Texte intégral
Monsieur le président Jean-Pierre Davant,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs,
L'honneur que vous me faites, en m'invitant à clore le 37ème congrès de la Mutualité française à Toulouse, se mêle étroitement au plaisir de saluer des milliers de militants mutualistes et, à travers vous, tout le mouvement mutualiste. Le mouvement mutualiste représente des valeurs et porte des projets dont je voudrais, après le Président de la République, souligner, au-delà de cette enceinte, l'importance essentielle (I). La mutualité se révèle ainsi, sans rien abdiquer de sa liberté d'action et de jugement, en position d'être un partenaire de poids du Gouvernement dans une politique dont j'indiquerai quelques grandes lignes (II). Ce partenariat sera rendu possible par l'effort d'adaptation d'un mouvement qui doit être à l'avenir plus étroitement associé à la conduite des projets de transformation de notre système de santé (III).
Je veux d'abord réaffirmer que le projet politique du Gouvernement est fondé, comme l'action de la Mutualité, sur les valeurs de solidarité et d'égalité. Ce sont les fondements d'un modèle social européen, tour à tour envié et décrié. Pourtant la sécurité sociale, au sens large de la protection contre les risques de la vie, est un des plus beaux acquis de notre civilisation. Nous pouvons en être fiers. Il y a d'ailleurs comme une relation charnelle entre chaque citoyen et sa " sa Sécu ". Par elle nos concitoyens bénéficient du meilleur de notre société, qu'il s'agisse des progrès médicaux, inaccessibles sans assurance maladie, ou de l'allongement de l'espérance de vie, qui ne serait pas une chance sans retraites convenables et sans accompagnement du vieillissement. Quelles que soient les solutions choisies pour y répondre, le problème du vieillissement est un des défis majeurs qu'il faudra relever.
Dans tous les cas, chacun contribue selon ses moyens à ce que reçoivent ceux qui ont besoin est devenue une exigence de base de notre société. Il n'est pas acceptable que les efforts menés pour sauvegarder cette exigence soient caricaturés sous la forme d'une atteinte à des valeurs qu'ils ont, en réalité, pour but de défendre. C'est donc une nouvelle fois que je proclame l'engagement indéfectible du Gouvernement auquel j'appartiens de sauvegarder notre sécurité sociale juste et solidaire. Je ne laisserai jamais dénaturer, au sens plein de ce mot, le projet qui nous anime.
De même, nous partageons la valeur d'égalité qui prend la forme, dans le domaine qui nous soucie, d'un égal accès aux soins et à des soins de qualité. Les inégalités sont encore nombreuses, selon la région, l'habitat ou la catégorie socioprofessionnelle d'appartenance. Vous y avez consacré une large part de vos travaux, montrent que nous avons encore un long chemin à parcourir pour porter haut les couleurs de cette valeur républicaine.
Voilà qui souligne que l'on ne peut se limiter à des congratulations sur les valeurs qui nous sont communes. Se féliciter seulement de notre système de sécurité sociale risquerait fort de nous conduire à ne parler bientôt que du passé car, sans y prendre garde, ce modèle exemplaire aurait simplement, peu à peu, cessé d'exister sans même que nous ayons pris la peine de veiller sur les conditions de son existence, de sa permanence. Si l'amour rend souvent aveugle, son moteur - ne l'oublions pas - est l'exigence. Il nous faut associer lucidité et persévérance. Il nous faut prolonger notre communauté de vues par une convergence d'actions. Or la politique qu'entend mener le Gouvernement me paraît pouvoir répondre à vos aspirations, à nos aspirations. Je voudrais vous en rappeler quelques aspects.
Je souhaite tout d'abord doter notre pays d'une véritable politique de santé publique. C'est le sens du projet de loi adopté par le Conseil des ministres du 21 mai dernier. Les objectifs nationaux de santé publique ne sont aujourd'hui ni explicites ni débattus au Parlement. Sans cadre de référence cohérent, les nombreux acteurs de la santé travaillent ainsi au risque de la dispersion de leurs efforts et sans impératif de résultats affichés. C'est pour cela qu'il est indispensable de donner à la santé publique la place et la visibilité qui correspondent à son importance pour les Français. C'est ainsi que sociétés savantes, experts médicaux et associations ont identifié les objectifs pluriannuels que notre système de santé doit s'assigner. Ils sont au nombre d'une centaine. Pour beaucoup d'entre eux, ils sont accompagnés d'indicateurs de résultats qui permettront de mesurer la réussite des actions engagées. Il faudra bien sûr périodiquement reprendre l'exercice en fonction des progrès obtenus et de l'évolution des connaissances et techniques médicales. C'est pourquoi le projet de loi décrit le processus permanent d'élaboration et de mise en oeuvre des objectifs de santé.
La régulation est un deuxième axe de la politique que je souhaite conduire. Je crois avec vous que notre pays est à l'heure des choix. Nous ne pouvons, Monsieur le Président, ainsi que vous le déclariez récemment à la presse, " faire et financer n'importe quoi ". Notre système de santé et d'assurance maladie a besoin de régulation. Et cette régulation passe par une évaluation des pratiques et des techniques médicales qui garantit leur qualité, leur utilité et leur juste emploi. Disant cela, je vous cite, Monsieur le président, autant que je puise dans mes propos constants. La régulation est nécessaire, elle implique l'évaluation de la qualité.
La qualité des soins est, en effet, un enjeu fondamental. C'est elle seule qui justifie la ressource publique affectée au système de santé. Nous comprenons mieux aujourd'hui que les dépenses de santé sont encore appelées à prendre une part croissante dans le budget des ménages et du pays. Les progrès techniques, toujours plus rapides sont générateurs de coûts toujours plus élevés. L'allongement de la vie assigne à notre société un objectif ambitieux et un des plus enviables : vieillir en bonne santé. Mais demeurons réalistes : la ressource d'un pays, aussi riche soit-il, est limitée. Et ce réalisme s'impose avec d'autant plus de force aujourd'hui que l'assurance maladie est confrontée à de très grandes difficultés financières.
L'appel aux ressources de la collectivité, dans une proportion importante - près de 10 % de notre richesse produite chaque année y est consacrée-, mais en outre rapidement croissante, implique nécessairement que nous veillions au bon emploi des prélèvements sociaux. Mais l'effort demandé aux adhérents des mutuelles, aux revenus parfois modestes, justifie tout autant de se préoccuper de la qualité des soins et de l'évaluation des pratiques. Dans cette perspective, je voudrais souligner l'extrême nécessité de mettre en place et en oeuvre les outils de bonne pratique mais aussi de définir les justes contours de la solidarité nationale.
Ainsi que l'a dit le Président de la République, nous connaissons ces outils : formation continue, guides de bonne pratique, accords de bon usage, échanges entre pairs... C'est agir qu'il faut. Nous ne pouvons plus tarder à développer la coordination des soins ou à conduire les expériences de dossier médical partagé. Le dossier médical est prévu dans la loi du 4 mars. Dès mon arrivée, je me suis attaché à la rendre effective. Le dossier médical est indispensable, je vous en parlerai plus précisément au moment de la discussion du Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaite que l'ensemble des financeurs - régimes de base et assureurs complémentaires - contractent avec les professions de santé, chacun dans le cadre juridique qui est le sien, pour que ces outils deviennent familiers aux Français.
Je souhaite aussi que nous améliorions très rapidement les procédures par lesquelles nous admettons au remboursement les produits, les actes et les prestations de santé. A l'instar du travail opéré pour le médicament par la commission de la transparence - qui doit être encore amélioré -, c'est l'ensemble des actes de la vie médicale et paramédicale qui doit être examiné sous l'angle du service médical rendu afin de justifier au plus près les raisons de sa prise en charge par nos systèmes d'assurance collective. A cette décision d'admission qui relève de l'Etat, garant des contours de la solidarité nationale, les organismes d'assurance complémentaire doivent être plus étroitement associés dans des procédures précises et dans des instances aux missions clairement définies. Une telle instance, comme une sorte de Haut Conseil du remboursement, devra être créée pour qu'en partenariat, l'assurance maladie et l'assurance complémentaire puissent se répartir en toute indépendance.
Car, vous l'avez compris, sans porter en rien atteinte à votre indépendance, je souhaite que la Mutualité et l'ensemble des assureurs complémentaires concourent plus activement à la politique de santé et d'assurance maladie. Vous démontrez constamment votre engagement à la sauvegarde de notre protection sociale, dernièrement encore à travers votre campagne de presse. J'ai bien entendu que vous répondez présent à l'interpellation collective : " Qui veut sauver la sécurité sociale ? ". Je ne méconnais pas davantage la force pédagogique que vous représentez avec vos centaines de milliers de bénévoles et l'apprentissage aux responsabilités qu'offre la participation à vos organes de décision et de gestion.
Ce rôle accru des organismes complémentaires nous invite à imaginer une nouvelle architecture. Notre histoire a confié aux caisses des régimes obligatoires, gérés par les partenaires sociaux, la responsabilité de piloter le système de soins de ville. Dans le respect de cette tradition, qui pourra appeler une définition plus précise de la délégation de responsabilités, nous devons chercher à organiser des partenariats nouveaux. Ces partenariats impliqueront un engagement résolu à affronter la totalité des questions posées : accès de tous aux soins, amélioration des performances sanitaires du pays mais aussi équilibre financier de l'assurance maladie.
Les efforts que vous avez accomplis pour vous adapter aux nouvelles exigences de gestion vous placent sur la ligne de départ de ce nouveau partenariat.
La transposition des directives assurance, réalisée après un long processus pour tenir compte de vos spécificités, a en effet démontré votre capacité d'évolution. Cette transposition est achevée. L'ordonnance du 19 avril 2001 qui crée le nouveau code la mutualité a produit en 2001 et 2002 la quasi totalité de ses textes d'application : je m'en réjouis et vous félicite. Je veux plus particulièrement souligner le rôle actif de votre fédération pour mettre à la disposition des mutuelles les moyens de s'adapter aussi rapidement à cet ordre juridique nouveau. Mais je veux souligner aussi la vigueur du processus démocratique par lequel s'est opérée cette adaptation. De nombreuses assemblées générales ont ainsi été tenues pour approuver les changements nécessaires. Le droit communautaire continue cependant d'évoluer. La législation française qui vous concerne est donc en constant travail de transposition. L'année 2003 se caractérisera ainsi par la transposition de deux directives relatives à l'assainissement et à la liquidation ainsi qu'à l'intermédiation en assurance.
De même, les règles proprement françaises sont en train d'être fixées. Quelques textes restent à prendre dont celui qui porte sur le statut de l'élu mutualiste. Il ne devrait pas tarder à être publié au Journal officiel. La commission spécialisée du Conseil supérieur de la mutualité l'a examiné le 5 juin dernier. Il définit un équilibre satisfaisant entre bénévolat et compétence technique des élus. L'équilibre est fragile. Il vous appartient de veiller à ce que la " professionnalisation " des élus ne mélange pas les fonctions techniques et les fonctions politiques. Ce texte est un exemple du dialogue constructif entre les pouvoirs publics et vos représentants fédéraux. Le nouveau cadre juridique auquel les mutuelles se sont conformées avec rigueur est le moteur d'une profonde réorganisation du secteur mutualiste. Par le truchement de fusions notamment, cette réorganisation vous dote d'organismes qui atteignent progressivement la taille critique pour se lancer dans les nouvelles missions que vous ambitionnez de remplir légitimement.
Pour ces missions, il vous faut, je le sais, recevoir des régimes de base une information plus riche qui vous fait défaut actuellement. C'est pourquoi j'ai confié à Christian Babusiaux, conseiller maître à la Cour des comptes, la mission d'étudier dans quelles conditions les assureurs complémentaires peuvent avoir accès aux données de santé des feuilles de soins électroniques. Le rapport de M. Babusiaux m'a été remis la semaine dernière. Il conclut qu'un tel accès est possible tant sur le plan technique que juridique. La principale contrainte est le respect du droit à la vie privée. Parce que le professionnel de santé est le seul à être équipé des moyens informatiques, c'est à lui qu'incombe de transmettre ces informations. Il convient donc de le protéger contre le risque de violation du secret professionnel. La solution la plus simple et la plus protectrice est l'anonymisation des données de santé à transmettre. Mais il peut être également possible, dit le rapport, si toutes les garanties sont réunies, de fonder un système qui repose sur la transmission de données nominatives sous réserve du consentement exprès du patient. Il est probable, nous le verrons ensemble, qu'il faille laisser ouvertes les deux possibilités pour tenir compte de la diversité des situations. La complexité de la mise en uvre des solutions techniques justifie que l'on recourt au préalable à des expérimentations, à l'échelle d'une profession ou d'une région. Je souhaite que ces expérimentations privilégient la technique de l'anonymisation. Un dispositif de suivi de ces expérimentations devra rapidement être mis en place, auquel vous serez naturellement associés. Parallèlement à cette transmission de données, les organismes complémentaires doivent pouvoir accéder au système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram).
Je me réjouis tout particulièrement du travail réalisé par Christian Babusiaux et son équipe. Il débouche sur des propositions, élaborées au terme d'une concertation efficace, qui allient le respect de principes essentiels comme le respect de la vie privée et le pragmatisme des solutions techniques. Ce travail est, en outre, le fruit d'une réelle concertation que matérialise un échange de lettres qui marquent l'accord sur ces orientations.
Les nombreux défis auxquels notre système de santé et d'assurance maladie doit faire face justifient, bien sûr, d'importantes et difficiles réformes. Ils exigent plus encore une réforme permanente car les conditions de viabilité de ce système évoluent rapidement. Il serait aussi malsain qu'inutile de penser, pour en rêver ou pour le redouter, à un grand chamboulement de l'assurance maladie. Après avoir mis sur les rails, à l'automne de l'an dernier, la réforme de l'hôpital et celle du médicament, elles avancent régulièrement pas à pas, je souhaite conduire posément mais avec détermination une succession d'adaptations dans le temps, sur la période de la législature. Le Président de la République vous a présenté, avant-hier jeudi, les grandes lignes de ce mouvement continu de réforme. Le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale sera notamment l'occasion de poursuivre résolument cette démarche moderne et ambitieuse.
Il n'y a pas dans notre pays de protection sociale complète sans assurance complémentaire. La création de la CMU en a été de ce point de vue la reconnaissance évidente. Cette évidence conduit à se préoccuper de doter chacun de nos concitoyens d'une telle assurance. C'est la raison de l'engagement réaffirmé jeudi dernier par le Président de la République de créer une aide à la souscription de contrats individuels. Mais, au-delà de cette fonction de solvabilisation, par le poids que vous représentez dans l'assurance complémentaire, et plus encore par les valeurs que vous portez à travers un réseau de militants, la Mutualité est un des partenaires auxquels le Gouvernement souhaite faire toute sa place en l'invitant aussi à s'engager. A s'engager dans la voie de la clarification des responsabilités tout comme dans l'exercice effectif de ces responsabilités.
Je le redis, il s'agit, et je sais que vous partagez cette préoccupation, de sauvegarder notre sécurité sociale. Les Français y sont attachés. Le Président de la République en est le garant. Le Gouvernement servira cette ambition d'adapter les institutions et de modifier les modes de gestion pour mieux assurer la permanence des valeurs. Toutes les forces de la Nation sont invitées à cette tâche exaltante.
Monsieur le président Davant,
Mesdames et Messieurs,
Oui la tâche est exaltante. Exaltante parce qu'elle est difficile. Elle est difficile, je le sais, mais surtout parce qu'elle est porteuse de sens, parce qu'elle est porteuse d'idéal. Quoi de plus exaltant que de donner le meilleur de soi pour accompagner celui qui souffre et qui est à la peine dans une responsabilité partagée et dans un respect mutuel.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 juin 2003)
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs,
L'honneur que vous me faites, en m'invitant à clore le 37ème congrès de la Mutualité française à Toulouse, se mêle étroitement au plaisir de saluer des milliers de militants mutualistes et, à travers vous, tout le mouvement mutualiste. Le mouvement mutualiste représente des valeurs et porte des projets dont je voudrais, après le Président de la République, souligner, au-delà de cette enceinte, l'importance essentielle (I). La mutualité se révèle ainsi, sans rien abdiquer de sa liberté d'action et de jugement, en position d'être un partenaire de poids du Gouvernement dans une politique dont j'indiquerai quelques grandes lignes (II). Ce partenariat sera rendu possible par l'effort d'adaptation d'un mouvement qui doit être à l'avenir plus étroitement associé à la conduite des projets de transformation de notre système de santé (III).
Je veux d'abord réaffirmer que le projet politique du Gouvernement est fondé, comme l'action de la Mutualité, sur les valeurs de solidarité et d'égalité. Ce sont les fondements d'un modèle social européen, tour à tour envié et décrié. Pourtant la sécurité sociale, au sens large de la protection contre les risques de la vie, est un des plus beaux acquis de notre civilisation. Nous pouvons en être fiers. Il y a d'ailleurs comme une relation charnelle entre chaque citoyen et sa " sa Sécu ". Par elle nos concitoyens bénéficient du meilleur de notre société, qu'il s'agisse des progrès médicaux, inaccessibles sans assurance maladie, ou de l'allongement de l'espérance de vie, qui ne serait pas une chance sans retraites convenables et sans accompagnement du vieillissement. Quelles que soient les solutions choisies pour y répondre, le problème du vieillissement est un des défis majeurs qu'il faudra relever.
Dans tous les cas, chacun contribue selon ses moyens à ce que reçoivent ceux qui ont besoin est devenue une exigence de base de notre société. Il n'est pas acceptable que les efforts menés pour sauvegarder cette exigence soient caricaturés sous la forme d'une atteinte à des valeurs qu'ils ont, en réalité, pour but de défendre. C'est donc une nouvelle fois que je proclame l'engagement indéfectible du Gouvernement auquel j'appartiens de sauvegarder notre sécurité sociale juste et solidaire. Je ne laisserai jamais dénaturer, au sens plein de ce mot, le projet qui nous anime.
De même, nous partageons la valeur d'égalité qui prend la forme, dans le domaine qui nous soucie, d'un égal accès aux soins et à des soins de qualité. Les inégalités sont encore nombreuses, selon la région, l'habitat ou la catégorie socioprofessionnelle d'appartenance. Vous y avez consacré une large part de vos travaux, montrent que nous avons encore un long chemin à parcourir pour porter haut les couleurs de cette valeur républicaine.
Voilà qui souligne que l'on ne peut se limiter à des congratulations sur les valeurs qui nous sont communes. Se féliciter seulement de notre système de sécurité sociale risquerait fort de nous conduire à ne parler bientôt que du passé car, sans y prendre garde, ce modèle exemplaire aurait simplement, peu à peu, cessé d'exister sans même que nous ayons pris la peine de veiller sur les conditions de son existence, de sa permanence. Si l'amour rend souvent aveugle, son moteur - ne l'oublions pas - est l'exigence. Il nous faut associer lucidité et persévérance. Il nous faut prolonger notre communauté de vues par une convergence d'actions. Or la politique qu'entend mener le Gouvernement me paraît pouvoir répondre à vos aspirations, à nos aspirations. Je voudrais vous en rappeler quelques aspects.
Je souhaite tout d'abord doter notre pays d'une véritable politique de santé publique. C'est le sens du projet de loi adopté par le Conseil des ministres du 21 mai dernier. Les objectifs nationaux de santé publique ne sont aujourd'hui ni explicites ni débattus au Parlement. Sans cadre de référence cohérent, les nombreux acteurs de la santé travaillent ainsi au risque de la dispersion de leurs efforts et sans impératif de résultats affichés. C'est pour cela qu'il est indispensable de donner à la santé publique la place et la visibilité qui correspondent à son importance pour les Français. C'est ainsi que sociétés savantes, experts médicaux et associations ont identifié les objectifs pluriannuels que notre système de santé doit s'assigner. Ils sont au nombre d'une centaine. Pour beaucoup d'entre eux, ils sont accompagnés d'indicateurs de résultats qui permettront de mesurer la réussite des actions engagées. Il faudra bien sûr périodiquement reprendre l'exercice en fonction des progrès obtenus et de l'évolution des connaissances et techniques médicales. C'est pourquoi le projet de loi décrit le processus permanent d'élaboration et de mise en oeuvre des objectifs de santé.
La régulation est un deuxième axe de la politique que je souhaite conduire. Je crois avec vous que notre pays est à l'heure des choix. Nous ne pouvons, Monsieur le Président, ainsi que vous le déclariez récemment à la presse, " faire et financer n'importe quoi ". Notre système de santé et d'assurance maladie a besoin de régulation. Et cette régulation passe par une évaluation des pratiques et des techniques médicales qui garantit leur qualité, leur utilité et leur juste emploi. Disant cela, je vous cite, Monsieur le président, autant que je puise dans mes propos constants. La régulation est nécessaire, elle implique l'évaluation de la qualité.
La qualité des soins est, en effet, un enjeu fondamental. C'est elle seule qui justifie la ressource publique affectée au système de santé. Nous comprenons mieux aujourd'hui que les dépenses de santé sont encore appelées à prendre une part croissante dans le budget des ménages et du pays. Les progrès techniques, toujours plus rapides sont générateurs de coûts toujours plus élevés. L'allongement de la vie assigne à notre société un objectif ambitieux et un des plus enviables : vieillir en bonne santé. Mais demeurons réalistes : la ressource d'un pays, aussi riche soit-il, est limitée. Et ce réalisme s'impose avec d'autant plus de force aujourd'hui que l'assurance maladie est confrontée à de très grandes difficultés financières.
L'appel aux ressources de la collectivité, dans une proportion importante - près de 10 % de notre richesse produite chaque année y est consacrée-, mais en outre rapidement croissante, implique nécessairement que nous veillions au bon emploi des prélèvements sociaux. Mais l'effort demandé aux adhérents des mutuelles, aux revenus parfois modestes, justifie tout autant de se préoccuper de la qualité des soins et de l'évaluation des pratiques. Dans cette perspective, je voudrais souligner l'extrême nécessité de mettre en place et en oeuvre les outils de bonne pratique mais aussi de définir les justes contours de la solidarité nationale.
Ainsi que l'a dit le Président de la République, nous connaissons ces outils : formation continue, guides de bonne pratique, accords de bon usage, échanges entre pairs... C'est agir qu'il faut. Nous ne pouvons plus tarder à développer la coordination des soins ou à conduire les expériences de dossier médical partagé. Le dossier médical est prévu dans la loi du 4 mars. Dès mon arrivée, je me suis attaché à la rendre effective. Le dossier médical est indispensable, je vous en parlerai plus précisément au moment de la discussion du Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaite que l'ensemble des financeurs - régimes de base et assureurs complémentaires - contractent avec les professions de santé, chacun dans le cadre juridique qui est le sien, pour que ces outils deviennent familiers aux Français.
Je souhaite aussi que nous améliorions très rapidement les procédures par lesquelles nous admettons au remboursement les produits, les actes et les prestations de santé. A l'instar du travail opéré pour le médicament par la commission de la transparence - qui doit être encore amélioré -, c'est l'ensemble des actes de la vie médicale et paramédicale qui doit être examiné sous l'angle du service médical rendu afin de justifier au plus près les raisons de sa prise en charge par nos systèmes d'assurance collective. A cette décision d'admission qui relève de l'Etat, garant des contours de la solidarité nationale, les organismes d'assurance complémentaire doivent être plus étroitement associés dans des procédures précises et dans des instances aux missions clairement définies. Une telle instance, comme une sorte de Haut Conseil du remboursement, devra être créée pour qu'en partenariat, l'assurance maladie et l'assurance complémentaire puissent se répartir en toute indépendance.
Car, vous l'avez compris, sans porter en rien atteinte à votre indépendance, je souhaite que la Mutualité et l'ensemble des assureurs complémentaires concourent plus activement à la politique de santé et d'assurance maladie. Vous démontrez constamment votre engagement à la sauvegarde de notre protection sociale, dernièrement encore à travers votre campagne de presse. J'ai bien entendu que vous répondez présent à l'interpellation collective : " Qui veut sauver la sécurité sociale ? ". Je ne méconnais pas davantage la force pédagogique que vous représentez avec vos centaines de milliers de bénévoles et l'apprentissage aux responsabilités qu'offre la participation à vos organes de décision et de gestion.
Ce rôle accru des organismes complémentaires nous invite à imaginer une nouvelle architecture. Notre histoire a confié aux caisses des régimes obligatoires, gérés par les partenaires sociaux, la responsabilité de piloter le système de soins de ville. Dans le respect de cette tradition, qui pourra appeler une définition plus précise de la délégation de responsabilités, nous devons chercher à organiser des partenariats nouveaux. Ces partenariats impliqueront un engagement résolu à affronter la totalité des questions posées : accès de tous aux soins, amélioration des performances sanitaires du pays mais aussi équilibre financier de l'assurance maladie.
Les efforts que vous avez accomplis pour vous adapter aux nouvelles exigences de gestion vous placent sur la ligne de départ de ce nouveau partenariat.
La transposition des directives assurance, réalisée après un long processus pour tenir compte de vos spécificités, a en effet démontré votre capacité d'évolution. Cette transposition est achevée. L'ordonnance du 19 avril 2001 qui crée le nouveau code la mutualité a produit en 2001 et 2002 la quasi totalité de ses textes d'application : je m'en réjouis et vous félicite. Je veux plus particulièrement souligner le rôle actif de votre fédération pour mettre à la disposition des mutuelles les moyens de s'adapter aussi rapidement à cet ordre juridique nouveau. Mais je veux souligner aussi la vigueur du processus démocratique par lequel s'est opérée cette adaptation. De nombreuses assemblées générales ont ainsi été tenues pour approuver les changements nécessaires. Le droit communautaire continue cependant d'évoluer. La législation française qui vous concerne est donc en constant travail de transposition. L'année 2003 se caractérisera ainsi par la transposition de deux directives relatives à l'assainissement et à la liquidation ainsi qu'à l'intermédiation en assurance.
De même, les règles proprement françaises sont en train d'être fixées. Quelques textes restent à prendre dont celui qui porte sur le statut de l'élu mutualiste. Il ne devrait pas tarder à être publié au Journal officiel. La commission spécialisée du Conseil supérieur de la mutualité l'a examiné le 5 juin dernier. Il définit un équilibre satisfaisant entre bénévolat et compétence technique des élus. L'équilibre est fragile. Il vous appartient de veiller à ce que la " professionnalisation " des élus ne mélange pas les fonctions techniques et les fonctions politiques. Ce texte est un exemple du dialogue constructif entre les pouvoirs publics et vos représentants fédéraux. Le nouveau cadre juridique auquel les mutuelles se sont conformées avec rigueur est le moteur d'une profonde réorganisation du secteur mutualiste. Par le truchement de fusions notamment, cette réorganisation vous dote d'organismes qui atteignent progressivement la taille critique pour se lancer dans les nouvelles missions que vous ambitionnez de remplir légitimement.
Pour ces missions, il vous faut, je le sais, recevoir des régimes de base une information plus riche qui vous fait défaut actuellement. C'est pourquoi j'ai confié à Christian Babusiaux, conseiller maître à la Cour des comptes, la mission d'étudier dans quelles conditions les assureurs complémentaires peuvent avoir accès aux données de santé des feuilles de soins électroniques. Le rapport de M. Babusiaux m'a été remis la semaine dernière. Il conclut qu'un tel accès est possible tant sur le plan technique que juridique. La principale contrainte est le respect du droit à la vie privée. Parce que le professionnel de santé est le seul à être équipé des moyens informatiques, c'est à lui qu'incombe de transmettre ces informations. Il convient donc de le protéger contre le risque de violation du secret professionnel. La solution la plus simple et la plus protectrice est l'anonymisation des données de santé à transmettre. Mais il peut être également possible, dit le rapport, si toutes les garanties sont réunies, de fonder un système qui repose sur la transmission de données nominatives sous réserve du consentement exprès du patient. Il est probable, nous le verrons ensemble, qu'il faille laisser ouvertes les deux possibilités pour tenir compte de la diversité des situations. La complexité de la mise en uvre des solutions techniques justifie que l'on recourt au préalable à des expérimentations, à l'échelle d'une profession ou d'une région. Je souhaite que ces expérimentations privilégient la technique de l'anonymisation. Un dispositif de suivi de ces expérimentations devra rapidement être mis en place, auquel vous serez naturellement associés. Parallèlement à cette transmission de données, les organismes complémentaires doivent pouvoir accéder au système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram).
Je me réjouis tout particulièrement du travail réalisé par Christian Babusiaux et son équipe. Il débouche sur des propositions, élaborées au terme d'une concertation efficace, qui allient le respect de principes essentiels comme le respect de la vie privée et le pragmatisme des solutions techniques. Ce travail est, en outre, le fruit d'une réelle concertation que matérialise un échange de lettres qui marquent l'accord sur ces orientations.
Les nombreux défis auxquels notre système de santé et d'assurance maladie doit faire face justifient, bien sûr, d'importantes et difficiles réformes. Ils exigent plus encore une réforme permanente car les conditions de viabilité de ce système évoluent rapidement. Il serait aussi malsain qu'inutile de penser, pour en rêver ou pour le redouter, à un grand chamboulement de l'assurance maladie. Après avoir mis sur les rails, à l'automne de l'an dernier, la réforme de l'hôpital et celle du médicament, elles avancent régulièrement pas à pas, je souhaite conduire posément mais avec détermination une succession d'adaptations dans le temps, sur la période de la législature. Le Président de la République vous a présenté, avant-hier jeudi, les grandes lignes de ce mouvement continu de réforme. Le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale sera notamment l'occasion de poursuivre résolument cette démarche moderne et ambitieuse.
Il n'y a pas dans notre pays de protection sociale complète sans assurance complémentaire. La création de la CMU en a été de ce point de vue la reconnaissance évidente. Cette évidence conduit à se préoccuper de doter chacun de nos concitoyens d'une telle assurance. C'est la raison de l'engagement réaffirmé jeudi dernier par le Président de la République de créer une aide à la souscription de contrats individuels. Mais, au-delà de cette fonction de solvabilisation, par le poids que vous représentez dans l'assurance complémentaire, et plus encore par les valeurs que vous portez à travers un réseau de militants, la Mutualité est un des partenaires auxquels le Gouvernement souhaite faire toute sa place en l'invitant aussi à s'engager. A s'engager dans la voie de la clarification des responsabilités tout comme dans l'exercice effectif de ces responsabilités.
Je le redis, il s'agit, et je sais que vous partagez cette préoccupation, de sauvegarder notre sécurité sociale. Les Français y sont attachés. Le Président de la République en est le garant. Le Gouvernement servira cette ambition d'adapter les institutions et de modifier les modes de gestion pour mieux assurer la permanence des valeurs. Toutes les forces de la Nation sont invitées à cette tâche exaltante.
Monsieur le président Davant,
Mesdames et Messieurs,
Oui la tâche est exaltante. Exaltante parce qu'elle est difficile. Elle est difficile, je le sais, mais surtout parce qu'elle est porteuse de sens, parce qu'elle est porteuse d'idéal. Quoi de plus exaltant que de donner le meilleur de soi pour accompagner celui qui souffre et qui est à la peine dans une responsabilité partagée et dans un respect mutuel.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 juin 2003)