Déclaration de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les mesures fiscales concernant la loi de finances rectificative pour 1999, à l'Assemblée nationale le 8 décembre 1999.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de finances rectificative pour 1999, à l'Assemblée nationale le 8 décembre 1999

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames, messieurs les députés,

Le projet de loi de finances rectificative pour 1999 que je vais vous présenter confirme, en les améliorant, les grandes orientations de la loi de finances initiale :

  • la dépense publique est maîtrisée : l'objectif de progression des dépenses de l'Etat de 1 % en volume est respecté malgré la révision à la baisse de l'inflation ;
  • la bonne tenue de la conjoncture économique engendre des surcroîts de recettes, dont une bonne part est immédiatement rendue aux Français sous forme de baisses d'impôts ;
  • le déficit annoncé en loi de finances initiale est tenu, et même diminué de 2,4 MdsF. Ce collectif marque donc une nouvelle étape dans la voie de l'assainissement de nos comptes publics.

J'ajoute que les priorités du gouvernement en faveur de l'emploi et de la justice sociale sont renforcées par ce projet de texte :

  • les allégements d'impôts anticipés au 15 septembre portent sur la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements et sur la baisse des " frais de notaire ", deux mesures favorables aux ménages et à la création d'emplois ;
  • les ouvertures de crédits accentuent l'effort de solidarité du gouvernement. Il s'agit par exemple des 3,5 MdsF supplémentaires au profit des bénéficiaires du RMI ouverts pour tenir compte notamment de la revalorisation exceptionnelle de 3 % décidée fin 1998, qui ont été inscrits dans le décret d'avances du 3 septembre dernier et sont présentés dans le collectif à l'approbation parlementaire. Il s'agit encore des 7 MdsF prévus au titre de la prise en charge par l'Etat de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire décidée en août dernier.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions très attendues, notamment au titre de l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes, que je vous présenterai également.

I - La dépense de l'Etat est maîtrisée
1) Les ouvertures de crédits s'élèvent à 30,8 MdsF. Ce montant, similaire à celui de l'an dernier, est équivalent à ce qui est traditionnellement constaté.
En outre, ces ouvertures comprennent 10 MdsF au profit de la mise en jeu de la garantie de l'Etat pour rembourser un emprunt souscrit par l'UNEDIC, cette opération exceptionnelle résultant d'un engagement pris en octobre 1995 par le précédent gouvernement et que nous avons dû honorer.
Les ouvertures au titre des opérations courantes sont donc ramenées à 20,8 MdsF. Outre la prise en charge de la majoration de l'ARS (7 MdsF) dont j'ai déjà parlé, il convient de mentionner :

  • 5,1 MdsF au profit des interventions économiques, notamment pour Charbonnages de France (1,3 MdF) et les services régionaux de voyageurs de la SNCF (0,5 MdF) ;
  • 1,4 MdF au titre des dépenses de coopération internationale, en particulier pour financer l'allégement de la dette en faveur des pays pauvres très endettés annoncée au sommet de Cologne ;
  • 1,6 MdF au titre de la compensation par l'Etat aux collectivités locales de la baisse des droits de mutation sur l'immobilier d'habitation mise en uvre à compter du 15 septembre 1999 ;

S'y ajoutent diverses dépenses de moindre montant mais d'égale importance, par exemple au titre de la constitution de l'établissement français du sang (350 MF).

2) Les annulations de crédits permettant de financer les ouvertures s'élèvent à 25,4 MdsF. Elles ont été réalisées dans le cadre de l'arrêté d'annulation du 24 novembre 1999 qui est annexé, comme de coutume, au présent projet de loi
Je mentionne tout d'abord la réduction du service de la dette, à hauteur de 8,2 MdsF. Cette baisse permet de ramener la charge de la dette pour 1999 à 229 MdsF, soit un niveau similaire à celui de 1998. Ainsi, la politique de réduction du déficit et de baisse des taux d'intérêt trouve une traduction très concrète dans le collectif budgétaire : elle permet de redéployer une dépense passive vers des dépenses de solidarité, comme l'allocation de rentrée scolaire.
Les crédits d'équipement militaire sont pour leur part réduits de 5,3 MdsF, dont 800 MF sont réaffectés au fonctionnement des armées. Je précise que cette réduction de crédits n'entame en rien la capacité d'engagement (les AP) du ministère de la défense et n'affecte pas la réalisation des programmes en cours. Le montant des crédits non utilisés en fin d'année sera d'ailleurs équivalent à celui constaté à la fin de l'année dernière.
Enfin, les crédits de l'emploi peuvent être réduits de 4,4 MdsF. Cette contribution notable est due à l'impact de la bonne conjoncture sur les créations d'emplois, dont l'évolution favorable se confirme mois après mois, et qui se traduit par une moindre consommation des dispositifs les plus sensibles à l'activité économique.

3) Les ouvertures nettes de crédits s'élèvent donc à 5,4 MdsF. Hors UNEDIC, la progression des dépenses du budget général est ramenée de 2,4 % en loi de finances initiale à 1,5 % en loi de finances rectificative. L'objectif de progression des dépenses de l'Etat de 1% en volume sera donc tenu, malgré la forte révision en baisse de l'inflation en cours d'année, qui devrait s'établir aux alentours de 0,5 % à 0,6 %. Le gouvernement apporte donc la preuve, comme les années précédentes, qu'il maîtrise les dépenses de l'Etat et tient ses engagements. Ce résultat a notamment été obtenu par la mise en uvre d'une nouvelle procédure, les " contrats de gestion ", qui a consisté, contrairement aux pratiques passées, à responsabiliser les ministères en matière de consommation de leurs crédits. Le succès de cette procédure montre que la modernisation de nos méthodes de gestion publique est une des clés de la maîtrise de la dépense publique.


II - Des surcroîts de recettes rendus aux Français sous forme de baisses d'impôts.
Les " plus-values " de recettes enregistrées en collectif par rapport à la loi de finances initiale s'élèvent à 13 MdsF.
Elles proviennent essentiellement des recettes fiscales et en particulier des impôts directs, dont les encaissements en 1999 retracent la forte progression de l'activité économique et des revenus enregistrée en 1998.
L'observation mensuelle des recouvrements confirme une importante plus-value sur l'impôt sur les sociétés (18,1 MdsF), qui résulte notamment de la bonne tenue des résultats des entreprises en 1998. Pour les autres impôts, les plus-values observées sur l'impôt sur le revenu (4,7 MdsF), résultant de l'importance des créations d'emplois et des gains de pouvoir d'achat des ménages, équilibrent les moins-values observées sur les autres impôts (11,6 MdsF), en particulier sur la TVA en raison d'une inflation moindre que prévu initialement.
Compte tenu de ces bons résultats, le gouvernement a décidé d'anticiper au 15 septembre 1999, date de présentation du PLF 2000 en Conseil des Ministres, les baisses d'impôts concernant la TVA sur les travaux dans les logements et les frais de notaire.
Ces allégements permettent de rendre dès cette année aux Français près de la moitié des surcroîts de recettes enregistrées et de mettre en uvre au plus tôt des mesures en faveur du logement qui sont créatrices d'emplois.


III - Une amélioration du déficit par rapport à la loi de finances initiale, pour la troisième année consécutive
Le déficit de l'Etat est ramené de 236,6 MdsF en loi de finances initiale à 234,2 MdsF en collectif. Cependant, compte tenu de la prise en charge des 10 MdsF de l'UNEDIC, le besoin de financement des administrations de sécurité sociale sera amélioré à due concurrence. L'équilibre du présent projet de loi est donc cohérent avec l'objectif de déficit d'au maximum 2,2 % du PIB notifié à nos partenaires européens en septembre dernier, contre 2,3 % en loi de finances initiale. Et je ne peux exclure que le résultat final soit meilleur encore.
Pour la troisième année consécutive, le gouvernement est donc en mesure de tenir ses engagements en matière de maîtrise de la dépense publique et d'améliorer le niveau du déficit prévu en début d'année.


IV - Des dispositions législatives importantes, notamment pour l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes
1) L'article 24 du présent projet de loi soumet à votre approbation un dispositif permettant l'indemnisation, dès l'an prochain, des porteurs d'emprunts russes. 9,1 Millions de titres ont été recensés. Ils feront l'objet d'une indemnisation sur la base des versements de la Russie réalisés à partir de juin 1997, produisant des intérêts depuis lors au profit des porteurs, et devant s'achever en août prochain, avec une somme finale de plus de 2,5 MdsF à redistribuer.
Les règles d'indemnisation proposées par le gouvernement, fondées sur le principe d'équité, s'inspirent très étroitement du rapport élaboré par la Commission de suivi des accords entre la France et la Russie, présidée par Jean-Claude Paye, conseiller d'Etat. Celui-ci a largement consulté les associations de porteurs avant de rédiger son rapport.
L'objectif poursuivi est de ne pas introduire de trop fortes disparités entre les sommes versées aux ayant droit. Nous aurons, j'en suis certain, un débat important et constructif sur ce sujet qui concerne beaucoup de ménages et qui est resté en souffrance, faut-il le rappeler, depuis 1917.

2) Comme il est de tradition, ce projet de loi comporte également quelques mesures fiscales. La portée de certaines d'entre elles mérite d'être mentionnée ici.
Il s'agit d'abord de mesures qui ont pour objet de mettre le droit français en conformité avec la règle communautaire : je pense à la transposition en droit français de la directive relative à la TVA sur l'or ou encore à l'adaptation des règles applicables aux opérateurs qui réalisaient, avant le 1er juillet 1999, des ventes hors taxes. Comme vous le savez, et en dépit de l'action résolue menée à Bruxelles par le Gouvernement, avec le soutien des parlementaires, -et qu'il me soit permis de saluer à cette occasion le rôle joué par votre collègue André Capet-, le principe des ventes hors taxes au sein de l'Union européenne est supprimé depuis cette date. Le texte qu'il vous est proposé d'approuver permettra d'assurer une transition vers la taxation de ces ventes en simplifiant et allégeant les obligations des opérateurs.
L'article 14 de ce projet de loi est également un texte important car il permettra de moderniser l'organisation de nombreuses professions, je pense notamment à la profession d'avocat, en atténuant les obstacles fiscaux qui constituaient autant de freins à la restructuration de ces professions. Qu'il me soit permis, là encore, de saluer l'excellent travail d'un parlementaire, je pense à votre collègue Henri Nallet, dont le diagnostic et les réflexions m'ont permis, avec l'active collaboration d'Elisabeth Guigou, de vous présenter ce texte très positif pour les professions non commerciales.
Ce projet de loi de finances rectificative comporte également deux nouvelles étapes dans l'amélioration des relations entre l'administration fiscale et ses usagers sur deux plans très différents mais, je crois, complémentaires. D'abord, parce qu'il comporte le dispositif juridique qui permettra à tous les Français, dès l'an prochain, de déclarer leurs impôts, et notamment l'impôt sur le revenu, par Internet. Cette possibilité n'était jusqu'à présent ouverte qu'aux professionnels et je suis fier d'être le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui, le premier, étendra cette facilité à tous les contribuables. Ensuite, parce que l'article 19 de ce texte prévoit d'obliger l'administration à motiver toutes les pénalités fiscales mises à la charge des contribuables : ce n'était pas le cas jusqu'à aujourd'hui et je crois que c'est un important progrès de l'état de droit que de permettre au citoyens de connaître les motifs qui fondent les pénalités fiscales.
Enfin, le texte qui vous est soumis comporte une importante réforme des contrats d'assurance vie investis en actions, dits contrats DSK, qui autorise l'investissement des sommes figurant sur ces contrats en titres de sociétés ayant leur siège dans l'Union européenne. Le Gouvernement vous proposera de compléter cette réforme par voie d'amendement en modernisant le plan d'épargne en actions afin de neutraliser l'effet des restructurations intra-européennes pour les petits porteurs.
Voici les grandes lignes de ce projet de loi de finances rectificative dont nous allons débattre et que je vous invite, à l'issue des discussions, à adopter.

(source : http://www.finances.gouv.fr, le 10 décembre 1999)