Interview de M. Alain Juppé, Premier ministre, à TF1 le 6 octobre 1996, sur le terrorisme en Corse, la popularité et l'action du gouvernement notamment les mesures en faveur de l'emploi, de la maîtrise des dépenses de santé et de la cohésion sociale.

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Texte intégral

- EXTRAITS -
Q - Ce week-end, Alain Juppé, il y a eu des réunions européennes au sommet, à la fois entre Jacques Chirac et Romano Prodi, le chef du gouvernement italien, Sommet franco-italien à Naples. Et puis à Dublin un sommet informel, comme l'on dit, de tous les chefs d'Etat européens pour imaginer l'Europe politique de demain, même si l'on a beaucoup parlé dans cette réunion du Proche-Orient.

Sur l'Europe, on dit aujourd'hui aux Français, comme on dit aux Allemands, aux Italiens, aux Espagnols : "Si vous souffrez aujourd'hui, c'est pour votre bien-être d'Européens demain". N'est-on pas, là aussi, à la limite de ces discours ?

R - Il y a une chose qui me frappe quand on parle de l'Europe, c'est que tous les pays, dont vous venez de parler, font la même politique :

l'Allemagne qui a un gouvernement démocrate-chrétien ;
l'Italie qui a un gouvernement plutôt de sensibilité de gauche ;
l'Espagne qui a un gouvernement plutôt centre-droit ;
la France et quelques autres.
Il faut quand même y réfléchir : est-ce que cela veut dire que, collectivement, nous sommes tous pris de folie en faisant cette politique ? Ou est-ce que cela ne veut pas dire, au contraire, qu'ensemble nous nous sommes fixés un objectif ambitieux et que nous y travaillons ensemble ?

Je crois qu'aujourd'hui on est en train de se rendre compte que la monnaie unique, à laquelle personne ne croyait il y a 3 ans, va se réaliser, et que ce sera, pour la France, pour l'Europe, mais aussi pour nos concitoyens, un atout fantastique.

Je suis atterré parfois quand je vois certains mettre en cause l'intérêt de la construction européenne. Mais ouvrons les yeux. Que se passe-t-il en Amérique latine ?

Q - Aujourd'hui il n'y a plus tellement de voix pour contester mais pour dire :
"Cela pourrait attendre un an ou deux - comme le dit Charles Pasqua - en France"... même Lamberto Dini...

R - Non, l'Italie, je crois, au contraire, est tout à fait décidée à pousser les feux.

Mais on n'attendra pas un an ou deux, si l'on cale maintenant alors qu'on est tout près du but, alors qu'on a fait tous ces efforts... Si l'on se déballonne, là, maintenant, on la fera dans 15 ans ou dans 20 ans. En Allemagne ou ailleurs, il y a des gens qui vont reprendre leurs billes en disant : "Si les Français ne sont pas capables de tenir jusqu'au but qui s'approche maintenant, on verra cela plus tard !".

Je voudrais quand même reprendre ce que je disais tout à l'heure : "Qu'est-ce que le monde dans lequel on vit ?". C'est un monde qui s'organise. Les pays d'Amérique latine s'organisent. Ils font quelque chose qui s'appelle le "Mercosur" ; les pays d'Amérique du nord s'organisent. Ils font quelque chose qui ressemble au Marché commun, qui s'appelle l'ALENA. En Asie, c'est pareil.
Et nous, alors que pendant 40 ans nous avons construit l'Union européenne, nous ferions marche arrière ?

(...)
Q - C'est un peu une impression que je demande à la fois au chef du gouvernement, Alain Juppé, et à l'ancien ministre des Affaires étrangères, sur ce qui se passe au Proche-Orient, sur votre inquiétude, sur le rôle que la France pourrait jouer ?

R - Je me souviens quelle avait été ma joie, comme la joie de nous tous, j'imagine, lorsque les Accords d'Oslo avaient été signés. Et il n'y a pas d'autre processus que celui-là ! Il faut faire la paix par la discussion, pas par l'affrontement, ni par la violence. Il n'y a pas d'autre voie, et nous l'avons dit à tous nos interlocuteurs : à Israël, les Israéliens sont nos amis, et nous sommes évidemment très attentifs à la sécurité d'Israël, et aux Palestiniens qui sont aussi nos amis. Yasser Arafat a beaucoup de courage. Donc, il faut absolument que l'on se remette autour de la table et qu'on sorte de ce processus de violence, cette fois-ci, qui est en train de s'enclencher.

Le président de la République, en quelques mois, a acquis une influence, une crédibilité personnelle très grande au Proche-Orient. On l'a vu au moment du conflit entre Israël et le Liban où la France a participé au règlement et a aidé à ce règlement. Nous sommes, là aussi, disponibles parce que l'Europe a un rôle à jouer qui n'est pas simplement de faire des chèques lorsqu'on demande une aide économique, mais aussi d'apporter une inspiration politique pour la paix.
(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 9 août 2002)