Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, - vous pouvez vous exprimer aussi à titre personnel sur vos dossiers -, est-ce que par exemple la France n'a pas reçu une "claque", vendredi matin, de la part de la Commission européenne au sujet du boeuf britannique ?
R - On parle toujours à titre personnel d'une façon ou d'une autre, mais en même temps les paroles que nous tenons sont aussi des paroles responsables en tout cas quand on est membre d'un gouvernement et cela vaut pour ce que je vais dire maintenant comme pour ce que je disais auparavant. "Une claque", je n'aime pas beaucoup cette rhétorique, car tout à l'heure vous disiez "le boeuf de Tony Blair". Nous n'avons jamais succombé à l'anglophobie. Je suis ravi d'ailleurs que le gouvernement britannique n'ait jamais non plus succombé à la francophobie même si, dans l'opinion, on a vu les choses se tendre. J'ai vu des sondages extrêmement intéressants, qui manifestaient une réaction antieuropéenne et antifrançaise extrêmement forte chez les Anglais.
Q - Il n'y avait pas tellement de francophobie tout à l'heure au stade, dans le match entre la France et les All Blacks et on a vu que les gens soutenaient plutôt les Français ?
R - C'est tout à fait rassurant. Mais, justement, cela va un peu dans le sens de ma démonstration, ne parlons pas en ces termes-là. Il faut peut-être remonter à la base de cette affaire. La base de cette affaire est que la commission de scientifiques, indépendants, français, l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire a émis un avis qui nous a conduit à maintenir un embargo, car nous estimions, ces scientifiques estimaient plutôt qu'il y avait encore des dangers sur le boeuf britannique et ils partaient d'un principe qui est un principe déterminant en la matière, qui est le principe de précaution. Nous sommes allés ensuite devant les experts et les scientifiques européens et ils ont émis un avis quelque peu diffèrent. Ils ont estimé, c'est vrai, que les observations qui avaient été faites par leurs collègues français avaient quelques fondements mais qu'en même temps, elles n'étaient pas de nature à mettre en cause la politique qui est suivie par les Britanniques en matière d'éradication de la maladie de la vache folle puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.
Q - L'analyse a été faite ?
R - L'analyse a été faite.
Q - On l'a bien dit depuis plusieurs jours. Maintenant aujourd'hui, ce soir, le gouvernement va-t-il tenir compte de l'avis scientifique des 16 Européens, ou pas ?
R - Ecoutez, les principes du gouvernement dans cette affaire seront les suivants : premièrement je ne crois pas que nous devions aller vers un contentieux devant la Cour de justice des Communautés européennes : d'abord, parce qu'il n'est pas sain d'avoir une attitude qui est systématiquement contentieuse entre la Commission et le gouvernement. Ensuite, parce qu'il s'agit là de problèmes qui sont des problèmes scientifiques. En quoi finalement les juges seront-ils plus compétents pour les trancher ? Il s'agit, premièrement, de tenter d'éviter la Cour de justice. Deuxième chose, nous voulons l'application du principe de précaution, c'est clair. Cela veut dire que, sans faire de protectionnisme, nous voulons qu'on assure la sécurité des aliments et du boeuf britannique. Nous allons entrer dans un processus de discussions, de dialogues, pour trouver une solution. Et quand je dis solution je ne pense pas à une solution diplomatique. Il s'agit de faire en sorte qu'on se conforme - ce sera sûrement nécessaire à un moment ou un autre - à ce que souhaite l'Union européenne, dont nous sommes membres, parce que nous en acceptons les règles, parce que nous ne voulons pas être la France contre l'Europe. Il s'agit en même temps de prendre les garanties que nous souhaitons, vous avez évoqué l'étiquetage. D'autres types de garanties concernant les abattages de cheptels, qui ont des difficultés, apparaissent. Nous allons prendre position, le gouvernement, en tout cas les ministres concernés vont se réunir mardi matin. Jean Glavany va rencontrer le commissaire en charge des problèmes de santé et son homologue britannique. Cette rencontre visera à trouver des solutions et d'ici jeudi, on connaîtra la solution française, mais encore une fois, il me semble qu'il faut que nous concilions le respect des décisions de l'Union européenne avec le principe de précaution. C'est, me semble-t-il, autour de cela que le gouvernement va chercher la solution dans les deux trois jours qui viennent.
Q - Et quel sens a un compromis entre deux expertises scientifiques contradictoires ?
R - L'expertise qui a été faite par les Européens est au fond une expertise d'expertise. Elle donne un avis qui en plus a été un avis unanime, même si encore une fois les scientifiques ont été partagés par rapport aux observations qui ont été faites sur les Français. Donc, nous n'allons pas entrer dans cette querelle-là. A un moment donné, il faut avancer, et donc trouver une solution qui permette à la fois de respecter les décisions européennes et la santé des Français.
Q - Alors, vous parlez de compromis avec les Anglais, mais sur quoi pouvez-vous négocier un compromis ? La décision des experts a été unanime, alors que du côté français on semblait s'attendre à une décision beaucoup plus tranchée. Les Anglais sont en droit aujourd'hui de dire, voilà vous avez perdu : levez l'embargo. Que pouvez vous négocier ?
R - Je pense qu'aujourd'hui personne n'est dans cet esprit-là. Il ne s'agissait pas d'une défaite, d'un match où il devrait y avoir un vainqueur par KO, la question qui était posée était : embargo ou pas embargo ? Là-dessus, nous avons maintenant l'avis européen. Nous allons en tenir compte et en même temps, nous pouvons reprendre les discussions avec les Britanniques, par exemple sur la façon dont on applique telle ou telle option. C'est vrai qu'aujourd'hui nous avons trois solutions : nous pourrions dire que nous ne prenons pas en compte l'avis et à ce moment-là, nous allons devant la Cour de justice. Nous pourrions dire au contraire que l'on ne négocie rien, on applique tout. Et puis, on a un troisième espace qui est l'espace de la discussion, qui serait de voir comment on pourrait, à un moment donné, lever l'embargo et dans quelles conditions. Ces trois options sont sur la table, le gouvernement va trancher, mais je note quand même qu'il y a des signes concordants qui montrent qu'on devrait pouvoir discuter, notamment si Jean Glavany rencontre son homologue Brown et le Commissaire Byrne, c'est pour discuter bien sûr.
Q - Ce qu'il aurait pu faire avant peut-être ?
Pour prendre sa décision M. Jospin a dit qu'il allait rencontrer mardi je crois plusieurs ministres, dont vous-même. Il a dit aussi qu'il allait en parler au président de la République. Pourquoi ? C'est un exercice de cohabitation ou un partage de l'électorat agricole
R - Parce que dès qu'il s'agit de questions qui sont des questions internationales ou européennes, y compris quand elles touchent l'agriculture, l'avis du président de la République est un avis important.
Q - Jusqu'à présent vous avez eu l'impression qu'il vous soutenait ?
R - Le président de la République et nous, sur les matières européennes et internationales, nous avons toujours été d'accord.
Q - Et agricoles.
R - Et agricoles aussi. Par exemple... nous avons négocié l'Agenda 2000.
Q - Y compris... là, y compris sur l'embargo ?
R - Bien sûr. Mais, écoutez, il faut revenir à la source de tout cela. C'était quand même un avis d'une autorité indépendante. Que n'aurait-on pas dit si le gouvernement n'avait pas suivi ces experts ? Ces experts qui sont indépendants et qui, encore une fois, avaient eux-mêmes formulé leur avis à l'unanimité, comme les experts Européens, même si ce n'était pas le même.
Q - Mais alors l'avis des experts européens prévaut contre l'avis d'experts indépendants français. ?
R - Je crois que pour expliquer cela, le point de vue n'était pas exactement le même, c'est-à-dire que dans les deux cas, on peut estimer qu'il peut y avoir des dangers, mais les experts européens ont estimé que les observations qui avaient été faites par les experts français n'apportaient rien de nouveau qui allait en contradiction avec ce que faisaient les Britanniques. Dont acte ! Et maintenant la décision mardi.
Q - Il y a quand même un paradoxe : ce sont les Anglais qui se sont révélés dans cette affaire les bons Européens et la France qui se retrouve dans la situation la plus délicate. ?
R - Cela aurait pu aussi bien être l'inverse. Maintenant il nous faut prendre une décision et cette décision passera par une discussion à la fois avec les Anglais et avec la Commission.
Q - Donc, il n'y aura pas de crise. On finira par lever l'embargo ?
R - Je pense. Mais encore une fois, la décision sera prise autour du Premier ministre, en tenant compte de l'avis du président de la République. Il me semble qu'il faut aller vers une discussion avec les Britanniques, oui.
Q - Donc avec un accord ?
R - Absolument, pas une discussion pour ne pas se mettre d'accord.
Q - On ne mange pas le béret ?
R - Non, parce que je pense que nous prendrons des garanties, suffisantes encore une fois, pour faire en sorte que les intérêts des Français, leur intérêt sanitaire, leur sécurité alimentaire, soient totalement garantis.
Q - Mais, Monsieur le Ministre, n'allez-vous pas un peu trop vite en besogne ? En juin dernier, la France a demandé haut et fort l'interdiction des farines animales en disant qu'elles étaient dangereuses, et nous avons dû reculer. Cette fois là vous nommez une commission qui vous dit que le boeuf britannique ne remplit pas toutes les conditions de sécurité, il faut l'embargo, et nous devons reculer. Pourquoi toujours avancer sur des terrains pour ensuite devoir négocier ou reculer ?
R - Nous sommes devant des problèmes qui sont des problèmes de société extraordinairement lourds, auxquels tous nos compatriotes sont sensibles et nous voulons prendre toutes les garanties en matière de sécurité alimentaire. Et en même temps, nous sommes membres de l'Union européenne et nous tenons compte de l'avis des experts européens et de la Commission.
Q - Mais pourquoi se mettre toujours en avant, pourquoi ne négociez-vous pas au préalable ? Pourquoi toujours faire une conférence de presse pour dire que les farines animales sont dangereuses, qu'il faut les interdire et ensuite pour dire que l'on retire notre ?
R - Nous avons quand même le droit d'avoir notre propre avis sur ces questions et notre propre sensibilité et nous l'assumons. Et en même temps, nous sommes capables de négocier et de décider.
Q - Vous avez entendu ce que disait José Bové. D'abord il dit : "il faut appliquer l'avis scientifique des 16 experts européens de Bruxelles et d'autre part que les Français eux aussi devraient balayer devant leur porte". C'est-à-dire qu'il y a des imprudences du côté français ?
R - Ecoutez, ses propos l'engagent...
Q - C'est un spécialist ?
R - Spécialiste d'un certain nombre de choses, notamment de la protestation par rapport à la mondialisation. C'est aussi un responsable syndical qui peut être respecté, mais en même temps permettez que nous prenions nos décisions en tenant compte encore une fois de notre appartenance à l'Europe, de nos rapports avec nos amis britanniques, de la sécurité alimentaire des Français, de ce que les experts disent, et je crois que nous arriverons finalement, après toutes péripéties, à la bonne décision, qui est une décision qui garantie la santé des Français et qui respecte l'Europe.
Q - Au-delà de la polémique, et avec Bové, le sens de la question c'était : s'il y a des imprudences du côté français, est-ce qu'on les traquera aussi ?
R - Ce gouvernement a l'intention d'aller jusqu'au bout dans ces affaires de sécurité alimentaire. C'est bien pour cela que nous avons mis en place cette agence.
Q - Les Verts français ont demandé que le gouvernement maintienne l'embargo quel que soit l'avis de l'Union européenne. Ne joue-t-on pas avec les peurs et les sentiments de l'opinion publique sur ces affaires de sécurité alimentaire ? Est-ce que ce n'est pas une sorte de punching-ball qu'on tire dans un sens ou dans l'autre, au point que les citoyens effectivement ne s'y reconnaissent plus quand plusieurs avis d'experts sont ?
R - Mais nous n'avons pas pris une décision nationaliste alors que maintenant nous prendrions une décision "européiste". Nous avons pris notre décision parce que des experts s'étaient prononcés. Et encore une fois, ces experts avaient des arguments suffisamment solides pour que nous les prenions en considération et en même temps, nous avons souhaité qu'au niveau européen il y ait, là aussi, une expertise. Voilà où nous en sommes, il ne s'agit pas de jouer avec de l'irrationnel, avec des peurs d'un côté et au contraire avec des compromis ou des compromissions de l'autre. Non, ce sont des affaires qui sont des affaires extrêmement sérieuses et par rapport auxquelles nous souhaitons prendre toutes les garanties, tout en respectant encore une fois nos engagements européens.
Q - Est-ce que la vache folle et la crise du boeuf ne vont pas porter atteinte à la cohésion de l'Europe ? Est-ce qu'il n'y aura pas de traces sur le plan européen ?
R - Je ne crois pas. Il n'y a pas de traces, notamment parce que nous avons en Grande-Bretagne un gouvernement qui est, depuis longtemps, à la fois le plus europhile et le plus francophile.
Q - Il va s'ouvrir, dans un mois à Seattle, une négociation importante sur l'Organisation mondiale du commerce. Pour l'opinion française, il paraît clair, ou peut-être sommaire que ce qu'on appelait l'exception culturelle, qu'on appelle maintenant la diversité culturelle, c'est-à-dire le fait que la culture ne doit pas être une marchandise comme une autre, est la chose la plus importante. Alors y aura-t-il un front commun des Européens sur cette affaire ? Serez-vous obligé, la France ou l'Europe seront-t-elles obligées, obligée d'accepter que cette particularité culturelle, soit néanmoins incluse dans la négociation ?
R - Un mot peut-être quand même, sur l'enjeu global de cette négociation de l'OMC. Il faut y aller. Parce que le libre échange mondial, le développement des échanges profitent à notre économie parce que, par exemple, en France, nous qui sommes le quatrième exportateur au monde, un emploi sur quatre dépend de l'exportation. Et donc nous sommes dans une situation où il faut absolument négocier sur le libre échange. Mais en même temps mettre des règles, pour organiser ce libre échange. Et aussi faire en sorte que ce libre échange profite à tous, c'est-à-dire aussi aux pays les moins avancés, aux pays en développement. Et c'est pour cela que la vision française est une vision globale, nous voulons que l'on parle de l'agriculture, des services. C'est ce qu'on appelle "l'agenda intégré". Ces deux sujets sont un peu difficiles pour les Européens, nous voulons aborder d'autres sujets. Nous voulons qu'on parle de normes environnementales, de normes sociales, de la protection des investissements à l'OMC. Nous voulons qu'on organise la concurrence à l'échelle mondiale. La culture, est un des enjeux, mais pas le seul, parce que nous voulons encore une fois qu'on parle de cela.
Q - Comment cela, l'agriculture ? Vous dites nous voulons, les Français peut-être pas tous les Européens, quelques Européens, peut-être les Européens, mais les Américains s'y opposent ? Ou est-ce que vous donnez une information nouvelle, les Américains ont accepté après la visite de M. Prodi ?
R - Alors les Français le souhaitent, les Européens le souhaitent aussi, c'est d'ailleurs pour cela, que nous avons réussi à fixer un mandat à la Commission européenne qui va négocier en notre nom à tous, à Seattle. Les Américains, à l'origine, étaient plus favorables à un agenda limité, notamment visant à remettre en cause la Politique agricole commune, nous nous battrons, aussi pour la Politique agricole commune, les services, mais j'ai noté dans les discussions entre M. Clinton, et M. Prodi, qu'ils se disaient prêts à aborder également d'autres sujets.
Q - Une évolution est-elle possible ?
R - Peut-être. Mais en tout cas à Seattle, croyez-le, nous allons défendre notre conception large et globale de ce cycle de la négociation. Quand je dis globale, cela veut dire aussi que notre conception sera qu'on ne conclut qu'une fois que tout est conclu. On ne va pas passer toute une série de petits accords séparés sur des sujets qui ne sont pas à notre avantage, pour, au final, à la remise en cause de la Politique agricole commune et de la Culture.
Sur la culture, il y avait dans les précédents cycles, de ce qu'était à l'époque le GATT, qui est maintenant l'Organisation mondiale du commerce, ce qu'on appelle "l'exception culturelle", c'est-à-dire l'idée selon laquelle, effectivement, la culture n'est pas une marchandise, n'est pas un bien comme les autres, c'est un élément d'identité. Identité culturelle française, identité culturelle européenne, et que nous n'acceptons pas à partir de ce moment-là, qu'elle soit inclue, dans le champ des négociations qui donne lieu à la libéralisation. On sait déjà qu'il y a à l'échelle de la planète et non pas un hégémonisme, non pas un impérialisme, mais comme une très grande domination culturelle américaine. 60 % des films qui passent sur nos écrans européens sont américains, alors que 3 % seulement des films qui passent sur les écrans américains sont européens.
L'exception culturelle, ce n'est pas le protectionnisme. L'exception culturelle, c'est de dire simplement que nous souhaitons avoir le droit à la diversité culturelle, à faire en sorte qu'il y ait un cinéma européen qui survive, un cinéma français qui survive, et de prendre des mesures de soutien ou réglementaires pour notre industrie cinématographique ou notre culture. Et je peux citer par exemple les programmes européens, comme le programme Média. Je peux citer aussi le système des quotas de diffusion qui a permis la survie du cinéma européen. Je peux citer aussi les fonds de soutien à l'industrie cinématographique comme il en existe en France. Et si nous n'avions pas eu tout cela, c'est simple, nous serions dans la situation de l'Italie ou de la Grande-Bretagne où l'industrie cinématographique a disparu.
Q - Mais est-ce que vous êtes sûr de la solidarité, de la cohésion européenne ? Parce qu'on a senti par exemple du côté de M. Prodi, des tentations qui n'étaient pas tout à fait les mêmes que les vôtres. C'est vrai que c'est une croisade qui est largement française, cela fait partie du mandat certes. Mais est-ce que, lorsqu'on en arrivera à la crise, parce qu'il y aura crise, comme lors du round précédent, la cohésion européenne tiendra ?
R - J'ai pu constater effectivement que cette cohésion ne s'était pas faite spontanément. Il y a eu une première réunion des ministres le 11 octobre. On n'est pas parvenu à un accord, je dirais qu'à l'époque il y avait une majorité d'idées, en notre faveur avec par exemple les Italiens, les Portugais, les Allemands aussi qui étaient à nos côtés, c'était extrêmement important. Et puis nous avons su convaincre pour les quinze jours qui ont suivi, qu'il fallait absolument prendre un texte, qui permettait de respecter la diversité culturelle, c'est-à-dire d'avoir un exception culturelle dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Je n'ai pas de raison de douter que cette cohésion soit maintenant faite. Et je n'ai surtout pas de raison de douter que le Commissaire qui est en charge de ce dossier, Pascal Lamy, un Français même s'il ne représente pas son pays au sein de la Commission, négociera avec fermeté, et défendra les intérêts de l'Europe. Et les intérêts de l'Europe par les exemples les quotas en font partie. Même la Commission luxembourgeoise qui, au début, était un petit peu réticente sur cette charte de l'audiovisuel en ait finalement convenu, donc je ne dirais pas de l'optimiste, parce que je sais que ces discussions doivent être longues, elles vont durer au moins jusqu'en 2003, ne faisons pas comme si à Seattle on allait conclure.
Q - Après il y aura un gel de combien de temps ?
R - Une quinzaine de mois, mais en même temps, pendant le gel, il faudra continuer les travaux. C'est-à-dire préparer les positions, faire en sorte qu'on soit extrêmement solide.
Q - Il y aura changement d'administration aux Etats-Unis. ?
R - Il y aura fatalement des changements, à un moment donné, c'est la démocratie qui veut cela. Mais pour revenir à ce sujet, c'est vrai qu'il y a une petit problème d'ailleurs du côté Américain, c'est que les Américains ne disposent pas de ce qu'on appelle le "Fast-track", c'est-à-dire que le président américain n'a pas de mandat précis pour négocier au nom du Congrès. Or on voit bien que du côté du congrès, les tentations protectionnistes ou unilatéralistes, c'est-à-dire la volonté de prendre des mesures qui sont faites, par les Américains, pour les Américains, qui peuvent exister. Et donc cela va être une discussion extrêmement difficile, il y aura peut-être une crise à la fin. A mon avis, cette crise ne sera pas forcément sur ce sujet-là, qui n'est peut-être finalement le plus sensible pour les Américains. Parce que l'enjeu économique, n'est pas si considérable. L'enjeu culturel, l'enjeu d'existence, d'identité est formidable mais pas l'enjeu économique.
Par contre sur l'agriculture, on voit bien que l'administration américaine, d'après ses déclarations en tout cas du moment, part comme d'habitude, en disant que le système de Politique agricole commune, est un système protectionniste qu'il faut démanteler. Et il va de soi, que pour ce qui nous concerne, nous le défendrons bec et ongles, et là dessus, la cohésion européenne est parfaite, puisque les ministres de l'Agriculture sont parvenus à un accord parfait sur les conceptions qu'on pouvait avoir de cela.
Q - C'est pour cette raison que plusieurs ministres vont à Seattle ?
R - Oui, pour manifester, que nous voulons aider la Commission dans sa négociation.
Q - C'est bizarre Monsieur Moscovici, vous commencez votre démonstration par dire "La France a tout à gagner au libre échange etc". Et puis après vous développez sur l'exception culturelle, l'exception agricole, l'exception sanitaire qu'on avait évoqué avant. C'est-à-dire l'exception française, en fin de compte. Est-ce que vous êtes en fin de compte, vraiment pour le libre échange, ou à force d'additionner vos exceptions vous êtes un petit peu à côté ?
R - Je n'ai pas dit que j'étais pour le libre échange généralisé. J'ai dit que la France avait profité de l'accroissement, des échanges internationaux. Et que dans ce débat qui existe finalement depuis le XIXème siècle, entre le libre échangisme et le protectionnisme, à l'évidence c'était le libre échangisme qui l'avait emporté et à juste titre parce que le libre échange est un facteur de développement. Mais j'ai dit aussi que le libre échange devait être organisé. Qu'il devait être régulé. Qu'il fallait donner des règles, et c'est à cela que sert l'OMC, et c'est à cela que sert l'Europe. Par exemple, quand on parle de la Politique agricole commune, nous n'avons jamais accepté, ni les Français, ni les Européens qu'on puisse dire que la PAC, était un système protectionniste. C'est un système qui a permis au contraire, le développement de l'agriculture européenne, et en même temps la chute ou la baisse de la population active agricole et qui a formidablement fonctionné, et qui a toujours été acceptée à l'échelle mondiale.
Q - Est-ce que le couple franco-allemand existe sur ce dossier ? Vous avez parlé de l'agriculture tout à l'heure, mais sur l'ensemble, on a eu l'impression qu'il y a eu une période où cela a patiné. Il y a eu un débat même en Allemagne autour du livre d'Oskar Lafontaine, par exemple qui reprochait au gouvernement dont il fut membre d'être plus tourné vers les Etats-Unis que vers la France, ou vers l'Angleterre. Qu'en est-il ? Parce que c'est un sujet permanent ?
R - C'est un sujet permanent qui dure d'ailleurs depuis la guerre... il ne faut pas avoir des images comme cela, d'un âge d'or. La France et l'Allemagne sont deux pays différents, avec des relations qui ont toujours connu des hauts et des bas. En même temps nous avons fait un choix historique au lendemain de la seconde guerre mondiale, qui était : "Plus jamais ça". Et donc nous avons des relations qui sont tellement fortes, nos deux pays ont des économies, des administrations, des politiques tellement interpénétrées qu'il est impossible...
Q - Aujourd'hui nous sommes dans quelle phase ?
R - Nous avons été dans une phase un peu délicate sans doute l'année dernière, notamment parce qu'il y avait en Allemagne, un gouvernement qui arrivait, dans des conditions difficiles, avec des dossiers extrêmement durs.
Q - D'amis ?
R - D'amis absolument, et nous nous réjouissons, comme la Politique agricole commune. Et puis je crois qu'il y a des signes récents qu'on va plutôt vers le haut. Récemment, le chancelier Schröder et Lionel Jospin ont déjeuner ensemble, et avoir une explication je crois tout à fait utile pour l'avenir. Et puis il y a quand même cette grande décision, la fusion entre Aerospatiale-Matra et DASA. On avait parlé à un moment donné d'un rapprochement germano-britannique, on avait parlé de couple Blair-Schröder. Je constate que, la première grande décision stratégique de l'Europe industrielle, absolument majeure, qui concentre à la fois : l'aéronautique, la défense, le spatial, est une décision franco-allemande. Je dirais qu'à mon avis la relation franco-allemande est plutôt bien repartie.
Q - Et sur l'Allemagne dix ans après la chute du mur de Berlin et après un an de gouvernement Gerhard Schröder ?
R - On connaît les difficultés politiques qu'a eu ce gouvernement. Avec à la fois l'affaiblissement des verts qui est important, avec la montée à l'Est, les ex-communistes du PDS, avec la remontée de l'opposition CDU, CSU. En même temps, j'ai l'impression qu'on est maintenant dans une phase de stabilisation, de digestion des réformes et que le chancelier commence à trouver son rythme avec notamment ses réformes budgétaires. Et pour ma part, moi qui le connaît un peu, je suis persuadé que Gerhard Schröder est une bête politique et que tous ceux qui l'enterrent prématurément commettent une lourde erreur. On le verra, on le reverra, mais je pense pour ma part qu'il n'est pas chancelier, simplement pour quelques années.
Q - Le patron de la Banque centrale européenne, a encore annoncé une remontée des taux d'intérêt. Alors que le Parlement européen reproche de plus en plus à la Banque centrale européenne d'être opaque dans ses décisions. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R - Je pense que la Banque centrale européenne d'abord, est indépendante, et ensuite que cette Banque centrale, prouve depuis qu'elle est indépendante, qu'elle sait avoir une gestion plutôt intelligente de la politique monétaire.
Q - Et la transparence ?
R - La transparence est un sujet, sur lequel le Parlement européen s'exprime souvent, et c'est son rôle. Mais pour ma part, je répète qu'à mon avis la Banque centrale européenne fonctionne plutôt mieux que les systèmes nationaux de Banque centrale auparavant, ce qui justifie par avance, à mon sens les choix que nous avons fait en faveur de l'euro. Mais aussi les choix que nous avons fait en matière de Banque centrale européenne.
Q - Vous êtes considéré comme un des meilleurs économistes de la gauche, au-delà de cette majorité. Comment vous réagissez, quand vous voyez l'état d'extension, l'état florissant de l'économie américaine, avec des taux de croissance exceptionnel, et en même temps un développement de l'emploi magnifique ? Est-ce que vous pensez qu'il faudrait prendre de leur expérience, pour que cela marche encore mieux en France et d'une manière durable ?
R - Dominique Strauss-Kahn aime bien parler d'une "nouvelle économique". C'est-à-dire une "économique" dans laquelle on a à la fois une croissance élevée, une inflation faible, des déficits budgétaires finalement contenus, une politique monétaire qui permet l'investissement, et dans laquelle est capable aussi de se développer tout ce qui va dans le sens de l'innovation de la société de l'information. Et dans un contexte différent, parce que nous n'avons pas la même taille, parce que nous avons plus de contrats extérieurs que n'en ont les Etats-Unis. Nous essayons de mener une politique, qui à notre échelle est aux couleurs de la France. Une politique dans laquelle on peut investir, dans laquelle on peut libérer les forces économiques, et en même temps une politique dans laquelle on se tourne vers l'avenir. C'est cela que nous essayons de faire, cette nouvelle croissance de ce point de vue là, je ne dirais pas que les Etats-Unis sont pour nous un modèle, mais c'est en même temps un pays que nous observons avec attention, avec une grosse différence, quand même, c'est qu'il me semble que nous sommes plus sensibles qu'eux, à deux choses : d'abord aux inégalités, parce que cette croissance américaine est très inégalitaire. Et ensuite parce que nous continuons de croire que l'Etat, joue son rôle, un rôle de régulation, un rôle d'arbitrage, un rôle aussi de création, par exemple à travers les programmes, comme les emplois-jeunes ou les 35 heures.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 1999)
R - On parle toujours à titre personnel d'une façon ou d'une autre, mais en même temps les paroles que nous tenons sont aussi des paroles responsables en tout cas quand on est membre d'un gouvernement et cela vaut pour ce que je vais dire maintenant comme pour ce que je disais auparavant. "Une claque", je n'aime pas beaucoup cette rhétorique, car tout à l'heure vous disiez "le boeuf de Tony Blair". Nous n'avons jamais succombé à l'anglophobie. Je suis ravi d'ailleurs que le gouvernement britannique n'ait jamais non plus succombé à la francophobie même si, dans l'opinion, on a vu les choses se tendre. J'ai vu des sondages extrêmement intéressants, qui manifestaient une réaction antieuropéenne et antifrançaise extrêmement forte chez les Anglais.
Q - Il n'y avait pas tellement de francophobie tout à l'heure au stade, dans le match entre la France et les All Blacks et on a vu que les gens soutenaient plutôt les Français ?
R - C'est tout à fait rassurant. Mais, justement, cela va un peu dans le sens de ma démonstration, ne parlons pas en ces termes-là. Il faut peut-être remonter à la base de cette affaire. La base de cette affaire est que la commission de scientifiques, indépendants, français, l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire a émis un avis qui nous a conduit à maintenir un embargo, car nous estimions, ces scientifiques estimaient plutôt qu'il y avait encore des dangers sur le boeuf britannique et ils partaient d'un principe qui est un principe déterminant en la matière, qui est le principe de précaution. Nous sommes allés ensuite devant les experts et les scientifiques européens et ils ont émis un avis quelque peu diffèrent. Ils ont estimé, c'est vrai, que les observations qui avaient été faites par leurs collègues français avaient quelques fondements mais qu'en même temps, elles n'étaient pas de nature à mettre en cause la politique qui est suivie par les Britanniques en matière d'éradication de la maladie de la vache folle puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.
Q - L'analyse a été faite ?
R - L'analyse a été faite.
Q - On l'a bien dit depuis plusieurs jours. Maintenant aujourd'hui, ce soir, le gouvernement va-t-il tenir compte de l'avis scientifique des 16 Européens, ou pas ?
R - Ecoutez, les principes du gouvernement dans cette affaire seront les suivants : premièrement je ne crois pas que nous devions aller vers un contentieux devant la Cour de justice des Communautés européennes : d'abord, parce qu'il n'est pas sain d'avoir une attitude qui est systématiquement contentieuse entre la Commission et le gouvernement. Ensuite, parce qu'il s'agit là de problèmes qui sont des problèmes scientifiques. En quoi finalement les juges seront-ils plus compétents pour les trancher ? Il s'agit, premièrement, de tenter d'éviter la Cour de justice. Deuxième chose, nous voulons l'application du principe de précaution, c'est clair. Cela veut dire que, sans faire de protectionnisme, nous voulons qu'on assure la sécurité des aliments et du boeuf britannique. Nous allons entrer dans un processus de discussions, de dialogues, pour trouver une solution. Et quand je dis solution je ne pense pas à une solution diplomatique. Il s'agit de faire en sorte qu'on se conforme - ce sera sûrement nécessaire à un moment ou un autre - à ce que souhaite l'Union européenne, dont nous sommes membres, parce que nous en acceptons les règles, parce que nous ne voulons pas être la France contre l'Europe. Il s'agit en même temps de prendre les garanties que nous souhaitons, vous avez évoqué l'étiquetage. D'autres types de garanties concernant les abattages de cheptels, qui ont des difficultés, apparaissent. Nous allons prendre position, le gouvernement, en tout cas les ministres concernés vont se réunir mardi matin. Jean Glavany va rencontrer le commissaire en charge des problèmes de santé et son homologue britannique. Cette rencontre visera à trouver des solutions et d'ici jeudi, on connaîtra la solution française, mais encore une fois, il me semble qu'il faut que nous concilions le respect des décisions de l'Union européenne avec le principe de précaution. C'est, me semble-t-il, autour de cela que le gouvernement va chercher la solution dans les deux trois jours qui viennent.
Q - Et quel sens a un compromis entre deux expertises scientifiques contradictoires ?
R - L'expertise qui a été faite par les Européens est au fond une expertise d'expertise. Elle donne un avis qui en plus a été un avis unanime, même si encore une fois les scientifiques ont été partagés par rapport aux observations qui ont été faites sur les Français. Donc, nous n'allons pas entrer dans cette querelle-là. A un moment donné, il faut avancer, et donc trouver une solution qui permette à la fois de respecter les décisions européennes et la santé des Français.
Q - Alors, vous parlez de compromis avec les Anglais, mais sur quoi pouvez-vous négocier un compromis ? La décision des experts a été unanime, alors que du côté français on semblait s'attendre à une décision beaucoup plus tranchée. Les Anglais sont en droit aujourd'hui de dire, voilà vous avez perdu : levez l'embargo. Que pouvez vous négocier ?
R - Je pense qu'aujourd'hui personne n'est dans cet esprit-là. Il ne s'agissait pas d'une défaite, d'un match où il devrait y avoir un vainqueur par KO, la question qui était posée était : embargo ou pas embargo ? Là-dessus, nous avons maintenant l'avis européen. Nous allons en tenir compte et en même temps, nous pouvons reprendre les discussions avec les Britanniques, par exemple sur la façon dont on applique telle ou telle option. C'est vrai qu'aujourd'hui nous avons trois solutions : nous pourrions dire que nous ne prenons pas en compte l'avis et à ce moment-là, nous allons devant la Cour de justice. Nous pourrions dire au contraire que l'on ne négocie rien, on applique tout. Et puis, on a un troisième espace qui est l'espace de la discussion, qui serait de voir comment on pourrait, à un moment donné, lever l'embargo et dans quelles conditions. Ces trois options sont sur la table, le gouvernement va trancher, mais je note quand même qu'il y a des signes concordants qui montrent qu'on devrait pouvoir discuter, notamment si Jean Glavany rencontre son homologue Brown et le Commissaire Byrne, c'est pour discuter bien sûr.
Q - Ce qu'il aurait pu faire avant peut-être ?
Pour prendre sa décision M. Jospin a dit qu'il allait rencontrer mardi je crois plusieurs ministres, dont vous-même. Il a dit aussi qu'il allait en parler au président de la République. Pourquoi ? C'est un exercice de cohabitation ou un partage de l'électorat agricole
R - Parce que dès qu'il s'agit de questions qui sont des questions internationales ou européennes, y compris quand elles touchent l'agriculture, l'avis du président de la République est un avis important.
Q - Jusqu'à présent vous avez eu l'impression qu'il vous soutenait ?
R - Le président de la République et nous, sur les matières européennes et internationales, nous avons toujours été d'accord.
Q - Et agricoles.
R - Et agricoles aussi. Par exemple... nous avons négocié l'Agenda 2000.
Q - Y compris... là, y compris sur l'embargo ?
R - Bien sûr. Mais, écoutez, il faut revenir à la source de tout cela. C'était quand même un avis d'une autorité indépendante. Que n'aurait-on pas dit si le gouvernement n'avait pas suivi ces experts ? Ces experts qui sont indépendants et qui, encore une fois, avaient eux-mêmes formulé leur avis à l'unanimité, comme les experts Européens, même si ce n'était pas le même.
Q - Mais alors l'avis des experts européens prévaut contre l'avis d'experts indépendants français. ?
R - Je crois que pour expliquer cela, le point de vue n'était pas exactement le même, c'est-à-dire que dans les deux cas, on peut estimer qu'il peut y avoir des dangers, mais les experts européens ont estimé que les observations qui avaient été faites par les experts français n'apportaient rien de nouveau qui allait en contradiction avec ce que faisaient les Britanniques. Dont acte ! Et maintenant la décision mardi.
Q - Il y a quand même un paradoxe : ce sont les Anglais qui se sont révélés dans cette affaire les bons Européens et la France qui se retrouve dans la situation la plus délicate. ?
R - Cela aurait pu aussi bien être l'inverse. Maintenant il nous faut prendre une décision et cette décision passera par une discussion à la fois avec les Anglais et avec la Commission.
Q - Donc, il n'y aura pas de crise. On finira par lever l'embargo ?
R - Je pense. Mais encore une fois, la décision sera prise autour du Premier ministre, en tenant compte de l'avis du président de la République. Il me semble qu'il faut aller vers une discussion avec les Britanniques, oui.
Q - Donc avec un accord ?
R - Absolument, pas une discussion pour ne pas se mettre d'accord.
Q - On ne mange pas le béret ?
R - Non, parce que je pense que nous prendrons des garanties, suffisantes encore une fois, pour faire en sorte que les intérêts des Français, leur intérêt sanitaire, leur sécurité alimentaire, soient totalement garantis.
Q - Mais, Monsieur le Ministre, n'allez-vous pas un peu trop vite en besogne ? En juin dernier, la France a demandé haut et fort l'interdiction des farines animales en disant qu'elles étaient dangereuses, et nous avons dû reculer. Cette fois là vous nommez une commission qui vous dit que le boeuf britannique ne remplit pas toutes les conditions de sécurité, il faut l'embargo, et nous devons reculer. Pourquoi toujours avancer sur des terrains pour ensuite devoir négocier ou reculer ?
R - Nous sommes devant des problèmes qui sont des problèmes de société extraordinairement lourds, auxquels tous nos compatriotes sont sensibles et nous voulons prendre toutes les garanties en matière de sécurité alimentaire. Et en même temps, nous sommes membres de l'Union européenne et nous tenons compte de l'avis des experts européens et de la Commission.
Q - Mais pourquoi se mettre toujours en avant, pourquoi ne négociez-vous pas au préalable ? Pourquoi toujours faire une conférence de presse pour dire que les farines animales sont dangereuses, qu'il faut les interdire et ensuite pour dire que l'on retire notre ?
R - Nous avons quand même le droit d'avoir notre propre avis sur ces questions et notre propre sensibilité et nous l'assumons. Et en même temps, nous sommes capables de négocier et de décider.
Q - Vous avez entendu ce que disait José Bové. D'abord il dit : "il faut appliquer l'avis scientifique des 16 experts européens de Bruxelles et d'autre part que les Français eux aussi devraient balayer devant leur porte". C'est-à-dire qu'il y a des imprudences du côté français ?
R - Ecoutez, ses propos l'engagent...
Q - C'est un spécialist ?
R - Spécialiste d'un certain nombre de choses, notamment de la protestation par rapport à la mondialisation. C'est aussi un responsable syndical qui peut être respecté, mais en même temps permettez que nous prenions nos décisions en tenant compte encore une fois de notre appartenance à l'Europe, de nos rapports avec nos amis britanniques, de la sécurité alimentaire des Français, de ce que les experts disent, et je crois que nous arriverons finalement, après toutes péripéties, à la bonne décision, qui est une décision qui garantie la santé des Français et qui respecte l'Europe.
Q - Au-delà de la polémique, et avec Bové, le sens de la question c'était : s'il y a des imprudences du côté français, est-ce qu'on les traquera aussi ?
R - Ce gouvernement a l'intention d'aller jusqu'au bout dans ces affaires de sécurité alimentaire. C'est bien pour cela que nous avons mis en place cette agence.
Q - Les Verts français ont demandé que le gouvernement maintienne l'embargo quel que soit l'avis de l'Union européenne. Ne joue-t-on pas avec les peurs et les sentiments de l'opinion publique sur ces affaires de sécurité alimentaire ? Est-ce que ce n'est pas une sorte de punching-ball qu'on tire dans un sens ou dans l'autre, au point que les citoyens effectivement ne s'y reconnaissent plus quand plusieurs avis d'experts sont ?
R - Mais nous n'avons pas pris une décision nationaliste alors que maintenant nous prendrions une décision "européiste". Nous avons pris notre décision parce que des experts s'étaient prononcés. Et encore une fois, ces experts avaient des arguments suffisamment solides pour que nous les prenions en considération et en même temps, nous avons souhaité qu'au niveau européen il y ait, là aussi, une expertise. Voilà où nous en sommes, il ne s'agit pas de jouer avec de l'irrationnel, avec des peurs d'un côté et au contraire avec des compromis ou des compromissions de l'autre. Non, ce sont des affaires qui sont des affaires extrêmement sérieuses et par rapport auxquelles nous souhaitons prendre toutes les garanties, tout en respectant encore une fois nos engagements européens.
Q - Est-ce que la vache folle et la crise du boeuf ne vont pas porter atteinte à la cohésion de l'Europe ? Est-ce qu'il n'y aura pas de traces sur le plan européen ?
R - Je ne crois pas. Il n'y a pas de traces, notamment parce que nous avons en Grande-Bretagne un gouvernement qui est, depuis longtemps, à la fois le plus europhile et le plus francophile.
Q - Il va s'ouvrir, dans un mois à Seattle, une négociation importante sur l'Organisation mondiale du commerce. Pour l'opinion française, il paraît clair, ou peut-être sommaire que ce qu'on appelait l'exception culturelle, qu'on appelle maintenant la diversité culturelle, c'est-à-dire le fait que la culture ne doit pas être une marchandise comme une autre, est la chose la plus importante. Alors y aura-t-il un front commun des Européens sur cette affaire ? Serez-vous obligé, la France ou l'Europe seront-t-elles obligées, obligée d'accepter que cette particularité culturelle, soit néanmoins incluse dans la négociation ?
R - Un mot peut-être quand même, sur l'enjeu global de cette négociation de l'OMC. Il faut y aller. Parce que le libre échange mondial, le développement des échanges profitent à notre économie parce que, par exemple, en France, nous qui sommes le quatrième exportateur au monde, un emploi sur quatre dépend de l'exportation. Et donc nous sommes dans une situation où il faut absolument négocier sur le libre échange. Mais en même temps mettre des règles, pour organiser ce libre échange. Et aussi faire en sorte que ce libre échange profite à tous, c'est-à-dire aussi aux pays les moins avancés, aux pays en développement. Et c'est pour cela que la vision française est une vision globale, nous voulons que l'on parle de l'agriculture, des services. C'est ce qu'on appelle "l'agenda intégré". Ces deux sujets sont un peu difficiles pour les Européens, nous voulons aborder d'autres sujets. Nous voulons qu'on parle de normes environnementales, de normes sociales, de la protection des investissements à l'OMC. Nous voulons qu'on organise la concurrence à l'échelle mondiale. La culture, est un des enjeux, mais pas le seul, parce que nous voulons encore une fois qu'on parle de cela.
Q - Comment cela, l'agriculture ? Vous dites nous voulons, les Français peut-être pas tous les Européens, quelques Européens, peut-être les Européens, mais les Américains s'y opposent ? Ou est-ce que vous donnez une information nouvelle, les Américains ont accepté après la visite de M. Prodi ?
R - Alors les Français le souhaitent, les Européens le souhaitent aussi, c'est d'ailleurs pour cela, que nous avons réussi à fixer un mandat à la Commission européenne qui va négocier en notre nom à tous, à Seattle. Les Américains, à l'origine, étaient plus favorables à un agenda limité, notamment visant à remettre en cause la Politique agricole commune, nous nous battrons, aussi pour la Politique agricole commune, les services, mais j'ai noté dans les discussions entre M. Clinton, et M. Prodi, qu'ils se disaient prêts à aborder également d'autres sujets.
Q - Une évolution est-elle possible ?
R - Peut-être. Mais en tout cas à Seattle, croyez-le, nous allons défendre notre conception large et globale de ce cycle de la négociation. Quand je dis globale, cela veut dire aussi que notre conception sera qu'on ne conclut qu'une fois que tout est conclu. On ne va pas passer toute une série de petits accords séparés sur des sujets qui ne sont pas à notre avantage, pour, au final, à la remise en cause de la Politique agricole commune et de la Culture.
Sur la culture, il y avait dans les précédents cycles, de ce qu'était à l'époque le GATT, qui est maintenant l'Organisation mondiale du commerce, ce qu'on appelle "l'exception culturelle", c'est-à-dire l'idée selon laquelle, effectivement, la culture n'est pas une marchandise, n'est pas un bien comme les autres, c'est un élément d'identité. Identité culturelle française, identité culturelle européenne, et que nous n'acceptons pas à partir de ce moment-là, qu'elle soit inclue, dans le champ des négociations qui donne lieu à la libéralisation. On sait déjà qu'il y a à l'échelle de la planète et non pas un hégémonisme, non pas un impérialisme, mais comme une très grande domination culturelle américaine. 60 % des films qui passent sur nos écrans européens sont américains, alors que 3 % seulement des films qui passent sur les écrans américains sont européens.
L'exception culturelle, ce n'est pas le protectionnisme. L'exception culturelle, c'est de dire simplement que nous souhaitons avoir le droit à la diversité culturelle, à faire en sorte qu'il y ait un cinéma européen qui survive, un cinéma français qui survive, et de prendre des mesures de soutien ou réglementaires pour notre industrie cinématographique ou notre culture. Et je peux citer par exemple les programmes européens, comme le programme Média. Je peux citer aussi le système des quotas de diffusion qui a permis la survie du cinéma européen. Je peux citer aussi les fonds de soutien à l'industrie cinématographique comme il en existe en France. Et si nous n'avions pas eu tout cela, c'est simple, nous serions dans la situation de l'Italie ou de la Grande-Bretagne où l'industrie cinématographique a disparu.
Q - Mais est-ce que vous êtes sûr de la solidarité, de la cohésion européenne ? Parce qu'on a senti par exemple du côté de M. Prodi, des tentations qui n'étaient pas tout à fait les mêmes que les vôtres. C'est vrai que c'est une croisade qui est largement française, cela fait partie du mandat certes. Mais est-ce que, lorsqu'on en arrivera à la crise, parce qu'il y aura crise, comme lors du round précédent, la cohésion européenne tiendra ?
R - J'ai pu constater effectivement que cette cohésion ne s'était pas faite spontanément. Il y a eu une première réunion des ministres le 11 octobre. On n'est pas parvenu à un accord, je dirais qu'à l'époque il y avait une majorité d'idées, en notre faveur avec par exemple les Italiens, les Portugais, les Allemands aussi qui étaient à nos côtés, c'était extrêmement important. Et puis nous avons su convaincre pour les quinze jours qui ont suivi, qu'il fallait absolument prendre un texte, qui permettait de respecter la diversité culturelle, c'est-à-dire d'avoir un exception culturelle dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Je n'ai pas de raison de douter que cette cohésion soit maintenant faite. Et je n'ai surtout pas de raison de douter que le Commissaire qui est en charge de ce dossier, Pascal Lamy, un Français même s'il ne représente pas son pays au sein de la Commission, négociera avec fermeté, et défendra les intérêts de l'Europe. Et les intérêts de l'Europe par les exemples les quotas en font partie. Même la Commission luxembourgeoise qui, au début, était un petit peu réticente sur cette charte de l'audiovisuel en ait finalement convenu, donc je ne dirais pas de l'optimiste, parce que je sais que ces discussions doivent être longues, elles vont durer au moins jusqu'en 2003, ne faisons pas comme si à Seattle on allait conclure.
Q - Après il y aura un gel de combien de temps ?
R - Une quinzaine de mois, mais en même temps, pendant le gel, il faudra continuer les travaux. C'est-à-dire préparer les positions, faire en sorte qu'on soit extrêmement solide.
Q - Il y aura changement d'administration aux Etats-Unis. ?
R - Il y aura fatalement des changements, à un moment donné, c'est la démocratie qui veut cela. Mais pour revenir à ce sujet, c'est vrai qu'il y a une petit problème d'ailleurs du côté Américain, c'est que les Américains ne disposent pas de ce qu'on appelle le "Fast-track", c'est-à-dire que le président américain n'a pas de mandat précis pour négocier au nom du Congrès. Or on voit bien que du côté du congrès, les tentations protectionnistes ou unilatéralistes, c'est-à-dire la volonté de prendre des mesures qui sont faites, par les Américains, pour les Américains, qui peuvent exister. Et donc cela va être une discussion extrêmement difficile, il y aura peut-être une crise à la fin. A mon avis, cette crise ne sera pas forcément sur ce sujet-là, qui n'est peut-être finalement le plus sensible pour les Américains. Parce que l'enjeu économique, n'est pas si considérable. L'enjeu culturel, l'enjeu d'existence, d'identité est formidable mais pas l'enjeu économique.
Par contre sur l'agriculture, on voit bien que l'administration américaine, d'après ses déclarations en tout cas du moment, part comme d'habitude, en disant que le système de Politique agricole commune, est un système protectionniste qu'il faut démanteler. Et il va de soi, que pour ce qui nous concerne, nous le défendrons bec et ongles, et là dessus, la cohésion européenne est parfaite, puisque les ministres de l'Agriculture sont parvenus à un accord parfait sur les conceptions qu'on pouvait avoir de cela.
Q - C'est pour cette raison que plusieurs ministres vont à Seattle ?
R - Oui, pour manifester, que nous voulons aider la Commission dans sa négociation.
Q - C'est bizarre Monsieur Moscovici, vous commencez votre démonstration par dire "La France a tout à gagner au libre échange etc". Et puis après vous développez sur l'exception culturelle, l'exception agricole, l'exception sanitaire qu'on avait évoqué avant. C'est-à-dire l'exception française, en fin de compte. Est-ce que vous êtes en fin de compte, vraiment pour le libre échange, ou à force d'additionner vos exceptions vous êtes un petit peu à côté ?
R - Je n'ai pas dit que j'étais pour le libre échange généralisé. J'ai dit que la France avait profité de l'accroissement, des échanges internationaux. Et que dans ce débat qui existe finalement depuis le XIXème siècle, entre le libre échangisme et le protectionnisme, à l'évidence c'était le libre échangisme qui l'avait emporté et à juste titre parce que le libre échange est un facteur de développement. Mais j'ai dit aussi que le libre échange devait être organisé. Qu'il devait être régulé. Qu'il fallait donner des règles, et c'est à cela que sert l'OMC, et c'est à cela que sert l'Europe. Par exemple, quand on parle de la Politique agricole commune, nous n'avons jamais accepté, ni les Français, ni les Européens qu'on puisse dire que la PAC, était un système protectionniste. C'est un système qui a permis au contraire, le développement de l'agriculture européenne, et en même temps la chute ou la baisse de la population active agricole et qui a formidablement fonctionné, et qui a toujours été acceptée à l'échelle mondiale.
Q - Est-ce que le couple franco-allemand existe sur ce dossier ? Vous avez parlé de l'agriculture tout à l'heure, mais sur l'ensemble, on a eu l'impression qu'il y a eu une période où cela a patiné. Il y a eu un débat même en Allemagne autour du livre d'Oskar Lafontaine, par exemple qui reprochait au gouvernement dont il fut membre d'être plus tourné vers les Etats-Unis que vers la France, ou vers l'Angleterre. Qu'en est-il ? Parce que c'est un sujet permanent ?
R - C'est un sujet permanent qui dure d'ailleurs depuis la guerre... il ne faut pas avoir des images comme cela, d'un âge d'or. La France et l'Allemagne sont deux pays différents, avec des relations qui ont toujours connu des hauts et des bas. En même temps nous avons fait un choix historique au lendemain de la seconde guerre mondiale, qui était : "Plus jamais ça". Et donc nous avons des relations qui sont tellement fortes, nos deux pays ont des économies, des administrations, des politiques tellement interpénétrées qu'il est impossible...
Q - Aujourd'hui nous sommes dans quelle phase ?
R - Nous avons été dans une phase un peu délicate sans doute l'année dernière, notamment parce qu'il y avait en Allemagne, un gouvernement qui arrivait, dans des conditions difficiles, avec des dossiers extrêmement durs.
Q - D'amis ?
R - D'amis absolument, et nous nous réjouissons, comme la Politique agricole commune. Et puis je crois qu'il y a des signes récents qu'on va plutôt vers le haut. Récemment, le chancelier Schröder et Lionel Jospin ont déjeuner ensemble, et avoir une explication je crois tout à fait utile pour l'avenir. Et puis il y a quand même cette grande décision, la fusion entre Aerospatiale-Matra et DASA. On avait parlé à un moment donné d'un rapprochement germano-britannique, on avait parlé de couple Blair-Schröder. Je constate que, la première grande décision stratégique de l'Europe industrielle, absolument majeure, qui concentre à la fois : l'aéronautique, la défense, le spatial, est une décision franco-allemande. Je dirais qu'à mon avis la relation franco-allemande est plutôt bien repartie.
Q - Et sur l'Allemagne dix ans après la chute du mur de Berlin et après un an de gouvernement Gerhard Schröder ?
R - On connaît les difficultés politiques qu'a eu ce gouvernement. Avec à la fois l'affaiblissement des verts qui est important, avec la montée à l'Est, les ex-communistes du PDS, avec la remontée de l'opposition CDU, CSU. En même temps, j'ai l'impression qu'on est maintenant dans une phase de stabilisation, de digestion des réformes et que le chancelier commence à trouver son rythme avec notamment ses réformes budgétaires. Et pour ma part, moi qui le connaît un peu, je suis persuadé que Gerhard Schröder est une bête politique et que tous ceux qui l'enterrent prématurément commettent une lourde erreur. On le verra, on le reverra, mais je pense pour ma part qu'il n'est pas chancelier, simplement pour quelques années.
Q - Le patron de la Banque centrale européenne, a encore annoncé une remontée des taux d'intérêt. Alors que le Parlement européen reproche de plus en plus à la Banque centrale européenne d'être opaque dans ses décisions. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R - Je pense que la Banque centrale européenne d'abord, est indépendante, et ensuite que cette Banque centrale, prouve depuis qu'elle est indépendante, qu'elle sait avoir une gestion plutôt intelligente de la politique monétaire.
Q - Et la transparence ?
R - La transparence est un sujet, sur lequel le Parlement européen s'exprime souvent, et c'est son rôle. Mais pour ma part, je répète qu'à mon avis la Banque centrale européenne fonctionne plutôt mieux que les systèmes nationaux de Banque centrale auparavant, ce qui justifie par avance, à mon sens les choix que nous avons fait en faveur de l'euro. Mais aussi les choix que nous avons fait en matière de Banque centrale européenne.
Q - Vous êtes considéré comme un des meilleurs économistes de la gauche, au-delà de cette majorité. Comment vous réagissez, quand vous voyez l'état d'extension, l'état florissant de l'économie américaine, avec des taux de croissance exceptionnel, et en même temps un développement de l'emploi magnifique ? Est-ce que vous pensez qu'il faudrait prendre de leur expérience, pour que cela marche encore mieux en France et d'une manière durable ?
R - Dominique Strauss-Kahn aime bien parler d'une "nouvelle économique". C'est-à-dire une "économique" dans laquelle on a à la fois une croissance élevée, une inflation faible, des déficits budgétaires finalement contenus, une politique monétaire qui permet l'investissement, et dans laquelle est capable aussi de se développer tout ce qui va dans le sens de l'innovation de la société de l'information. Et dans un contexte différent, parce que nous n'avons pas la même taille, parce que nous avons plus de contrats extérieurs que n'en ont les Etats-Unis. Nous essayons de mener une politique, qui à notre échelle est aux couleurs de la France. Une politique dans laquelle on peut investir, dans laquelle on peut libérer les forces économiques, et en même temps une politique dans laquelle on se tourne vers l'avenir. C'est cela que nous essayons de faire, cette nouvelle croissance de ce point de vue là, je ne dirais pas que les Etats-Unis sont pour nous un modèle, mais c'est en même temps un pays que nous observons avec attention, avec une grosse différence, quand même, c'est qu'il me semble que nous sommes plus sensibles qu'eux, à deux choses : d'abord aux inégalités, parce que cette croissance américaine est très inégalitaire. Et ensuite parce que nous continuons de croire que l'Etat, joue son rôle, un rôle de régulation, un rôle d'arbitrage, un rôle aussi de création, par exemple à travers les programmes, comme les emplois-jeunes ou les 35 heures.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 1999)