Texte intégral
Je voudrais tout d'abord remercier très chaleureusement la Présidence britannique et la commission européenne pour l'organisation de ces Assises très attendues par les professionnels et les gouvernements. Ce n'était pas simple de réunir toutes les parties concernées, de les faire s'exprimer sur des sujets aussi importants, complexes et parfois passionnels. Vous y avez parfaitement réussi. Nous devons aussi rendre hommage aux présidents et aux rapporteurs des groupes de travail. Recueillir des points de vue aussi contradictoires que celui de M. Murdoch et celui de ma collègue Sheila Copps, qui ont tous les deux, pour des raisons différentes, créé des événements forts de ces Assises, a également permis de faire avancer le débat. Je remercie Chris Smith d'avoir eu l'idée de cette riche confrontation.
Je te remercie également, Cher Chris, de m'avoir invitée à clôturer ces journées. C'est pour moi un grand honneur, mais c'est aussi une tâche extrêmement difficile que d'avoir à m'exprimer après tant de contributions si variées. Je n'ai malheureusement pas pu assister à la totalité de vos travaux mais j'en ai eu un compte-rendu très détaillé.
La tenue même de ces assises est particulièrement importante : elles sont l'image de la volonté de mettre en place une politique audiovisuelle européenne renforcée, adaptée aux nouveaux enjeux. Nous avions un peu l'impression que l'Europe audiovisuelle et culturelle était en panne ; ces assises semblent marquer son renouveau, si l'on en croit la richesse des propositions qui ont peut être avancées. Il s'agit maintenant de ne pas décevoir, et de transformer l'essai : la balle est dans le camp des politiques. Nous devons donner vie à ces propositions, en nous accordant des moyens réels, y compris financiers, de les mettre en uvre. J'attends. des professionnels de tous pays qu'ils relayent auprès de leurs gouvernements respectifs la volonté qui s'est fait jour de soutenir efficacement notre industrie audiovisuelle. Et quand je parle de notre industrie, je parle de l'industrie de tous les pays européens, qu'elle existe déjà, qu'elle soit à créer ou à développer.
Nous devons aujourd'hui avancer résolument dans la voie de l'intégration de notre industrie culturelle, notamment de la production qu'il s'agisse d'oeuvres audiovisuelles ou d'oeuvres cinématographiques. C'est bien au niveau de la production que se prennent les risques financiers majeurs, c'est donc au moment de la production qu'il faut favoriser et soutenir la prise de risques. Il faut aussi le faire au niveau de la distribution, bien sûr, mais je rappellerais qu'il n'y a de distribution que de films préalablement produits. Les enjeux de cette intégration sont évidemment d'ordre économique mais aussi d'ordre culturel et social.
Il est vraiment essentiel que face aux bouleversements technologiques les Européens aient une réflexion commune, et que nous décidions ensemble des meilleurs moyens de tirer profit de ces progrès, dans l'intérêt de tous les citoyens des Etats membres. Car c'est bien l'intérêt de tous les citoyens des Etats membres. Car c'est bien l'intérêt du public, citoyen et consommateur, qui doit nous guider. Et son intérêt, c'est d'avoir accès à l'offre de programmes audiovisuels et cinématographiques la plus variée et la plus riche, reflétant la diversité culturelle et la pluralité linguistique qui constituent les premières richesses de l'Europe. Tous les pays doivent y participer, car l'apport de chacun est essentiel. La défense de l'exception culturelle, c'est avant tout la défense du pluralisme, de la diversité et de l'ouverture sur les autres ; sur ce terrain, l'Europe doit être un modèle.
Comment pouvons-nous atteindre cet objectif ? Je sais que des voies très différentes ont été évoquées au cours des deux derniers jours. Je vais présenter les quelques pistes qui me semblent devoir être prioritairement approfondies et étudiées par la Commission européenne pour donner à ces Assises le rayonnement et l'efficacité que leurs promoteurs pouvaient souhaiter en les organisant.
Je commencerai par une remarque préalable : elle a trait aux négociations internationales en cours ou à venir qui peuvent mettre en péril la totalité de la politique culturelle et audiovisuelle européenne et son avenir. Dans quelques semaines, les négociateurs de l'Accord multilatéral sur les investissements se réuniront dans le cadre de l'OCDE . Il avait été prévu à l'origine que cette réunion marque l'aboutissement des négociations. Même si les divergences sont encore trop fortes pour qu'une conclusion puisse intervenir, il nous faut rester d'une très grande fermeté sur la nécessité de préserver la politique culturelle et audiovisuelle européenne, et notre conception du droit d'auteur. Nous ne devons surtout pas relâcher notre vigilance : le même danger peut prendre plusieurs formes : négociations OMC 2000 ou projet de traité de libre échange transatlantique. A ce propos, je tiens à réaffirmer très nettement que le gouvernement français s'opposera à ce que la commission se voie confier un mandat de négociation au nom de l'ensemble des Etats membres.
J'en viens maintenant à quelques propositions qui devraient permettre de répondre aux nouveaux enjeux qui rendent indispensable le renforcement de notre politique audiovisuelle commune.
Ma première proposition, qui se situe en amont de toutes les autres et sans laquelle celles-ci se révéleraient vaines, a trait au niveau de financement que l'Europe est prête à s'accorder pour accompagner l'une des industries qui connaît le développement le plus rapide, créateur d'emplois, de richesses et fédérateur de l'identité culturelle européenne. Nous ne pouvons nous contenter d'un budget audiovisuel réduit à 0,06 % du budget de l'Union européenne. Il ne sert à rien de parler de volonté politique sans se donner les moyens de la traduire dans les faits.
Mais pour quoi faire ? Il ressort clairement de ces Assises qu'il est indispensable de soutenir la production audiovisuelle et cinématographique européenne. La multiplication des canaux de diffusion doit s'accompagner d'un accroissement très fort du nombre des oeuvres européennes sous peine de bloquer le développement de ces nouvelles chaînes ou de n'y voir que des programmes américains. Nous avons donc besoin de favoriser la production d'oeuvres dans tous les pays européens. Il est certes des mécanismes de soutien qui relèvent directement des Etats membres, mais l'Europe peut inciter les Etats membres à se doter d'instruments de soutien ; elle peut aussi faciliter la circulation des oeuvres à l'intérieur de l'Union. Dans le domaine cinématographique, le programme Europa cinéma a démontré qu'il existait un marché pour les oeuvres européennes non nationales. Sa réussite a aussi montré l'ampleur des besoins et donc la nécessité d'accroître son financement. Nous pouvons imaginer un instrument reposant sur une logique similaire afin d'assurer la diffusion d'oeuvres audiovisuelles européennes non nationales dans chacun des pays membres. On peut regretter que dans l'ensemble des pays, les téléspectateurs ne puissent pas avoir accès à des oeuvres produites dans d'autres états européens. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur la diffusion par satellite pour permettre aux citoyens européens de regarder des programmes d'autres pays membres. Mais il faut une politique volontariste pour atteindre cet objectif essentiel à la construction européenne.
Je proposerais ainsi que soit mise en place une incitation pour les diffuseurs européens à la programmation d'oeuvres télévisuelles provenant de quatorze autres pays.. Cette incitation pourrait prendre la forme d'une prise en charge d'une partie des droits de diffusion par le budget communautaire et d'une aide au doublage ou au sous-titrage. Ce mécanisme serait peu coûteux, mais symboliquement très important. J'attire votre attention sur le fait qu'il favoriserait les productions des petits pays. Il aurait un autre intérêt : une des difficultés des producteurs européens est en effet la faible rentabilité de leurs oeuvres en raison de l'étroitesse de leur marché naturel. En élargissant ce marché à l'ensemble de l'Europe, nous leur permettrions de trouver de nouvelles ressources et de les réinvestir dans de nouvelles productions. Ceci participe au soutien indirect à la production, de même que la création d'un second marché qui a pu être évoquée dans le groupe de travail consacré à la réglementation.
Une deuxième proposition mérite d'être étudiée. Dans la construction de notre politique européenne en faveur de l'audiovisuel, nous nous sommes toujours heurtés à deux obstacles : la règle de l'unanimité qui nous empêche de mettre en uvre le Fonds de garantie, proposition qui avait été adoptée à l'issue des dernières Assises, voulu par une majorité des pays membres ; le deuxième obstacle réside dans les divergences très fortes entre les différents systèmes nationaux de soutien.
Je trouve donc très intéressante la démarche du Club européen des producteurs qui propose que dans le cadre d'une coopération renforcée, les systèmes d'aide automatique des pays volontaires soient ouverts à la totalité des oeuvres produites ou coproduites par l'un de ces pays. Dans ce cadre, la Commission pourrait avoir un rôle incitatif en prenant à sa charge une partie du surcoût pour les pays concernés. Une fois encore, ce système serait peu coûteux mais favoriserait directement la production. Le développement des nouvelles technologies ne servira à rien s'il ne correspond pas pour les téléspectateurs à une offre plus riche et plus diversifiée d'oeuvres de qualité. Dans un premier temps, ce mécanisme ne concernerait qu'un nombre restreint de pays. Mais cette proposition n'a de sens que si elle se double d'une incitation communautaire pour les pays à se doter de systèmes de soutien automatique, ce qui leur permettrait de rejoindre à leur tour le groupe des pionniers.
Ces Assises ont aussi été l'occasion d'entendre les positions de chacun sur la convergence. Dans son livre vert la Commission proposait trois options. Il me semble qu'il se dégage une très nette majorité en faveur d'une position intermédiaire entre les deux premières options proposées par la Commission, c'est-à-dire qu'il paraît souhaitable d'étoffer le cadre réglementaire existant pour l'étendre et pour l'adapter aux particularités des nouveaux services, il ne serait créé, au terme de la période de transition, de nouvelles réglementations pour les nouveaux services que pour autant que cela s'avérerait indispensable. Il ressort aussi clairement de ces Assises qu'il n'est nullement nécessaire de " déréguler ", de supprimer toute réglementation pour favoriser le développement du secteur. Au contraire, de nombreux participants ont insisté sur la nécessité de la réglementation, d'une part pour assurer que le développement des nouveaux services se fasse dans un cadre de concurrence saine, et d'autre part pour garantir que l'ensemble des citoyens bénéficiera des progrès technologiques. Je ne pense pas qu'il faille opposer les " Modernes " déréglementaristes et les " Anciens ", partisans du maintien de règles à tout prix.. La modernité c'est de reconnaître que dans une économie de marché, il faut des règles permettant à celui-ci de se développer de manière équitable pour tous. Je suis tout à fait favorable au jeu de la concurrence, mais ce que je revendique, c'est un droit égal pour tous à la compétitivité.
Je rappellerai que les questions que nous amène à nous poser la convergence technologique des plates-formes et, éventuellement des terminaux, ne doivent pas nous conduire à confondre les contenants et les contenus. J'en profite pour dire qu'il me semble essentiel de ne pas perdre la maîtrise de nos réseaux de distribution, qu'il s'agisse des réseaux de salles, des câblo-opérateurs ou des opérateurs satellitaires.
Les enjeux culturels et sociaux de la convergence sont grands et exigent une implication des états membres, de la Commission et du Parlement. Ils sont de plusieurs natures : en termes d'aide à la création et à la production de contenus, il serait souhaitable de renforcer et de donner plus d'ampleur au Fond d'aide multimédia ; en termes d'accès aux contenus, l'Union européenne doit pouvoir développer ses programmes de recherche et le développement sur les logiciels de moteurs de recherche et de filtrage, dont la composante culturelle est essentielle ; en termes de formation, il me semble crucial d'intégrer dans nos cadres nationaux et européens de formation initiale comme de formation continue des programmes initiant à ces nouveaux moyens d'accès à l'information et à la connaissance, au risque de creuser les inégalités sociales et de créer de nouvelles formes d'illettrisme. Enfin, en termes sociologiques, nous devons réfléchir aux nouvelles formes de travail qu'implique la convergence, qui va sans doute modifier les frontières classiques travail/formation/loisirs. L'approche technique et réglementaire qui est celle du Livre vert doit être complétée par une approche culturelle et sociale. C'est au prix de cet effort que la société de l'information ne sera pas une société à deux vitesses, dans laquelle
il y aurait des privilégiés et des défavorisés de l'information.
Il est notamment indispensable de conduire conjointement une réflexion sur la création de services liés à la société de l'information au niveau européen : la construction européenne se fera aussi par la création de nouveaux services, et la mise en réseau de services existants. Ainsi, nous devons rattraper notre retard en ce qui concerne la mise en réseau des bibliothèques européennes. Nous devons également développer la coopération entre les cinémathèques, archives du film et médiathèques nationales afin qu'un programme concerté de numérisation et de mise en catalogue multimédia permette la plus large circulation de notre patrimoine commun.
Je pense aussi que nous devons avoir une stratégie européenne pour le développement de l'industrie de l'audiovisuel et du multimédia. Il est paradoxal que nous n'utilisions pas mieux les outils fabuleux de connaissance que sont la télévision et le multimédia pour développer le sentiment d'appartenance à une même communauté tout en préservant la diversité culturelle et linguistique. Les banques de données et les réseaux d'échange d'images nous offrent des opportunités sans précédent pour améliorer notre connaissance mutuelle.
Les services de la société de l'information se développent certes sur ce que l'on a appelé il y a quelques années les " autoroutes de l'information ". Mais ils répondent à deux régimes économiques et réglementaires différents : celui qui concerne les contenus et celui qui concerne leurs moyens de transport. Leur distinction doit être maintenue. Je me permettrais de filer la métaphore et de rappeler que sur toute autoroute il faut respecter un ensemble de règles communes à tous les utilisateurs. Ceci m'amène à insister sur la responsabilité politique que nous avons : il est de notre devoir de veiller à ce que chaque citoyen ait un accès égal à l'information, clé de voûte de la société dans laquelle nous vivons.
Et ceci donne une nouvelle légitimité au service public de télévision. En effet, il est le garant de la pluralité de l'information et du pluralisme de l'expression des courants socio-culturels qui sont le creuset de la démocratie. Le service public n'est nullement un obstacle à la concurrence ; il est au contraire un facteurr d'équilibre du marché et la BBC le démontre chaque jour. Il y a assez de place sur le marché pour que se développent avec leurs spécificités le service public et les chaînes privées. I am very grateful to M. Murdoch who criticized violently the BBC thus proving that it is a true competitor for him. In fact, nobody wants to fight against a no-future body but only against a very lively one. This is really competition and it shows that there is a strong need for a public service television and radio. More than ever markets are creating new audiences. Public television is a new idea in Europe.
Je crois non seulement que le service public doit être une référence mais aussi qu'il doit être à l'avant-garde du développement de nouveaux services. Il appartient à chaque Etat de déterminer en fonction de sa situation propre les nouvelles missions que doit remplir son service public. La Commission européenne, pour sa part, doit prendre tout la mesure de cet enjeu nullement contradictoire avec le développement de services privés.
Mesdames et Messieurs, dans quelques mois l'Union européenne va connaître une étape décisive de son évolution avec la mise en place de l'Euro. L'intégration monétaire permettra de démultiplier nos échanges, de renforcer et de stabiliser notre marché. D'ores et déjà notre région du monde apparaît comme une zone favorable aux investissements. Pour le secteur audiovisuel qui connaît une mutation profonde et dont l'économie implique une part de risque, ce nouveau contexte financier sera favorable à un investissement développé dans une activité en progression rapide et fortement pourvoyeuse d'emplois
De plus la perspective de l'élargissement nous oblige à anticiper une Union composée de 500 millions de citoyens qui participeront à l'évolution de la société de l'information avec leurs attentes socio-économiques et culturelles.
Notre défi pour le prochain millénaire ne sera pas seulement de réussir une intégration économique et politique élargie aux nouveaux entrants mais de développer aussi par le partage de nos cultures une véritable appartenance à l'Europe. Réussir ce défi est une ardente obligation si nous voulons aborder la mondialisation de manière offensive et bénéfique et non en laissant se développer les peurs et les replis nationaux.
C'est donc le moment de prendre une décision forte et ambitieuse en transformant Média II en un véritable programme-cadre prérenne et doté de moyens budgétaires augmentés intégrant les propositions les plus pertinentes qui ont surgi de ces Assises ; il devrait notamment intégrer celles que je viens de rappeler à l'instant en l'ouvrant également et plus largement au multimédia. Nous avons quelques mois d'ici l'an 2000, date de mise en uvre de Média III, pour engager la Commission à explorer au fond ces propositions, élaborer tous les éléments de ce programme et mettre en place une régulation adaptée selon ces recommandations. Pour y réussir nous avons besoin d'une motivation forte de tous les Etats mais aussi de l'engagement de tous les acteurs publics et privés. Cette démarche, si elle adoptée, sera notre meilleur atout au moment de la reprise des discussions du GATT. C'est dans cette perspective et en nous invitant à un travail redoublé que je conclu mon propos.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 octobre 2001)
Je te remercie également, Cher Chris, de m'avoir invitée à clôturer ces journées. C'est pour moi un grand honneur, mais c'est aussi une tâche extrêmement difficile que d'avoir à m'exprimer après tant de contributions si variées. Je n'ai malheureusement pas pu assister à la totalité de vos travaux mais j'en ai eu un compte-rendu très détaillé.
La tenue même de ces assises est particulièrement importante : elles sont l'image de la volonté de mettre en place une politique audiovisuelle européenne renforcée, adaptée aux nouveaux enjeux. Nous avions un peu l'impression que l'Europe audiovisuelle et culturelle était en panne ; ces assises semblent marquer son renouveau, si l'on en croit la richesse des propositions qui ont peut être avancées. Il s'agit maintenant de ne pas décevoir, et de transformer l'essai : la balle est dans le camp des politiques. Nous devons donner vie à ces propositions, en nous accordant des moyens réels, y compris financiers, de les mettre en uvre. J'attends. des professionnels de tous pays qu'ils relayent auprès de leurs gouvernements respectifs la volonté qui s'est fait jour de soutenir efficacement notre industrie audiovisuelle. Et quand je parle de notre industrie, je parle de l'industrie de tous les pays européens, qu'elle existe déjà, qu'elle soit à créer ou à développer.
Nous devons aujourd'hui avancer résolument dans la voie de l'intégration de notre industrie culturelle, notamment de la production qu'il s'agisse d'oeuvres audiovisuelles ou d'oeuvres cinématographiques. C'est bien au niveau de la production que se prennent les risques financiers majeurs, c'est donc au moment de la production qu'il faut favoriser et soutenir la prise de risques. Il faut aussi le faire au niveau de la distribution, bien sûr, mais je rappellerais qu'il n'y a de distribution que de films préalablement produits. Les enjeux de cette intégration sont évidemment d'ordre économique mais aussi d'ordre culturel et social.
Il est vraiment essentiel que face aux bouleversements technologiques les Européens aient une réflexion commune, et que nous décidions ensemble des meilleurs moyens de tirer profit de ces progrès, dans l'intérêt de tous les citoyens des Etats membres. Car c'est bien l'intérêt de tous les citoyens des Etats membres. Car c'est bien l'intérêt du public, citoyen et consommateur, qui doit nous guider. Et son intérêt, c'est d'avoir accès à l'offre de programmes audiovisuels et cinématographiques la plus variée et la plus riche, reflétant la diversité culturelle et la pluralité linguistique qui constituent les premières richesses de l'Europe. Tous les pays doivent y participer, car l'apport de chacun est essentiel. La défense de l'exception culturelle, c'est avant tout la défense du pluralisme, de la diversité et de l'ouverture sur les autres ; sur ce terrain, l'Europe doit être un modèle.
Comment pouvons-nous atteindre cet objectif ? Je sais que des voies très différentes ont été évoquées au cours des deux derniers jours. Je vais présenter les quelques pistes qui me semblent devoir être prioritairement approfondies et étudiées par la Commission européenne pour donner à ces Assises le rayonnement et l'efficacité que leurs promoteurs pouvaient souhaiter en les organisant.
Je commencerai par une remarque préalable : elle a trait aux négociations internationales en cours ou à venir qui peuvent mettre en péril la totalité de la politique culturelle et audiovisuelle européenne et son avenir. Dans quelques semaines, les négociateurs de l'Accord multilatéral sur les investissements se réuniront dans le cadre de l'OCDE . Il avait été prévu à l'origine que cette réunion marque l'aboutissement des négociations. Même si les divergences sont encore trop fortes pour qu'une conclusion puisse intervenir, il nous faut rester d'une très grande fermeté sur la nécessité de préserver la politique culturelle et audiovisuelle européenne, et notre conception du droit d'auteur. Nous ne devons surtout pas relâcher notre vigilance : le même danger peut prendre plusieurs formes : négociations OMC 2000 ou projet de traité de libre échange transatlantique. A ce propos, je tiens à réaffirmer très nettement que le gouvernement français s'opposera à ce que la commission se voie confier un mandat de négociation au nom de l'ensemble des Etats membres.
J'en viens maintenant à quelques propositions qui devraient permettre de répondre aux nouveaux enjeux qui rendent indispensable le renforcement de notre politique audiovisuelle commune.
Ma première proposition, qui se situe en amont de toutes les autres et sans laquelle celles-ci se révéleraient vaines, a trait au niveau de financement que l'Europe est prête à s'accorder pour accompagner l'une des industries qui connaît le développement le plus rapide, créateur d'emplois, de richesses et fédérateur de l'identité culturelle européenne. Nous ne pouvons nous contenter d'un budget audiovisuel réduit à 0,06 % du budget de l'Union européenne. Il ne sert à rien de parler de volonté politique sans se donner les moyens de la traduire dans les faits.
Mais pour quoi faire ? Il ressort clairement de ces Assises qu'il est indispensable de soutenir la production audiovisuelle et cinématographique européenne. La multiplication des canaux de diffusion doit s'accompagner d'un accroissement très fort du nombre des oeuvres européennes sous peine de bloquer le développement de ces nouvelles chaînes ou de n'y voir que des programmes américains. Nous avons donc besoin de favoriser la production d'oeuvres dans tous les pays européens. Il est certes des mécanismes de soutien qui relèvent directement des Etats membres, mais l'Europe peut inciter les Etats membres à se doter d'instruments de soutien ; elle peut aussi faciliter la circulation des oeuvres à l'intérieur de l'Union. Dans le domaine cinématographique, le programme Europa cinéma a démontré qu'il existait un marché pour les oeuvres européennes non nationales. Sa réussite a aussi montré l'ampleur des besoins et donc la nécessité d'accroître son financement. Nous pouvons imaginer un instrument reposant sur une logique similaire afin d'assurer la diffusion d'oeuvres audiovisuelles européennes non nationales dans chacun des pays membres. On peut regretter que dans l'ensemble des pays, les téléspectateurs ne puissent pas avoir accès à des oeuvres produites dans d'autres états européens. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur la diffusion par satellite pour permettre aux citoyens européens de regarder des programmes d'autres pays membres. Mais il faut une politique volontariste pour atteindre cet objectif essentiel à la construction européenne.
Je proposerais ainsi que soit mise en place une incitation pour les diffuseurs européens à la programmation d'oeuvres télévisuelles provenant de quatorze autres pays.. Cette incitation pourrait prendre la forme d'une prise en charge d'une partie des droits de diffusion par le budget communautaire et d'une aide au doublage ou au sous-titrage. Ce mécanisme serait peu coûteux, mais symboliquement très important. J'attire votre attention sur le fait qu'il favoriserait les productions des petits pays. Il aurait un autre intérêt : une des difficultés des producteurs européens est en effet la faible rentabilité de leurs oeuvres en raison de l'étroitesse de leur marché naturel. En élargissant ce marché à l'ensemble de l'Europe, nous leur permettrions de trouver de nouvelles ressources et de les réinvestir dans de nouvelles productions. Ceci participe au soutien indirect à la production, de même que la création d'un second marché qui a pu être évoquée dans le groupe de travail consacré à la réglementation.
Une deuxième proposition mérite d'être étudiée. Dans la construction de notre politique européenne en faveur de l'audiovisuel, nous nous sommes toujours heurtés à deux obstacles : la règle de l'unanimité qui nous empêche de mettre en uvre le Fonds de garantie, proposition qui avait été adoptée à l'issue des dernières Assises, voulu par une majorité des pays membres ; le deuxième obstacle réside dans les divergences très fortes entre les différents systèmes nationaux de soutien.
Je trouve donc très intéressante la démarche du Club européen des producteurs qui propose que dans le cadre d'une coopération renforcée, les systèmes d'aide automatique des pays volontaires soient ouverts à la totalité des oeuvres produites ou coproduites par l'un de ces pays. Dans ce cadre, la Commission pourrait avoir un rôle incitatif en prenant à sa charge une partie du surcoût pour les pays concernés. Une fois encore, ce système serait peu coûteux mais favoriserait directement la production. Le développement des nouvelles technologies ne servira à rien s'il ne correspond pas pour les téléspectateurs à une offre plus riche et plus diversifiée d'oeuvres de qualité. Dans un premier temps, ce mécanisme ne concernerait qu'un nombre restreint de pays. Mais cette proposition n'a de sens que si elle se double d'une incitation communautaire pour les pays à se doter de systèmes de soutien automatique, ce qui leur permettrait de rejoindre à leur tour le groupe des pionniers.
Ces Assises ont aussi été l'occasion d'entendre les positions de chacun sur la convergence. Dans son livre vert la Commission proposait trois options. Il me semble qu'il se dégage une très nette majorité en faveur d'une position intermédiaire entre les deux premières options proposées par la Commission, c'est-à-dire qu'il paraît souhaitable d'étoffer le cadre réglementaire existant pour l'étendre et pour l'adapter aux particularités des nouveaux services, il ne serait créé, au terme de la période de transition, de nouvelles réglementations pour les nouveaux services que pour autant que cela s'avérerait indispensable. Il ressort aussi clairement de ces Assises qu'il n'est nullement nécessaire de " déréguler ", de supprimer toute réglementation pour favoriser le développement du secteur. Au contraire, de nombreux participants ont insisté sur la nécessité de la réglementation, d'une part pour assurer que le développement des nouveaux services se fasse dans un cadre de concurrence saine, et d'autre part pour garantir que l'ensemble des citoyens bénéficiera des progrès technologiques. Je ne pense pas qu'il faille opposer les " Modernes " déréglementaristes et les " Anciens ", partisans du maintien de règles à tout prix.. La modernité c'est de reconnaître que dans une économie de marché, il faut des règles permettant à celui-ci de se développer de manière équitable pour tous. Je suis tout à fait favorable au jeu de la concurrence, mais ce que je revendique, c'est un droit égal pour tous à la compétitivité.
Je rappellerai que les questions que nous amène à nous poser la convergence technologique des plates-formes et, éventuellement des terminaux, ne doivent pas nous conduire à confondre les contenants et les contenus. J'en profite pour dire qu'il me semble essentiel de ne pas perdre la maîtrise de nos réseaux de distribution, qu'il s'agisse des réseaux de salles, des câblo-opérateurs ou des opérateurs satellitaires.
Les enjeux culturels et sociaux de la convergence sont grands et exigent une implication des états membres, de la Commission et du Parlement. Ils sont de plusieurs natures : en termes d'aide à la création et à la production de contenus, il serait souhaitable de renforcer et de donner plus d'ampleur au Fond d'aide multimédia ; en termes d'accès aux contenus, l'Union européenne doit pouvoir développer ses programmes de recherche et le développement sur les logiciels de moteurs de recherche et de filtrage, dont la composante culturelle est essentielle ; en termes de formation, il me semble crucial d'intégrer dans nos cadres nationaux et européens de formation initiale comme de formation continue des programmes initiant à ces nouveaux moyens d'accès à l'information et à la connaissance, au risque de creuser les inégalités sociales et de créer de nouvelles formes d'illettrisme. Enfin, en termes sociologiques, nous devons réfléchir aux nouvelles formes de travail qu'implique la convergence, qui va sans doute modifier les frontières classiques travail/formation/loisirs. L'approche technique et réglementaire qui est celle du Livre vert doit être complétée par une approche culturelle et sociale. C'est au prix de cet effort que la société de l'information ne sera pas une société à deux vitesses, dans laquelle
il y aurait des privilégiés et des défavorisés de l'information.
Il est notamment indispensable de conduire conjointement une réflexion sur la création de services liés à la société de l'information au niveau européen : la construction européenne se fera aussi par la création de nouveaux services, et la mise en réseau de services existants. Ainsi, nous devons rattraper notre retard en ce qui concerne la mise en réseau des bibliothèques européennes. Nous devons également développer la coopération entre les cinémathèques, archives du film et médiathèques nationales afin qu'un programme concerté de numérisation et de mise en catalogue multimédia permette la plus large circulation de notre patrimoine commun.
Je pense aussi que nous devons avoir une stratégie européenne pour le développement de l'industrie de l'audiovisuel et du multimédia. Il est paradoxal que nous n'utilisions pas mieux les outils fabuleux de connaissance que sont la télévision et le multimédia pour développer le sentiment d'appartenance à une même communauté tout en préservant la diversité culturelle et linguistique. Les banques de données et les réseaux d'échange d'images nous offrent des opportunités sans précédent pour améliorer notre connaissance mutuelle.
Les services de la société de l'information se développent certes sur ce que l'on a appelé il y a quelques années les " autoroutes de l'information ". Mais ils répondent à deux régimes économiques et réglementaires différents : celui qui concerne les contenus et celui qui concerne leurs moyens de transport. Leur distinction doit être maintenue. Je me permettrais de filer la métaphore et de rappeler que sur toute autoroute il faut respecter un ensemble de règles communes à tous les utilisateurs. Ceci m'amène à insister sur la responsabilité politique que nous avons : il est de notre devoir de veiller à ce que chaque citoyen ait un accès égal à l'information, clé de voûte de la société dans laquelle nous vivons.
Et ceci donne une nouvelle légitimité au service public de télévision. En effet, il est le garant de la pluralité de l'information et du pluralisme de l'expression des courants socio-culturels qui sont le creuset de la démocratie. Le service public n'est nullement un obstacle à la concurrence ; il est au contraire un facteurr d'équilibre du marché et la BBC le démontre chaque jour. Il y a assez de place sur le marché pour que se développent avec leurs spécificités le service public et les chaînes privées. I am very grateful to M. Murdoch who criticized violently the BBC thus proving that it is a true competitor for him. In fact, nobody wants to fight against a no-future body but only against a very lively one. This is really competition and it shows that there is a strong need for a public service television and radio. More than ever markets are creating new audiences. Public television is a new idea in Europe.
Je crois non seulement que le service public doit être une référence mais aussi qu'il doit être à l'avant-garde du développement de nouveaux services. Il appartient à chaque Etat de déterminer en fonction de sa situation propre les nouvelles missions que doit remplir son service public. La Commission européenne, pour sa part, doit prendre tout la mesure de cet enjeu nullement contradictoire avec le développement de services privés.
Mesdames et Messieurs, dans quelques mois l'Union européenne va connaître une étape décisive de son évolution avec la mise en place de l'Euro. L'intégration monétaire permettra de démultiplier nos échanges, de renforcer et de stabiliser notre marché. D'ores et déjà notre région du monde apparaît comme une zone favorable aux investissements. Pour le secteur audiovisuel qui connaît une mutation profonde et dont l'économie implique une part de risque, ce nouveau contexte financier sera favorable à un investissement développé dans une activité en progression rapide et fortement pourvoyeuse d'emplois
De plus la perspective de l'élargissement nous oblige à anticiper une Union composée de 500 millions de citoyens qui participeront à l'évolution de la société de l'information avec leurs attentes socio-économiques et culturelles.
Notre défi pour le prochain millénaire ne sera pas seulement de réussir une intégration économique et politique élargie aux nouveaux entrants mais de développer aussi par le partage de nos cultures une véritable appartenance à l'Europe. Réussir ce défi est une ardente obligation si nous voulons aborder la mondialisation de manière offensive et bénéfique et non en laissant se développer les peurs et les replis nationaux.
C'est donc le moment de prendre une décision forte et ambitieuse en transformant Média II en un véritable programme-cadre prérenne et doté de moyens budgétaires augmentés intégrant les propositions les plus pertinentes qui ont surgi de ces Assises ; il devrait notamment intégrer celles que je viens de rappeler à l'instant en l'ouvrant également et plus largement au multimédia. Nous avons quelques mois d'ici l'an 2000, date de mise en uvre de Média III, pour engager la Commission à explorer au fond ces propositions, élaborer tous les éléments de ce programme et mettre en place une régulation adaptée selon ces recommandations. Pour y réussir nous avons besoin d'une motivation forte de tous les Etats mais aussi de l'engagement de tous les acteurs publics et privés. Cette démarche, si elle adoptée, sera notre meilleur atout au moment de la reprise des discussions du GATT. C'est dans cette perspective et en nous invitant à un travail redoublé que je conclu mon propos.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 octobre 2001)