Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur l'industrie du bâtiment, sur les mesures en faveur du logement, de l'accession à la propriété et de la sécurité de l'acquéreur, sur la réforme du permis de construire, sur la formation professionnelle, Paris le 21 mars 2003.

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Circonstance : Conseil d'Administration de la Fédération Française du Bâtiment à Paris le 21 mars 2003

Texte intégral


Monsieur le Président,
Je tiens d'abord à vous remercier de votre accueil, ainsi que de vos propos. Sans masquer les difficultés, ils m'assurent que, dans les mois à venir, nous pourrons mener de concert des actions conjointes qui soient bénéfiques pour votre secteur, donc pour le pays.
C'est un vrai plaisir pour moi d'avoir ce premier contact avec l'ensemble des présidents des fédérations régionales et départementales qui représentent le secteur du bâtiment, dans sa diversité géographique et sa diversité de métiers.
Comme ministre de l'Équipement et du Logement, je considère votre fédération comme un de mes tout premiers partenaires. Vous représentez un poids considérable dans l'économie française, vous êtes l'un des principaux employeurs de notre pays.
Grâce à votre professionnalisme, à l'insertion de vos entreprises au coeur de nos régions, vous contribuez non seulement à l'amélioration de la qualité de l'habitat dans notre pays et donc de la qualité de vie de nos concitoyens, mais aussi au développement économique local et à l'aménagement du territoire.
Enfin, et je n'insisterai pas car qui ne le sait pas, le secteur du bâtiment constitue l'un des fleurons de nos exportations dans le monde entier, source de rayonnement mais aussi et surtout de devises pour notre balance des paiements.
J'essaierai maintenant, Monsieur le président, de répondre à vos questions avec la même simplicité et la même franchise que vous avez eus dans votre discours.
Comme vous le savez, le gouvernement s'est vu contraint, dans le contexte européen et international que vous connaissez, de geler, voire d'annuler, des crédits budgétaires. Cette mesure affecte, de manière horizontale, les budgets des différents ministères.
En ce qui concerne le logement, les aides à la pierre sont concernées, à l'exception du prêt à 0%, dont le budget est intégralement préservé.
Il faut que la mobilisation de tous les acteurs au niveau local permette, même avec des moyens légèrement atténués, d'amortir les effets sur l'activité grâce à une mise en oeuvre plus rapide des programmes. J'ajoute que mon collègue Jean-Louis BORLOO a tout mon soutien dans le vaste programme de renouvellement urbain qu'il a engagé dans les quartiers en difficulté.
Déjà, des projets sont à l'étude et je ne doute pas que vos adhérents sauront, sans délai, emboîter le pas des élus locaux, des maîtres d'ouvrage HLM et également de l'Association Foncière. Soyez assurés que, pour ma part, je défendrai avec détermination le secteur de la construction dans toutes ses composantes, notamment à l'occasion des négociations qui vont s'ouvrir pour l'élaboration du budget 2004.
La prolongation de la TVA à 5,5 % au-delà du 30 décembre 2003 est un sujet difficile qui dépend de l'accord unanime de tous les États-membres de l'Union européenne.
Le gouvernement, je puis vous le dire avec un peu de solennité, fera tout pour obtenir cette prolongation. C'est, en effet une excellente mesure.
D'abord pour nos concitoyens qui ont pu améliorer leurs logements qu'ils l'occupent ou qu'ils le louent, grâce à ce dispositif incitatif avantageux, mais surtout simple sur le plan administratif.
C'est aussi une excellente mesure pour l'activité de votre secteur, et donc pour notre économie nationale, en termes de chiffre d'affaires, d'emploi et aussi, j'en suis convaincu, de moralisation par rapport à la concurrence de l'économie souterraine.
Nous devons donc joindre nos efforts pour obtenir la prorogation ou pérennité de ce dispositif. Vous pouvez nous aider par votre rôle de persuasion auprès des fédérations professionnelles étrangères.
Si, par malheur, nous échouions, vous me trouveriez naturellement prêt à examiner toutes les mesures compensatoires qui s'imposeront alors.
Sur l'accession à la propriété, vos inquiétudes sont superflues. Car s'il y a bien un ministre convaincu de relancer l'accession sociale à la propriété, c'est bien moi.
Et pour cinq raisons très simples :
1. dans le domaine de l'accession à la propriété, la France est en retard sur ses voisins : en Espagne par exemple environ 80 % des ménages sont propriétaires de leurs logements et en France seulement 56 % ;
2. l'accession à la propriété, c'est permettre à des ménages même modestes de pouvoir comme d'autres familles plus aisées réaliser un rêve qui est d'avoir sa maison ou son appartement, et de se sentir ainsi maître de son cadre de vie ;
3. l'accession à la propriété permet aussi d'utiliser cette aspiration qui est majoritairement partagée par tous les Français comme le meilleur moyen pour augmenter l'offre de logements supplémentaires à créer chaque année. Celui qui devient accédant libère ainsi un logement locatif ;
4. l'accession aura aussi pour avantage que les accédants seront des retraités plus aisés, un retraité propriétaire aura ainsi moins de charges à payer ;
5. Enfin une France de propriétaire pourrait être une aide à la cohésion sociale.
Les propriétaires s'approprient plus durablement leur quartier.
Car je considère qu'on ne construit pas assez en France aujourd'hui. Nous prenons du retard et nous préparons, si l'on n'agit pas rapidement, une crise générale du logement.
Nous devons agir sans tarder sur toute la chaîne du logement.
C'est pourquoi, à côté de l'accession à la propriété, du logement locatif social, il faut aussi encourager l'investissement locatif privé. Je l'ai déjà dit: le dispositif Besson, malgré un certain succès, n'est pas utilisable dans les zones les plus tendues, en Île-de-France et dans les grandes agglomérations, là où précisément le besoin de locatif est le plus important, car c'est souvent la condition du développement de l'emploi local. Je ne vous ferai pas de grande annonce aujourd'hui mais, croyez-moi, je travaille et j'avance. Votre attente ne sera ni longue ni déçue...
Vous avez par ailleurs évoqué, Monsieur le Président, l'idée d'un diagnostic global obligatoire pour les logements existants, qui devrait être fourni au moment de la vente.
C'est une excellente idée et j'entends la plupart des partenaires du monde du logement y être favorables. Nous devons avancer ensemble sur ce sujet.
Il nous faut d'abord rassembler en un seul document et simplifier les multiples obligations existantes qui se sont sédimentés ces dernières années sans véritable coordination tant dans le champ que dans les procédures : surface, amiante, accessibilité au plomb, termites, plus récemment gaz et risques naturels ou technologiques.
Il s'agit donc de simplifier la tâche de nos concitoyens, tant les vendeurs de logements que les acquéreurs non professionnels.
Faut-il aller plus loin pour instaurer un diagnostic plus global qui prenne en compte d'autres risques, d'autres problèmes potentiels, sanitaires ou sécuritaires ?
Cela ne va pas totalement de soi. Dans le cadre de la préparation de la loi "Habitat" (qui changera de nom d'ici à l'automne) nous venons d'engager la concertation, les premiers avis recueillis ne sont pas unanimes.
Pour ma part il me semble important de concilier protection de l'acquéreur et non déresponsabilisation des acteurs.
Nous sommes également saisis de quelques difficultés concernant les relations entre constructeurs et sous traitants dans le secteur de la maison individuelle.
Cela va prochainement faire l'objet d'une concertation pour trouver ensemble des solutions.
Je partage votre souci d'améliorer les mesures qui permettent de lutter contre les recours abusifs. Dans l'esprit du Gouvernement, il ne peut évidemment pas s'agir de limiter la possibilité dont disposent les citoyens de faire appel aux tribunaux lorsqu'ils sont en conflit avec une collectivité. Il s'agit d'un droit fondamental protégé par la convention européenne des droits de l'homme.
Mais ce droit fondamental ne doit pas être dévoyé. Il n'est pas tolérable de voir certains spécialistes attaquer systématiquement toutes les décisions même lorsqu'elles sont parfaitement légales dans le seul but de retarder ou d'empêcher les opérations, voire de négocier un retrait.
Les textes existants permettent de sanctionner ce type de recours abusif. On peut regretter, et je conçois parfaitement que les professionnels regrettent, que ces textes soient insuffisamment appliqués.
J'ai demandé à mes services en liaison avec ceux de la chancellerie de se tenir à la disposition des collectivités et des professionnels pour les aider à faire échec à ce type de pratiques abusives."
Par ailleurs dans le cadre de la réforme du permis de construire, je proposerai de modifier les règles de caducité pour rouvrir le délai de validité du permis à l'issue du procès. Cette mesure devrait faire perdre leur efficacité à de très nombreux recours abusifs et donc les limiter voir même les décourager.
Je voudrais aussi dire quelques mots sur le plan social.
Je connais les difficultés de recrutement de main d'oeuvre qualifiée que les entreprises du bâtiment éprouvent, depuis 2000. Certes, cette tendance est, depuis octobre dernier, plutôt à la baisse, mais il nous faut rester très vigilant.
D'ici 2010, c'est près de 27 % de vos collaborateurs qui partiront à la retraite.
Le défi à relever est donc énorme. Les 200 000 jeunes qui suivent chaque année une formation initiale aux métiers de la construction ne suffiront pas à satisfaire les besoins. Nous le savons parfaitement.
Face à ces enjeux les actions en faveur des jeunes m'apparaissent primordiales. J'apprécie que vous vous soyez fortement mobilisés, depuis trois ans, pour sensibiliser les chefs d'entreprise sur la nécessité d'améliorer leurs pratiques d'accueil et d'intégration des jeunes en entreprise.
L'opération "Coup de jeune au bâtiment" prendra un nouvel élan avec la journée "Les coulisses du bâtiment" destinée à faire découvrir aux jeunes les métiers du bâtiment et la réalité des chantiers, le 14 juin prochain.
De même, la mise en oeuvre du titre de "Maître d'apprentissage confirmé", qui contribue à rendre cette fonction plus attractive, ainsi que pour la mise en place du "Certificat de maîtrise professionnelle" valorisera le parcours professionnel des jeunes qualifiés.
Je suis convaincu que c'est avec des mesures aussi concrètes que vos entreprises parviendront à recruter et à fidéliser les jeunes dont elles ont et auront impérieusement besoin.
En matière de qualification professionnelle, les négociations sur la modernisation des conventions collectives du bâtiment devraient normalement aboutir sur des mesures qui revaloriseront l'exercice de vos métiers et amélioreront la situation de vos salariés.
Je constate avec satisfaction que votre profession est, dans ce domaine de la formation professionnelle initiale et continue, une des plus actives et des mieux structurées comparativement à d'autres branches professionnelles.
Je souhaite que la réouverture tant attendue des négociations interprofessionnelles sur la formation professionnelle, conduite par votre prédécesseur, M. Alain SIONNEAU, que je salue, permette de trouver rapidement une solution aux questions techniques, juridiques et financières, qui se posent aujourd'hui pour optimiser le dispositif actuel de formation professionnelle.
Parmi les actions positives, je citerai également celles menées en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale pour instaurer des relations plus étroites entre les entreprises et les établissements d'enseignement, ainsi que la mise en oeuvre progressive du dispositif de validation des acquis de l'expérience et la formation "tout au long de la vie".
A cette occasion je vous confirme que je dois très prochainement signer avec mon collègue François FILLON votre nouvel engagement de développement de la formation dont vous attendez la mise en application.
Vous n'ignorez pas que le gouvernement souhaite faire de la santé et de la sécurité au travail, un des piliers de sa politique sociale. Cet engagement s'est récemment traduit par le renforcement du dispositif de prévention des risques professionnels avec, notamment, les nouvelles conditions de mise en oeuvre de l'obligation faite aux employeurs d'évaluer "a priori" les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, et l'intégration dès la conception des ouvrages, des règles de prévention en matière de coordination "sécurité protection de la santé" sur les chantiers.
Je souhaite que ces mesures contribuent à diminuer sensiblement le nombre des accidents du travail dans le bâtiment et, en particulier, des plus graves. Nous avons enregistré de réels progrès ces dernières années dans ce domaine, mais il ne faudrait pas que ces résultats encourageants fassent relâcher les efforts.
Je sais que votre profession est consciente de ces enjeux. J'en veux pour preuve votre action récente menée en matière de sécurité routière, domaine qui me tient tout particulièrement à coeur, comme vous le savez. Ce système original de formation, va permettre de former les conducteurs routiers occasionnels sur les chantiers.
Soyez assuré, Monsieur le Président, de mon plein appui et de l'implication de mes services dans ces initiatives qui s'inscrivent dans la durée.
Nous avons, je le sais beaucoup à faire ensemble, vous me trouverez toujours prêt à vous écouter et à vous aider pour qu'ensemble nous améliorions la qualité de vie de nos concitoyens dans une réelle logique de développement durable au vrai sens du terme c'est à dire en conciliant l'économique incontournable - les chiffres sont têtus, le social - indispensable, vos collaborateurs sont votre premier actif et l'environnemental- car nous n'avons pas hérité de notre planète, nous l'avons hérité de nos parents, nous l'avons juste reçu en dépôt de nos enfants.
Je vous remercie.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 24 mars 2003)