarts de recettes des établissements pour des activités identiques peuvent varier du simple au double. Une récente mission de l'IGAS a mis en évidence, pour l'ensemble de la France, les écarts de tarifs en spécialités chirurgicales indifférenciées à des établissements hors catégorie : la mission a constaté que pour les prix de journée il pouvait y avoir un écart maximum de 67 % entre le tarif le plus élevé et le plus bas, et que pour les forfaits de salle d'opération (FSO), les écarts varient de 1 à 3. Pour les forfaits de pharmacie, les prix varient de 1 à presque 10, sans véritable justification.
Cette situation doit cesser et nous devons continuer de progresser vers une harmonisation nationale des tarifs. Il faut aussi que les établissements privés autorisent une plus grande transparence pour que l'assurance-maladie puisse contrôler la réalité des coûts, et ajuster véritablement les tarifs aux coûts. C'est le sens d'un projet de décret qui précisera les contours du contrat-type, modèle pour les contrats qui seront signés avec les agences régionales de l'hospitalisation. Je souhaite que nous puissions réfléchir ensemble à la possibilité de faire évoluer les tarifs en fonction des résultats obtenus au regard des différents objectifs du contrat.
Au-delà des aspects tarifaires, tous nos efforts devront porter sur la qualité des soins. Je vous rappelle que cette démarche repose sur quatre principes : la qualité et la sécurité des soins, qui vaut dans les cliniques comme à l'hôpital ; l'accréditation des établissements, qu'ils soient publics ou privés dans un délai de cinq ans, et à l'initiative des établissements eux-mêmes ; les formules de coopération pour s'intégrer à l'environnement, répondre aux recommandations du SROS et faire le pendant aux obligations auxquelles les hôpitaux souscriront dans leurs propres contrats d'objectifs et de moyens ; et enfin, dans le cas où des cliniques assurent déjà des missions de service public, le contrat devra les prévoir. .
En tant que co-contractant, l'agence régionale de l'hospitalisation devra veiller à l'exécution du contrat. Ces agences seront opérationnelles à partir du mois de janvier 1997 pour les premières, et du mois de juin pour les dernières, mais en moyenne avant la date butoir du 1er juillet 1997.
Je souhaiterais terminer mon propos par quelques considérations sur la flexibilité dans la gestion de vos établissements, car vous y avez mis l'accent.
La poursuite de l'effort que vous avez réalisé en matière de dépense passe par une plus grande flexibilité en matière d'organisation interne. Votre fédération a souligné à de nombreuses reprises la difficulté des établissements à trouver un nombre suffisant de personnels qualifiés sur le marché de l'emploi, ainsi que les limites de la promotion interne. Vous avez également émis le souhait de réviser les décrets de 1956 qui encadrent les normes de personnel soignant, et vous penchez pour un critère plus réaliste tenant compte du nombre de malades présents, et non pas du nombre de lits.
En tant que Ministre du Travail, je me réjouis de ces initiatives. de nature à augmenter les embauches. Votre branche professionnelle a engagé des négociations sur la durée et l'aménagement du temps de travail, dans le cadre des accords interprofessionnels du 31 octobre 1995 et du 31 janvier dernier. Je comprends qu'à certaines périodes de la semaine, l'activité des établissements de santé augmente ou diminue : la plupart des normes apparaissent aujourd'hui désuètes au regard des objectifs de sécurité sanitaire et d'organisation des soins. Je vous rappelle cependant que les textes de 1956 n'avaient pas comme unique objectif de répondre à ce double souci, mais devaient également servir de support à la classification des établissements, et par suite à la tarification. Depuis 1991, nous recherchons en permanence une base de calcul des taux d'encadrement adaptée à la nature de l'activité, comme pour la chirurgie ambulatoire. Je souhaite que ce dossier soit abordé de manière globale dans le cadre des contrats tripartites qui seront négociés avec chaque établissement. Mes services étudient l'hypothèse d'un élargissement de l'approche en termes de malades, pour l'ensemble de la chirurgie. Je me fais fort de vous apporter une réponse favorable dans les meilleurs délais. Quant à l'utilisation du dispositif prévu par la loi de Robien, je souhaite que le secteur de l'hospitalisation privée en fasse un usage raisonnable, dans le cadre d'opérations de restructurations, et dans un souci de maintien de l'emploi.
Pour conclure, je voudrais rendre hommage à la réelle capacité d'adaptation du secteur de l'hospitalisation privée, qui a toujours fait preuve d'imagination et de ressources pour maintenir sa place originale dans notre système hospitalier. La réforme de l'hospitalisation mise en oeuvre par le Gouvernement n'est pas une tentative de limiter la croissance du secteur hospitalier privé. Elle vise plutôt à assainir les conditions de la concurrence avec l'hospitalisation publique, à renouveler les conditions d'exercice de la régulation à travers les agences régionales, et à conforter les stratégies d'investissement et de concentration des acteurs privés. C'est ainsi que nous garantirons aux malades une plus grande qualité de l'offre de soins, tout en s'accommodant de la contrainte financière.