Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs,
Je suis particulièrement heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous pour vous présenter et installer officiellement votre nouveau président : M. Marc Philippe Daubresse.
Je le connais depuis longtemps et je sais qu'il saura apporter à vos débats toute son expérience d'homme de terrain, d'homme de coeur proche des préoccupations de nos concitoyens.
Le Conseil National de l'Habitat est devenu, en particulier sous l'impulsion de sa précédente présidente que je tiens à saluer ici, une véritable instance de réflexion sur le logement en France. Les groupes de travail qui se sont réunis jusqu'à la fin de l'année 2001 ont été de véritables lieux d'échanges et de propositions. Et je souhaite que, sous une forme qu'il vous appartiendra de définir, ces travaux de fond qui réunissent les meilleurs spécialistes sur un thème donné puissent se poursuivre.
Plusieurs thèmes me paraissent devoir être étudiés par vous.
Il s'agit d'abord de la discrimination dans l'accès au logement : c'est un sujet difficile où nous devons avoir le courage de regarder les problèmes qui existent, sans nous voiler la face et en nous appuyant d'abord sur la réalité du terrain. C'est pour cela que, lors de la journée mondiale sur les discriminations raciales, il m'a semblé indispensable que vous réfléchissiez sur ce sujet pour me faire des propositions d'ici le mois de septembre.
Il s'agit ensuite du groupe de travail sur l'Europe. Le fait européen ne peut plus être ignoré, même dans un secteur comme le logement qui ne relève pas directement des compétences communautaires. Tout simplement, de plus en plus de décisions à Bruxelles vous concernent dans vos métiers. Nous devons être donc attentifs, vigilants avant que les décisions ne soient prises, et bien mesurer leur impact.
De même, les réflexions sur le parc ancien méritent à mon sens d'être poursuivies. Le parc privé constitue un gisement insuffisamment utilisé pour produire du logement à loyers maîtrisés. Nous devons imaginer ensemble des dispositifs opérationnels.
Enfin, la sécurisation des bailleurs et des locataires. C'est volontairement que je n'emploie pas le terme de C.L.U.. C'est un véritable sujet qui ne peut se résumer à une formule. Vous avez déjà beaucoup réfléchi. Il faut que vous repreniez, sans à priori sur la solution, le travail de fond que vous avez engagé. Je souhaite que vous me fassiez très rapidement des propositions pour garantir les bailleurs contre les risques d'impayés et de dégradations sans déresponsabiliser les locataires.
Cette démarche est indispensable pour que nous ayons une offre pérenne de logements locatifs qui nous permette de loger de façon décente nos concitoyens. Vous le sentez bien à mon ton, nous avons l'ardente obligation d'avancer sur ce sujet. C'est l'intérêt des bailleurs et des locataires.
Le Conseil National de l'Habitat est le lieu de rencontre de l'ensemble des partenaires du logement. C'est pourquoi, j'ai demandé au Président de prévoir, lors de cette séance, un débat sur la décentralisation.
Le Premier ministre a annoncé, lors de la clôture des assises régionales, qu'il souhaitait rapprocher de nos concitoyens la mise en oeuvre de la politique du logement.
Mais il serait inconcevable que l'Etat se retire du logement. Aussi le choix a-t-il été fait d'une formule originale de délégations de compétences à certaines autorités décentralisées.
C'est la garantie que les grands principes de libre choix de son logement, de mixité sociale et de droit au logement soient pris en compte sur l'ensemble de notre territoire national.
C'est aussi la possibilité d'avoir un système moins centralisé que celui d'aujourd'hui qui s'adapte mal à la diversité des bassins d'habitat.
C'est surtout la possibilité pour les élus locaux, déjà fortement impliqués dans le logement, d'être responsables de l'application dans leurs territoires de la politique nationale du logement.
Les règles concernant les aides à la personne, éléments essentiels de la solidarité nationale, resteront de la compétence de l'État.
Les aides à la pierre, et notamment les crédits pour la construction ou la rénovation de logements sociaux ou privés, seront déconcentrées au niveau des préfets de région qui pourront les déléguer, sur la base de conventions, aux départements ou aux communautés d'agglomération qui le souhaitent et qui se sont dotées d'un programme local de l'habitat.
Ce dispositif devra être adapté pour l'Île-de-France où le bassin d'habitat est supra-départemental et où donc la région pourra bénéficier de cette délégation de compétences selon des modalités qui restent à définir.
Le calendrier législatif pour le logement est chargé. Il y a actuellement la loi DDUHC que je défends aujourd'hui même devant l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Il y aura la loi de décentralisation dont nous venons de parler.
Jean Louis Borloo présentera prochainement une loi sur la rénovation urbaine.
Enfin, je présenterai en conseil des ministres au mois de juin un projet de loi sur l'Habitat qui traduira les orientations majeures de la politique du logement que le gouvernement entend mettre en uvre.
Elle devrait comporter quatre axes principaux :
L'accession à la propriété. C'est le rêve de la plupart de nos concitoyens que de pouvoir devenir propriétaires de leur logement. Jamais le contexte n'a été aussi favorable: les taux d'intérêt sont historiquement bas. L'ingénierie financière permet aujourd'hui de trouver des solutions adaptées à chaque cas particulier. Nous devons tout faire pour faciliter l'accession à la propriété de nos concitoyens, notamment des plus modestes.
Quand une famille accède à la propriété, bien souvent elle quitte un logement social, laissant la place à une autre famille à ressources modestes qui ne peut pas encore se lancer dans un projet d'achat.
C'est par ce mouvement que nous redonnerons vie à la chaîne du logement.
Cela ne demande pas que des moyens budgétaires mais aussi des adaptations au droit actuel voire des innovations juridiques, en particulier pour la location accession.
Deuxième axe : le volet logement du Plan National de renforcement de la lutte contre l'exclusion. Je l'ai présenté cet automne avec Dominique Versini, vous en connaissez donc les grandes lignes. Je vous en rappellerai brièvement la philosophie.
Il ne s'agit pas de remettre en cause les dispositifs existants, bien au contraire. Il s'agit de les simplifier pour qu'ils aident mieux ceux qui y ont recours. Je citerai, à titre d'exemple, la fusion des différends fonds qui interviennent en faveur des personnes en difficulté pour disposer enfin d'un outil unique et efficace.
Il faut mieux utiliser les délais qu'accorde le juge pour trouver une solution pérenne aux situations d'impayés, en recourant systématiquement aux travailleurs sociaux qui peuvent sauver des familles dans ces périodes charnières.
Enfin, et c'est pour moi un progrès considérable dans le droit au logement, nous devons renforcer le pouvoir des commissions de médiation en leur permettant de s'auto-saisir des demandes de candidats à un logement social qui n'ont pas été satisfaites après un délai anormalement long et de proposer une solution en faisant appel au contingent préfectoral.
Troisième axe: la rénovation du parc ancien. Le Président de la République nous l'a rappelé, lorsque Dominique Versini a présenté le programme national de renforcement de la lutte contre l'exclusion, nous devons nous attaquer résolument à la lutte contre l'habitat indigne.
La loi Habitat comportera d'une part les modalités de sortie de la Loi de 1948 pour permettre la rénovation de ce parc souvent dégradé tout en protégeant les locataires les plus fragiles, que ce soient les personnes à ressource modeste ou les personnes âgées.
La concertation est en cours. Je ne doute pas que nous trouvions vite un dispositif consensuel.
Le projet de loi comportera aussi un important volet sur la lutte contre l'insalubrité et le saturnisme pour donner aux autorités locales, et notamment aux élus, les moyens de lutter efficacement contre ce fléau.
Enfin, la modernisation des opérateurs. Vous le savez, avec Jean Louis Borloo, j'ai écrit au Président de l'Union Sociale pour l'Habitat pour lui demander, sur un certain nombre de sujets essentiels, de me faire des propositions de réformes structurelles pour mieux armer les organismes face aux défis qu'ils ont à releve : renouvellement urbain, prise en compte du nouveau contexte qui sera créé par la loi de décentralisation. Je devrais recevoir dans les jours à venir ces propositions et je crois savoir que certaines, touchant notamment aux statuts des organismes, nécessiteront des dispositions législatives.
Ce sont de vastes chantiers qui sont devant nous, je sais pouvoir compter sur le Conseil National de l'Habitat pour m'aider à les conduire.
Et maintenant, je vous laisse travailler.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 8 avril 2003)