Texte intégral
Vous êtes originaire de la région Provence-Côte d'Azur, élu de Marseille. Comment ressentez-vous ces incendies ?
- "J'ai vécu avec les incendies depuis mon enfance. Tous les étés, on guettait... C'est une immense tristesse d'abord, parce que c'est la vie qui s'en va en fumée, la vie de la nature et là, la vie de quelques personnes même. C'est toujours un doute sur l'avenir, parce que lorsqu'on voit les images du massif des Maures, on se demande combien de temps il faudra pour reconstituer cette forêt. C'est une reconnaissance inouïe - j'entendais C. Clerc - : oui, nos pompiers méritent notre reconnaissance, notre gratitude et probablement un meilleur traitement à leur égard. Et puis, c'est une révolte, parce que c'est l'imprudence - quand vous roulez sur ces routes, il n'est pas rare de voir des gens jeter des mégots par la fenêtre - , l'imprudence coupable, la bêtise - quand vous voyez des pique-niqueurs qui font brûler des saucisses pas loin de feuilles sèches -, quelque fois même la folie contre laquelle on est plus désarmé. Et je dirais que cela nous rappelle de nouveau la nécessité d'éducation, le respect d'un certain nombre de règles de prudence et puis enfin la responsabilité."
Et pour les pyromanes, c'est une maladie qui se soigne ?
- "Les pyromanes, c'est une maladie qui, comme toutes les maladies mentales, mérite d'être soignée médicalement - quand c'est réellement une maladie. Mais pour autant, il faut être impitoyable. Parce que, vraiment - c'est la politique annoncée par le président de République et par le Gouvernement -, il ne doit pas y avoir de pitié pour les pyromanes. Il faut les pourchasser et les punir sévèrement."
J'en viens à un autre sujet, qui est plus directement lié à votre département ministériel : c'est le fonctionnement des hôpitaux. Par manque d'effectifs, en été, des lits sont fermés et cela complique les choses quand il y a plus de cas à traiter. Les médecins urgentistes, en particulier, tirent la sonnette d'alarme. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
- "Je leur réponds deux choses. Je leur réponds qu'il est vrai que chaque été, les services d'urgences, depuis toujours, ont beaucoup plus de difficultés. Parce qu'évidemment, une partie du personnel est en congés - il y a bien droit - et les cas qui se présentent, notamment dans les zones touristiques, viennent surcharger les services. Donc, c'est vrai, il y a une difficulté. Cette difficulté a été accrue, au cours des années passées, par la pénurie de personnel à la fois médical, à la fois les infirmières et puis par, il faut bien le reconnaître, une grande inorganisation."
Que proposez-vous concrètement ?
- "Depuis l'année dernière, nous avons pris une première mesure, je comprends pas qu'elle n'ait pas été prise avant : il s'agit simplement de faire dans les hôpitaux ce que font tous les hôtels, c'est-à-dire qu'ils échangent, par un système central, les lits disponibles, les chambres qui sont vacantes. Or j'ai découvert l'an dernier que des services d'urgences perdaient deux ou trois heures au téléphone pour appeler tous les hôpitaux accessibles, pour savoir s'ils avaient une chambre. Or, maintenant, on a mutualisé les lits qui sont disponibles et on perd beaucoup moins de temps que cela. D'autre part, on a rationalisé la fermeture, selon les hôpitaux - ici, on va fermer plutôt de la médecine, ici plutôt un peu de chirurgie. Et globalement, enfin, on a été aidé par la première sortie de la promotion à 28.000 élèves infirmières depuis le mois de mars. Ce qui est venu apporter un peu plus de facilités dans certains services..."
C'est donc en voie d'amélioration, en fait ?
- "Oui, c'est difficile, ça continue de l'être, surtout dans certaines zones - et la région parisienne en est une. Mais le nombre de lits fermés cette année n'est que de 8 à 12 % quand il atteignait 15 à 25 l'année précédente. Et puis, enfin, ces fermetures ne se prolongeront pas en septembre."
Autre sujet d'ampleur, l'assurance maladie, les gaspillages, la lutte contre les abus. La Cour des comptes est en train de préparer un rapport, où elle explique que trop de personnes âgées entassent trop de médicaments, le plus souvent sans les utiliser. Cela correspond à une réalité ? La Cour des comptes a raison de partir dans cette direction ?
- "Cela correspond à une réalité. Il suffit d'ailleurs d'aller regarder dans les armoires à pharmacie, et d'ailleurs pas seulement des personnes âgées, pour voir que beaucoup de médicaments achetés ne sont effectivement pas consommés. Je ne voudrais pas qu'on se méprenne sur la signification de ce que dit la Cour des comptes. Il ne s'agit pas de rationner les soins pour les personnes âgées, il ne s'agit pas de dire qu'il ne faut plus les soigner. Il faut au contraire essayer d'attirer l'attention des médecins sur la particularité de la personne âgée. Et je le dis sans esprit critique, si ce n'est peut-être à l'endroit des professeurs de médecine, dont je fais partie... Mais la gériatrie, les particularités des personnes âgées sont peu enseignées. Or il faut savoir que les doses de médicaments que l'on donne aux personnes âgées ne sont pas les doses d'adultes. On revient non pas non plus tout à fait vers des doses d'enfants, mais le corps d'une personne âgée n'assimile pas les médicaments de la même façon qu'un corps adulte."
Pour leur bien, il faut leur donner moins de médicaments ?
- "Il faut leur donneur plutôt des doses un peu moindres et puis deuxièmement, éviter d'en mettre trop à la fois, parce que les médicaments peuvent se contrarier, peuvent avoir des effets contraires. Ils peuvent au contraire s'additionner, se potentialiser. Et donc il y a peu de choses aussi difficiles que la prescription chez une personne âgée, surtout quand elle présente à la fois une insuffisance cardiaque, une hypertension, quelques troubles de la mémoire, et qu'en plus de cela, elle a une infection urinaire. Vous voyez que très vite, vous arrivez à cinq ou six médicaments et que cela devient difficile pour des mémoires un peu défaillantes... Quelque fois, elles ne se souviennent plus s'ils les ont pris, les reprennent. Ou bien alors ils sont tout simplement délaissés, ils sont oubliés. Il faut faire très attention. Il faut bien les soigner; mais on ne les soigne pas comme les adultes qu'ils étaient."
C'était au chapitre des économies possibles. Il y a aussi la mise à contribution possible des demandeurs de soins, des assurés. On entend parler d'une somme forfaitaire qui serait payée par l'assuré sur chaque boîte de médicaments. C'est à l'étude ?
- "Il y a beaucoup d'autres choses qui sont à l'étude ! Il y a ça, il y a une franchise, il y a la participation par consultation - mais ça ne date pas d'hier. J'ai trouvé toutes ces idées dans les tiroirs. Elles n'ont jamais été appliquées. En réalité, la question qui se pose et qu'on ne va pas résoudre tout de suite - et peut-être même pas dès l'automne -, parce que c'est un changement de comportement et que il faut pour cela que l'ensemble des règles soit fixé avec l'ensemble des partenaires. Je vous l'ai dit, il y a à peu près un an, en arrivant : mon premier soin est d'éviter les abus, les gaspillages, les excès et, d'autre part, de mobiliser la responsabilité de chacun des acteurs. Pour le moment, je dois dire que le patient, l'usager puisqu'on l'appelle aussi souvent comme cela, n'est pas probablement pas suffisamment responsable et ne se rend pas compte..."
Donc le faire payer un peu plus le rend plus responsable ?
- "Mais ce n'est pas une question de le faire payer, comme si il y avait une punition. Il faut qu'il se rende compte que tout n'est pas gratuit car, quand on entre dans une pharmacie, qu'on tend une carte Vitale, on a le sentiment que, quand on sort, tout est gratuit. Or cela a été payé, et payé notamment par les cotisations de ladite personne. Mais elle ne le sait même pas ! Elle ne sait même pas que c'est son argent qui est utilisé à cela. Si on lui rappelait que c'est son argent et que, quand il n'y en aura plus, il faudra peut-être en donner davantage, alors les gens seraient un peu plus responsables..."
On n'entend plus parler de "réforme" de la sécurité sociale mais "d'adaptation". Il n'y aura pas la "réforme Mattei", au grand sens du mot ?
- "Je ne cherche pas à accrocher mon nom à une réforme. C'est vrai que je serais très heureux que notre système de santé trouve un nouvel équilibre, et que c'est probablement dans la négociation, dans la concertation et surtout dans la pédagogie. J'ai découvert deux choses durant cette année : un, les gens n'ont absolument pas la conscience des difficultés du système ; ils trouvent qu'il est merveilleux, tant mieux. Et deuxièmement, tous les étrangers, qui ont des systèmes différents et qu'on aurait pu être tenté de copier, ne marchent pas mieux que nous. Alors, il n'y pas de raison. Notre système est bon, il a de bons fondements. Il faut simplement mieux le régler."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 juillet 2003)
- "J'ai vécu avec les incendies depuis mon enfance. Tous les étés, on guettait... C'est une immense tristesse d'abord, parce que c'est la vie qui s'en va en fumée, la vie de la nature et là, la vie de quelques personnes même. C'est toujours un doute sur l'avenir, parce que lorsqu'on voit les images du massif des Maures, on se demande combien de temps il faudra pour reconstituer cette forêt. C'est une reconnaissance inouïe - j'entendais C. Clerc - : oui, nos pompiers méritent notre reconnaissance, notre gratitude et probablement un meilleur traitement à leur égard. Et puis, c'est une révolte, parce que c'est l'imprudence - quand vous roulez sur ces routes, il n'est pas rare de voir des gens jeter des mégots par la fenêtre - , l'imprudence coupable, la bêtise - quand vous voyez des pique-niqueurs qui font brûler des saucisses pas loin de feuilles sèches -, quelque fois même la folie contre laquelle on est plus désarmé. Et je dirais que cela nous rappelle de nouveau la nécessité d'éducation, le respect d'un certain nombre de règles de prudence et puis enfin la responsabilité."
Et pour les pyromanes, c'est une maladie qui se soigne ?
- "Les pyromanes, c'est une maladie qui, comme toutes les maladies mentales, mérite d'être soignée médicalement - quand c'est réellement une maladie. Mais pour autant, il faut être impitoyable. Parce que, vraiment - c'est la politique annoncée par le président de République et par le Gouvernement -, il ne doit pas y avoir de pitié pour les pyromanes. Il faut les pourchasser et les punir sévèrement."
J'en viens à un autre sujet, qui est plus directement lié à votre département ministériel : c'est le fonctionnement des hôpitaux. Par manque d'effectifs, en été, des lits sont fermés et cela complique les choses quand il y a plus de cas à traiter. Les médecins urgentistes, en particulier, tirent la sonnette d'alarme. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
- "Je leur réponds deux choses. Je leur réponds qu'il est vrai que chaque été, les services d'urgences, depuis toujours, ont beaucoup plus de difficultés. Parce qu'évidemment, une partie du personnel est en congés - il y a bien droit - et les cas qui se présentent, notamment dans les zones touristiques, viennent surcharger les services. Donc, c'est vrai, il y a une difficulté. Cette difficulté a été accrue, au cours des années passées, par la pénurie de personnel à la fois médical, à la fois les infirmières et puis par, il faut bien le reconnaître, une grande inorganisation."
Que proposez-vous concrètement ?
- "Depuis l'année dernière, nous avons pris une première mesure, je comprends pas qu'elle n'ait pas été prise avant : il s'agit simplement de faire dans les hôpitaux ce que font tous les hôtels, c'est-à-dire qu'ils échangent, par un système central, les lits disponibles, les chambres qui sont vacantes. Or j'ai découvert l'an dernier que des services d'urgences perdaient deux ou trois heures au téléphone pour appeler tous les hôpitaux accessibles, pour savoir s'ils avaient une chambre. Or, maintenant, on a mutualisé les lits qui sont disponibles et on perd beaucoup moins de temps que cela. D'autre part, on a rationalisé la fermeture, selon les hôpitaux - ici, on va fermer plutôt de la médecine, ici plutôt un peu de chirurgie. Et globalement, enfin, on a été aidé par la première sortie de la promotion à 28.000 élèves infirmières depuis le mois de mars. Ce qui est venu apporter un peu plus de facilités dans certains services..."
C'est donc en voie d'amélioration, en fait ?
- "Oui, c'est difficile, ça continue de l'être, surtout dans certaines zones - et la région parisienne en est une. Mais le nombre de lits fermés cette année n'est que de 8 à 12 % quand il atteignait 15 à 25 l'année précédente. Et puis, enfin, ces fermetures ne se prolongeront pas en septembre."
Autre sujet d'ampleur, l'assurance maladie, les gaspillages, la lutte contre les abus. La Cour des comptes est en train de préparer un rapport, où elle explique que trop de personnes âgées entassent trop de médicaments, le plus souvent sans les utiliser. Cela correspond à une réalité ? La Cour des comptes a raison de partir dans cette direction ?
- "Cela correspond à une réalité. Il suffit d'ailleurs d'aller regarder dans les armoires à pharmacie, et d'ailleurs pas seulement des personnes âgées, pour voir que beaucoup de médicaments achetés ne sont effectivement pas consommés. Je ne voudrais pas qu'on se méprenne sur la signification de ce que dit la Cour des comptes. Il ne s'agit pas de rationner les soins pour les personnes âgées, il ne s'agit pas de dire qu'il ne faut plus les soigner. Il faut au contraire essayer d'attirer l'attention des médecins sur la particularité de la personne âgée. Et je le dis sans esprit critique, si ce n'est peut-être à l'endroit des professeurs de médecine, dont je fais partie... Mais la gériatrie, les particularités des personnes âgées sont peu enseignées. Or il faut savoir que les doses de médicaments que l'on donne aux personnes âgées ne sont pas les doses d'adultes. On revient non pas non plus tout à fait vers des doses d'enfants, mais le corps d'une personne âgée n'assimile pas les médicaments de la même façon qu'un corps adulte."
Pour leur bien, il faut leur donner moins de médicaments ?
- "Il faut leur donneur plutôt des doses un peu moindres et puis deuxièmement, éviter d'en mettre trop à la fois, parce que les médicaments peuvent se contrarier, peuvent avoir des effets contraires. Ils peuvent au contraire s'additionner, se potentialiser. Et donc il y a peu de choses aussi difficiles que la prescription chez une personne âgée, surtout quand elle présente à la fois une insuffisance cardiaque, une hypertension, quelques troubles de la mémoire, et qu'en plus de cela, elle a une infection urinaire. Vous voyez que très vite, vous arrivez à cinq ou six médicaments et que cela devient difficile pour des mémoires un peu défaillantes... Quelque fois, elles ne se souviennent plus s'ils les ont pris, les reprennent. Ou bien alors ils sont tout simplement délaissés, ils sont oubliés. Il faut faire très attention. Il faut bien les soigner; mais on ne les soigne pas comme les adultes qu'ils étaient."
C'était au chapitre des économies possibles. Il y a aussi la mise à contribution possible des demandeurs de soins, des assurés. On entend parler d'une somme forfaitaire qui serait payée par l'assuré sur chaque boîte de médicaments. C'est à l'étude ?
- "Il y a beaucoup d'autres choses qui sont à l'étude ! Il y a ça, il y a une franchise, il y a la participation par consultation - mais ça ne date pas d'hier. J'ai trouvé toutes ces idées dans les tiroirs. Elles n'ont jamais été appliquées. En réalité, la question qui se pose et qu'on ne va pas résoudre tout de suite - et peut-être même pas dès l'automne -, parce que c'est un changement de comportement et que il faut pour cela que l'ensemble des règles soit fixé avec l'ensemble des partenaires. Je vous l'ai dit, il y a à peu près un an, en arrivant : mon premier soin est d'éviter les abus, les gaspillages, les excès et, d'autre part, de mobiliser la responsabilité de chacun des acteurs. Pour le moment, je dois dire que le patient, l'usager puisqu'on l'appelle aussi souvent comme cela, n'est pas probablement pas suffisamment responsable et ne se rend pas compte..."
Donc le faire payer un peu plus le rend plus responsable ?
- "Mais ce n'est pas une question de le faire payer, comme si il y avait une punition. Il faut qu'il se rende compte que tout n'est pas gratuit car, quand on entre dans une pharmacie, qu'on tend une carte Vitale, on a le sentiment que, quand on sort, tout est gratuit. Or cela a été payé, et payé notamment par les cotisations de ladite personne. Mais elle ne le sait même pas ! Elle ne sait même pas que c'est son argent qui est utilisé à cela. Si on lui rappelait que c'est son argent et que, quand il n'y en aura plus, il faudra peut-être en donner davantage, alors les gens seraient un peu plus responsables..."
On n'entend plus parler de "réforme" de la sécurité sociale mais "d'adaptation". Il n'y aura pas la "réforme Mattei", au grand sens du mot ?
- "Je ne cherche pas à accrocher mon nom à une réforme. C'est vrai que je serais très heureux que notre système de santé trouve un nouvel équilibre, et que c'est probablement dans la négociation, dans la concertation et surtout dans la pédagogie. J'ai découvert deux choses durant cette année : un, les gens n'ont absolument pas la conscience des difficultés du système ; ils trouvent qu'il est merveilleux, tant mieux. Et deuxièmement, tous les étrangers, qui ont des systèmes différents et qu'on aurait pu être tenté de copier, ne marchent pas mieux que nous. Alors, il n'y pas de raison. Notre système est bon, il a de bons fondements. Il faut simplement mieux le régler."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 juillet 2003)