Déclaration de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, sur le rôle des SAFER dans le cadre de l'installation des agriculteurs et de la politique d'aménagement du territoire en partenariat avec les collectivités territoriales, Gaillac le 4 novembre 1999.

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Circonstance : Congrès national de la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSAFER) à Gaillac le 4 novembre 1999

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Cher Etienne,
Mes chers amis,
Il y a 40 ans, nous avons fait un pari : construire un outil pour orienter collectivement le développement de l'agriculture. Pari courageux à l'époque et les débats n'ont pas manqué.
Pendant ces 40 ans, les SAFER ont accompagné les mutations de notre agriculture. Elles ont eu une période faste, puis connu des temps plus difficiles.
Mais jamais, sur toutes ces années, nous n'avons eu à en rougir, ou à regretter notre pari.
Bien au contraire !
Les SAFER se sont imposées comme un carrefour indispensable pour l'installation, la cession et la transmission. Elles sont devenues un formidable outil de responsabilité de la profession agricole, en matière de politique des structures.
Cette réussite des SAFER, disons-le clairement, c'est aussi la réussite d'une certaine cogestion de la politique agricole. Avec des formes particulières, celles de sociétés anonymes, avec l'engagement de l'Etat, des régions et des collectivités territoriales.
Cette réussite, elle repose sur vous tous, les hommes et les femmes qui ont fait les SAFER, qui ont construit au quotidien les solidarités concrètes. Vous qui, sur le terrain, vous engagez et assumez des décisions souvent difficiles, avec toujours le sens du collectif et le pari du long terme. La réussite d'une politique volontariste de l'installation, plus que jamais indispensable aujourd'hui, et le développement de nos exploitations, sont à ce prix.
Les SAFER ont su aussi s'adapter aux mutations de notre société. Et particulièrement ces dernières années, à la décentralisation avec la montée en puissance des collectivités territoriales. Au service d'une politique de solidarité du foncier et des structures, elles se sont aussi imposées progressivement comme un pivot d'une politique d'aménagement du territoire en partenariat avec les collectivités territoriales.
Alors bien sûr ce n'est pas toujours facile de faire le pari du partage du foncier surtout depuis la réforme de la PAC de 1992, avec les tensions qui en découlent sur le terrain. Mais interrogeons-nous un instant : où en serait-on aujourd'hui, sans les SAFER ?
Alors, oui nous sommes fiers de cet outil !
Oui, nous croyons à son avenir !
Oui, nous sommes déterminés à le construire avec toute la profession agricole, l'Etat, les collectivités territoriales et tous les partenaires du monde rural !
Comme c'est écrit dans le rapport d'orientation présenté par votre Secrétaire Général, l'agriculture à présent doit faire face à de nouvelles demandes de la société. Nourrir les hommes, avec une qualité et une sécurité alimentaire croissantes, préserver l'espace, les paysages, l'environnement, assurer une certaine répartition des activités, animer le milieu rural : Voilà nos missions ! Elles reflètent la multifonctionnalité de l'agriculture, que nous défendons à la FNSEA et qui fait de plus en plus partie intégrante de notre métier.
L'agriculture doit contribuer ainsi à l'équilibre des hommes, des produits et des territoires.
Cette orientation, la FNSEA l'a affirmée lors de ses derniers Congrès : je pense notamment à Toulouse et à Clermont.
La FNSEA ne compte pas la remettre en question, bien au contraire. Il s'agit d'appuyer cette politique avec nos outils et de s'en donner les moyens. Dans le nouveau contrat entre la société et l'agriculture, les SAFER auront un rôle essentiel à jouer.
Elles seront une pièce maîtresse du partage du foncier, du développement rural, de l'équilibre des hommes, des produits et des territoires.
Leur donner de nouvelles possibilités, en matière d'intervention locative ou de préemption environnementale, c'est déjà le reconnaître.
Mais alors comment comprendre que les moyens soient à ce point en dessous des enjeux ?
Monsieur le Ministre, nous sommes inquiets, pour les SAFER, pour la politique rurale dans ce pays. Nous ne comprendrions pas que la baisse des droits de mutation dissuadent certains de passer par les SAFER. Cela risquerait de remettre en question la place des SAFER. Nous demandons donc au Gouvernement de rétablir la balance et de corriger cette incohérence.
Nous n'admettons pas que les moyens financiers mis par l'Etat à disposition des SAFER, soient à ce point en retrait alors qu'on leur reconnaît des missions nouvelles.
Nous n'admettons pas que les arbitrages actuels, en matière de contrat de plan ou de développement du territoire, favorisent à ce point les villes au détriment des campagnes.
L'équilibre de nombreuses zones rurales est en cause, mais aussi celui de la société et de ses activités. Pas un instant nous ne pouvons imaginer un aménagement du territoire hémiplégique, centré seulement sur les villes. Comment construire sur cette base notre modèle agricole européen et un développement durable des territoires ?
Alors nous demandons au Gouvernement de se ressaisir, pour que ce pays marche sur ses deux jambes, la ville et la campagne. Nous demandons au Gouvernement de donner aux SAFER des moyens équivalents à ceux dont disposent les établissements publics fonciers et les autres outils au service du développement urbain. Nous demandons enfin au Gouvernement de s'engager auprès des SAFER les plus en difficulté : c'est une urgence, elle est vitale pour les départements concernés !
Mes chers amis, je veux vous témoigner tout l'appui de la FNSEA pour l'action des SAFER, hier, aujourd'hui et demain. Elle est essentielle pour la profession. Elle sera sans doute de plus en plus ouverte avec nos partenaires. Et vous avez raison de réaffirmer dans votre rapport nos responsabilités envers les agriculteurs et aussi la société.
Mais je ne voudrais pas terminer sans un coup de chapeau au Président Etienne Lapèze. Et comme je dois vous quitter avant le dîner, Etienne, permets-moi de saluer ton action à la tête des SAFER et tout ton parcours de militant et de responsable.
Tu as démontré que tu étais un visionnaire du territoire. Tu as compris avant beaucoup que cette dimension prendrait une importance décisive, au même titre que les marchés et les OCM. Sur le plan du foncier, sous ta Présidence, les SAFER ont pris une nouvelle dimension. Celle d'un opérateur généraliste du foncier, au service des agriculteurs et du développement rural.
Tu as très tôt compris que l'agriculture devait sortir de son pré carré, être plus ouverte sur la ruralité et sur l'extérieur. C'est dans cet esprit que tu présides le groupe monde rural à la FNSEA et que tu es présent au Conseil National d'Aménagement et de Développement du Territoire.
Le pari de la ruralité, tu nous l'as montré, est bien celui de l'ouverture, du dialogue, de l'échange avec de nombreux intervenants. Ce pari est plus que jamais d'actualité.Sois assuré, Etienne que nous saurons nous en souvenir et continuer les combats que tu as menés.
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)