Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur les orientations du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme, de cohésion sociale, de sécurité du citoyen et de "sensibilisation aux valeurs démocratiques", Strasbourg le 6 mai 1997.

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Circonstance : Réunion du Conseil de l'Europe à Strasbourg le 6 mai 1997-déclaration devant le Comité des ministres pour le lancement de la présidence française

Texte intégral

Quelques mots très brefs, d'abord pour remercier Mme Halonen d'avoir accepté que, contrairement à la règle habituelle, je puisse être à ses côtés pour répondre à vos questions concernant l'organisation de ce sommet.

Ce sommet est en effet un événement important. Ce sera le deuxième sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe. Ce sera aussi la première fois que 40 pays se retrouvent ensemble au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement au sein du Conseil de l'Europe. Nous passons de la phase où le Conseil a accueilli un certain nombre de nouveaux pays à celle où il doit passer à la réalisation concrète de la démarche en faveur de l'Etat de droit, la démocratie et des Droits de l'Homme pour marquer cette étape nouvelle. Nous allons y consacrer beaucoup d'efforts, tous nos soins, pour qu'il soit un événement important, qu'il fasse date dans l'histoire de notre Conseil, avec un ordre du jour et des propositions concrètes que vous venez de rappelez à l'instant. Nous voudrions que ce soit un sommet qui soit concentré sur un certain nombre de questions pratiques, concrètes, qui ne se disperse pas en un très grand nombre de sujets, et qui en même temps réponde à l'attente de l'ensemble des délégations. En effet, par nature, notre institution est consensuelle.

Nous voudrions qu'il en résulte des résultats pratiques. Vous savez qu'il y a la question de la Cour unique des Droits de l'Homme, qui est une grande affaire. Il y a la mise en place d'un médiateur aux Droits de l'Homme, qui est novatrice et proposée par le gouvernement finlandais. Nous voudrions que le Conseil traite la question du clonage humain, c'est-à-dire les dispositions qu'il y a lieu de prendre, sous quelle forme et comment. Nous aimerions que les questions de sécurité, qui intéressent la vie quotidienne de nos concitoyens, soient à notre ordre du jour, qu'il s'agisse de la lutte contre la drogue, contre le crime organisé, contre le terrorisme. Cela doit déboucher sur des engagements et des actions pratiques de la part des Etats représentés autour de la table. Nous aimerions aussi que les peuples se sentent concernés par cette manifestation qui ne sera pas simplement une manifestation internationale, une rencontre de chefs d'Etat et de gouvernement comme il y en a quand même beaucoup. Nous aimerions que ce soit un événement dans la vie des peuples européens.

Nous avons ainsi proposé la création d'une assemblée parlementaire européenne des jeunes, mais il peut y avoir d'autres idées.

J'espère que ce sommet sera réussi. En tout cas, la présidence finlandaise a été brillante grâce à l'engagement du gouvernement finlandais, grâce aussi à l'engagement personnel de Mme Halonen. Nous espérons que cette présidence nous permettra de poursuivre dans cette voie.

Q - Je voulais savoir si l'on était sur la voie d'un accord entre l'OTAN et la Russie, d'une part, et d'autre part, si l'un des thèmes de ce sommet serait la clarification, demandée par l'Assemblée parlementaire avec beaucoup de force, entre les rôles respectifs du Conseil de l'Europe, de l'OTAN, de l'OSCE et de l'Union européenne. Essaiera-t-on de clarifier ces relations ?

R - Je vais vous répondre bien que la première partie de la question soit éloignée de ce qui nous a réuni. J'ai rencontré ce matin Evgueni Primakov. Nous avons parlé très longuement des discussions qui ont lieu en ce moment entre l'OTAN et la Russie dans la perspective d'un accord dont nous espérons qu'il pourra être finalisé prochainement, pour aboutir à une signature fixée au 27 mai.

Je crois que, comme il est habituel dans ce type de circonstances, en fin de négociations, quelques dernières difficultés subsistent. Il n'en demeure pas moins que je suis confiant sur l'heureux aboutissement de cette discussion. Elle est très importante. Nous sommes en train de passer d'une situation ancienne qui était celle d'une confrontation en Europe à une logique nouvelle, qui est celle de la coopération, y compris dans le domaine de la sécurité et dans le domaine militaire. Il faut en tirer toutes les conséquences. Cet accord entre l'OTAN et la Russie sera de ce point de vue un événement majeur, un événement historique. Imaginez d'ailleurs le chemin parcouru entre le temps où l'OTAN d'hier était engagée dans cette logique de confrontation, et le temps nouveau où avec la Russie, nous organisons des voies et moyens de cette coopération. La discussion se poursuit. Je crois qu'elle touche à sa fin. Il reste quelques difficultés réelles à résoudre et je pense que nous allons y parvenir. Est-ce que le sommet sera l'occasion de ces clarifications dont vous exprimez le souhait ? Si nécessaire, en effet. Ceci dit, je crois que nous devrions être attentifs à faire en sorte que ce sommet ne soit pas un sommet de spécialistes, que ce ne soit pas un sommet dans lequel on ratiocine sur les frontières et les compétences de diverses institutions, mais plutôt un sommet où l'on parle de la réalité quotidienne de nos concitoyens. C'est pour cela que j'ai insisté sur les questions de Droits de l'Homme, de justice, de sécurité qui sont des questions centrales. Bien entendu, s'il faut apporter dans les domaines que vous avez indiqués les précisions nécessaires, je pense qu'à un niveau plus modeste, celui des ministres, celui des représentants permanents, nous pourrons peut-être faire ce travail pour en dispenser nos chefs d'Etat et de gouvernement qui ont, me semble-t-il, mieux à faire pour leur peuple.

Q - (Sur les différences entre l'OSCE, l'OTAN et l'Union européenne)
R - L'Union européenne est une institution totalement différente qui engage ceux qui en font partie dans une union politique, économique, sociale. L'OSCE est une institution qui rassemble autour de la même table 54 pays, dont l'ensemble de l'ex-Union soviétique, y compris ceux d'Asie centrale, ainsi que les Etats-Unis, le Canada. C'est une instance très importante. Elle a contribué et continuera encore à résoudre les conflits et les tensions en Europe. Elle a déjà accompli des travaux remarquables et fait ses preuves, parfois avec difficulté, mais elle a néanmoins démontré son utilité. Le Conseil de l'Europe est autre chose. Je dirais qu'il est, aujourd'hui, le seul lieu où les Européens se retrouvent entre eux pour parler des problèmes, des espoirs, des principes qui nous rassemblent. Je ne vois pas en quoi tout cela pose problème.


Tout cela ne crée pas de double emploi, ne crée pas de problèmes philosophiques. Je crois au contraire que le Conseil de l'Europe est une instance absolument nécessaire aujourd'hui dans la vie de l'Europe. Cette institution est irremplaçable. Qu'il y ait des problèmes de frontière, ce sont des choses qui passionnent les administrations nationales et internationales, mais cela n'est pas un problème de politique majeur. Le vrai sujet c'est que le Conseil de l'Europe est utile. C'est une institution qui doit remplir les missions qui lui sont dévolues, d'où les compliments que j'ai adressés tout à l'heure à la présidence finlandaise qui n'étaient pas des compliments convenus mais sincères, car la présidence finlandaise a assumé cette fonction avec beaucoup de convictions et avec des résultats. De la même façon, la France prend très au sérieux le mandat qui lui a été confié : organiser un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement. Ce sommet prendra des décisions qui, je l'espère, auront des conséquences en Europe, un impact dans la vie de nos pays et qui traceront les perspectives et le programme de travail du Conseil de l'Europe pour la période qui vient. Nous allons donc nous y impliquer très sérieusement.

Q - Monsieur le Ministre, dans votre discours, la proposition, que vous faites pour le Sommet du Conseil de l'Europe sous présidence française, est l'entrée en vigueur du protocole n° 11 pour la nouvelle Cour des Droits de l'Homme, dans le cas où tel ou tel pays aurait pu exiger ou solliciter une sorte de concession politique préalable à cette ratification, notamment pour limiter la portée du fonctionnement pratique du mécanisme de la Convention des Droits de l'Homme. Pensez-vous que ce serait acceptable et conforme à l'idée que la France a des Droits de l'Homme et du rôle de la Cour sur l'ensemble du continent européen, et notamment à l'Est ?

R - Sur cette question du protocole n° 11, nous souhaitons qu'il puisse être adopté par l'ensemble des Etats membres. Mais vous savez que nos vivons dans un système de consensus et donc chaque pays fait comme il l'entend. Lorsqu'il a adopté une disposition, celle-ci s'applique à lui, donc les choses sont assez simples. Je n'ai pas bien compris le sens, probablement caché, de votre question. Mais son sens premier en tous cas est simple : nous souhaitons que ce protocole n° 11 soit retenu, puis soit ratifié par un maximum d'Etats et s'applique par conséquent à l'ensemble de leurs ressortissants.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)