Texte intégral
Q - Le droit est-il devenu un enjeu fondamental dans la gestion des relations internationales ?
R - La réponse est oui. Et c'est de plus en plus vrai. D'abord parce que les Etats concluent de plus en plus d'accords entre eux, et d'autre part parce que ces accords portent sur de plus en plus de sujets et ne concernent pas que les Etats entre eux mais les rapports entre les individus et les Etats et, d'autre part, parce que des sujets, même culturels ou technologiques les plus pointus, entrent progressivement dans le champ du droit, en tout cas dés lors que les Etats veulent régler les problèmes entre eux de façon pacifique et claire, de façon prévisible et de façon sure. C'est un très vaste mouvement qui englobe, plus ou moins intensément, les différentes parties d'Europe et le monde entier.
Q - La mise en oeuvre de normes supranationales peut-elle permettre de surmonter le clivage qui existe entre les pays de Common law et de Civil law ?
R - Il en va pour le droit comme pour les domaines culturel, linguistique, politique. Il y a plusieurs familles dans le monde. Il y a la grande famille de la Common Law qui est portée par l'énorme puissance des Etats-Unis et il y a la tradition romano-germanique qui est aussi la tradition française et qui inspire largement le droit communautaire européen. Mais, en même temps que nous sommes dans un monde qui s'organise de plus en plus vers la coopération des différentes cultures, des différents systèmes. Nous devrions pouvoir dégager utilement des synthèses notamment dans le monde économique et par rapport au droit des affaires. Nous nous inspirons des meilleures lois de la Common law et des meilleurs aspects du droit civil. Pour qu'il y ait synthèse, encore faut-il que les différentes formes économiques puissent s'exprimer pour entrer dans cette synthèse.
Q - Vous venez de faire référence à l'aspect culturel des normes. Selon vous peuvent elles influencer, notamment à l'échelon international, la culture et l'économie d'un pays ?
R - C'est très important. Par exemple, à l'occasion des dernières négociations du GATT qui s'étaient conclues en 1994, si nous avions laissé appliquer à la culture un certain nombre de normes de libéralisation commerciale, en considérant que cette culture était un produit comme un autre, nous aurions perdu le droit d'avoir des politiques nationales de soutien au cinéma, de soutien à l'audiovisuel, à la production et à la diffusion. C'est ce que nous avons appelé à l'époque "l'exception culturelle". Il fallait "excepter" la culture par rapport à ces règles générales.
Aujourd'hui, nous nous battons pour un concept plus large qui est celui de la diversité culturelle. Alors que notre véritable projet aujourd'hui, c'est de faire en sorte que toutes les cultures du monde puissent être préservées malgré ce phénomène mondial qui répand partout, non pas forcément de la culture, mais des produits culturels. Dans les négociations de l'OMC qui vont commencer en janvier prochain, après la prochaine Conférence de Seattle, nous allons nous battre précisément pour qu'il n'y ait pas adoption de normes qui détruisent cette diversité mais au contraire, si possible, de normes qui organisent cette diversité et le dialogue entre toutes les cultures.
Q - Ne pensez vous pas justement à l'occasion de la prochaine Conférence de l'OMC qui va se dérouler dans les jours prochains à Seattle que celle-ci risque de consacrer l'hégémonie américaine en la matière surtout pour ce qui a trait à l'agriculture, entre autre ?
R - Je ne le pense pas. De toute façon, le poids américain est une réalité. J'utilise l'expression "hyperpuissance" pour bien montrer que c'est encore plus gros et plus global que ce qu'étaient les superpuissances. En même temps c'est quelque chose d'admirable par certains côtés parce que c'est d'une vitalité, d'une créativité, une inventivité, une puissance qui est formidable mais dont nous ne souhaitons pas qu'elle s'exerce au détriment des autres. Nous sommes en droit d'exister. Si nous n'avions pas l'Organisation mondiale du commerce, cette énorme puissance américaine serait là, avec encore moins de freins, encore moins de règles, et sans avoir la possibilité de régler les différends. Alors, depuis que nous avons l'Organisation mondiale du commerce, nous avons un mécanisme de règlement des différends et si vous regardez les cas qui ont impliqué les Etats-Unis, ils ont gagné dix fois, ils ont perdu dix fois. Quand à l'Union européenne, elle a gagné plus souvent qu'elle n'a perdu. Je considère donc, par rapport à cette réalité que je ne conteste pas, qui est là, qu'il vaut mieux avoir ce mécanisme que pas de mécanisme. C'est préférable. Maintenant sur tous ces plans, il faut être très combatif et très énergique et nous le serons./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 1999)
DEUXIEME CONFERENCE DE PARIS DU DROIT ET DE L'ECONOMIE ENTRETIEN
DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, AVEC LA
PUBLICATION INTERNET "LEGAL NEWS FRANCE"
(Paris, 22 novembre 1999 )
Q - Le droit est-il devenu un enjeu fondamental dans la gestion des relations internationales ?
R - La réponse est oui. Et c'est de plus en plus vrai. D'abord parce que les Etats concluent de plus en plus d'accords entre eux, et d'autre part parce que ces accords portent sur de plus en plus de sujets et ne concernent pas que les Etats entre eux mais les rapports entre les individus et les Etats et, d'autre part, parce que des sujets, même culturels ou technologiques les plus pointus, entrent progressivement dans le champ du droit, en tout cas dés lors que les Etats veulent régler les problèmes entre eux de façon pacifique et claire, de façon prévisible et de façon sure. C'est un très vaste mouvement qui englobe, plus ou moins intensément, les différentes parties d'Europe et le monde entier.
Q - La mise en oeuvre de normes supranationales peut-elle permettre de surmonter le clivage qui existe entre les pays de Common law et de Civil law ?
R - Il en va pour le droit comme pour les domaines culturel, linguistique, politique. Il y a plusieurs familles dans le monde. Il y a la grande famille de la Common Law qui est portée par l'énorme puissance des Etats-Unis et il y a la tradition romano-germanique qui est aussi la tradition française et qui inspire largement le droit communautaire européen. Mais, en même temps que nous sommes dans un monde qui s'organise de plus en plus vers la coopération des différentes cultures, des différents systèmes. Nous devrions pouvoir dégager utilement des synthèses notamment dans le monde économique et par rapport au droit des affaires. Nous nous inspirons des meilleures lois de la Common law et des meilleurs aspects du droit civil. Pour qu'il y ait synthèse, encore faut-il que les différentes formes économiques puissent s'exprimer pour entrer dans cette synthèse.
Q - Vous venez de faire référence à l'aspect culturel des normes. Selon vous peuvent elles influencer, notamment à l'échelon international, la culture et l'économie d'un pays ?
R - C'est très important. Par exemple, à l'occasion des dernières négociations du GATT qui s'étaient conclues en 1994, si nous avions laissé appliquer à la culture un certain nombre de normes de libéralisation commerciale, en considérant que cette culture était un produit comme un autre, nous aurions perdu le droit d'avoir des politiques nationales de soutien au cinéma, de soutien à l'audiovisuel, à la production et à la diffusion. C'est ce que nous avons appelé à l'époque "l'exception culturelle". Il fallait "excepter" la culture par rapport à ces règles générales.
Aujourd'hui, nous nous battons pour un concept plus large qui est celui de la diversité culturelle. Alors que notre véritable projet aujourd'hui, c'est de faire en sorte que toutes les cultures du monde puissent être préservées malgré ce phénomène mondial qui répand partout, non pas forcément de la culture, mais des produits culturels. Dans les négociations de l'OMC qui vont commencer en janvier prochain, après la prochaine Conférence de Seattle, nous allons nous battre précisément pour qu'il n'y ait pas adoption de normes qui détruisent cette diversité mais au contraire, si possible, de normes qui organisent cette diversité et le dialogue entre toutes les cultures.
Q - Ne pensez vous pas justement à l'occasion de la prochaine Conférence de l'OMC qui va se dérouler dans les jours prochains à Seattle que celle-ci risque de consacrer l'hégémonie américaine en la matière surtout pour ce qui a trait à l'agriculture, entre autre ?
R - Je ne le pense pas. De toute façon, le poids américain est une réalité. J'utilise l'expression "hyperpuissance" pour bien montrer que c'est encore plus gros et plus global que ce qu'étaient les superpuissances. En même temps c'est quelque chose d'admirable par certains côtés parce que c'est d'une vitalité, d'une créativité, une inventivité, une puissance qui est formidable mais dont nous ne souhaitons pas qu'elle s'exerce au détriment des autres. Nous sommes en droit d'exister. Si nous n'avions pas l'Organisation mondiale du commerce, cette énorme puissance américaine serait là, avec encore moins de freins, encore moins de règles, et sans avoir la possibilité de régler les différends. Alors, depuis que nous avons l'Organisation mondiale du commerce, nous avons un mécanisme de règlement des différends et si vous regardez les cas qui ont impliqué les Etats-Unis, ils ont gagné dix fois, ils ont perdu dix fois. Quand à l'Union européenne, elle a gagné plus souvent qu'elle n'a perdu. Je considère donc, par rapport à cette réalité que je ne conteste pas, qui est là, qu'il vaut mieux avoir ce mécanisme que pas de mécanisme. C'est préférable. Maintenant sur tous ces plans, il faut être très combatif et très énergique et nous le serons./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 1999)
R - La réponse est oui. Et c'est de plus en plus vrai. D'abord parce que les Etats concluent de plus en plus d'accords entre eux, et d'autre part parce que ces accords portent sur de plus en plus de sujets et ne concernent pas que les Etats entre eux mais les rapports entre les individus et les Etats et, d'autre part, parce que des sujets, même culturels ou technologiques les plus pointus, entrent progressivement dans le champ du droit, en tout cas dés lors que les Etats veulent régler les problèmes entre eux de façon pacifique et claire, de façon prévisible et de façon sure. C'est un très vaste mouvement qui englobe, plus ou moins intensément, les différentes parties d'Europe et le monde entier.
Q - La mise en oeuvre de normes supranationales peut-elle permettre de surmonter le clivage qui existe entre les pays de Common law et de Civil law ?
R - Il en va pour le droit comme pour les domaines culturel, linguistique, politique. Il y a plusieurs familles dans le monde. Il y a la grande famille de la Common Law qui est portée par l'énorme puissance des Etats-Unis et il y a la tradition romano-germanique qui est aussi la tradition française et qui inspire largement le droit communautaire européen. Mais, en même temps que nous sommes dans un monde qui s'organise de plus en plus vers la coopération des différentes cultures, des différents systèmes. Nous devrions pouvoir dégager utilement des synthèses notamment dans le monde économique et par rapport au droit des affaires. Nous nous inspirons des meilleures lois de la Common law et des meilleurs aspects du droit civil. Pour qu'il y ait synthèse, encore faut-il que les différentes formes économiques puissent s'exprimer pour entrer dans cette synthèse.
Q - Vous venez de faire référence à l'aspect culturel des normes. Selon vous peuvent elles influencer, notamment à l'échelon international, la culture et l'économie d'un pays ?
R - C'est très important. Par exemple, à l'occasion des dernières négociations du GATT qui s'étaient conclues en 1994, si nous avions laissé appliquer à la culture un certain nombre de normes de libéralisation commerciale, en considérant que cette culture était un produit comme un autre, nous aurions perdu le droit d'avoir des politiques nationales de soutien au cinéma, de soutien à l'audiovisuel, à la production et à la diffusion. C'est ce que nous avons appelé à l'époque "l'exception culturelle". Il fallait "excepter" la culture par rapport à ces règles générales.
Aujourd'hui, nous nous battons pour un concept plus large qui est celui de la diversité culturelle. Alors que notre véritable projet aujourd'hui, c'est de faire en sorte que toutes les cultures du monde puissent être préservées malgré ce phénomène mondial qui répand partout, non pas forcément de la culture, mais des produits culturels. Dans les négociations de l'OMC qui vont commencer en janvier prochain, après la prochaine Conférence de Seattle, nous allons nous battre précisément pour qu'il n'y ait pas adoption de normes qui détruisent cette diversité mais au contraire, si possible, de normes qui organisent cette diversité et le dialogue entre toutes les cultures.
Q - Ne pensez vous pas justement à l'occasion de la prochaine Conférence de l'OMC qui va se dérouler dans les jours prochains à Seattle que celle-ci risque de consacrer l'hégémonie américaine en la matière surtout pour ce qui a trait à l'agriculture, entre autre ?
R - Je ne le pense pas. De toute façon, le poids américain est une réalité. J'utilise l'expression "hyperpuissance" pour bien montrer que c'est encore plus gros et plus global que ce qu'étaient les superpuissances. En même temps c'est quelque chose d'admirable par certains côtés parce que c'est d'une vitalité, d'une créativité, une inventivité, une puissance qui est formidable mais dont nous ne souhaitons pas qu'elle s'exerce au détriment des autres. Nous sommes en droit d'exister. Si nous n'avions pas l'Organisation mondiale du commerce, cette énorme puissance américaine serait là, avec encore moins de freins, encore moins de règles, et sans avoir la possibilité de régler les différends. Alors, depuis que nous avons l'Organisation mondiale du commerce, nous avons un mécanisme de règlement des différends et si vous regardez les cas qui ont impliqué les Etats-Unis, ils ont gagné dix fois, ils ont perdu dix fois. Quand à l'Union européenne, elle a gagné plus souvent qu'elle n'a perdu. Je considère donc, par rapport à cette réalité que je ne conteste pas, qui est là, qu'il vaut mieux avoir ce mécanisme que pas de mécanisme. C'est préférable. Maintenant sur tous ces plans, il faut être très combatif et très énergique et nous le serons./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 1999)
DEUXIEME CONFERENCE DE PARIS DU DROIT ET DE L'ECONOMIE ENTRETIEN
DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, AVEC LA
PUBLICATION INTERNET "LEGAL NEWS FRANCE"
(Paris, 22 novembre 1999 )
Q - Le droit est-il devenu un enjeu fondamental dans la gestion des relations internationales ?
R - La réponse est oui. Et c'est de plus en plus vrai. D'abord parce que les Etats concluent de plus en plus d'accords entre eux, et d'autre part parce que ces accords portent sur de plus en plus de sujets et ne concernent pas que les Etats entre eux mais les rapports entre les individus et les Etats et, d'autre part, parce que des sujets, même culturels ou technologiques les plus pointus, entrent progressivement dans le champ du droit, en tout cas dés lors que les Etats veulent régler les problèmes entre eux de façon pacifique et claire, de façon prévisible et de façon sure. C'est un très vaste mouvement qui englobe, plus ou moins intensément, les différentes parties d'Europe et le monde entier.
Q - La mise en oeuvre de normes supranationales peut-elle permettre de surmonter le clivage qui existe entre les pays de Common law et de Civil law ?
R - Il en va pour le droit comme pour les domaines culturel, linguistique, politique. Il y a plusieurs familles dans le monde. Il y a la grande famille de la Common Law qui est portée par l'énorme puissance des Etats-Unis et il y a la tradition romano-germanique qui est aussi la tradition française et qui inspire largement le droit communautaire européen. Mais, en même temps que nous sommes dans un monde qui s'organise de plus en plus vers la coopération des différentes cultures, des différents systèmes. Nous devrions pouvoir dégager utilement des synthèses notamment dans le monde économique et par rapport au droit des affaires. Nous nous inspirons des meilleures lois de la Common law et des meilleurs aspects du droit civil. Pour qu'il y ait synthèse, encore faut-il que les différentes formes économiques puissent s'exprimer pour entrer dans cette synthèse.
Q - Vous venez de faire référence à l'aspect culturel des normes. Selon vous peuvent elles influencer, notamment à l'échelon international, la culture et l'économie d'un pays ?
R - C'est très important. Par exemple, à l'occasion des dernières négociations du GATT qui s'étaient conclues en 1994, si nous avions laissé appliquer à la culture un certain nombre de normes de libéralisation commerciale, en considérant que cette culture était un produit comme un autre, nous aurions perdu le droit d'avoir des politiques nationales de soutien au cinéma, de soutien à l'audiovisuel, à la production et à la diffusion. C'est ce que nous avons appelé à l'époque "l'exception culturelle". Il fallait "excepter" la culture par rapport à ces règles générales.
Aujourd'hui, nous nous battons pour un concept plus large qui est celui de la diversité culturelle. Alors que notre véritable projet aujourd'hui, c'est de faire en sorte que toutes les cultures du monde puissent être préservées malgré ce phénomène mondial qui répand partout, non pas forcément de la culture, mais des produits culturels. Dans les négociations de l'OMC qui vont commencer en janvier prochain, après la prochaine Conférence de Seattle, nous allons nous battre précisément pour qu'il n'y ait pas adoption de normes qui détruisent cette diversité mais au contraire, si possible, de normes qui organisent cette diversité et le dialogue entre toutes les cultures.
Q - Ne pensez vous pas justement à l'occasion de la prochaine Conférence de l'OMC qui va se dérouler dans les jours prochains à Seattle que celle-ci risque de consacrer l'hégémonie américaine en la matière surtout pour ce qui a trait à l'agriculture, entre autre ?
R - Je ne le pense pas. De toute façon, le poids américain est une réalité. J'utilise l'expression "hyperpuissance" pour bien montrer que c'est encore plus gros et plus global que ce qu'étaient les superpuissances. En même temps c'est quelque chose d'admirable par certains côtés parce que c'est d'une vitalité, d'une créativité, une inventivité, une puissance qui est formidable mais dont nous ne souhaitons pas qu'elle s'exerce au détriment des autres. Nous sommes en droit d'exister. Si nous n'avions pas l'Organisation mondiale du commerce, cette énorme puissance américaine serait là, avec encore moins de freins, encore moins de règles, et sans avoir la possibilité de régler les différends. Alors, depuis que nous avons l'Organisation mondiale du commerce, nous avons un mécanisme de règlement des différends et si vous regardez les cas qui ont impliqué les Etats-Unis, ils ont gagné dix fois, ils ont perdu dix fois. Quand à l'Union européenne, elle a gagné plus souvent qu'elle n'a perdu. Je considère donc, par rapport à cette réalité que je ne conteste pas, qui est là, qu'il vaut mieux avoir ce mécanisme que pas de mécanisme. C'est préférable. Maintenant sur tous ces plans, il faut être très combatif et très énergique et nous le serons./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 1999)