Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur le projet gouvernemental d'imposer un seuil minimal de 20% de logements sociaux dans chaque commune pour favoriser la mixité sociale, l'adaptation du fonctionnement des offices HLM aux structures intercommunales, et sur leurs missions de service public en garantissant l'accession à la propriété et au logement locatif aux ménages les plus modestes, Chambéry, le 28 avril 2000.

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Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des directeurs d'office HLM et des OPAC, à Chambéry, le 28 avril 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les directeurs et directeurs-généraux
Mesdames et messieurs,
Je veux tout d'abord vous dire tout le plaisir qui est le mien de m'adresser aujourd'hui à vous, à l'occasion de votre congrès annuel. Plusieurs raisons faisaient que je ne pouvais manquer de répondre à votre invitation. Tout d'abord parce que vous m'avez fait, président Luc Legras, la gentillesse de me convier à participer à vos débats, et que j'y réponds avec plaisir dès que l'occasion se présente. Ensuite parce que le thème de votre congrès "le patrimoine HLM en évolution", rejoint en quelque sorte l'actualité législative dans laquelle je me trouve immergé, avec le débat sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, actuellement en cours d'examen par le Sénat. Au cur des réflexions dont il est porteur et des projets qu'il dessine pour nos villes, il y a le logement social, sa place et son avenir. Cette rencontre est donc, à cet égard, particulièrement opportune et, si j'ose dire, bien placée. Enfin, il va de soi que le lieu que vous avez choisi pour votre congrès ne pouvait que rendre encore plus naturel l'amical échange de ce matin. Puisque l'occasion m'en est donnée, permettez-moi, au titre d'élu chambérien, de vous souhaiter la bienvenue dans cette ville.
Je l'évoquais à l'instant, le thème que vous avez choisi pour votre congrès nous conduit directement sur un des enjeux majeurs qui concerne, aujourd'hui, l'avenir du logement social, dont vous êtes des professionnels mais aussi, je le sais, des militants: je veux parler de la qualité de ce patrimoine, du patrimoine existant et du patrimoine en construction.
Nous le voyons bien, nous le savons tous, le logement social reste encore, trop souvent, marqué dans l'esprit de nos concitoyens par les formes urbaines auxquelles il a été assimilé depuis une quarantaine d'années. Ce faisant, il se trouve également assimilé aux difficultés sociales, aux difficultés de vie quotidienne qu'y rencontrent les habitants d'un certain nombre de quartiers. Les débats que je vis, comme ministre du logement, sur le projet de loi SRU, achèvent, s'il en était besoin, de me convaincre qu'un enjeu essentiel pour favoriser la diffusion, l'insertion harmonieuse du logement social et de ses habitants dans le tissu urbain et pour assurer l'avenir de ces logements, est de changer l'image du logement HLM et de montrer ce qu'il est aujourd'hui, sans nier pour autant ce qu'il fut et ce qu'il demeure. Mais il faut, tout en même temps, travailler également sur l'adaptation du parc existant, qui demeurera, pendant de longues années encore, la très grande majorité de l'offre de logement social.
S'interroger sur le patrimoine HLM, comme vous le faites aujourd'hui, c'est donc faire uvre utile et je ne doute pas que vos travaux contribueront à faire avancer les choses.
Parce que le thème de votre congrès m'y porte, parce que c'est aussi l'actualité, laissez-moi vous dire un mot du projet de loi de solidarité et de renouvellement urbains, adopté en première lecture le mois dernier par l'Assemblée nationale et actuellement en cours d'examen par le Sénat. En effet, par l'ampleur des thèmes abordés dans ce texte, et la place que vous occupez dans le domaine de l'habitat, cette loi vous concerne au premier chef.
Les enjeux sont d'importance puisqu'il s'agit à la fois de tracer les contours des villes de demain, d'organiser une plus grande solidarité et mixité urbaine et d'apporter des améliorations à la qualité de la vie de nos concitoyens. Je n'aborderai l'architecture générale du texte que pour mieux souligner comment s'insèrent, en son sein, les dispositions importantes qui concernent le logement social en général et les organismes HLM en particulier.
Il s'agit d'abord par la réforme des documents d'urbanisme et en particulier par la création d'un schéma de cohérence territoriale d'insuffler plus de cohérence dans le fonctionnement des agglomérations. Aujourd'hui, la ville se vit à l'échelle de l'agglomération et du bassin de vie, qui inclut naturellement la ville, mais aussi les territoires péri-urbains et ruraux qui en dépendent étroitement.
Il faut que demain, les principaux choix en matière d'habitat, de déplacements, d'activité économique, d'implantation des grands équipements publics et privés, soient exprimés à l'échelle de ce bassin de vie et soient mis en cohérence les uns avec les autres.
Il s'agit également de créer des villes plus solidaires, plus accueillantes, à toutes les catégories de la population. C'est la réforme de la loi d'orientation pour la ville. Si le regroupement par affinités culturelles et sociales peut paraître à certains naturel, aucune politique publique avisée ne peut se résoudre à accepter la ségrégation sociale et spatiale qui existe dans nos villes et banlieues.
Il est de notre responsabilité de tout mettre en uvre pour éviter le repli sur soi, et la peur de l'autre. La mixité urbaine par l'habitat est un facteur de diversité, d'ouverture et de tolérance.
C'est le sens des dispositions qui visent à faire en sorte que chaque commune urbaine compte au minimum 20% de logements sociaux, afin d'assurer partout une diversité de l'habitat. Cette politique concerne naturellement les organismes d'HLM, qui en seront les chevilles ouvrières.
Il s'agit enfin d'accompagner le renouvellement urbain des quartiers qui en ont besoin, qu'ils soient des quartiers d'habitat social ou des quartiers anciens qui se sont progressivement dégradés. En ce sens, le projet de loi renforce les possibilités d'intervention dans les copropriétés dégradées en permettant aux organismes HLM d'intervenir afin de "porter" temporairement ces copropriétés, sans que le patrimoine acquis deviennent du logement social au sens juridique du terme. Les procédures publiques de lutte contre les logements insalubres sont revues. Le débat parlementaire a également permis d'inscrire dans la loi la notion de logement décent qui s'imposera désormais à tout bailleur, sous le contrôle éventuel du juge. Toutes ces mesures contribueront, je l'espère, à améliorer les conditions de logements de beaucoup de locataires souvent très modestes et devraient diminuer par voie de conséquence la pression qui pèse dans certains cas sur les organismes HLM pour assurer leur relogement.

L'ensemble de ce projet trace les contours de la politique de la ville qui ne pourra pas être menée sans le concours des opérateurs urbains indispensables que sont les organismes HLM. Le projet de loi SRU affirme avec force ce rôle d'opérateur que vous aurez à y jouer. Cela n'est pas nouveau mais se trouve conforté et renforcé par la loi.
Dans ce texte, le gouvernement a tenu à inscrire le principe de la pérennisation du parc locatif social, par-delà même la durée des conventions conclues avec l'Etat.
Dans le même temps et pour signifier l'importance qu'il lui accorde, le projet de loi pose comme mission de service public, la réalisation et la gestion du logement locatif social, pour laquelle l'Etat doit apporter aux organismes HLM son soutien financier. Il s'agit là de la reconnaissance par la nation du rôle éminent que joue le logement social dans l'accès au droit au logement de tous et, par voie de conséquence, de l'importance de la mission des organismes d'HLM, au premier rang desquels les offices publics.
Sur plusieurs aspects, le projet de loi propose des adaptations aux textes qui régissent les organismes d'HLM, pour mieux répondre à ces missions.
Tout d'abord, il importe de faire en sorte que les offices publics d'HLM et les OPAC puissent s'adapter aux évolutions, parfois importantes, qui concernent les collectivités locales auxquelles ils sont rattachés. La loi sur l'intercommunalité a induit un puissant mouvement vers la constitution, dans les zones urbaines, de communautés d'agglomération ou de communautés urbaines. Il est donc nécessaire de faire en sorte que le statut des offices puisse suivre ces évolutions. Les dispositions du Code de la Construction et de l'Habitation sont modifiées afin de permettre que ces changements d'autorités de rattachement soient facilitées.
Ensuite, et je sais qu'il s'agit là d'un point important aux yeux de beaucoup d'entre vous, le projet de loi affirme clairement la vocation de vos organismes à être des acteurs de la diversité de l'habitat, et donc, à répondre aux demandes qui leur sont adressées en matière d'accession à la propriété. Vous savez que, depuis la fin du PAP, la possibilité pour les organismes HLM de réaliser des opérations d'accession à la propriété n'était plus assurée juridiquement.

Le gouvernement a choisi d'inscrire par la loi dans les statuts des offices publics et des SA d'HLM, la possibilité de réaliser des opérations d'accession à la propriété dès lors que celles-ci sont faites dans un souci de promouvoir la diversité de l'habitat là où elle n'est pas assurée. Pour respecter les objectifs généraux assignés aux organismes d'HLM, ces constructions devront respecter des prix de vente maximum fixés par l'Etat et être destinés à des personnes ne dépassant pas certains plafonds de ressources. Afin qu'il n'y ait sur ce point aucune ambiguïté, je veux redire ici que, dans l'esprit du gouvernement -ce que j'ai eu l'occasion de dire à de diverses reprises- les organismes d'HLM doivent pouvoir aider à accéder à la propriété toutes les personnes éligibles au prêt à taux zéro.
Nous avons souhaité bâtir un dispositif qui repose sur deux principes : cette activité d'accession doit faire l'objet d'un système de garantie propre, sous le contrôle des organismes eux-mêmes. Elle ne doit, en aucun cas, pouvoir mettre en danger l'équilibre financier global d'un organisme et, en particulier, avoir des incidences sur l'activité locative.
Elle doit être complémentaire de ce qui reste et doit rester le cur du métier des HLM : le logement locatif social.
Enfin, un débat s'est engagé, au sein de la fédération nationale des offices HLM et des OPAC, à l'occasion de l'examen du projet de loi. Il s'agit de celui du statut même des offices d'HLM. J'ai été tenu informé des réflexions menées à ce sujet, qui visent à favoriser l'évolution de l'ensemble des offices publics d'HLM et des OPAC vers un statut unique. Il s'agit d'un sujet particulièrement délicat, qui concerne à la fois les organismes, mais aussi les collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés et, naturellement, leurs agents. Ils concernent enfin, bien évidemment, les directeurs d'offices et directeurs-généraux d'OPAC que vous êtes, puisqu'une des différences entre offices et OPAC se situe précisément dans la répartition des responsabilités entre présidents et directeurs. Parce qu'il s'agit d'un sujet particulièrement sensible, j'ai approuvé l'idée, lancée par le président Caroff, que soit poursuivi un travail de concertation sur cette question. Le gouvernement suivra ses résultats avec la plus grande attention et se tiendra, le moment venu, prêt à y prendre sa part.
Nous venons d'aborder ensemble, au travers du bref exposé des mesures contenues dans ce projet de loi, beaucoup de questions touchant au logement social et aux organismes d'HLM.
Permettez-moi, m'adressant à ceux qui les font fonctionner quotidiennement, de saisir l'occasion qui m'est donnée pour vous parler de vous, et de votre métier tel que je le vois aujourd'hui.
Vous faites, à mes yeux, un métier passionnant! Difficile certes, mais passionnant. Parce que vous êtes à la jonction de l'aménagement, de la construction et des problèmes humains et de vie quotidienne. Parce que vous êtes à la jonction de l'entreprise de services -qui doit être performante- et du service public -qui doit être adapté à la demande sociale. Parce que votre métier comprend un volet technique et que, pourtant, pour bien le faire il faut être convaincu et presque militant.
Notre pays a besoin de logements de qualité, correctement situés, réalisés à un coût raisonnable pour loger temporairement ou durablement une partie importante de la population.
Les investisseurs privés, aussi performants soient-ils, ne répondent pas et ne répondront jamais à tous les besoins.
Pour augmenter et diversifier l'offre, renouveler progressivement le parc, il faut construire du logement locatif social, et si vous ne le faites, qui le fera?
Certes, construire est devenu peut-être plus difficile qu'avant. Je crois surtout que l'on construit différemment. Dorénavant pour construire, accroître, diversifier votre parc de logements il faut naturellement prospecter pour trouver les opportunités, foncières bien sûr mais aussi de plus en plus, rechercher des acquisitions d'immeubles anciens pour réaliser des petites opérations bien réparties sur le territoire. Dans le même temps, nous aurons, tous ensemble mais c'est vous qui le ferez sur le terrain, à adapter et à faire évoluer le parc existant, à préparer, là où c'est nécessaire, sa démolition partielle et la reconversion de certains sites.
Vous devez être des financiers pour équilibrer au mieux des projets assortis de loyers compatibles avec les ressources des familles et la situation du marché local du logement -même si vous conviendrez avec moi que, si l'on peut toujours faire mieux, le gouvernement a pris l'été dernier des mesures importantes pour aider à l'équilibre des opérations de logements neufs.
Concomitamment vous devez exercer vos compétences de maître d'uvre afin de choisir les architectes qui sauront promouvoir une architecture souvent novatrice mais toujours soucieuse de la qualité de vie apportée aux futurs occupants et je crois qu'il s'agit-là d'un enjeu essentiel pour l'avenir du logement social et de son image, que nous évoquions il y a un instant.
Reste, et je sais que ce n'est pas la moindre des responsabilités et qu'elle est souvent difficile, voire usante, à organiser les conditions du meilleur service possible aux usagers, aux locataires et aux demandeurs de logement. La société évolue, les exigences des habitants évoluent avec elles et, par ailleurs, je sais que, dans bien des quartiers, les agents des organismes d'HLM sont quotidiennement au contact des réalités sociales et des difficultés de vie de nombre d'habitants, voire des situations de violence. Assurer à chacun de ces locataires des prestations de haut niveau n'est pas chose aisée, et c'est pourtant indispensable pour que le logement social reste synonyme de qualité.
Tous ces métiers, vous les exercez non pas dans un objectif de rentabilité financière -même si vous avez le souci légitime d'équilibrer vos comptes!- mais pour le bien public : pour que chacun quelles que soient ses ressources, quel que soit son mode de vie, quelles que soient ses origines puisse trouver à se loger.
Je crois profondément que c'est là le cur de la mission des organismes d'HLM; non pas la seule mission, mais la mission première. Toutes les autres compétences, d'aménagement, d'accession à la propriété, de prestation de services sont utiles et légitimes si elles confortent cette mission première.
Notre pays, les collectivités locales, nos concitoyens et en particulier les plus modestes ont besoin de vous pour assumer ces missions d'intérêt général. Je sais que nous pouvons compter sur vos compétences et votre motivation et je vous en remercie.
La période actuelle est dense en débats sur la place et l'avenir du logement social dans notre pays. L'échange de ce matin y contribue. Soyez-en certains, le gouvernement a la ferme volonté, avec les élus, avec les habitants et avec les responsables que vous êtes, d'assurer cet avenir et de conforter cette place, parce que le logement social est tout simplement indispensable à un très grand nombre de français, durablement ou temporairement, pour se loger. La tâche est rude, mais je crois que si nous ne la croyions pas possible, nous ne serions pas là réunis.
Je sais que vos travaux ont été productifs et je serai attentif à leurs conclusions.
Je vous remercie une fois encore de votre accueil et de votre attention.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 2 mai 2000)