Texte intégral
Lorsque j'ai reçu l'invitation pour ce colloque, j'y ai répondu avec plaisir, car le thème de ce colloque est important pour tous ceux qui sont attachés à la lutte contre les processus d'exclusion, et au droit au logement.
"Que faire pour que personne ne meure de froid au cours de l'hiver 1999-2000 ?" : cette question s'adresse à l'ensemble des responsables politiques, des associations, des citoyens...
Cette question s'inscrit dans la politique gouvernementale sous divers angles, tout particulièrement sur l'hébergement, sujet que
Mme GILLOT a spécifiquement en charge, en tant que Secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action Sociale et sujet qui comporte tout un aspect d'accompagnement social, d'insertion sous toutes ses facettes.
Mme GILLOT vient de recevoir, le 22 novembre, les associations qui interviennent au quotidien sur l'accueil et l'hébergement d'urgence, pour faire avec elles un tour d'horizon de la situation actuelle, des évolutions en cours et des perspectives de l'action gouvernementale.
Ces questions ont un lien fort avec le champ du logement, pour lequel les temps de
réponse sont toujours plus longs. J'insiste sur ce point : sur quelque sujet que ce soit, une politique du logement a besoin de délais pour être mise en oeuvre. Des décisions sur lesquelles je vais ensuite revenir, que nous préparons avec Mme GILLOT, ne se traduiront par des réalisations concrètes qu'après plusieurs mois, voire un ou deux ans, de mise en oeuvre.
Ce lien entre l'accueil d'urgence et le logement existe sur trois sujets :
- la prévention des processus d'exclusion du logement. Ces processus jouent en effet un rôle décisif dans la demande d'hébergement ;
- les conditions matérielles dans lesquelles les personnes sont accueillies (et qui ne sont qu'un aspect de l'accueil) ;
- les possibilités de sortie de l'hébergement vers le logement.
Même s'ils jouent un rôle crucial, je ne ferai que brièvement allusion aux dispositifs mis en oeuvre pour prévenir les processus d'exclusion du logement. D'une part parce que vous consacrez une table ronde aux "différents parcours menant à l'exclusion" : l'exclusion du logement y sera certainement abordée. D'autre part, parce que ces dispositifs, renforcés ou créés par la loi de lutte contre les exclusions et dotés de moyens financiers significatifs (avec notamment le doublement en 2 ans des crédits des FSL), sont pour l'essentiel connus de vous : la prévention des expulsions, notamment, jouera un rôle significatif sur ce plan, au fur et à mesure de sa mise en oeuvre au niveau local. Enfin parce que je souhaite aborder avec plus de précision trois exigences auxquelles la politique gouvernementale doit répondre :
- toutes les personnes qui en ont besoin doivent pouvoir être accueillies,
- dans des conditions dignes de notre société,
- et avec des solutions de sortie vers le logement.
Toutes les personnes qui en ont besoin doivent pouvoir être accueillies.
Mme GILLOT, lors de sa récente rencontre avec les associations, a fait le point sur ce sujet. La Préfète Mme HOREL et Mme MOREL, qui, même si elle n'est plus depuis peu Directrice de la DDASS Paris, connaît très bien ces questions, sont présentes dans cette assemblée. Elles pourront vous donner les informations complémentaires et plus détaillées que vous souhaiteriez avoir pour la Région parisienne, où l'ampleur des problèmes est particulièrement grande.
Dès le printemps dernier, des associations avaient attiré l'attention sur le risque d'un manque de places d'urgence en Ile-de-France pour cet hiver. Dès cette époque, la préparation de l'accueil pour cet hiver a commencé.
Entre parenthèses, les Préfets de la Région parisienne peuvent envier leurs collègues de province où, à de rares exceptions près, ce sont les associations et les collectivités - souvent associées dans des partenariats -, qui détectent les lieux d'accueil nécessaires...
Quoi qu'il en soit de la pertinence ou non d'attendre de l'Etat des solutions concrètes, je puis vous confirmer que pour cet hiver, grâce à la mobilisation de tous les acteurs, les capacités d'accueil et d'hébergement d'urgence de l'hiver dernier ont été reconstituées : plus de 15 000 places en France, dont plus de 5 300 en Région Ile-de-France et plus de 3 000 à Paris. Et ces capacités peuvent être accrues si nécessaire, notamment pour faire face à une forte vague de froid. A ces places d'hébergement, s'ajoutent les 30 000 places de CHRS et les places ouvrant droit à l'allocation logement temporaire (ALT).
Dans l'immédiat, et sur un plan quantitatif, toute personne ayant besoin d'avoir recours à l'hébergement d'urgence pourra donc être accueillie.
Mais ce dispositif d'urgence a largement été lui-même, depuis des années, élaboré dans l'urgence, notamment en cherchant des locaux que leurs propriétaires mettent à disposition des associations pour un temps limité. Il y a donc, chaque année, un certain nombre de places qui disparaissent par "fonte naturelle" lorsque certains propriétaires récupèrent leurs locaux : il faut chaque année sur le métier remettre l'ouvrage.
De même une partie des locaux, inadaptée pour une utilisation permanente, doit fermer en été, alors que les besoins semblent de plus en plus non-saisonniers, permanents.
Enfin, la répartition géographique des places d'accueil doit être améliorée, que ce soit à Paris, ou en banlieue, ou entre Paris et la banlieue.
Une réponse quantitative globalement suffisante cet hiver ne règle donc pas tous les problèmes.
Les conditions d'accueil doivent être dignes de notre société.
Sur ce volet qualitatif, il reste beaucoup à faire. Il existe encore certaines conditions d'accueil (pas toutes, heureusement !), qui sont d'un autre âge, par exemple des dortoirs sans aucun confort qui peuvent rebuter plus d'une personne ayant besoin d'être hébergée. Et ceci malgré la qualité du travail quotidien effectué par les associations.
Des progrès considérables restent à faire pour que, dans certains cas, les conditions matérielles d'accueil permettent l'intimité à laquelle chacun a droit et soient adaptées à l'évolution des catégories de population qui sont contraintes d'avoir recours à l'hébergement. L'insertion est aussi à ce prix.
Le dispositif d'hébergement d'urgence a été conçu dans les années 1980 pour répondre à la hâte, à certains types de besoins (l'hébergement des "S.D.F." lors des froids extrêmes pour simplifier quelque peu).
Il nous faut désormais prendre toute la mesure des évolutions qui se sont produites : évolution des publics (sur les plans quantitatif et qualitatif), inscription des besoins dans la durée (dans l'année, et d'une année sur l'autre).
Le dispositif doit donc être pérennisé, consolidé et humanisé : il faut des équipements pérennes de qualité, adaptés aux différents besoins. C'est pourquoi nous travaillons, Mme GILLOT et moi-même, à l'élaboration d'un programme pluriannuel d'amélioration des structures d'hébergement d'urgence en Ile-de-France, où les problèmes sont les plus amples.
Ce programme comportera notamment des améliorations des conditions de financement par la ligne budgétaire dite "d'urgence" du Logement pour l'investissement en hôtels sociaux (en construction ou en acquisition-amélioration). Ce programme sera bientôt prêt et rendu public. Il n'est pas, je le précise de nouveau, une réponse aux besoins immédiats de cet hiver : il consolidera et améliorera l'ensemble du dispositif pour les années à venir.
Il faut développer les sorties de l'hébergement d'urgence.
Améliorer les conditions d'hébergement ne serait que d'une faible efficacité (même si c'est une nécessité évidente), si, en même temps, nous n'agissions pas pour développer les sorties vers le logement.
Tant les constats directs que j'ai pu faire en visitant des structures d'hébergement que les analyses des associations ou les données statistiques montrent qu'une partie des personnes présentes dans ces structures n'y restent que faute d'accès au logement. Elles n'ont pas toutes besoin d'un long processus de réinsertion sociale, avec un accompagnement social lourd, avant d'être en capacité d'avoir accès au logement.
Notre action en ce domaine porte sur deux plans :
- le développement des résidences sociales ;
- l'accès au logement social.
J'ai présenté, le 28 octobre dernier, un vaste programme de réalisation de 10 000 logements en résidences sociales, sur la Région parisienne, en 5 ans. Ceci correspondra à 150 ou 200 résidences sociales, dont la taille et les caractéristiques sont largement fonction des opportunités immobilières et des projets associatifs.
Ces résidences sociales répondront à plusieurs types de besoins : résorption des hôtels meublés dangereux, lutte contre l'insalubrité et les marchands de sommeil, desserrement des foyers de travailleurs migrants, salariés en mobilité professionnelle... Mais elles seront aussi, et de façon significative, une réponse pour des personnes confrontées à des ruptures personnelles, familiales, professionnelles qui ont eu recours à l'hébergement d'urgence mais qui n'ont pas de raison d'y rester longtemps, d'y rester "engluées", si je peux me permettre cette expression.
Avec les Résidences sociales, une partie de ces personnes disposeront d'un lieu à elles, pour se retrouver, avec un logement meublé autonome, pour préparer à leur rythme l'accès au logement ordinaire.
Ce plan Résidences sociales contribuera donc, même si ce n'est qu'un de ses objectifs, à diminuer la pression qui s'exerce sur l'hébergement et qui ne lui permet pas de remplir avec efficacité sa véritable fonction d'urgence.
Il faut aussi développer l'accès au logement, notamment le logement social, un accès direct pour une fraction des personnes en hébergement d'urgence, ou un accès après un passage en résidence sociale.
Notre action passe ainsi par la relance de la construction sociale, et vous savez l'importance que j'attache à cette perspective, qui s'appuie notamment sur le nouveau Prêt locatif à usage social (le PLUS) et sur la réforme de la loi d'orientation sur la ville (la LOV) incluse dans le projet de loi UHD, que nous préparons avec Jean-Claude GAYSSOT.
Cela passe aussi par la mise en oeuvre de plusieurs mesures de la loi exclusions, pour favoriser l'accès au logement des personnes défavorisées notamment de celles qui sont sans logement. C'est la révision des PDALPD et l'amélioration des FSL. C'est aussi la réforme des attributions, avec les discussions en cours sur les accords collectifs départementaux, les conférences et chartes intercommunales du logement et le numéro unique d'enregistrement, en cours d'expérimentation. Les personnes en hébergement d'urgence font partie des publics prioritaires des PDALPD et sont donc au premier chef concernées par la mise en oeuvre de ces nouveaux dispositifs.
Dans cette chaîne de dispositifs permettant l'accès au logement pour ceux qui n'en ont pas, nous privilégions les solutions durables, prenant appui sur la mobilisation :
- d'associations
- et aussi d'organismes HLM, qu'il faut amener à prendre en charge l'accès au logement de ces personnes en grandes difficultés, et ce davantage que la plupart d'entre eux ne l'ont fait jusqu'à présent.
Consolidation du dispositif d'hébergement notamment par des hôtels sociaux, construction de résidences sociales et de logements sociaux (dont les logements adaptés en PLA-I) : tout ceci repose largement sur une double logique de pérennité et de mixité urbaine et sociale. L'acquisition-amélioration en est l'outil privilégié qui permet une inscription dans le tissu urbain existant.
Il ne faut cependant pas se cacher les difficultés de tels objectifs en matière de logement des plus défavorisés. Ainsi les réticences de certains habitants, voire d'élus, pour des motifs divers de bon ou de mauvais aloi, se manifesteront probablement et entraîneront des débats. Il est souvent proposé que les solutions prennent forme ailleurs...
Mais il faut tenir ce cap, et ceci suppose d'utiliser à cet effet toutes les opportunités immobilières et tout particulièrement (mais pas seulement) la mobilisation des immeubles vacants.
La perspective de réquisition s'inscrit dans ce cadre. C'est un moyen en dernier ressort dans cette action d'ensemble. L'expérience des réquisitions de 1995 et 1996 montre cependant à la fois les atouts et les limites de cette mesure, modernisée par la loi exclusions.
Les limites, parce que c'est une solution qui n'a pas la rapidité et la simplicité qu'on lui prête. Il faut bien voir que la réquisition, quelle que soit la procédure utilisée, ne permet pas de disposer immédiatement de logements disponibles contrairement à ce que l'on croit souvent.
Les livraisons de logements réquisitionnés en 95-96 ont ainsi pris du temps : de nombreux mois, jusqu'à 2 ou 3 ans, soit des délais comparables à la production de logements sociaux de meilleure qualité, qui sont en outre pérennes. On ne peut en effet, au terme de la réquisition (5 ans dans la procédure de 1945), recréer de la précarité pour les ménages auxquels ces logements réquisitionnés ont été attribués. Il faut donc transformer ces logements en logements sociaux : c'est l'objet de tractations souvent difficiles avec les propriétaires, en cours depuis plus d'un an et qui sont loin d'être achevées...
La reprise du marché immobilier et la vague précédente de réquisitions ont fait diminuer le nombre d'immeubles vacants répondant aux conditions de la loi : les opportunités sont moins nombreuses qu'on ne le croit. Et lorsque nous en trouverons, notre objectif sera en priorité, pour un coût et des délais au total comparables, de leur donner une affectation répondant aux besoins des "sans logement" : hôtels sociaux, résidences sociales, voire logements sociaux. Nous procédons actuellement à la recherche de tels immeubles, à partir des dispositifs (des MOUS) mis en oeuvre pour le plan Résidences sociales et des immeubles vacants qui peuvent nous être signalés, notamment par des associations.
La procédure de réquisition prévoit une démarche obligatoire préalable pour amener le propriétaire à mettre fin à la vacance de ses locaux. Nous lui proposerons alors les solutions pérennes que je vous ai décrites. Si rien n'est fait, si une solution n'est pas trouvée, nous pourrons alors procéder alors à la réquisition.
Le sujet apparemment simple de votre colloque soulève, comme vous le voyez, un vaste nombre de questions, permet de réfléchir à de nombreux chantiers pour lesquels le Gouvernement mène une politique résolue et cohérente.
Ce qui ne l'empêche pas de savoir qu'aucun dispositif -si complet soit-il- ne sera jamais à l'abri de possibles dysfonctionnements et assurera que plus personne ne mourra de froid.
Sans compter que la liberté individuelle a ses raisons et ses excès mais aussi sa dignité et son droit au respect.
Dans ma propre ville dans l'hiver 88-89 trois personnes étaient mortes de froid. Elu en mars 89 j'ai immédiatement voulu aider à la création d'un abri accueillant -bien sûr gratuitement- dans l'anonymat, en centre ville et sans conditions. Dans l'enthousiasme de la réalisation de la palette complète des structures d'accueil (CHRS, CHU, Relais Grand Froid) je n'arrivais plus à admettre que des personnes restent à la rue. J'ai voulu que soit créée une "équipe de nuit" à Chambéry, des jeunes volontaires. Le numéro de son portable est joignable par tout citoyen qui repère quelqu'un s'installant sur des cartons, ou sous un porche.
Bien des fois, rentrant tard à mon domicile, j'ai trouvé des hommes à même le sol, à peine couverts et, selon leur état, j'appelais l'équipe de nuit... ou les pompiers si des soins apparaissaient nécessaires.
J'ai compris qu'il fallait aussi ce relais citoyen si l'on voulait que personne n'échappe aux mailles du filet de la solidarité.
Mais lorsqu'un de ces hommes s'est rebellé à mon invitation à rejoindre un lieu chauffé et m'a demandé si, dorénavant, j'allais proposer d'interdire l'escalade en montagne au prétexte qu'elle peut être dangereuse... j'ai compris que même avec le meilleur des dispositifs d'accueil nous ne pourrions pas considérer avoir tout fait pour que plus personne ne meure de froid l'hiver.
Ce n'est pas une raison pour ne pas faire plus et mieux et, en vous remerciant de m'avoir invité, je ne peux que vous souhaiter des travaux fructueux !
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 6 décembre 1999)
"Que faire pour que personne ne meure de froid au cours de l'hiver 1999-2000 ?" : cette question s'adresse à l'ensemble des responsables politiques, des associations, des citoyens...
Cette question s'inscrit dans la politique gouvernementale sous divers angles, tout particulièrement sur l'hébergement, sujet que
Mme GILLOT a spécifiquement en charge, en tant que Secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action Sociale et sujet qui comporte tout un aspect d'accompagnement social, d'insertion sous toutes ses facettes.
Mme GILLOT vient de recevoir, le 22 novembre, les associations qui interviennent au quotidien sur l'accueil et l'hébergement d'urgence, pour faire avec elles un tour d'horizon de la situation actuelle, des évolutions en cours et des perspectives de l'action gouvernementale.
Ces questions ont un lien fort avec le champ du logement, pour lequel les temps de
réponse sont toujours plus longs. J'insiste sur ce point : sur quelque sujet que ce soit, une politique du logement a besoin de délais pour être mise en oeuvre. Des décisions sur lesquelles je vais ensuite revenir, que nous préparons avec Mme GILLOT, ne se traduiront par des réalisations concrètes qu'après plusieurs mois, voire un ou deux ans, de mise en oeuvre.
Ce lien entre l'accueil d'urgence et le logement existe sur trois sujets :
- la prévention des processus d'exclusion du logement. Ces processus jouent en effet un rôle décisif dans la demande d'hébergement ;
- les conditions matérielles dans lesquelles les personnes sont accueillies (et qui ne sont qu'un aspect de l'accueil) ;
- les possibilités de sortie de l'hébergement vers le logement.
Même s'ils jouent un rôle crucial, je ne ferai que brièvement allusion aux dispositifs mis en oeuvre pour prévenir les processus d'exclusion du logement. D'une part parce que vous consacrez une table ronde aux "différents parcours menant à l'exclusion" : l'exclusion du logement y sera certainement abordée. D'autre part, parce que ces dispositifs, renforcés ou créés par la loi de lutte contre les exclusions et dotés de moyens financiers significatifs (avec notamment le doublement en 2 ans des crédits des FSL), sont pour l'essentiel connus de vous : la prévention des expulsions, notamment, jouera un rôle significatif sur ce plan, au fur et à mesure de sa mise en oeuvre au niveau local. Enfin parce que je souhaite aborder avec plus de précision trois exigences auxquelles la politique gouvernementale doit répondre :
- toutes les personnes qui en ont besoin doivent pouvoir être accueillies,
- dans des conditions dignes de notre société,
- et avec des solutions de sortie vers le logement.
Toutes les personnes qui en ont besoin doivent pouvoir être accueillies.
Mme GILLOT, lors de sa récente rencontre avec les associations, a fait le point sur ce sujet. La Préfète Mme HOREL et Mme MOREL, qui, même si elle n'est plus depuis peu Directrice de la DDASS Paris, connaît très bien ces questions, sont présentes dans cette assemblée. Elles pourront vous donner les informations complémentaires et plus détaillées que vous souhaiteriez avoir pour la Région parisienne, où l'ampleur des problèmes est particulièrement grande.
Dès le printemps dernier, des associations avaient attiré l'attention sur le risque d'un manque de places d'urgence en Ile-de-France pour cet hiver. Dès cette époque, la préparation de l'accueil pour cet hiver a commencé.
Entre parenthèses, les Préfets de la Région parisienne peuvent envier leurs collègues de province où, à de rares exceptions près, ce sont les associations et les collectivités - souvent associées dans des partenariats -, qui détectent les lieux d'accueil nécessaires...
Quoi qu'il en soit de la pertinence ou non d'attendre de l'Etat des solutions concrètes, je puis vous confirmer que pour cet hiver, grâce à la mobilisation de tous les acteurs, les capacités d'accueil et d'hébergement d'urgence de l'hiver dernier ont été reconstituées : plus de 15 000 places en France, dont plus de 5 300 en Région Ile-de-France et plus de 3 000 à Paris. Et ces capacités peuvent être accrues si nécessaire, notamment pour faire face à une forte vague de froid. A ces places d'hébergement, s'ajoutent les 30 000 places de CHRS et les places ouvrant droit à l'allocation logement temporaire (ALT).
Dans l'immédiat, et sur un plan quantitatif, toute personne ayant besoin d'avoir recours à l'hébergement d'urgence pourra donc être accueillie.
Mais ce dispositif d'urgence a largement été lui-même, depuis des années, élaboré dans l'urgence, notamment en cherchant des locaux que leurs propriétaires mettent à disposition des associations pour un temps limité. Il y a donc, chaque année, un certain nombre de places qui disparaissent par "fonte naturelle" lorsque certains propriétaires récupèrent leurs locaux : il faut chaque année sur le métier remettre l'ouvrage.
De même une partie des locaux, inadaptée pour une utilisation permanente, doit fermer en été, alors que les besoins semblent de plus en plus non-saisonniers, permanents.
Enfin, la répartition géographique des places d'accueil doit être améliorée, que ce soit à Paris, ou en banlieue, ou entre Paris et la banlieue.
Une réponse quantitative globalement suffisante cet hiver ne règle donc pas tous les problèmes.
Les conditions d'accueil doivent être dignes de notre société.
Sur ce volet qualitatif, il reste beaucoup à faire. Il existe encore certaines conditions d'accueil (pas toutes, heureusement !), qui sont d'un autre âge, par exemple des dortoirs sans aucun confort qui peuvent rebuter plus d'une personne ayant besoin d'être hébergée. Et ceci malgré la qualité du travail quotidien effectué par les associations.
Des progrès considérables restent à faire pour que, dans certains cas, les conditions matérielles d'accueil permettent l'intimité à laquelle chacun a droit et soient adaptées à l'évolution des catégories de population qui sont contraintes d'avoir recours à l'hébergement. L'insertion est aussi à ce prix.
Le dispositif d'hébergement d'urgence a été conçu dans les années 1980 pour répondre à la hâte, à certains types de besoins (l'hébergement des "S.D.F." lors des froids extrêmes pour simplifier quelque peu).
Il nous faut désormais prendre toute la mesure des évolutions qui se sont produites : évolution des publics (sur les plans quantitatif et qualitatif), inscription des besoins dans la durée (dans l'année, et d'une année sur l'autre).
Le dispositif doit donc être pérennisé, consolidé et humanisé : il faut des équipements pérennes de qualité, adaptés aux différents besoins. C'est pourquoi nous travaillons, Mme GILLOT et moi-même, à l'élaboration d'un programme pluriannuel d'amélioration des structures d'hébergement d'urgence en Ile-de-France, où les problèmes sont les plus amples.
Ce programme comportera notamment des améliorations des conditions de financement par la ligne budgétaire dite "d'urgence" du Logement pour l'investissement en hôtels sociaux (en construction ou en acquisition-amélioration). Ce programme sera bientôt prêt et rendu public. Il n'est pas, je le précise de nouveau, une réponse aux besoins immédiats de cet hiver : il consolidera et améliorera l'ensemble du dispositif pour les années à venir.
Il faut développer les sorties de l'hébergement d'urgence.
Améliorer les conditions d'hébergement ne serait que d'une faible efficacité (même si c'est une nécessité évidente), si, en même temps, nous n'agissions pas pour développer les sorties vers le logement.
Tant les constats directs que j'ai pu faire en visitant des structures d'hébergement que les analyses des associations ou les données statistiques montrent qu'une partie des personnes présentes dans ces structures n'y restent que faute d'accès au logement. Elles n'ont pas toutes besoin d'un long processus de réinsertion sociale, avec un accompagnement social lourd, avant d'être en capacité d'avoir accès au logement.
Notre action en ce domaine porte sur deux plans :
- le développement des résidences sociales ;
- l'accès au logement social.
J'ai présenté, le 28 octobre dernier, un vaste programme de réalisation de 10 000 logements en résidences sociales, sur la Région parisienne, en 5 ans. Ceci correspondra à 150 ou 200 résidences sociales, dont la taille et les caractéristiques sont largement fonction des opportunités immobilières et des projets associatifs.
Ces résidences sociales répondront à plusieurs types de besoins : résorption des hôtels meublés dangereux, lutte contre l'insalubrité et les marchands de sommeil, desserrement des foyers de travailleurs migrants, salariés en mobilité professionnelle... Mais elles seront aussi, et de façon significative, une réponse pour des personnes confrontées à des ruptures personnelles, familiales, professionnelles qui ont eu recours à l'hébergement d'urgence mais qui n'ont pas de raison d'y rester longtemps, d'y rester "engluées", si je peux me permettre cette expression.
Avec les Résidences sociales, une partie de ces personnes disposeront d'un lieu à elles, pour se retrouver, avec un logement meublé autonome, pour préparer à leur rythme l'accès au logement ordinaire.
Ce plan Résidences sociales contribuera donc, même si ce n'est qu'un de ses objectifs, à diminuer la pression qui s'exerce sur l'hébergement et qui ne lui permet pas de remplir avec efficacité sa véritable fonction d'urgence.
Il faut aussi développer l'accès au logement, notamment le logement social, un accès direct pour une fraction des personnes en hébergement d'urgence, ou un accès après un passage en résidence sociale.
Notre action passe ainsi par la relance de la construction sociale, et vous savez l'importance que j'attache à cette perspective, qui s'appuie notamment sur le nouveau Prêt locatif à usage social (le PLUS) et sur la réforme de la loi d'orientation sur la ville (la LOV) incluse dans le projet de loi UHD, que nous préparons avec Jean-Claude GAYSSOT.
Cela passe aussi par la mise en oeuvre de plusieurs mesures de la loi exclusions, pour favoriser l'accès au logement des personnes défavorisées notamment de celles qui sont sans logement. C'est la révision des PDALPD et l'amélioration des FSL. C'est aussi la réforme des attributions, avec les discussions en cours sur les accords collectifs départementaux, les conférences et chartes intercommunales du logement et le numéro unique d'enregistrement, en cours d'expérimentation. Les personnes en hébergement d'urgence font partie des publics prioritaires des PDALPD et sont donc au premier chef concernées par la mise en oeuvre de ces nouveaux dispositifs.
Dans cette chaîne de dispositifs permettant l'accès au logement pour ceux qui n'en ont pas, nous privilégions les solutions durables, prenant appui sur la mobilisation :
- d'associations
- et aussi d'organismes HLM, qu'il faut amener à prendre en charge l'accès au logement de ces personnes en grandes difficultés, et ce davantage que la plupart d'entre eux ne l'ont fait jusqu'à présent.
Consolidation du dispositif d'hébergement notamment par des hôtels sociaux, construction de résidences sociales et de logements sociaux (dont les logements adaptés en PLA-I) : tout ceci repose largement sur une double logique de pérennité et de mixité urbaine et sociale. L'acquisition-amélioration en est l'outil privilégié qui permet une inscription dans le tissu urbain existant.
Il ne faut cependant pas se cacher les difficultés de tels objectifs en matière de logement des plus défavorisés. Ainsi les réticences de certains habitants, voire d'élus, pour des motifs divers de bon ou de mauvais aloi, se manifesteront probablement et entraîneront des débats. Il est souvent proposé que les solutions prennent forme ailleurs...
Mais il faut tenir ce cap, et ceci suppose d'utiliser à cet effet toutes les opportunités immobilières et tout particulièrement (mais pas seulement) la mobilisation des immeubles vacants.
La perspective de réquisition s'inscrit dans ce cadre. C'est un moyen en dernier ressort dans cette action d'ensemble. L'expérience des réquisitions de 1995 et 1996 montre cependant à la fois les atouts et les limites de cette mesure, modernisée par la loi exclusions.
Les limites, parce que c'est une solution qui n'a pas la rapidité et la simplicité qu'on lui prête. Il faut bien voir que la réquisition, quelle que soit la procédure utilisée, ne permet pas de disposer immédiatement de logements disponibles contrairement à ce que l'on croit souvent.
Les livraisons de logements réquisitionnés en 95-96 ont ainsi pris du temps : de nombreux mois, jusqu'à 2 ou 3 ans, soit des délais comparables à la production de logements sociaux de meilleure qualité, qui sont en outre pérennes. On ne peut en effet, au terme de la réquisition (5 ans dans la procédure de 1945), recréer de la précarité pour les ménages auxquels ces logements réquisitionnés ont été attribués. Il faut donc transformer ces logements en logements sociaux : c'est l'objet de tractations souvent difficiles avec les propriétaires, en cours depuis plus d'un an et qui sont loin d'être achevées...
La reprise du marché immobilier et la vague précédente de réquisitions ont fait diminuer le nombre d'immeubles vacants répondant aux conditions de la loi : les opportunités sont moins nombreuses qu'on ne le croit. Et lorsque nous en trouverons, notre objectif sera en priorité, pour un coût et des délais au total comparables, de leur donner une affectation répondant aux besoins des "sans logement" : hôtels sociaux, résidences sociales, voire logements sociaux. Nous procédons actuellement à la recherche de tels immeubles, à partir des dispositifs (des MOUS) mis en oeuvre pour le plan Résidences sociales et des immeubles vacants qui peuvent nous être signalés, notamment par des associations.
La procédure de réquisition prévoit une démarche obligatoire préalable pour amener le propriétaire à mettre fin à la vacance de ses locaux. Nous lui proposerons alors les solutions pérennes que je vous ai décrites. Si rien n'est fait, si une solution n'est pas trouvée, nous pourrons alors procéder alors à la réquisition.
Le sujet apparemment simple de votre colloque soulève, comme vous le voyez, un vaste nombre de questions, permet de réfléchir à de nombreux chantiers pour lesquels le Gouvernement mène une politique résolue et cohérente.
Ce qui ne l'empêche pas de savoir qu'aucun dispositif -si complet soit-il- ne sera jamais à l'abri de possibles dysfonctionnements et assurera que plus personne ne mourra de froid.
Sans compter que la liberté individuelle a ses raisons et ses excès mais aussi sa dignité et son droit au respect.
Dans ma propre ville dans l'hiver 88-89 trois personnes étaient mortes de froid. Elu en mars 89 j'ai immédiatement voulu aider à la création d'un abri accueillant -bien sûr gratuitement- dans l'anonymat, en centre ville et sans conditions. Dans l'enthousiasme de la réalisation de la palette complète des structures d'accueil (CHRS, CHU, Relais Grand Froid) je n'arrivais plus à admettre que des personnes restent à la rue. J'ai voulu que soit créée une "équipe de nuit" à Chambéry, des jeunes volontaires. Le numéro de son portable est joignable par tout citoyen qui repère quelqu'un s'installant sur des cartons, ou sous un porche.
Bien des fois, rentrant tard à mon domicile, j'ai trouvé des hommes à même le sol, à peine couverts et, selon leur état, j'appelais l'équipe de nuit... ou les pompiers si des soins apparaissaient nécessaires.
J'ai compris qu'il fallait aussi ce relais citoyen si l'on voulait que personne n'échappe aux mailles du filet de la solidarité.
Mais lorsqu'un de ces hommes s'est rebellé à mon invitation à rejoindre un lieu chauffé et m'a demandé si, dorénavant, j'allais proposer d'interdire l'escalade en montagne au prétexte qu'elle peut être dangereuse... j'ai compris que même avec le meilleur des dispositifs d'accueil nous ne pourrions pas considérer avoir tout fait pour que plus personne ne meure de froid l'hiver.
Ce n'est pas une raison pour ne pas faire plus et mieux et, en vous remerciant de m'avoir invité, je ne peux que vous souhaiter des travaux fructueux !
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 6 décembre 1999)