Texte intégral
Voici dix ans déjà ! Dix ans que dans cette même salle, j'installais, en présence du directeur général de l'UNESCO de l'époque, Fédérico Mayor, auquel je tiens ici à rendre un vibrant hommage, le Comité international de Bioéthique (CIB). J'ai en effet eu le privilège de présider le CIB pendant cinq ans de 1993 à 1998.
Depuis dix ans, bien des découvertes ont été faites, augmentant encore le vertige que donnent les sciences biologiques. Jusqu'où ira le pouvoir formidable sur le vivant conféré à l'Homme par les sciences de la vie ?
Ce matin même, je lisais dans la presse le récit des expériences d'une équipe franco-américaine de chercheurs de l'école vétérinaire de Pennsylvanie qui a réussi à produire, chez la souris, des ovocytes à partir de cellules souches embryonnaires Des gamètes à partir de cellules embryonnaires ! N'est-ce pas une étape vers la parthénogenèse, souvent rêvée, jamais réalisée ? N'est-ce pas la clé pour obtenir, quasiment à volonté, des cellules souches compatibles avec l'organisme du receveur ?
Comment insérer la technique, applicable à l'Homme, dans le cadre des principes actuels de la bioéthique ? On le voit, les débats bioéthiques ne sont pas prêts de s'épuiser tant la science les renouvelle sans cesse à la faveur de ses avancées. Car la bioéthique repose sur une problématique qui est celle du bon usage des connaissances scientifiques. La problématique est double : comment éviter les dérives de la science en accomplissant le devoir de vigilance qui nous incombe ? Comment faire en sorte que les pays du Sud, puissent accéder aux bienfaits du progrès scientifique et aux progrès médicaux qu'ils permettent ?
C'est tout à l'honneur de l'UNESCO d'avoir d'emblée posé en ces termes la question de la bioéthique, sans avoir oublié sa dimension Nord/Sud. C'est en effet grâce à ses directeurs généraux, et spécialement à M. Matsuura, mais aussi aux Etats membres de l'Organisation qu'il faut attribuer la volonté d'avoir créé dès le départ une identité véritablement transculturelle. Car le CIB, dont sa présidente, Michelle Jean, se plaît à dire qu'il n'est pas un comité d'éthique comme les autres, répond bien sûr aux critères d'indépendance et de pluridisciplinarité de tous comités de ce genre.
Mais il a d'autres caractéristiques : il est à la fois universel et pluriculturel. Il illustre ainsi le dialogue entre les cultures, voire entre les religions, qui constitue pour moi un impératif incontournable au siècle où nous vivons. Une rupture dans ce dialogue est vouée à l'échec. Il est donc bon que l'UNESCO soit l'un des lieux privilégiés de cette rencontre interculturelle qui doit devenir la marque de notre civilisation globale.
Aussi le gouvernement français et le président de la République qui a accueilli ce matin à l'Elysée les membres du CIB - en présence de ses deux anciens présidents, Ruyichi Ida et moi-même - se félicitent-ils du fait que le Secrétaire général des Nations unies ait chargé l'UNESCO d'assurer la coordination entre toutes les organisations de l'ONU et d'autres instances internationales ou européennes dans le domaine de la bioéthique. Je me réjouis personnellement de l'initiative prise par le directeur général de l'UNESCO de créer un comité de coordination dont la première tâche sera de se pencher sur la difficile question de la brevetabilité du vivant. Je suis persuadée qu'une conciliation est possible en effet entre cette brevetabilité sans laquelle les financements nécessaires à la recherche ne seraient pas assurés, et les principes éthiques du respect de la dignité humaine.
Il faut en tout cas tenter de parvenir à un compromis entre les différentes approches concernant les brevets. Car, en tant que ministre des Affaires européennes, je suis très fière qu'après 25 ans de discussions longues et difficiles soit enfin né le "brevet communautaire" dont nous espérons qu'il dynamisera notre recherche.
Le CIB a de plus toutes les raisons de s'enorgueillir de son bilan.
Comme je l'indiquais à l'instant, il est par excellence le lieu de dialogue interculturel et peut ainsi contribuer à une meilleure compréhension des cultures autour des valeurs communes de la communauté internationale fondées sur les Droits de l'Homme.
Le CIB a par ailleurs fait uvre pédagogique en popularisant la Déclaration universelle sur le Génome humain (DGH) dont j'ai la fierté d'avoir animé la rédaction et la négociation dans tous les pays du monde. Cette Déclaration a été traduite dans toutes les langues de la planète et est devenue une référence universelle.
Le CIB joue un rôle institutionnel d'autant plus important qu'il encourage la création dans les différents Etats de Comités d'éthique nationaux indépendants. Or ces Comités font progresser le débat démocratique autant qu'éthique et participe de la conscience universelle sur la bioéthique.
Enfin, l'uvre juridique du CIB s'est notablement enrichie depuis l'adoption de la DGH en 1997 et 1998. Bientôt sera finalisée, comme l'a indiqué ce matin Hector Gros Espiell, la Déclaration sur les données génétiques. Et on ne compte plus les avis et recommandations du CIB qui font désormais autorité.
Mais les objectifs pour les mois et les années à venir sont encore plus ambitieux. Comme l'a rappelé le président de la République française, la France promeut deux textes universels d'importance historique.
Il est tout d'abord temps de bannir au niveau international le clonage reproductif en adoptant à cet effet une Convention des Nations unies. Ce projet de Convention résulte d'une initiative franco-allemande et je puis vous dire qu'avec mon homologue, la ministre allemande chargée de ce dossier, nous travaillons d'arrache-pied pour faire avancer les négociations. Et nous aurons besoin de votre appui.
La France entend par ailleurs appuyer fortement l'élaboration d'un "instrument universel sur la bioéthique". La forme et la valeur juridique de ce texte restent à déterminer. Mais j'ai la conviction qu'un tel document peut servir d'exemple pour montrer que l'universalité des valeurs humanistes qui nous réunit ici est parfaitement compatible avec la diversité culturelle du monde actuel. En tant que valeur, la diversité culturelle implique en effet le dialogue et l'écoute, l'esprit de tolérance et le respect de l'autre. Le respect d'autrui, quelles que soient ses caractéristiques génétiques - dit la DGH - mais aussi quelles que soient sa personnalité, ses convictions, ses croyances et sa culture, est la valeur la plus universelle qui soit. Une valeur dont dépendent la solidarité et l'entente entre les hommes, telle que l'évoquait encore ce matin le président de la République dont je porte le message devant vous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2003)
Depuis dix ans, bien des découvertes ont été faites, augmentant encore le vertige que donnent les sciences biologiques. Jusqu'où ira le pouvoir formidable sur le vivant conféré à l'Homme par les sciences de la vie ?
Ce matin même, je lisais dans la presse le récit des expériences d'une équipe franco-américaine de chercheurs de l'école vétérinaire de Pennsylvanie qui a réussi à produire, chez la souris, des ovocytes à partir de cellules souches embryonnaires Des gamètes à partir de cellules embryonnaires ! N'est-ce pas une étape vers la parthénogenèse, souvent rêvée, jamais réalisée ? N'est-ce pas la clé pour obtenir, quasiment à volonté, des cellules souches compatibles avec l'organisme du receveur ?
Comment insérer la technique, applicable à l'Homme, dans le cadre des principes actuels de la bioéthique ? On le voit, les débats bioéthiques ne sont pas prêts de s'épuiser tant la science les renouvelle sans cesse à la faveur de ses avancées. Car la bioéthique repose sur une problématique qui est celle du bon usage des connaissances scientifiques. La problématique est double : comment éviter les dérives de la science en accomplissant le devoir de vigilance qui nous incombe ? Comment faire en sorte que les pays du Sud, puissent accéder aux bienfaits du progrès scientifique et aux progrès médicaux qu'ils permettent ?
C'est tout à l'honneur de l'UNESCO d'avoir d'emblée posé en ces termes la question de la bioéthique, sans avoir oublié sa dimension Nord/Sud. C'est en effet grâce à ses directeurs généraux, et spécialement à M. Matsuura, mais aussi aux Etats membres de l'Organisation qu'il faut attribuer la volonté d'avoir créé dès le départ une identité véritablement transculturelle. Car le CIB, dont sa présidente, Michelle Jean, se plaît à dire qu'il n'est pas un comité d'éthique comme les autres, répond bien sûr aux critères d'indépendance et de pluridisciplinarité de tous comités de ce genre.
Mais il a d'autres caractéristiques : il est à la fois universel et pluriculturel. Il illustre ainsi le dialogue entre les cultures, voire entre les religions, qui constitue pour moi un impératif incontournable au siècle où nous vivons. Une rupture dans ce dialogue est vouée à l'échec. Il est donc bon que l'UNESCO soit l'un des lieux privilégiés de cette rencontre interculturelle qui doit devenir la marque de notre civilisation globale.
Aussi le gouvernement français et le président de la République qui a accueilli ce matin à l'Elysée les membres du CIB - en présence de ses deux anciens présidents, Ruyichi Ida et moi-même - se félicitent-ils du fait que le Secrétaire général des Nations unies ait chargé l'UNESCO d'assurer la coordination entre toutes les organisations de l'ONU et d'autres instances internationales ou européennes dans le domaine de la bioéthique. Je me réjouis personnellement de l'initiative prise par le directeur général de l'UNESCO de créer un comité de coordination dont la première tâche sera de se pencher sur la difficile question de la brevetabilité du vivant. Je suis persuadée qu'une conciliation est possible en effet entre cette brevetabilité sans laquelle les financements nécessaires à la recherche ne seraient pas assurés, et les principes éthiques du respect de la dignité humaine.
Il faut en tout cas tenter de parvenir à un compromis entre les différentes approches concernant les brevets. Car, en tant que ministre des Affaires européennes, je suis très fière qu'après 25 ans de discussions longues et difficiles soit enfin né le "brevet communautaire" dont nous espérons qu'il dynamisera notre recherche.
Le CIB a de plus toutes les raisons de s'enorgueillir de son bilan.
Comme je l'indiquais à l'instant, il est par excellence le lieu de dialogue interculturel et peut ainsi contribuer à une meilleure compréhension des cultures autour des valeurs communes de la communauté internationale fondées sur les Droits de l'Homme.
Le CIB a par ailleurs fait uvre pédagogique en popularisant la Déclaration universelle sur le Génome humain (DGH) dont j'ai la fierté d'avoir animé la rédaction et la négociation dans tous les pays du monde. Cette Déclaration a été traduite dans toutes les langues de la planète et est devenue une référence universelle.
Le CIB joue un rôle institutionnel d'autant plus important qu'il encourage la création dans les différents Etats de Comités d'éthique nationaux indépendants. Or ces Comités font progresser le débat démocratique autant qu'éthique et participe de la conscience universelle sur la bioéthique.
Enfin, l'uvre juridique du CIB s'est notablement enrichie depuis l'adoption de la DGH en 1997 et 1998. Bientôt sera finalisée, comme l'a indiqué ce matin Hector Gros Espiell, la Déclaration sur les données génétiques. Et on ne compte plus les avis et recommandations du CIB qui font désormais autorité.
Mais les objectifs pour les mois et les années à venir sont encore plus ambitieux. Comme l'a rappelé le président de la République française, la France promeut deux textes universels d'importance historique.
Il est tout d'abord temps de bannir au niveau international le clonage reproductif en adoptant à cet effet une Convention des Nations unies. Ce projet de Convention résulte d'une initiative franco-allemande et je puis vous dire qu'avec mon homologue, la ministre allemande chargée de ce dossier, nous travaillons d'arrache-pied pour faire avancer les négociations. Et nous aurons besoin de votre appui.
La France entend par ailleurs appuyer fortement l'élaboration d'un "instrument universel sur la bioéthique". La forme et la valeur juridique de ce texte restent à déterminer. Mais j'ai la conviction qu'un tel document peut servir d'exemple pour montrer que l'universalité des valeurs humanistes qui nous réunit ici est parfaitement compatible avec la diversité culturelle du monde actuel. En tant que valeur, la diversité culturelle implique en effet le dialogue et l'écoute, l'esprit de tolérance et le respect de l'autre. Le respect d'autrui, quelles que soient ses caractéristiques génétiques - dit la DGH - mais aussi quelles que soient sa personnalité, ses convictions, ses croyances et sa culture, est la valeur la plus universelle qui soit. Une valeur dont dépendent la solidarité et l'entente entre les hommes, telle que l'évoquait encore ce matin le président de la République dont je porte le message devant vous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2003)