Interview de M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, à RMC le 8 avril 2003, sur la mise en oeuvre de mesures d'économie au sein des administrations et de simplification des relations entre l'administration et les usagers.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin-. Le Gouvernement craint que le déficit public de la France représente cette année entre 3,4 et 3,6 % du PIB, c'est ce que vient de déclarer le ministre délégué au Budget, A. Lambert.
- "C'est pour cela qu'il faut simplifier, parce que si vous simplifier, vous réduisez les procédures, vous coupez les dépenses inutiles - ce qu'on appelle la bureaucratie. Mais qu'est-ce qu'essaye de faire le Gouvernement ? Il essaye par tous les moyens, avec l'engagement personnel très volontaire de J.-P. Raffarin, de traquer le gaspillage, pas ce qui touche aux services publics fondamentaux pour les Français, mais tous les frais liés à la superstructure qu'on peut couper sans mettre en cause le service public. La simplification c'est cela."
J.-P. Raffarin disait jeudi dernier, sur France 3, que dans tous les ministères, il faut faire la chasse au gaspillage et qu'on peut faire des économies. On va parler du projet de loi qui sera présenté à l'Assemblée nationale mais un mot quand même : simplification, cela veut dire, peut-être - puisque vous allez faire des économies -, limiter le nombre de fonctionnaires dans les administrations concernées ?
- "Cela veut dire en tout cas permettre de mieux utiliser la ressource humaine. Je prends un exemple : le fonctionnaire de terrain, au guichet, au contact du public, qui est le premier à souffrir de la complexité des procédures et de ce qu'on demande aux Français, puisque c'est lui qui se fait - pardonnez-moi l'expression - mais "engueuler" quand les gens ne sont pas contents. On va remplacer partout les pièces justificatives par de simples déclarations sur l'honneur. Eh bien ce fonctionnaire va pouvoir se consacrer à un accueil plus valorisant, à des tâches moins ingrates, plus polyvalentes. Et bien sûr, à terme, on pourra faire des économies. Mais tout cela doit se faire en partant de l'idée qu'on maintient le service public utile."
On va économiser, si je puis dire, - parce qu'économiser les fonctionnaires, ce n'est pas très beau - mais on va quand même ne pas remplacer certains fonctionnaires ?
- "Nous devons faire des économies en maintenant la prestation utile. Pour cela, il y a deux leviers majeurs : la simplification et la numérisation. Les deux vont de pair d'ailleurs. Pour ceux qui viennent de télécharger leur déclaration d'impôt sur le revenu - plus de 500 000 - ils ont été dispensés de produire les pièces justificatives, parce que vous ne pouvez pas demander aux gens à la fois de télécharger leur déclaration et continuer à envoyer sur papier timbré les justificatifs. Donc, pour passer à la société de l'information, numériser, faire des gains de productivité et de qualité, il faut simplifier."
Trop de lois, trop de lenteur, trop de procédures... Entrons dans le concret de votre projet de loi qui sera présenté aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Dans le concret, parmi les projets premiers, celui de mettre en place un accusé de réception qui suivra toute demande de l'usager ; cela veut dire quoi ?
- "C'est un accusé de réception mais qui comprendra surtout l'indication du délai."
Par exemple, soyons concrets ?
- "Vous avez dit concret, j'ai voulu faire du concret."
J'écris à l'administration car j'ai besoin d'un renseignement ; que se passe-t-il ?
- "Le service public, en fonction de ses contraintes, vous répond dans les trois jours, par une lettre dans laquelle il indique la personne responsable de votre dossier - vraiment responsable, celle qui a le pouvoir de décider -, et le délai maximal dans lequel il s'engage à traiter le dossier."
Cela veut dire : devoir d'efficacité pour l'administration ?
- "Et de transparence. Vous ne serez pas tous les matins à vous dire : est-ce que mon dossier est arrivé, est-ce que je vais avoir une réponse, est-ce qu'il faut que je relance, est-ce que si je relance le fonctionnaire, je ne vais pas finir par l'irriter ? Ca, c'est fini. On veut responsabiliser. Responsabiliser les gestionnaires du service public, responsabiliser les usagers pour qu'ils comprennent aussi que tout ne peut pas être fait en un jour. Ce qui est essentiel, c'est de savoir à quelle sauce on va être mangé et dans combien de temps la demande va être traitée."
Cela veut dire que l'administration publique devra rendre des comptes sur ses performances ?
- "Bien entendu. D'ailleurs, dans un instant, je vais vous quitter pour aller rejoindre A. Lambert, le ministre du Budget, et ensemble, nous allons débattre à l'Assemblée des moyens de faire des contrats de performance sur objectif, responsabilisant les services publics afin de mesurer les coûts et - il ne faut pas avoir peur du mot - prendre en compte l'exigence de productivité et d'économie."
Donc productivité du service public. Les déclarations sur l'honneur seront substituées aux pièces justificatives ; dans quel cas ?
- "Un exemple : le vote par procuration. L'an dernier, cela a été très choquant car beaucoup de gens qui ne pouvaient pas être là le jour du vote à leur domicile habituel pour des tas de raisons - parce qu'aujourd'hui, on est dans une société mobile, on ne peut plus astreindre les gens à résidence le jour du vote -, ont été dissuadés de faire le vote par procuration parce qu'on leur demandait de justifier qu'ils ne seraient pas là... Si vous preniez votre voiture pour aller à la campagne, comment faire pour prouver que vous n'êtes pas là ? Nous faisons donc le pari de la confiance et de la responsabilité : une déclaration sur l'honneur qui engage, bien entendu, la personne. Si on fait un faux, c'est une chose grave qui relève du code pénal et qui doit être sanctionnée. Mais ce n'est parce qu'il y a des tricheurs - il y en aura toujours -, qu'il faut soupçonner a priori tout le monde et bâtir des règles qui aboutissent à empêcher les gens de faire la démarche ou à la paralysie."
Les différentes administrations pourront échanger leurs données ?
- "Elles devront échanger leurs données. L'exemple type, c'est le changement d'adresse. Actuellement, vous être obligé de faire autant de déclarations qu'il y a de services publics - EDF, La Poste, les impôts, la mairie et j'en passe. A terme, mais cela prendra un peu de temps, parce que bien entendu, réorganiser les services publics, leur apprendre à travailler ensemble, à échanger, à partager, ce sont de choses qui ne relèvent pas du miracle spontané ou d'une baguette magique. Mais c'est l'objectif que fixe la loi et je suis convaincu que d'ici au plus tard deux ans, quand vous changerez d'adresse, vous n'aurez plus qu'à le déclarer une fois et le service public à qui vous l'aurez déclaré le transmettra aux autres. C'est quand même la moindre des choses que les services publics échangent entre eux les informations et soient obligés de le faire."
Attention à la confidentialité quand même.
- "Dans le respect de la confidentialité. Dans le cas d'un changement d'adresse..."
C'est vrai... La fin des commissions dans les départements : vous avez relevé que par département, il y a 221 commissions ! Comité de pilotage de la charte de lutte contre l'exclusion, comité de veille sociale, comité d'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise, comité de la bourse d'accès à l'emploi, etc.
- "Un inventaire à la Prévert. Tous ces comités s'entassent les uns après les autres et on oublie de faire le ménage et cela coûte très cher parce que dans chacun de ces comités, comme c'est rendu obligatoire par la loi, autour de la table, vous avez tous les fonctionnaires qui ne peuvent pas faire autrement - c'est une obligation légale - qui viennent, même si leur présence n'est pas justifiée. [Il y a] Plus de 200 comités dans chaque département, avec, à chaque fois, autour de la table, plusieurs dizaines de fonctionnaires des collectivités locales ou de l'Etat d'ailleurs. On va faire le ménage et j'espère que l'on arrivera à en supprimer une bonne moitié."
Ce sont des lieux de débats quand même !
- "Bien sûr, il faut maintenir les structures de concertation, vous avez tout à fait raison, mais est-ce qu'il faut le prévoir dans la loi ? Ne peut-on pas faire confiance aux préfets et aux représentants des collectivités territoriales pour convoquer les personnes intéressés quand c'est nécessaire, pour les consulter et débattre avant de décider ? L'absurdité, en France, c'est de vouloir tout mettre dans la loi, tout systématiser en ne tenant plus compte de l'extrême diversité des situations. A l'inverse, si dans la loi vous n'avez pas prévu tel représentant de telle association, il ne pourra pas siéger au comité, parce que ce n'est pas prévu dans les textes. C'est tout cela qu'il faut changer."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 avril 2003)