Texte intégral
- 25 900 demandeurs d'emploi supplémentaires en juin, est-ce la marque du retour de la crise ou d'un manque de mesures structurantes ?
J.-P. R. Il faut lire ce chiffre à la lumière de ce qui s'est passé en mai, un mois perturbé par les ponts et les mouvements sociaux. La courbe du chômage suit la courbe de la croissance. Un point de croissance représente 150 000 emplois, or tous les indicateurs prouvent que la croissance devrait revenir après le ralentissement économique international consécutif à la crise irakienne. Il y a des signes de redémarrage aux Etats-Unis et même en Allemagne
- Et en France ?
J.-P. R. En 2004 nous observerons les premiers signes en France de cette inflexion.
- Toujours optimiste ?
J.-P. R. Oui, car dans une situation de " croissance plate " nous avons su conserver une certaine activité. La création d'entreprises se porte bien. Je crois que la croissance va revenir même si je n'en possède pas le calendrier exact. La dernière enquête de l'INSEE montre un très net redressement des carnets de commandes de l'industrie - la consommation tient -. Nous ne sommes pas dans un mauvais cycle mais dans une mauvaise passe. En l'an 2000 nous avons connu 4 % de croissance et nous n'en avons pas profité pour résoudre les difficultés et moderniser la France. Evidemment, j'aurais préféré mener la réforme des retraites en période de croissance. Par le passé il y a eu des cagnottes, j'ai dû gérer des déficits. Mais je sens une petite brise... Ce n'est pas encore le mistral.
- Et croyez-vous que la petite brise sera de nature à rafraîchir la rentrée sociale, annoncée chaude ?
J.-P. R. Le pays ne peut pas s'enfermer dans une impasse : l'immobilisme. D'ailleurs je ne programme pas une pause dans l'action pour aller vers une France plus juste et plus efficace. Je le fais avec le souci de l'apaisement social. J'ai confiance.
- Ce n'est pas ce qu'a montré la rue
J.-P. R. J'ai entendu tout le monde : l'inquiétude des enseignants mais aussi ceux qui me disaient, tenez bon ! Pour ce qui est de l'école, je veux replacer l'école au coeur de la Nation et je souhaite un grand débat pluraliste, ouvert afin d'établir un diagnostic partagé. Dans l'école, il y a des milliers d'excellence et aussi des insuffisances. Or, nous n'agirons bien que si nous partageons le diagnostic. C'est la ligne tracée par le Président de la République le 14 juillet. Quant à la rue... La France sera toujours la France. La contestation fait partie de notre histoire sociale. La contestation a créé la République mais la République a créé les lois pour surmonter les blocages.
- Mais en supprimant des emplois, pensez-vous créer les conditions d'un dialogue pour établir le diagnostic ?
J.-P. R. Certains disent que l'on en supprime trop, d'autres disent pas assez ! Je remets la France dans le bon sens - le sens est plus important que l'ampleur. Depuis l'alternance, tous les départs à la retraite ne sont pas remplacés. Pour l'éducation, nous faisons un effort important en fonction de l'évolution des effectifs des jeunes. Nous allons créer 20 000 vrais emplois dont 16 000 à la rentrée prochaine et 4 000 en plus d'ici décembre 2003. Sans oublier les 6000 postes pour venir en aide aux élèves handicapés. Il faut que l'éducation soit une ambition partagée qui concerne plusieurs ministères. L'éducation ne se résume pas à une question de moyens et pourtant le budget de l'éducation nationale va progresser deux fois plus vite que le budget de l'État. Dans le prochain budget, il enregistre une hausse de 2,8 % et les moyens en faveur de la Recherche progresseront de 3,9 %. Malgré cet effort, je pense pouvoir maîtriser les dépenses de l'État et appliquer le principe de croissance zéro des dépenses.
- Dans ce contexte pensez-vous maintenir, aussi, la baisse des impôts ?
J.-P. R. Nous devons continuer la baisse des impôts.
- Dans la proportion de 1 % ?
J.-P. R. Sans doute, peut être plus. Cette baisse doit être équilibrée avec la prime à l'emploi afin qu'il y ait des décision justes. Je ne souhaite pas que le pays soit à plat au moment où la croissance va revenir. C'est dans cet esprit que nous maintenons un allégement de charges de plus de 2 milliards pour les entreprises. Toujours dans le souci de la cohésion sociale, on allège les impôts mais on donne une prime à ceux qui n'en paient pas. On fait des choix pour les plus défavorisés, sur la base, par exemple d'un treizième mois en trois ans pour les personnes qui touchent le SMIC. C'est du jamais vu.
- Il n'empêche les 30 % de baisse annoncés par le candidat Chirac sont-ils un mirage pour le premier ministre Raffarin ?
J.-P. R. Non. A ce jour les engagements sont tenus. A propos d'impôts, je veux faire une mise au point : j'entends parler d'une taxation des téléphones mobiles. C'est non. Personne ne me convaincra de taxer ni la jeunesse ni la technologie. Il n'y a aucune chance !
- Et la baisse de la TVA sur la restauration ?
J.-P. R. Le principe est accepté par la Commission européenne. Elle devrait se mettre en place au cours de 2004, dès que nous aurons l'accord de l'ensemble de nos partenaires.
- Craignez-vous la réforme de la santé ?
J.-P. R. La sécurité sociale est un patrimoine national qui ne mérite pas une mutation à la va-vite.
- On parle déjà du prélèvement d'1 euro, à la charge du patient, par feuille de soins ?
J.-P. R. Je ne prendrais aucun engagement sur aucune proposition sans négociations approfondies. Je présenterai dans les premiers jours de septembre le processus général de l'avenir de la santé qui sera soumis à la concertation de tous. A la fin du premier semestre 2004 je souhaite avoir rencontré l'ensemble des partenaires pour proposer des décisions à l'automne 2004. Il faut prendre le chemin du dialogue. Pour le reste, je ne veux évoquer aucune piste qui pourrait préempter le dialogue. Jean-François MATTEI maîtrise parfaitement ce dossier.
- Dialogue, certes mais en signant un décret réduisant par deux les indemnités dues aux salariés en cas de faillite, vous semblez avoir cédé aux exigences du Médef ?
J.-P. R. C'est plus compliqué que cela. Je n'obéis aux exigences de personne mais je veux promouvoir le dialogue social. A quoi ressemblerait ce dialogue social si l'État n'entérinait pas les décisions prises par les partenaires sociaux. C'est ça le dialogue social : faire en sorte que l'accord soit appliqué. C'est seulement s'il y a désaccord que l'État prend ses responsabilités en légiférant. Il faut réhabituer la France au dialogue social. La réforme des retraites s'est faite avec une partie des syndicats. Quand M. Chérèque [NDLR : le président de la CFDT qui a signé l'accord] est rentré dans mon bureau le texte n'était pas le même que quand il est sorti.
- Quelle sera la ligne de la rentrée ?
J.-P. R. J'ai souhaité participer à quarante réunions de proximité avec les Français de toutes convictions, de tous les horizons. Ce sera pour moi un été de proximité. Je veux donner de la perspective et de la profondeur à l'action du Gouvernement et répondre à ceux qui me demandent où allez-vous ? Je travaille pour " une France d'ouverture ", une France ouverte sur l'Europe et le monde mais aussi une France ouverte sur elle-même, c'est-à-dire contre les cloisonnements et les communautarismes : la France de l'intérêt général. Je vais montrer qu'après les retraites l'action continue. J'entends ceux qui me disent " Tenez bon " et ceux qui crient " Écoutez-nous ! ". Les uns et les autres doivent avoir leur place dans notre société.
- Les attentats ont repris en Corse. Un nouveau préfet vient d'être nommé, ainsi qu'un nouvel adjoint pour la sécurité... Après le "Non" au référendum, où va la Corse ? Quel sens donnez à votre action ?
J.-P. R. Le sens de l'avenir et du dialogue. Il n'y a ni humeur ni rancoeur(Silence) Aucune rancune, aucune amertume. Le gouvernement a le souci de travailler pour la Corse en se penchant sur tout ce qui touche à l'économie, la vie sociale et aussi la paix civile. Nous allons examiner le problème de l'endettement des agriculteurs, le dossier tourisme, les investissements. Nous engageons un programme exceptionnel d'investissements. Le Gouvernement souhaite être un partenaire fiable de la Corse dans la République, avec le même état de droit que pour les autres régions.
- Pourtant les élus nationalistes se sont retirés de l'assemblée régionale. Quel message leur envoyez vous ?
J.-P. R. Le rejet n'est pas un projet. En mars prochain, il sortira de nouveaux élus des urnes. Ensemble, il faudra dialoguer et travailler. La Corse devra profiter des atouts de la " République décentralisée ". Quant à la violence, elle conduit à l'impasse politique, alors qu'il faut bâtir. En ce qui concerne les élections, je souhaite qu'un projet de loi puisse instaurer la parité en Corse, au moment de la composition des listes. Ce n'était pas le cas jusqu'alors. Il faut adapter cette spécificité à la règle nationale et donner une vraie place au courage des femmes corses.
- Les incendies ont ravagé une partie du Var, mais aussi des Bouches-du-Rhône, de la Corse, que faut-il attendre de l'État ?
J.-P. R. Je n'oublierai jamais ces flammes ravageuses et les souffrances qu'elles ont engendrées. Je suis déterminé, le gouvernement est déterminé à engager la solidarité nationale à la hauteur de l'ampleur de la catastrophe humaine, écologique et sociale. Nous en mesurerons toutes les conséquences et l'action publique sera mobilisée pour face aux conséquences de ce fléau.
- Concrètement ?
J.-P. R. Il y aura des aides d'urgence aux personnes ainsi qu'aux entreprises victimes des incendies. Cela se fera dans des conditions à définir en relation avec les assurances. Je pense aux différents systèmes qui ont été mis en place pour les victimes des inondations dans le Gard. Nous allons soutenir l'action des collectivités locales et participer aux dépenses imprévues qui, pour des petites communes, peuvent grever les budgets. Nous souhaitons les aider. A plus long terme, nous agirons sur l'écologie et le développement durable. Il nous faut mettre en place un partenariat État/collectivités territoriales pour permettre la renaissance progressive des massifs sinistrés.
- Et en ce qui concerne les sapeurs-pompiers ?
J.-P. R. Les sapeurs-pompiers ont fait preuve d'une vaillance et d'un courage extraordinaires. Le pays tout entier doit leur être reconnaissant. De la même façon, je salue les efforts des départements responsables des SDIS. A ce propos, j'ai demandé au ministre de l'Intérieur d'accorder une aide exceptionnelle aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) concernés. Nous allons ouvrir un dialogue national avec les services départementaux d'incendie et de secours. Nous entendons ce que nous disent les sapeurs-pompiers et nous sommes attentifs à leur situation personnelle.
- Les sapeurs-pompiers souhaitent être classés dans la catégorie des métiers à risques. Jusqu'à présent cette revendication n'a pas été entendue
J.-P. R. Cette revendication fera partie des points à l'ordre du jour de la discussion générale.
- Il y a une polémique naissante sur la gestion, par le Gouvernement, de la crise ?
J.-P. R. Nicolas Sarkozy a clairement répondu. Je ne souhaite pas polémiquer au moment où la situation est difficile. Je dirai simplement que nous avons dû faire face à une situation historique. Avec la sècheresse la situation est devenue particulièrement préoccupante et nous avons pris les initiatives nécessaires plus tôt que les années précédentes. Mais, je le répète, la situation est historique. L'un des objets de la table ronde portera justement sur la prévention.
- Débouchera-t-elle sur une loi ?
J.-P. R. Oui. Un projet de loi sur les services incendie est à l'étude. La discussion est ouverte. Je dois ajouter aussi que nous prenons toutes dispositions nécessaires pour que les incendiaires soient activement recherchés et sévèrement punis.
- Un des membres de votre gouvernement conduit la liste UMP en région PACA. Y êtes-vous favorable ?
J.-P. R. Il est bon que des responsables politiques de premier plan s'engagent sur le terrain. Renaud Muselier est un responsable politique de talent C'est un homme chaleureux. Il a bénéficié de la " formation Gaudin ", c'est " une grande école " de la politique. Il fera un bon président de région. Il est souhaitable qu'une région comme la vôtre ait à sa tête quelqu'un qui ait connaissance de l'international. Elle a vocation à avoir une dimension internationale...
- Justement, un autre membre de votre équipe, Nicole Fontaine, est prête à s'engager dans les Alpes-Maritimes...
J.-P. R. Le cas de Renaud Muselier est réglé, mais il est encore trop tôt pour entrer dans le détail de la composition des listes. Je souhaite simplement des listes représentatives.
- L'expérience de Nicole Fontaine à la présidence du parlement européen pourrait servir à cette " dimension internationale " ?
J.-P. R. En effet, Nicole Fontaine possède cette dimension mais, je vous le répète, il est trop tôt pour parler des équipes départementales.
- Quelle image voulez-vous laisser ?
J.-P. R. Je ne cherche pas à donner une image, je suis naturel. Les habitants de Poitou-Charentes me connaissent comme ça. J'aime m'attarder à parler, j'aime la convivialité de la table, je discute en vrai J'ai aussi mes convictions. Je ne suis pas un premier ministre d'obsession mais je suis un premier ministre de mission qui a un devoir d'action. Je souhaite équilibrer l'humanité et l'autorité, tenace mais pas entêté.
- Déçu de ne pas toujours être compris ?
J.-P. R. Je n'ai pas l'impression de ne pas être compris. Dimanche dernier sur le marché de Royan, ils étaient plusieurs milliers à me dire : continuez § Il y a une forte assise populaire du gouvernement même si notre récente histoire sociale a connu des soubresauts. Je crois qu'au fond d'eux-mêmes les Français et les Françaises sont à la fois fiers et rassurés que la réforme soit possible dans notre pays. Les Français sont prudents quant au mouvement, condamnent l'immobilisme mais approuvent le courage. Je fais attention à mes erreurs mais je ne suis pas inquiet sur le jugement des Français.
- Quelles erreurs ?
J.-P. R. Quelquefois nous allons trop vite. Il faudrait prendre plus de temps mais le temps budgétaire, lui, est pressant. J'aurais, aussi, aimé avoir un an de plus pour convaincre les Corses mais le calendrier des élections régionales de 2004 nous en a empêchés. C'est pour cela que je me suis engagé à présenter un agenda 2006 de notre politique, afin de donner de la profondeur à l'action. J'ai aussi appris cette année que quelques soient les attaques ou les critiques, la polémique n'a guère sa place à Matignon.
- Si je vous dis Éric de Montgolfier ?
J.-P. R. Par définition, je partage les décisions de mon Garde des Sceaux qui est un homme sage [N.D.L.R. Dominique Perben, voir Nice-Matin de jeudi, a déclaré ne pas vouloir le départ du procureur.]
- Et Ingrid Betancourt ?
J.-P. R. Il y avait devoir d'assistance à personne en danger. Nous avons été appelé par la famille, nous nous devions d'avoir cette réaction. C'est simple. Ma considération pour cette femme, courageuse, engagée, est immense.
- Une polémique se fait jour. Nous dirigeons-nous vers une situation délicate ?
J.-P. R. Je ne le pense pas. L'actualité de ce bureau fait que nous sommes exposés à prendre des décisions humaines qui s'imposent à l'action publique. Quand la décision est prise ensuite chacun mène l'exécution. C'est tout.
- Nicolas Sarkozy ?
J.-P. R. P.S.G. : Professionnel, Sympathique et Généreux. Grâce à son énergie, la France a fait de grands progrès pour sa propre sécurité. Restaurer l'autorité de l'État était nécessaire pour la République.
- Hubert Falco ?
J.-P. R. Il a un secrétariat d'État difficile, les personnes âgées. Il s'est imposé, cette semaine en conseil des ministres il a fait un exposé remarquable, plein de coeur, d'autorité. Je lui ai accordé une dérogation pour rester maire de Toulon. Ce qu'il réalise à Toulon est important notamment après l'aventure du front national.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 août 2003)
J.-P. R. Il faut lire ce chiffre à la lumière de ce qui s'est passé en mai, un mois perturbé par les ponts et les mouvements sociaux. La courbe du chômage suit la courbe de la croissance. Un point de croissance représente 150 000 emplois, or tous les indicateurs prouvent que la croissance devrait revenir après le ralentissement économique international consécutif à la crise irakienne. Il y a des signes de redémarrage aux Etats-Unis et même en Allemagne
- Et en France ?
J.-P. R. En 2004 nous observerons les premiers signes en France de cette inflexion.
- Toujours optimiste ?
J.-P. R. Oui, car dans une situation de " croissance plate " nous avons su conserver une certaine activité. La création d'entreprises se porte bien. Je crois que la croissance va revenir même si je n'en possède pas le calendrier exact. La dernière enquête de l'INSEE montre un très net redressement des carnets de commandes de l'industrie - la consommation tient -. Nous ne sommes pas dans un mauvais cycle mais dans une mauvaise passe. En l'an 2000 nous avons connu 4 % de croissance et nous n'en avons pas profité pour résoudre les difficultés et moderniser la France. Evidemment, j'aurais préféré mener la réforme des retraites en période de croissance. Par le passé il y a eu des cagnottes, j'ai dû gérer des déficits. Mais je sens une petite brise... Ce n'est pas encore le mistral.
- Et croyez-vous que la petite brise sera de nature à rafraîchir la rentrée sociale, annoncée chaude ?
J.-P. R. Le pays ne peut pas s'enfermer dans une impasse : l'immobilisme. D'ailleurs je ne programme pas une pause dans l'action pour aller vers une France plus juste et plus efficace. Je le fais avec le souci de l'apaisement social. J'ai confiance.
- Ce n'est pas ce qu'a montré la rue
J.-P. R. J'ai entendu tout le monde : l'inquiétude des enseignants mais aussi ceux qui me disaient, tenez bon ! Pour ce qui est de l'école, je veux replacer l'école au coeur de la Nation et je souhaite un grand débat pluraliste, ouvert afin d'établir un diagnostic partagé. Dans l'école, il y a des milliers d'excellence et aussi des insuffisances. Or, nous n'agirons bien que si nous partageons le diagnostic. C'est la ligne tracée par le Président de la République le 14 juillet. Quant à la rue... La France sera toujours la France. La contestation fait partie de notre histoire sociale. La contestation a créé la République mais la République a créé les lois pour surmonter les blocages.
- Mais en supprimant des emplois, pensez-vous créer les conditions d'un dialogue pour établir le diagnostic ?
J.-P. R. Certains disent que l'on en supprime trop, d'autres disent pas assez ! Je remets la France dans le bon sens - le sens est plus important que l'ampleur. Depuis l'alternance, tous les départs à la retraite ne sont pas remplacés. Pour l'éducation, nous faisons un effort important en fonction de l'évolution des effectifs des jeunes. Nous allons créer 20 000 vrais emplois dont 16 000 à la rentrée prochaine et 4 000 en plus d'ici décembre 2003. Sans oublier les 6000 postes pour venir en aide aux élèves handicapés. Il faut que l'éducation soit une ambition partagée qui concerne plusieurs ministères. L'éducation ne se résume pas à une question de moyens et pourtant le budget de l'éducation nationale va progresser deux fois plus vite que le budget de l'État. Dans le prochain budget, il enregistre une hausse de 2,8 % et les moyens en faveur de la Recherche progresseront de 3,9 %. Malgré cet effort, je pense pouvoir maîtriser les dépenses de l'État et appliquer le principe de croissance zéro des dépenses.
- Dans ce contexte pensez-vous maintenir, aussi, la baisse des impôts ?
J.-P. R. Nous devons continuer la baisse des impôts.
- Dans la proportion de 1 % ?
J.-P. R. Sans doute, peut être plus. Cette baisse doit être équilibrée avec la prime à l'emploi afin qu'il y ait des décision justes. Je ne souhaite pas que le pays soit à plat au moment où la croissance va revenir. C'est dans cet esprit que nous maintenons un allégement de charges de plus de 2 milliards pour les entreprises. Toujours dans le souci de la cohésion sociale, on allège les impôts mais on donne une prime à ceux qui n'en paient pas. On fait des choix pour les plus défavorisés, sur la base, par exemple d'un treizième mois en trois ans pour les personnes qui touchent le SMIC. C'est du jamais vu.
- Il n'empêche les 30 % de baisse annoncés par le candidat Chirac sont-ils un mirage pour le premier ministre Raffarin ?
J.-P. R. Non. A ce jour les engagements sont tenus. A propos d'impôts, je veux faire une mise au point : j'entends parler d'une taxation des téléphones mobiles. C'est non. Personne ne me convaincra de taxer ni la jeunesse ni la technologie. Il n'y a aucune chance !
- Et la baisse de la TVA sur la restauration ?
J.-P. R. Le principe est accepté par la Commission européenne. Elle devrait se mettre en place au cours de 2004, dès que nous aurons l'accord de l'ensemble de nos partenaires.
- Craignez-vous la réforme de la santé ?
J.-P. R. La sécurité sociale est un patrimoine national qui ne mérite pas une mutation à la va-vite.
- On parle déjà du prélèvement d'1 euro, à la charge du patient, par feuille de soins ?
J.-P. R. Je ne prendrais aucun engagement sur aucune proposition sans négociations approfondies. Je présenterai dans les premiers jours de septembre le processus général de l'avenir de la santé qui sera soumis à la concertation de tous. A la fin du premier semestre 2004 je souhaite avoir rencontré l'ensemble des partenaires pour proposer des décisions à l'automne 2004. Il faut prendre le chemin du dialogue. Pour le reste, je ne veux évoquer aucune piste qui pourrait préempter le dialogue. Jean-François MATTEI maîtrise parfaitement ce dossier.
- Dialogue, certes mais en signant un décret réduisant par deux les indemnités dues aux salariés en cas de faillite, vous semblez avoir cédé aux exigences du Médef ?
J.-P. R. C'est plus compliqué que cela. Je n'obéis aux exigences de personne mais je veux promouvoir le dialogue social. A quoi ressemblerait ce dialogue social si l'État n'entérinait pas les décisions prises par les partenaires sociaux. C'est ça le dialogue social : faire en sorte que l'accord soit appliqué. C'est seulement s'il y a désaccord que l'État prend ses responsabilités en légiférant. Il faut réhabituer la France au dialogue social. La réforme des retraites s'est faite avec une partie des syndicats. Quand M. Chérèque [NDLR : le président de la CFDT qui a signé l'accord] est rentré dans mon bureau le texte n'était pas le même que quand il est sorti.
- Quelle sera la ligne de la rentrée ?
J.-P. R. J'ai souhaité participer à quarante réunions de proximité avec les Français de toutes convictions, de tous les horizons. Ce sera pour moi un été de proximité. Je veux donner de la perspective et de la profondeur à l'action du Gouvernement et répondre à ceux qui me demandent où allez-vous ? Je travaille pour " une France d'ouverture ", une France ouverte sur l'Europe et le monde mais aussi une France ouverte sur elle-même, c'est-à-dire contre les cloisonnements et les communautarismes : la France de l'intérêt général. Je vais montrer qu'après les retraites l'action continue. J'entends ceux qui me disent " Tenez bon " et ceux qui crient " Écoutez-nous ! ". Les uns et les autres doivent avoir leur place dans notre société.
- Les attentats ont repris en Corse. Un nouveau préfet vient d'être nommé, ainsi qu'un nouvel adjoint pour la sécurité... Après le "Non" au référendum, où va la Corse ? Quel sens donnez à votre action ?
J.-P. R. Le sens de l'avenir et du dialogue. Il n'y a ni humeur ni rancoeur(Silence) Aucune rancune, aucune amertume. Le gouvernement a le souci de travailler pour la Corse en se penchant sur tout ce qui touche à l'économie, la vie sociale et aussi la paix civile. Nous allons examiner le problème de l'endettement des agriculteurs, le dossier tourisme, les investissements. Nous engageons un programme exceptionnel d'investissements. Le Gouvernement souhaite être un partenaire fiable de la Corse dans la République, avec le même état de droit que pour les autres régions.
- Pourtant les élus nationalistes se sont retirés de l'assemblée régionale. Quel message leur envoyez vous ?
J.-P. R. Le rejet n'est pas un projet. En mars prochain, il sortira de nouveaux élus des urnes. Ensemble, il faudra dialoguer et travailler. La Corse devra profiter des atouts de la " République décentralisée ". Quant à la violence, elle conduit à l'impasse politique, alors qu'il faut bâtir. En ce qui concerne les élections, je souhaite qu'un projet de loi puisse instaurer la parité en Corse, au moment de la composition des listes. Ce n'était pas le cas jusqu'alors. Il faut adapter cette spécificité à la règle nationale et donner une vraie place au courage des femmes corses.
- Les incendies ont ravagé une partie du Var, mais aussi des Bouches-du-Rhône, de la Corse, que faut-il attendre de l'État ?
J.-P. R. Je n'oublierai jamais ces flammes ravageuses et les souffrances qu'elles ont engendrées. Je suis déterminé, le gouvernement est déterminé à engager la solidarité nationale à la hauteur de l'ampleur de la catastrophe humaine, écologique et sociale. Nous en mesurerons toutes les conséquences et l'action publique sera mobilisée pour face aux conséquences de ce fléau.
- Concrètement ?
J.-P. R. Il y aura des aides d'urgence aux personnes ainsi qu'aux entreprises victimes des incendies. Cela se fera dans des conditions à définir en relation avec les assurances. Je pense aux différents systèmes qui ont été mis en place pour les victimes des inondations dans le Gard. Nous allons soutenir l'action des collectivités locales et participer aux dépenses imprévues qui, pour des petites communes, peuvent grever les budgets. Nous souhaitons les aider. A plus long terme, nous agirons sur l'écologie et le développement durable. Il nous faut mettre en place un partenariat État/collectivités territoriales pour permettre la renaissance progressive des massifs sinistrés.
- Et en ce qui concerne les sapeurs-pompiers ?
J.-P. R. Les sapeurs-pompiers ont fait preuve d'une vaillance et d'un courage extraordinaires. Le pays tout entier doit leur être reconnaissant. De la même façon, je salue les efforts des départements responsables des SDIS. A ce propos, j'ai demandé au ministre de l'Intérieur d'accorder une aide exceptionnelle aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) concernés. Nous allons ouvrir un dialogue national avec les services départementaux d'incendie et de secours. Nous entendons ce que nous disent les sapeurs-pompiers et nous sommes attentifs à leur situation personnelle.
- Les sapeurs-pompiers souhaitent être classés dans la catégorie des métiers à risques. Jusqu'à présent cette revendication n'a pas été entendue
J.-P. R. Cette revendication fera partie des points à l'ordre du jour de la discussion générale.
- Il y a une polémique naissante sur la gestion, par le Gouvernement, de la crise ?
J.-P. R. Nicolas Sarkozy a clairement répondu. Je ne souhaite pas polémiquer au moment où la situation est difficile. Je dirai simplement que nous avons dû faire face à une situation historique. Avec la sècheresse la situation est devenue particulièrement préoccupante et nous avons pris les initiatives nécessaires plus tôt que les années précédentes. Mais, je le répète, la situation est historique. L'un des objets de la table ronde portera justement sur la prévention.
- Débouchera-t-elle sur une loi ?
J.-P. R. Oui. Un projet de loi sur les services incendie est à l'étude. La discussion est ouverte. Je dois ajouter aussi que nous prenons toutes dispositions nécessaires pour que les incendiaires soient activement recherchés et sévèrement punis.
- Un des membres de votre gouvernement conduit la liste UMP en région PACA. Y êtes-vous favorable ?
J.-P. R. Il est bon que des responsables politiques de premier plan s'engagent sur le terrain. Renaud Muselier est un responsable politique de talent C'est un homme chaleureux. Il a bénéficié de la " formation Gaudin ", c'est " une grande école " de la politique. Il fera un bon président de région. Il est souhaitable qu'une région comme la vôtre ait à sa tête quelqu'un qui ait connaissance de l'international. Elle a vocation à avoir une dimension internationale...
- Justement, un autre membre de votre équipe, Nicole Fontaine, est prête à s'engager dans les Alpes-Maritimes...
J.-P. R. Le cas de Renaud Muselier est réglé, mais il est encore trop tôt pour entrer dans le détail de la composition des listes. Je souhaite simplement des listes représentatives.
- L'expérience de Nicole Fontaine à la présidence du parlement européen pourrait servir à cette " dimension internationale " ?
J.-P. R. En effet, Nicole Fontaine possède cette dimension mais, je vous le répète, il est trop tôt pour parler des équipes départementales.
- Quelle image voulez-vous laisser ?
J.-P. R. Je ne cherche pas à donner une image, je suis naturel. Les habitants de Poitou-Charentes me connaissent comme ça. J'aime m'attarder à parler, j'aime la convivialité de la table, je discute en vrai J'ai aussi mes convictions. Je ne suis pas un premier ministre d'obsession mais je suis un premier ministre de mission qui a un devoir d'action. Je souhaite équilibrer l'humanité et l'autorité, tenace mais pas entêté.
- Déçu de ne pas toujours être compris ?
J.-P. R. Je n'ai pas l'impression de ne pas être compris. Dimanche dernier sur le marché de Royan, ils étaient plusieurs milliers à me dire : continuez § Il y a une forte assise populaire du gouvernement même si notre récente histoire sociale a connu des soubresauts. Je crois qu'au fond d'eux-mêmes les Français et les Françaises sont à la fois fiers et rassurés que la réforme soit possible dans notre pays. Les Français sont prudents quant au mouvement, condamnent l'immobilisme mais approuvent le courage. Je fais attention à mes erreurs mais je ne suis pas inquiet sur le jugement des Français.
- Quelles erreurs ?
J.-P. R. Quelquefois nous allons trop vite. Il faudrait prendre plus de temps mais le temps budgétaire, lui, est pressant. J'aurais, aussi, aimé avoir un an de plus pour convaincre les Corses mais le calendrier des élections régionales de 2004 nous en a empêchés. C'est pour cela que je me suis engagé à présenter un agenda 2006 de notre politique, afin de donner de la profondeur à l'action. J'ai aussi appris cette année que quelques soient les attaques ou les critiques, la polémique n'a guère sa place à Matignon.
- Si je vous dis Éric de Montgolfier ?
J.-P. R. Par définition, je partage les décisions de mon Garde des Sceaux qui est un homme sage [N.D.L.R. Dominique Perben, voir Nice-Matin de jeudi, a déclaré ne pas vouloir le départ du procureur.]
- Et Ingrid Betancourt ?
J.-P. R. Il y avait devoir d'assistance à personne en danger. Nous avons été appelé par la famille, nous nous devions d'avoir cette réaction. C'est simple. Ma considération pour cette femme, courageuse, engagée, est immense.
- Une polémique se fait jour. Nous dirigeons-nous vers une situation délicate ?
J.-P. R. Je ne le pense pas. L'actualité de ce bureau fait que nous sommes exposés à prendre des décisions humaines qui s'imposent à l'action publique. Quand la décision est prise ensuite chacun mène l'exécution. C'est tout.
- Nicolas Sarkozy ?
J.-P. R. P.S.G. : Professionnel, Sympathique et Généreux. Grâce à son énergie, la France a fait de grands progrès pour sa propre sécurité. Restaurer l'autorité de l'État était nécessaire pour la République.
- Hubert Falco ?
J.-P. R. Il a un secrétariat d'État difficile, les personnes âgées. Il s'est imposé, cette semaine en conseil des ministres il a fait un exposé remarquable, plein de coeur, d'autorité. Je lui ai accordé une dérogation pour rester maire de Toulon. Ce qu'il réalise à Toulon est important notamment après l'aventure du front national.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 août 2003)