Déclaration de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur les orientations budgetaires pour 2003, sur les simplifications administratives et le développement des téléprocédures, sur les mesures à prendre pour améliorer la sincérité des comptes des entreprises et la transparence de l'information financière et sur la réforme des professions comptables, Montpellier le 3 octobre 2002.

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Circonstance : Ouverture du 57ème Congrès de l'Ordre des Experts-comptables à Montpellier le 3 octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le président du Conseil régional, sénateur de la Lozère, Jacques Blanc
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Monsieur le maire de Montpellier, Georges Frêche
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, Claude Cazes,
Monsieur le rapporteur général, Jean-Pierre Alix,
Monsieur le commissaire général du Congrès, Albert Menon,
Mesdames et messieurs les présidents des Fédérations de centres de gestion et d'associations agréés.
Mesdames, Messieurs les experts comptables
Je veux d'abord vous remercier du chaleureux accueil que vous avez bien voulu me réserver. Et vous dire le plaisir très sincère qui est le mien de me trouver parmi vous ce matin.
Qu'il me soit permis de saluer plus particulièrement tous les élus ici présents, en distinguant, chacun le comprendra, le maire Georges Frèche. Monsieur le maire votre ville est belle, je la connais pour y être venu souvent. Le travail remarquable d'architecture qui a été réalisé retient toujours l'attention du maire que j'ai été moi-même pendant 13 ans, jusqu'à mon entrée au gouvernement. Je connais aussi ce lieu pour y avoir tenu congrès dans mon activité professionnelle d'origine.
A dire vrai, tout concourt à ce que ce déplacement soit excellent pour moi : les personnes et la profession qui m'accueillent, la région, la ville, ce lieu, les technologies dont ce palais est doté et qui sont le thème de votre congrès.
S'agissant des technologies, je dois vous avouer ma fascination pour elles, tant elles parviennent à effacer la distance en transportant, à la vitesse de la lumière, l'écrit, l'image, le son, bref ce qu'on appelle aujourd'hui l'information.
Dans ma petite mais belle ville d'Alençon ces technologies sont le levier que nous avons choisi pour relancer l'économie locale après un sinistre industriel.
Les TIC nous ouvrent en effet un nouvel horizon, nous lancent de nouveaux défis et il nous revient tous, chacun à notre place, élus et professionnels, de les relever avec audace et détermination.
L'honneur d'ouvrir le congrès
Au-delà du thème, dont vous aurez compris qu'il me passionne, je mesure, croyez le, l'honneur qui m'est fait de pouvoir m'adresser à vous tous aujourd'hui. Le congrès, je le sais d'expérience, est le moment important de la vie d'une famille professionnelle, un moment privilégié de dialogue, de réflexion et d'échanges entre les instances de la profession et ses membres.
Aussi suis-je très sincèrement honoré d'ouvrir vos travaux ce matin.
D'ailleurs, la tradition m'y invite, car votre profession forte de ses 16 600 experts-comptables et ses 5 000 stagiaires, est liée à l'administration, placée sous mon autorité, dans une relation de confiance et de partenariat. Cette relation sera appelée à se renforcer encore grâce aux actions communes que je souhaite engager avec vous en matière de simplification, de dématérialisation, d'élaboration et d'application des règles.
Relation de confiance, disais-je également. La confiance des pouvoirs publics dans une profession invite à l'élargissement de ses missions. L'un de vos anciens présidents et prochain président de la Fédération internationale, René Ricol, disait il y a quelques années parait-il, que vous étiez des " ensembliers " autant que des comptables.
J'ajouterai des " généralistes " tant la matière que vous traitez est de plus en plus vaste.
I. La philosophie de la loi de finances : instaurer un pacte de confiance
En raison de l'actualité, permettez-moi quelques mots sur le budget et la loi de finances pour 2003.
Le gouvernement souhaite fonder entre les Français et l'Etat un pacte de confiance pour soutenir l'emploi et l'initiative.
Recréer les conditions de la confiance
Nous voulons enclencher un cercle vertueux de création de richesses et d'emplois, en revitalisant le marché du travail, et en encourageant l'initiative.
D'où notre choix volontariste de baisse des charges sociales et fiscales pour favoriser :
- l'insertion des jeunes et les travailleurs peu (qualifiés ou à temps partiel) ;
- la création d'entreprises et l'innovation : une loi est en préparation sur ce sujet ;
- l'attractivité de notre territoire : avec la réduction du poids de la fiscalité sur les ménages, la baisse de la taxe professionnelle, sans oublier les professions libérales ainsi que la contribution sur les institutions financières soumises à forte concurrence.
Au total, plus de 4 Mds sont alloués à cette politique en faveur de l'emploi et de l'initiative.

Notre politique en matière de finances publiques accompagne cette volonté :
(1) Les dépenses publiques, au service des priorités gouvernementales, sécurité et justice, sont maîtrisées.
(2) Le budget 2003 marque un coup d'arrêt à la dégradation des comptes publics. La réduction des dépenses (0,5 % du PIB) venant compenser non seulement la baisse des impôts et charges en faveur de l'emploi et de l'initiative (0,2 % du PIB) mais permettant aussi le redressement durable des comptes à hauteur de 0,3 % du PIB alors même que les recettes diminueront.
(3) Mais préparer l'avenir, c'est aussi donner une visibilité sur les retraites, c'est réformer l'Etat, décentraliser, dans un contexte budgétaire restauré. Pour cela, les dépenses publiques doivent progresser moins vite que le PIB. A cette condition, le retour à l'équilibre est possible à l'horizon de 2006, si la croissance ne se dérobe pas.
A cette condition aussi, nous pourrons réduire, significativement comme nous le souhaitons, les prélèvements fiscaux et sociaux.
Elaborer une stratégie fiscale cohérente avec les objectifs
En matière fiscale, nous voulons réunir les conditions pour enfin : libérer l'initiative, accroître l'attractivité du territoire, créer des emplois.
Nous voulons poursuivre l'allègement des impôts sur les ménages, rendre la fiscalité des entreprises plus compétitive, aménager la fiscalité du patrimoine et traquer la complexité sous toutes ses formes.
Ces objectifs sont certes ambitieux, mais nous sommes déterminés. S'agissant de la fiscalité du patrimoine et des simplifications, j'engagerai dans les meilleurs délais une large concertation pour réaliser des réformes appropriées et attendues. Vous y aurez, bien sûr, toute votre place.
II.- De la tutelle vers la partenariat : promouvoir une société de confiance
J'en viens maintenant à l'actualité de votre profession qui est aussi la nôtre, puisque nous sommes, et c'est d'ailleurs l'une des raisons de ma présence parmi vous, votre ministère de tutelle.
Cette tutelle nous assigne une double mission : la protection de la profession et son contrôle. Elle nous invite par nature aussi à accompagner son évolution.
Plus qu'une tutelle, c'est une relation de partenariat et de collaboration constante que je souhaite renforcer et promouvoir.
Je souhaite participer avec vous à la fondation d'une société de confiance.
Restaurons ensemble cette relation de confiance entre tous les acteurs de la société, citoyens, entreprises, pouvoirs publics, autorités administratives, organisations professionnelles, marchés financiers.
1 - Dématérialiser, simplifier l'impôt et les procédures
Pour cela, simplifions la vie des entreprises, éliminons les obstacles qui freinent leurs énergies, leur capacité d'invention.
Accentuer le partenariat dans le développement des téléprocédures
Votre profession est étroitement associée au développement des téléprocédures. L'une des belles contributions de l'Ordre est son portail internet.
Intensifions encore notre coopération dans le cadre du programme Copernic (le contribuable au centre du système), qui vise à créer un compte fiscal unique. De nouveaux services en ligne sont à mettre en uvre. Certains seront directement utilisés par les experts comptables comme mandataires des entreprises.
Résoudre les problèmes de concurrence entre les pouvoirs publics et les opérateurs privés
Pouvoirs publics et opérateurs privés travaillent au développement des offres et des projets concrets.
Ces offres posent la question du champ respectif de la sphère publique et de la sphère privée. L'administration doit enrichir encore son offre de services, sans empiéter sur les missions naturelles des opérateurs privés.
Je ferai en sorte que les difficultés s'aplanissent vite, car les entreprises ont d'abord besoin de simplification.
L'important est le service rendu aux entreprises et la réalité des simplifications. Il faut, à l'évidence, s'appuyer sur les téléprocédures et les télépaiements mais aussi aller au-delà.
Poursuivre l'objectif commun de simplification des formalités administratives
Facilitons la vie des entreprises, leur fonctionnement comme leur création. Simplifions les formalités administratives.
Par votre position privilégiée entre les entreprises et les pouvoirs publics, engagez le débat et soyez une véritable force de propositions. Et je serai à vos côtés.
Dans le PLF, les modalités de déclaration et de paiement de l'impôt pour les petites entreprises sont simplifiées en matière de TVA, de taxe professionnelle et d'impôt sur les sociétés ; le droit de licence sur les débits de boissons supprimé. Ces premières mesures bénéficieront à plus d'un million d'entreprises.
Par ailleurs, a été amorcée la réforme du régime fiscal des distributions, complexe et inadapté. Cette réforme devrait simplifier profondément la fiscalité des entreprises, grandes ou petites.
D'autres mesures de simplification suivront. La simplification, sous toutes ses formes, doit devenir la première exigence que l'administration doit à ses usagers. Je compte sur vos propositions. Et vous pouvez compter sur mon engagement !
2- Améliorer la sincérité des comptes et la transparence de l'information financière
Plus de transparence, c'est plus de confiance. Simplifions les procédures, mais aussi améliorons la transparence et la fiabilité de l'information financière.
Restaurer le cadre juridique : la loi de sécurité financière
Le manque de transparence et de sincérité des comptes de certaines sociétés, apparu aux Etats-Unis, pèse d'un poids très lourd dans la crise de confiance que subissent actuellement les marchés financiers.
Les Etats-Unis ont réagi vigoureusement en organisant une incompatibilité stricte entre l'audit et certaines activités de conseil.
Cette mesure est fondée même si les pouvoirs de contrôle, de vérification et de sanction dont seront dotés les pouvoirs publics américains via la SEC peuvent paraître excessifs : ils aboutissent à placer l'auditeur sous gestion publique et posent un problème de territorialité. Francis Mer s'en est entretenu récemment avec les autorités américaines.
Il ne s'agit pas, à l'évidence pour la France, de copier la loi américaine, car cette séparation entre les missions existe déjà.
Notre pays doit néanmoins contribuer à mettre en oeuvre des règles prudentielles et relever ses standards de régulation.
C'est l'objectif de la loi de sécurité financière dont le projet sera soumis au Premier ministre à la mi-octobre et qui devrait être présenté au Parlement début 2003.
Vous connaissez les deux axes principaux de cette réforme :
- doter notre pays d'autorités de régulation puissantes et efficaces : une autorité unique de contrôle des marchés financiers sera créée, dotée et d'un statut et de pouvoirs, notamment de sanction, lui permettant une action efficace en faveur de la transparence et de l'intégrité du marché.
- renforcer la régulation des métiers de l'audit : le MINEFI et la Chancellerie y travaillent avec la place.
Avec les priorités suivantes :
séparer clairement les missions d'audit et de conseil ;
rendre obligatoire la rotation interne des auditeurs ;
instituer un devoir d'alerte de la future autorité des marchés financiers par les commissaires aux comptes des sociétés cotées ;
renforcer le dispositif avec l'intervention d'une autorité publique.
Se préparer à l'application de normes comptables communes au sein de l'Union
Dès 2004, vous aurez à appliquer les normes comptables IAS pour la détermination des comptes consolidés des sociétés cotées.
Cette harmonisation des règles au sein de l'Union vise une meilleure information même si ces règles solliciteront encore davantage votre connaissance de l'entreprise et le principe de prudence.
Le concept de " juste valeur ", et je sais que vous en êtes conscients, porte en lui une redoutable exigence et une interprétation par nature subjective.
3- Agir pour la reconnaissance de la profession et de ses instances
Comme toute profession, la vôtre doit s'adapter en permanence à l'évolution de son environnement juridique, technique, politique, et répondre aux nouvelles exigences de la société et du droit. En relevant ce défi, votre profession sera plus forte, et encore mieux reconnue.
Renforcer la déontologie et la qualité pour obtenir la certification ISO 9001
Dans une économie ouverte où la concurrence est aiguë, le besoin de transparence, de sincérité est aussi plus grand.
Votre profession doit là aussi montrer qu'elle est partenaire de l'action publique par le respect de la déontologie et la qualité de ses services.
Votre démarche en vue d'obtenir la certification ISO 9001 est cohérente et légitime. Votre contribution à l'amélioration de la sécurité financière doit être valorisée. Nos services soutiendront vos initiatives et vous accompagneront dans cette juste démarche.
Participer aux instances internationales
La libre circulation des personnes, la libre prestation des services modifient votre environnement professionnel et suscitent des inquiétudes. Ces inquiétudes s'effacent lorsque vous mesurez, comme ce matin, combien l'union et la solidarité qui vous rassemblent sont votre plus grande force.
Vos instances représentatives doivent être présentes au niveau international. Offrez en partage, à l'international, les valeurs qui sont les vôtres et mobilisez-vous pour les défendre auprès des institutions politiques.
Aucune profession ne peut aujourd'hui rester repliée sur elle-même, elle doit au contraire devenir, à l'international et notamment à Bruxelles, un partenaire des institutions politiques, et contribuer ainsi à bâtir l'avenir sur un modèle inspiré du nôtre.
4 - Réussir la réforme des professions comptables
Je voudrais enfin évoquer la réforme des professions comptables. La cohabitation des experts-comptables libéraux avec les centres de gestion n'a pas toujours été un long fleuve tranquille mais nous pouvons arriver rapidement à bon port.
J'ai adressé, il y a quelques jours, aux présidents du Conseil de l'Ordre et des Fédérations de centres, une lettre indiquant, sans ambiguïté, ma volonté d'aboutir. Cette volonté est clairement partagée si j'en juge par mes entretiens avec vous, M. Cazes et MM. Giron et Requillart et ceux de mon cabinet avec les représentants des fédérations concernées.
Le texte déposé sur le bureau du Sénat en 2001 réalise un consensus, fruit d'un travail difficile mais constructif.
Je me suis engagé à vous communiquer, d'ici le 1er décembre, les grandes orientations réglementaires qui permettront au texte de loi de s'appliquer sans que soit bouleversé le fonctionnement actuel des centres.
Vous devez tous pouvoir travailler demain dans un cadre juridique sécurisé, au bénéfice de nos entreprises.
Pour atteindre cet objectif, j'invite, d'ici le 1er décembre, les représentants de l'Ordre et des Fédérations à se rapprocher des services de la DGI afin d'aplanir les dernières difficultés et, très rapidement, traduire cette réforme dans la loi.
M. le président Cazes, MM. les présidents de Fédérations, notre fierté serait grande à inscrire cette réforme dans le paysage juridique et parachever le travail commun d'une décennie.
Je sais compter sur votre bonne volonté. La mienne vous est acquise.
En conclusion,
Le thème de votre congrès est aussi un défi : " connecter ", " mettre en réseau " les compétences, humaines et techniques, par la promotion d'un langage commun. Il marque votre souci de participer aux grandes mutations qui touchent votre profession comme l'ensemble de la société.
Un sage a dit " si tu veux unir les hommes, fais les lire ensemble ". L'informatique, je pense à Internet, offre aujourd'hui cette lecture commune qui enrichit les hommes en mutualisant l'information tout en préservant leur identité.
Je voudrais en terminant souligner les valeurs qui vous unissent.
La solidarité, c'est-à-dire la constitution de réseaux qui étendent le champ d'activité et mutualisent les compétences et les bonnes pratiques.
L'interdépendance, c'est-à-dire la mondialisation mais aussi le positionnement privilégié de votre profession, partenaire de l'action publique, soutien permanent de l'entreprise, instrument essentiel de l'information financière.
La coopération, c'est votre participation active aux instances qui élaborent la norme, aux systèmes qui permettent de diffuser l'information mais aussi votre souci de promouvoir un modèle commun. L'élargissement de l'Union vous invite à redoubler d'ardeur.
Vous êtes des acteurs importants de la vie économique. Soyez aussi des militants de la société de confiance que nous voulons tous promouvoir.
Je sais pouvoir compter sur vous. Vous pourrez toujours compter sur moi.
Bons travaux, et bon congrès à tous.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 8 octobre 2002)