Texte intégral
Que pensez-vous de la déclaration du Président de la République Jacques Chirac faite ce jour devant le Bundestag allemand, en faveur d'une Constitution européenne ?
Je me réjouis de voir que l'idée de cette constitution européenne émise par les libéraux il y a dix ans, soit aujourd'hui défendue par le Président de la République. En 1990, en effet, au lendemain de la chute du mur de Berlin, les libéraux avaient organisé un colloque international sur le thème " quelle constitution pour une Europe libre ? " pour construire l'Europe de tous les Européens. Voici le moment venu de refondre l'ensemble des traités formant la base de la construction européenne par la rédaction d'un document clair et concis présentant les principes constitutionnels sur lequel sera désormais fondée l'union européenne, l'union de la grande Europe. Il s'agit de mieux délimiter les pouvoirs, mieux définir les modes de décisions et donner une vraie garantie constitutionnelle au principe de subsidiarité en offrant des voies de recours devant une Cour de Justice ayant vocation à devenir une vraie Cour Constitutionnelle européenne.
Que pensez-vous des propositions du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, en faveur d'une Europe fédérale ?
Je suis de ceux qui défendent depuis longtemps l'idée d'une approche fédérale de la construction européenne. Encore faut-il s'entendre sur ce que recouvre le mot " fédéralisme ". Il sert en effet souvent de pavillon de complaisance à ceux qui voudraient construire un super Etat européen avec un super président, un super gouvernement, un super Parlement, une super bureaucratie, et de supers impôts. Le vrai fédéralisme - celui de James Madison lorsqu'il écrit la Constitution américaine en 1787 ou celui de Denis de Rougemont - est d'une toute autre nature : contrairement à un Etat fédéral unitaire, il ne vise pas à fabriquer l'unité mais à organiser la diversité. Il ne recherche pas l'harmonisation des différences, mais l'harmonie de ces différences. Le projet de la grande Europe ne peut être fondé que sur un retour au fédéralisme authentique. Le discours de Joschka Fischer, pour peu qu'on le lise de près, laisse ouverte l'une et l'autre interprétation. Mais beaucoup n'en ont retenu que l'hypothèse d'une sorte de " fusion-acquisition " entre un petit groupe d'Etats. Le fédéralisme, selon moi, est un projet pour la grande Europe et non pas un deuxième choix en cas d'échec.
En quoi cette idée de super Etat européen est-elle dangereuse ?
Dans un cadre national, construit par le travail du temps, une courte majorité peut imposer sa loi à la minorité. Ce ne peut être le cas pour un ensemble aussi hétérogène que l'Europe des quinze, et à plus forte raison, demain, pour l'Europe des trente. C'est la raison pour laquelle les interventions européennes doivent être soigneusement limitées, et les processus de décision être aussi consensuels que possible.
Quelles sont les réformes institutionnelles à entreprendre ?
Cela fait 10 ans que les libéraux proposent de refondre les traités européens dans une Constitution qui synthétise les bases essentielles de la construction européenne, précise et garantie les principes de l'Etat de Droit et de la subsidiarité, limite et délimite les pouvoirs de l'union européenne et organise le fonctionnement de ses institutions. Pour cela, il faut renforcer le rôle du Conseil européen en stabilisant notamment sa présidence. On ne peut, en effet, à 30 pays, demain, faire fonctionner une présidence tournante. Il convient de ramener le nombre de commissaires européens à celui des fonctions réellement exercées. Il faut également élargir la possibilité de coopérations renforcées et garantir le principe de subsidiarité. J'ajoute qu'il ne peut pas y avoir de Constitution sans une cour constitutionnelle qui serait à la fois la gardienne des traités, du principe de subsidiarité, et aussi une source de droit, à la manière de notre Conseil constitutionnel ou de la Cour suprême américaine. Des deux hypothèses évoquées par Joschka Fischer, je préfère la voie du renforcement du Conseil à celle qui consisterait à faire de la commission le gouvernement européen ; car le Conseil européen est aujourd'hui l'instance qui a le pouvoir d'engager réellement les Etats et les peuples dans la construction européenne.
(source http://www.demlib.com, le 29 Juin 2000)
Je me réjouis de voir que l'idée de cette constitution européenne émise par les libéraux il y a dix ans, soit aujourd'hui défendue par le Président de la République. En 1990, en effet, au lendemain de la chute du mur de Berlin, les libéraux avaient organisé un colloque international sur le thème " quelle constitution pour une Europe libre ? " pour construire l'Europe de tous les Européens. Voici le moment venu de refondre l'ensemble des traités formant la base de la construction européenne par la rédaction d'un document clair et concis présentant les principes constitutionnels sur lequel sera désormais fondée l'union européenne, l'union de la grande Europe. Il s'agit de mieux délimiter les pouvoirs, mieux définir les modes de décisions et donner une vraie garantie constitutionnelle au principe de subsidiarité en offrant des voies de recours devant une Cour de Justice ayant vocation à devenir une vraie Cour Constitutionnelle européenne.
Que pensez-vous des propositions du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, en faveur d'une Europe fédérale ?
Je suis de ceux qui défendent depuis longtemps l'idée d'une approche fédérale de la construction européenne. Encore faut-il s'entendre sur ce que recouvre le mot " fédéralisme ". Il sert en effet souvent de pavillon de complaisance à ceux qui voudraient construire un super Etat européen avec un super président, un super gouvernement, un super Parlement, une super bureaucratie, et de supers impôts. Le vrai fédéralisme - celui de James Madison lorsqu'il écrit la Constitution américaine en 1787 ou celui de Denis de Rougemont - est d'une toute autre nature : contrairement à un Etat fédéral unitaire, il ne vise pas à fabriquer l'unité mais à organiser la diversité. Il ne recherche pas l'harmonisation des différences, mais l'harmonie de ces différences. Le projet de la grande Europe ne peut être fondé que sur un retour au fédéralisme authentique. Le discours de Joschka Fischer, pour peu qu'on le lise de près, laisse ouverte l'une et l'autre interprétation. Mais beaucoup n'en ont retenu que l'hypothèse d'une sorte de " fusion-acquisition " entre un petit groupe d'Etats. Le fédéralisme, selon moi, est un projet pour la grande Europe et non pas un deuxième choix en cas d'échec.
En quoi cette idée de super Etat européen est-elle dangereuse ?
Dans un cadre national, construit par le travail du temps, une courte majorité peut imposer sa loi à la minorité. Ce ne peut être le cas pour un ensemble aussi hétérogène que l'Europe des quinze, et à plus forte raison, demain, pour l'Europe des trente. C'est la raison pour laquelle les interventions européennes doivent être soigneusement limitées, et les processus de décision être aussi consensuels que possible.
Quelles sont les réformes institutionnelles à entreprendre ?
Cela fait 10 ans que les libéraux proposent de refondre les traités européens dans une Constitution qui synthétise les bases essentielles de la construction européenne, précise et garantie les principes de l'Etat de Droit et de la subsidiarité, limite et délimite les pouvoirs de l'union européenne et organise le fonctionnement de ses institutions. Pour cela, il faut renforcer le rôle du Conseil européen en stabilisant notamment sa présidence. On ne peut, en effet, à 30 pays, demain, faire fonctionner une présidence tournante. Il convient de ramener le nombre de commissaires européens à celui des fonctions réellement exercées. Il faut également élargir la possibilité de coopérations renforcées et garantir le principe de subsidiarité. J'ajoute qu'il ne peut pas y avoir de Constitution sans une cour constitutionnelle qui serait à la fois la gardienne des traités, du principe de subsidiarité, et aussi une source de droit, à la manière de notre Conseil constitutionnel ou de la Cour suprême américaine. Des deux hypothèses évoquées par Joschka Fischer, je préfère la voie du renforcement du Conseil à celle qui consisterait à faire de la commission le gouvernement européen ; car le Conseil européen est aujourd'hui l'instance qui a le pouvoir d'engager réellement les Etats et les peuples dans la construction européenne.
(source http://www.demlib.com, le 29 Juin 2000)