Texte intégral
F. Laborde.-Merci d'être avec nous, ce matin, en direct du Luxembourg. Vous êtes dans la salle du Conseil où se réunissent tous les ministres de l'Agriculture de l'Union européenne...
- "Il n'y a pas grand monde à cette heure-ci !"
En effet, vous avez l'air un peu seul ! Demain, vous serez peut-être 25 dans cette pièce, et hier soir, le président J. Chirac et le Chancelier Schröder ont parlé de ce futur budget agricole, qui sera peut-être un gouffre financier. Comment va-t-on arriver à s'en sortir ? On a le sentiment que pour l'instant, la France veut garder ses acquis, c'est-à-dire l'essentiel des subventions agricoles.
- "Il n'y a pas que le sujet de l'agriculture. D'abord, le budget agricole n'est pas "un gouffre financier", puisque les enveloppes qui ont été définies il y a trois ans sont respectées et qu'on est même en dessous. Mais ce qui est vrai, c'est que cet élargissement de l'Europe est une date historique. Et quand on passe de 15 à 25, avec des pays nouveaux, forcément, cela pose des problèmes au plan du fonctionnement des institutions, pour améliorer la rapidité des décisions, et puis cela pose aussi des problèmes budgétaires, et d'ailleurs des problèmes budgétaires pas seulement sur l'agriculture, mais sur l'ensemble des dépenses européennes. Puisque je vous rappelle que l'agriculture, c'est important, mais c'est 40 % du budget, et que donc, il y a 60 % du budget européen qui est sur d'autres sujets que l'agriculture. Et c'est vrai que, dans les semaines et les mois qui viennent, avant le Sommet de Copenhague au mois décembre au Danemark, il y a d'intenses négociations. Mais je crois qu'on ne peut qu'en sortir par le haut, compte tenu de l'importance politique de cet élargissement."
Les deux chefs d'Etat ont aussi passé un accord, pour dire que le fameux Pacte de stabilité et de croissance serait appliqué, mais avec une certaine modération et en tenant compte de la croissance internationale. Il y a une sorte d'adaptation des règles internationales, en fonction justement de la conjoncture économique ?
- "Je crois qu'en économie, comme en politique d'ailleurs, il faut être pragmatique et pas idéologue. Il faut réduire les déficits, il faut tendre vers le déficit zéro, parce que sinon, cela veut dire qu'on s'endette et qu'on laisse les impôts à nos enfants et à nos petits-enfants. Mais il faut être pragmatique par rapport à la conjoncture. Ce ne sont pas des tables de la loi qui descendraient du ciel et qui sont absolument incontournables. Je pense que les Etats-membres ont fait preuve de pragmatisme en décalant un peu le calendrier pour s'adapter à la conjoncture internationale. C'est une bonne chose."
Est-ce ce pragmatisme dont fait preuve votre confrère du Budget, A. Lambert, qui fait les titres ce matin, à Paris ? Parce qu'il dit en substance que le programme français de baisses d'impôts sur le revenu sera respecté, à condition que la croissance atteigne 3 %. Est-ce une façon de nous expliquer qu'au fond, on n'aura pas de baisses d'impôts, parce que chacun sait que, si la croissance atteint 3%, cela tient un peu du miracle...
- "Je lis un peu le contraire ! J'ai Les Echos, et je lis à la Une que "le ministre adresse un message de confiance et promet la poursuite des baisses d'impôts réaffirmées hier comme priorité du quinquennat, par le président de la République". Vous savez, une législature dure cinq ans. Sur 2002 et 2003, il y aura eu 6 % de la baisse de l'impôt sur le revenu, l'augmentation de la prime pour l'emploi. Je crois que c'est un signal très fort pour l'ensemble des Français. Nous maintenons le cap de la réduction des impôts, parce qu'il y a trop d'impôts et de taxes dans notre pays. Il faut aussi lutter contre le gaspillage de l'argent public. Et le cap sera maintenu."
Indépendamment de la croissance et de la conjoncture ?
- "Il faut évidemment s'adapter à la conjoncture. Mais on est aujourd'hui dans une phase où on a l'impression qu'il faut absolument cultiver la sinistrose. Je crois qu'il faut être pragmatique et regarder la situation ni avec des lunettes roses, ni avec des lunettes noires. Les Français savent reconnaître la vérité et l'authenticité. Avec J.-P. Raffarin, nous sommes un Gouvernement qui ne racontons pas d'histoires. Nous avons construit, avec F. Mer et A. Lambert, un budget sincère, et ce n'était pas le cas ces dernières années. Et nous continuerons dans cette voie-là."
Cet après-midi avec vos confrères, vous allez parler de la pêche. La pêche est aussi un peu un sujet de fâcheries en Europe. On se souvient que la Commission avait fait des propositions qui avaient plutôt choqué dans les ports français, en expliquant qu'il fallait réduire la quantité de poisson pêchée, qu'il fallait peut-être envisager d'envoyer des bateaux à la casse en échange d'aides européennes - un peu comme on avait fait pour la viticulture il y a quelques années. Où en est-on sur ce dossier ? Peut-il y avoir des tensions entre vous cet après-midi ?
- "Sur la pêche, sur la réforme de la pêche, on a deux sujets. Le premier, c'est ce que l'on appelle "la gestion de la ressource". C'est vrai qu'on a entendu sur ce sujet parfois un peu n'importe quoi, comme si les pêcheurs voulaient la disparition du poisson, alors que c'est exactement l'inverse. C'est la raison pour laquelle nous avons fait des contre-propositions, pour qu'il y ait une gestion durable de la ressource en poisson dans nos mers, mais qu'on ne soit pas dans un système technocratique, qui verrouille tout, mais avec des choses très importantes. Je pense par exemple que lorsqu'il y a une espèce menacée, il faut décider ce que l'on appelle "un plan de restauration de l'espèce". Sur cela, tout le monde est d'accord. Le deuxième sujet, ce sont les aides pour moderniser les bateaux. On a des bateaux dont l'âge moyen est souvent trop grand, qui posent des problèmes de sécurité. Nous avons eu beaucoup trop de morts en mer l'année dernière encore. Et donc, nous nous battons pour qu'on puisse continuer à moderniser notre flotte sans augmenter le potentiel existant. Les propositions de la Commission en juin étaient très caricaturales, très rudes. Nous nous y sommes opposés fermement. Nous ne sommes d'ailleurs pas seuls, car il y a six pays du Groupe des Amis de la Pêche qui, il y a quelques semaines, ont fait des contre-propositions. Aujourd'hui, ce matin, nous allons encore discuter de ce sujet. Et je pense que la phase finale de la négociation se fera juste avant Noël, en décembre. J'espère bien que la présidence danoise de l'Union saura trouver un compromis, puisque les pays regroupés au sein du Groupe des Amis de la Pêche constituent une minorité de blocage et rien ne pourra se faire sans nous."
Si j'ai bien compris, il n'y aura pas de prime à la destruction, mais plutôt une prime pour remettre en l'état les bateaux ?
- "Ce n'est pas ainsi que le problème se pose. Il faut maintenir des aides pour moderniser la flotte. C'est indispensable. Et la deuxième observation que je ferai, c'est pas Bruxelles qui doit décider de Bruxelles, combien de bateaux, combien de pêcheurs il doit y avoir. Le nombre de pêcheurs n'est pas un nombre que l'on décide de Bruxelles, mais c'est un résultat. Celui de l'activité économique, des conditions d'exploitation. C'est ce que nous avons toujours plaidé pour ce qui concerne la France."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 octobre 2002)
- "Il n'y a pas grand monde à cette heure-ci !"
En effet, vous avez l'air un peu seul ! Demain, vous serez peut-être 25 dans cette pièce, et hier soir, le président J. Chirac et le Chancelier Schröder ont parlé de ce futur budget agricole, qui sera peut-être un gouffre financier. Comment va-t-on arriver à s'en sortir ? On a le sentiment que pour l'instant, la France veut garder ses acquis, c'est-à-dire l'essentiel des subventions agricoles.
- "Il n'y a pas que le sujet de l'agriculture. D'abord, le budget agricole n'est pas "un gouffre financier", puisque les enveloppes qui ont été définies il y a trois ans sont respectées et qu'on est même en dessous. Mais ce qui est vrai, c'est que cet élargissement de l'Europe est une date historique. Et quand on passe de 15 à 25, avec des pays nouveaux, forcément, cela pose des problèmes au plan du fonctionnement des institutions, pour améliorer la rapidité des décisions, et puis cela pose aussi des problèmes budgétaires, et d'ailleurs des problèmes budgétaires pas seulement sur l'agriculture, mais sur l'ensemble des dépenses européennes. Puisque je vous rappelle que l'agriculture, c'est important, mais c'est 40 % du budget, et que donc, il y a 60 % du budget européen qui est sur d'autres sujets que l'agriculture. Et c'est vrai que, dans les semaines et les mois qui viennent, avant le Sommet de Copenhague au mois décembre au Danemark, il y a d'intenses négociations. Mais je crois qu'on ne peut qu'en sortir par le haut, compte tenu de l'importance politique de cet élargissement."
Les deux chefs d'Etat ont aussi passé un accord, pour dire que le fameux Pacte de stabilité et de croissance serait appliqué, mais avec une certaine modération et en tenant compte de la croissance internationale. Il y a une sorte d'adaptation des règles internationales, en fonction justement de la conjoncture économique ?
- "Je crois qu'en économie, comme en politique d'ailleurs, il faut être pragmatique et pas idéologue. Il faut réduire les déficits, il faut tendre vers le déficit zéro, parce que sinon, cela veut dire qu'on s'endette et qu'on laisse les impôts à nos enfants et à nos petits-enfants. Mais il faut être pragmatique par rapport à la conjoncture. Ce ne sont pas des tables de la loi qui descendraient du ciel et qui sont absolument incontournables. Je pense que les Etats-membres ont fait preuve de pragmatisme en décalant un peu le calendrier pour s'adapter à la conjoncture internationale. C'est une bonne chose."
Est-ce ce pragmatisme dont fait preuve votre confrère du Budget, A. Lambert, qui fait les titres ce matin, à Paris ? Parce qu'il dit en substance que le programme français de baisses d'impôts sur le revenu sera respecté, à condition que la croissance atteigne 3 %. Est-ce une façon de nous expliquer qu'au fond, on n'aura pas de baisses d'impôts, parce que chacun sait que, si la croissance atteint 3%, cela tient un peu du miracle...
- "Je lis un peu le contraire ! J'ai Les Echos, et je lis à la Une que "le ministre adresse un message de confiance et promet la poursuite des baisses d'impôts réaffirmées hier comme priorité du quinquennat, par le président de la République". Vous savez, une législature dure cinq ans. Sur 2002 et 2003, il y aura eu 6 % de la baisse de l'impôt sur le revenu, l'augmentation de la prime pour l'emploi. Je crois que c'est un signal très fort pour l'ensemble des Français. Nous maintenons le cap de la réduction des impôts, parce qu'il y a trop d'impôts et de taxes dans notre pays. Il faut aussi lutter contre le gaspillage de l'argent public. Et le cap sera maintenu."
Indépendamment de la croissance et de la conjoncture ?
- "Il faut évidemment s'adapter à la conjoncture. Mais on est aujourd'hui dans une phase où on a l'impression qu'il faut absolument cultiver la sinistrose. Je crois qu'il faut être pragmatique et regarder la situation ni avec des lunettes roses, ni avec des lunettes noires. Les Français savent reconnaître la vérité et l'authenticité. Avec J.-P. Raffarin, nous sommes un Gouvernement qui ne racontons pas d'histoires. Nous avons construit, avec F. Mer et A. Lambert, un budget sincère, et ce n'était pas le cas ces dernières années. Et nous continuerons dans cette voie-là."
Cet après-midi avec vos confrères, vous allez parler de la pêche. La pêche est aussi un peu un sujet de fâcheries en Europe. On se souvient que la Commission avait fait des propositions qui avaient plutôt choqué dans les ports français, en expliquant qu'il fallait réduire la quantité de poisson pêchée, qu'il fallait peut-être envisager d'envoyer des bateaux à la casse en échange d'aides européennes - un peu comme on avait fait pour la viticulture il y a quelques années. Où en est-on sur ce dossier ? Peut-il y avoir des tensions entre vous cet après-midi ?
- "Sur la pêche, sur la réforme de la pêche, on a deux sujets. Le premier, c'est ce que l'on appelle "la gestion de la ressource". C'est vrai qu'on a entendu sur ce sujet parfois un peu n'importe quoi, comme si les pêcheurs voulaient la disparition du poisson, alors que c'est exactement l'inverse. C'est la raison pour laquelle nous avons fait des contre-propositions, pour qu'il y ait une gestion durable de la ressource en poisson dans nos mers, mais qu'on ne soit pas dans un système technocratique, qui verrouille tout, mais avec des choses très importantes. Je pense par exemple que lorsqu'il y a une espèce menacée, il faut décider ce que l'on appelle "un plan de restauration de l'espèce". Sur cela, tout le monde est d'accord. Le deuxième sujet, ce sont les aides pour moderniser les bateaux. On a des bateaux dont l'âge moyen est souvent trop grand, qui posent des problèmes de sécurité. Nous avons eu beaucoup trop de morts en mer l'année dernière encore. Et donc, nous nous battons pour qu'on puisse continuer à moderniser notre flotte sans augmenter le potentiel existant. Les propositions de la Commission en juin étaient très caricaturales, très rudes. Nous nous y sommes opposés fermement. Nous ne sommes d'ailleurs pas seuls, car il y a six pays du Groupe des Amis de la Pêche qui, il y a quelques semaines, ont fait des contre-propositions. Aujourd'hui, ce matin, nous allons encore discuter de ce sujet. Et je pense que la phase finale de la négociation se fera juste avant Noël, en décembre. J'espère bien que la présidence danoise de l'Union saura trouver un compromis, puisque les pays regroupés au sein du Groupe des Amis de la Pêche constituent une minorité de blocage et rien ne pourra se faire sans nous."
Si j'ai bien compris, il n'y aura pas de prime à la destruction, mais plutôt une prime pour remettre en l'état les bateaux ?
- "Ce n'est pas ainsi que le problème se pose. Il faut maintenir des aides pour moderniser la flotte. C'est indispensable. Et la deuxième observation que je ferai, c'est pas Bruxelles qui doit décider de Bruxelles, combien de bateaux, combien de pêcheurs il doit y avoir. Le nombre de pêcheurs n'est pas un nombre que l'on décide de Bruxelles, mais c'est un résultat. Celui de l'activité économique, des conditions d'exploitation. C'est ce que nous avons toujours plaidé pour ce qui concerne la France."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 octobre 2002)