Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à remercier très vivement chacun d'entre vous d'avoir bien voulu accepter de siéger au sein de cette Commission de la Nationalité, désignée par M. le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et que j'ai l'honneur d'installer aujourd'hui.
Au cours de sa longue histoire, la France s'est souvent enrichie de l'apport de populations extérieures. Notre culture, notre art de vivre au sein de la civilisation occidentale, notre mentalité, sont les résultantes d'intégrations successives.
En se fondant dans la nation française, des étrangers à la France lui ont donné une part d'eux-mêmes et l'ont fortifiée.
Cette expérience doit naturellement nous conduire à refuser les attitudes frileuses. Notre pays ne peut se refermer sur lui-même.
II doit au contraire, dans des conditions et selon des flux qu'il est seul à pouvoir fixer, admettre un apport d'enfants de l'extérieur.
Selon des modalités à déterminer, car dans une telle matière, aucune législation ne saurait être considérée comme définitive, il doit y avoir, périodiquement, adaptation aux nécessités du temps présent et du futur prévisible. Le Code de la Nationalité ne doit pas être considéré comme fixant des règles idéales, valables dans l'absolu et pour tous les temps. Ainsi, le principe du "jus soli", héritier de la 2ème République, a été introduit dans un but unique : augmenter le nombre des recrues à la conscription et donc, pour ce faire, favoriser l'acquisition, même involontaire, de la nationalité française. Les temps ont changé, et avec eux, les besoins de notre défense. Faut-il supprimer pour autant les dispositions du code inspirées directement de cette régle ? Sûrement non, mais une réflexion à ce propos devient-elle pour autant superflue ?
II y a déjà plusieurs mois, le Gouvernement et le Parlement, après diverses études et réflexions, ont pris position sur une éventuelle réforme de Code de la Nationalité : le Gouvernement en déposant à l'automne dernier un projet de loi, dont la teneur exacte comme les objectifs réels, n'ont pas toujours été bien expliqués à l'opinion publique ; le Parlement, avec la création à l'Assemblée nationale d'un groupe d'études réunissant des représentants de 4 des 5 groupes parlementaires, et avec le dépôt de plusieurs propositions de loi, émanant de députés de la majorité ou des oppositions.
Une telle conjonction ne saurait être due au hasard. Elle montre à l'évidence une vive préoccupation qui dépasse le monde politique puisque tel syndicat, telle église, telle société de pensée a cru devoir intervenir aussi.
Il est résulté de ce foisonnement de propositions, des jugements, des approbations, des réserves ou même des condamnations propres à jeter un certain trouble chez nos compatriotes.
C'est pourquoi j'ai demandé qu'une clarification soit faite, qu'une information soit donnée, dans l'espoir de voir chasser les a priori.
La Commission de la Nationalité réunie par le Garde des Sceaux, mais indépendante de lui, comme de tout autre pouvoir, doit son existence à cette impérieuse nécessité : que nos compatriotes et que la représentation nationale à qui reviendra la responsabilité éminente et définitive de trancher, puissent se déterminer dans la sérénité, au vu à la fois d'un constat clair des dispositions en vigueur et de propositions formulées par des femmes et des hommes dégagés des pressions et des contingences.
Ceci explique le choix du Garde des Sceaux que j'ai personnellement ratifié sans aucune réserve : celui de femmes et d'hommes que l'expérience personnelle ou professionnelle reconnue, a conduit à réfléchir sur les questions posées par l'arrivée et l'insertion d'étrangers en France, aux conditions d'acquisition de la nationalité française, aux réactions de la communauté nationale à leur égard. Pour comprendre et expliquer ces phénomènes de société, pour juger et avancer des propositions, il fallait des juristes, des historiens, des sociologues, des intellectuels, des praticiens aussi, ayant des sensibilités complémentaires et divers par leurs origines, leurs engagements personnels et professionnels. Je suis heureux, mais non surpris, de constater qu'aucune critique n'a été émise quant à la qualité des membres de cette Commission.
Dans la tâche qui est la vôtre, je ne vous fixerai qu'une règle qui me parait conforme à l'histoire et au génie de notre pays : éviter toute exclusion systématique et brutale, et au contraire, rechercher les voies et moyens d'une insertion réussie dans la communauté française.
J'ajouterai un souhait, celui d'intégrer dans votre réflexion la date de 1992. Je veux dire l'ouverture de nos frontières aux nationaux des 11 autres pays de la communauté européenne. Comme des Français iront sans doute en plus grand nombre s'installer dans les autres Etats de l'Europe, des Belges, des Espagnols, des Néerlandais et bien d'autres seront plus nombreux à vivre et à travailler dans l'hexagone, où leurs enfants naîtront et grandiront. Nous n'avons pas le droit d'être pris de court par un tel changement.
Pour le reste, je fais entière confiance à M. Marceau LONG, vice-Président du Conseil d'Etat et Président de votre Commission, ainsi qu'à chacun d'entre vous pour déterminer de manière précise votre champ d'investigation.
Vous aurez bien entendu à travailler à partir de l'actuel Code de la Nationalité et du projet du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale à l'automne dernier et ayant déjà donné lieu à rapport de la Commission des Lois de cette Assemblée.
Je le disais à l'instant, toutes les dispositions de ce projet n'ont pas été exactement comprises. S'il maintient l'ensemble des principes sur lesquels repose traditionnellement le droit de la nationalité en vigueur en France, notamment l'acquisition de la citoyenneté en application du droit du sol, il prévoit la nécessité d'une déclaration par laquelle l'étranger manifeste sa volonté d'acquérir la nationalité. C'est le cur même de la réforme. C'est par cette idée de "choix volontaire" que s'exprime toute une conception de la Nation.
J'invite donc les membres de votre Commission à faire connaître leur sentiment sur cette proposition fondamentale. Je les invite aussi à dire si les causes de refus de l'acquisition volontaire de la nationalité française - lors de sa majorité, par une personne d'origine étrangère née en France et y résidant depuis 5 années doivent être maintenues en tout ou partie. II en va de même pour les dispositions de lutte contre la fraude contenues dans le projet : doivent-elles être étendues ou limitées ? Certaines ne relèvent-elles pas du domaine du règlement plutôt que de celui de la loi ?
Mais au-delà du texte, je serais reconnaissant à la Commission de donner également son avis sur les divers statuts applicables aux enfants nés de parents originaires des anciennes possessions d'outre-mer : est-il opportun de modifier ces statuts, voire de les unifier ? Vous n'ignorez pas, en effet, que l'une des sources de la complexité du code de la nationalité - complexité que je rappelais à l'instant - réside dans les nombreux apports successifs de la législation en la matière. Il nous faut simplifier.
Enfin, à travers les nombreuses consultations que le Garde des Sceaux, M. Albin CHALANDON, a menées activement sur ce sujet depuis quelques mois, il est apparu que certains aspects de la nationalité n'avaient pas encore été examinés. Il s'agit notamment du problème très sensible de la double nationalité et du service militaire, problème d'autant plus difficile qu'il dépend souvent d'engagements internationaux souscrits par notre pays.
Pour vous aider dans cette tâche, il va de soi que les services administratifs compétents sont à votre disposition qu'il s'agisse de ceux du Ministre de la Justice ou de ceux Ministre des Affaires Sociales et de l'Emploi, qui dispose notamment de la Direction de la Population et des Migrations.
Ces concours me paraissent d'autant plus nécessaires que beaucoup a déjà été défriché, et il serait évidemment regrettable de ne pas utiliser des travaux existants.
Par ailleurs, j'indique que je ne verrai que des avantages à ce que vous procédiez si vous l'estimez utile, à l'audition de représentants des Eglises, des forces syndicales politiques et autres intéressées.
Ici encore toute latitude vous est laissée.
Mais je tiens, avant de conclure, à ajouter deux précisions, afin de lever certaines ambiguïtés :
- Tout d'abord, il n'a jamais été question dans l'esprit de mon Gouvernement de faire adopter des dispositions privant de leur nationalité, notamment les Français musulmans de la deuxième génération, ceux que l'on nomme parfois les "beurs". Ceux qui sont Français le demeureront.
- En deuxième lieu, le code de la nationalité ne saurait avoir pour objet de "réguler" les flux migratoires et, encore moins, d'exclure quiconque de la communauté nationale : son objet se limite à définir les conditions d'accès à la citoyenneté française, en rendant cet accès plus ou moins aisé. II ne modifie évidemment pas le nombre des étrangers, mais seulement la répartition entre nationaux et étrangers sur notre sol ; en cela, il peut être un élément déterminant d'intégration.
Voilà donc Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui en installant la Commission de la Nationalité, en vous exprimant mes remerciements d'avoir accepté cette responsabilité et en vous assurant de la confiance du Gouvernement pour mener à bien une tâche essentielle.
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à remercier très vivement chacun d'entre vous d'avoir bien voulu accepter de siéger au sein de cette Commission de la Nationalité, désignée par M. le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et que j'ai l'honneur d'installer aujourd'hui.
Au cours de sa longue histoire, la France s'est souvent enrichie de l'apport de populations extérieures. Notre culture, notre art de vivre au sein de la civilisation occidentale, notre mentalité, sont les résultantes d'intégrations successives.
En se fondant dans la nation française, des étrangers à la France lui ont donné une part d'eux-mêmes et l'ont fortifiée.
Cette expérience doit naturellement nous conduire à refuser les attitudes frileuses. Notre pays ne peut se refermer sur lui-même.
II doit au contraire, dans des conditions et selon des flux qu'il est seul à pouvoir fixer, admettre un apport d'enfants de l'extérieur.
Selon des modalités à déterminer, car dans une telle matière, aucune législation ne saurait être considérée comme définitive, il doit y avoir, périodiquement, adaptation aux nécessités du temps présent et du futur prévisible. Le Code de la Nationalité ne doit pas être considéré comme fixant des règles idéales, valables dans l'absolu et pour tous les temps. Ainsi, le principe du "jus soli", héritier de la 2ème République, a été introduit dans un but unique : augmenter le nombre des recrues à la conscription et donc, pour ce faire, favoriser l'acquisition, même involontaire, de la nationalité française. Les temps ont changé, et avec eux, les besoins de notre défense. Faut-il supprimer pour autant les dispositions du code inspirées directement de cette régle ? Sûrement non, mais une réflexion à ce propos devient-elle pour autant superflue ?
II y a déjà plusieurs mois, le Gouvernement et le Parlement, après diverses études et réflexions, ont pris position sur une éventuelle réforme de Code de la Nationalité : le Gouvernement en déposant à l'automne dernier un projet de loi, dont la teneur exacte comme les objectifs réels, n'ont pas toujours été bien expliqués à l'opinion publique ; le Parlement, avec la création à l'Assemblée nationale d'un groupe d'études réunissant des représentants de 4 des 5 groupes parlementaires, et avec le dépôt de plusieurs propositions de loi, émanant de députés de la majorité ou des oppositions.
Une telle conjonction ne saurait être due au hasard. Elle montre à l'évidence une vive préoccupation qui dépasse le monde politique puisque tel syndicat, telle église, telle société de pensée a cru devoir intervenir aussi.
Il est résulté de ce foisonnement de propositions, des jugements, des approbations, des réserves ou même des condamnations propres à jeter un certain trouble chez nos compatriotes.
C'est pourquoi j'ai demandé qu'une clarification soit faite, qu'une information soit donnée, dans l'espoir de voir chasser les a priori.
La Commission de la Nationalité réunie par le Garde des Sceaux, mais indépendante de lui, comme de tout autre pouvoir, doit son existence à cette impérieuse nécessité : que nos compatriotes et que la représentation nationale à qui reviendra la responsabilité éminente et définitive de trancher, puissent se déterminer dans la sérénité, au vu à la fois d'un constat clair des dispositions en vigueur et de propositions formulées par des femmes et des hommes dégagés des pressions et des contingences.
Ceci explique le choix du Garde des Sceaux que j'ai personnellement ratifié sans aucune réserve : celui de femmes et d'hommes que l'expérience personnelle ou professionnelle reconnue, a conduit à réfléchir sur les questions posées par l'arrivée et l'insertion d'étrangers en France, aux conditions d'acquisition de la nationalité française, aux réactions de la communauté nationale à leur égard. Pour comprendre et expliquer ces phénomènes de société, pour juger et avancer des propositions, il fallait des juristes, des historiens, des sociologues, des intellectuels, des praticiens aussi, ayant des sensibilités complémentaires et divers par leurs origines, leurs engagements personnels et professionnels. Je suis heureux, mais non surpris, de constater qu'aucune critique n'a été émise quant à la qualité des membres de cette Commission.
Dans la tâche qui est la vôtre, je ne vous fixerai qu'une règle qui me parait conforme à l'histoire et au génie de notre pays : éviter toute exclusion systématique et brutale, et au contraire, rechercher les voies et moyens d'une insertion réussie dans la communauté française.
J'ajouterai un souhait, celui d'intégrer dans votre réflexion la date de 1992. Je veux dire l'ouverture de nos frontières aux nationaux des 11 autres pays de la communauté européenne. Comme des Français iront sans doute en plus grand nombre s'installer dans les autres Etats de l'Europe, des Belges, des Espagnols, des Néerlandais et bien d'autres seront plus nombreux à vivre et à travailler dans l'hexagone, où leurs enfants naîtront et grandiront. Nous n'avons pas le droit d'être pris de court par un tel changement.
Pour le reste, je fais entière confiance à M. Marceau LONG, vice-Président du Conseil d'Etat et Président de votre Commission, ainsi qu'à chacun d'entre vous pour déterminer de manière précise votre champ d'investigation.
Vous aurez bien entendu à travailler à partir de l'actuel Code de la Nationalité et du projet du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale à l'automne dernier et ayant déjà donné lieu à rapport de la Commission des Lois de cette Assemblée.
Je le disais à l'instant, toutes les dispositions de ce projet n'ont pas été exactement comprises. S'il maintient l'ensemble des principes sur lesquels repose traditionnellement le droit de la nationalité en vigueur en France, notamment l'acquisition de la citoyenneté en application du droit du sol, il prévoit la nécessité d'une déclaration par laquelle l'étranger manifeste sa volonté d'acquérir la nationalité. C'est le cur même de la réforme. C'est par cette idée de "choix volontaire" que s'exprime toute une conception de la Nation.
J'invite donc les membres de votre Commission à faire connaître leur sentiment sur cette proposition fondamentale. Je les invite aussi à dire si les causes de refus de l'acquisition volontaire de la nationalité française - lors de sa majorité, par une personne d'origine étrangère née en France et y résidant depuis 5 années doivent être maintenues en tout ou partie. II en va de même pour les dispositions de lutte contre la fraude contenues dans le projet : doivent-elles être étendues ou limitées ? Certaines ne relèvent-elles pas du domaine du règlement plutôt que de celui de la loi ?
Mais au-delà du texte, je serais reconnaissant à la Commission de donner également son avis sur les divers statuts applicables aux enfants nés de parents originaires des anciennes possessions d'outre-mer : est-il opportun de modifier ces statuts, voire de les unifier ? Vous n'ignorez pas, en effet, que l'une des sources de la complexité du code de la nationalité - complexité que je rappelais à l'instant - réside dans les nombreux apports successifs de la législation en la matière. Il nous faut simplifier.
Enfin, à travers les nombreuses consultations que le Garde des Sceaux, M. Albin CHALANDON, a menées activement sur ce sujet depuis quelques mois, il est apparu que certains aspects de la nationalité n'avaient pas encore été examinés. Il s'agit notamment du problème très sensible de la double nationalité et du service militaire, problème d'autant plus difficile qu'il dépend souvent d'engagements internationaux souscrits par notre pays.
Pour vous aider dans cette tâche, il va de soi que les services administratifs compétents sont à votre disposition qu'il s'agisse de ceux du Ministre de la Justice ou de ceux Ministre des Affaires Sociales et de l'Emploi, qui dispose notamment de la Direction de la Population et des Migrations.
Ces concours me paraissent d'autant plus nécessaires que beaucoup a déjà été défriché, et il serait évidemment regrettable de ne pas utiliser des travaux existants.
Par ailleurs, j'indique que je ne verrai que des avantages à ce que vous procédiez si vous l'estimez utile, à l'audition de représentants des Eglises, des forces syndicales politiques et autres intéressées.
Ici encore toute latitude vous est laissée.
Mais je tiens, avant de conclure, à ajouter deux précisions, afin de lever certaines ambiguïtés :
- Tout d'abord, il n'a jamais été question dans l'esprit de mon Gouvernement de faire adopter des dispositions privant de leur nationalité, notamment les Français musulmans de la deuxième génération, ceux que l'on nomme parfois les "beurs". Ceux qui sont Français le demeureront.
- En deuxième lieu, le code de la nationalité ne saurait avoir pour objet de "réguler" les flux migratoires et, encore moins, d'exclure quiconque de la communauté nationale : son objet se limite à définir les conditions d'accès à la citoyenneté française, en rendant cet accès plus ou moins aisé. II ne modifie évidemment pas le nombre des étrangers, mais seulement la répartition entre nationaux et étrangers sur notre sol ; en cela, il peut être un élément déterminant d'intégration.
Voilà donc Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui en installant la Commission de la Nationalité, en vous exprimant mes remerciements d'avoir accepté cette responsabilité et en vous assurant de la confiance du Gouvernement pour mener à bien une tâche essentielle.