Texte intégral
Monsieur le Délégué général,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Merci, Monsieur le Maire, de vos propos de bienvenue et de l'accueil chaleureux que votre ville, ainsi que tous ses habitants, savent toujours ménager à leurs hôtes. L'idée d'une alliance un peu privilégiée entre la plus grande ville d'Aquitaine et l'une de ses plus vastes communes mériterait d'être plus approfondie.
Pour la 17ème fois, Hourtin organise son Université d'été de la Communication. Mesdames et Messieurs, vous me faites beaucoup d'honneur en me demandant d'inaugurer ces journées ; je voulais vous en remercier et former des vux de pleine réussite pour vos travaux qui auraient tant de personnalités éminentes que je salue.
Je connais le retentissement, tant sur le plan local que national. D'éminentes contributions sont attendues. J'en prendrai connaissance avec le plus grand soin. Vous avez choisi, cette année, de placer vos réflexions, sous le signe du numérique. Je suis, avec beaucoup d'intérêt toutes les initiatives prises au niveau local ou régional. Je me réjouis que ce mouvement, qui montre que la France n'est pas en retard dans cette évolution mondiale, trouve un point d'application, en particulier en Aquitaine, qui pour sa part, apporte une contribution importante à l'expérimentation de ces nouvelles formes de communication.
La généralisation du numérique est en passe de modifier durablement la nature des échanges entre les hommes, placés traditionnellement sous l'égide de l'échange direct et de la parole. Or, le numérique est un mode de langage par définition impersonnel. Faut-il se réjouir ou non de son avènement ? Ce mouvement semble irréversible et le problème, dès lors, consiste à savoir comment s'y préparer au mieux.
Il serait présomptueux de ma part, devant un parterre de spécialistes éminents de toutes les technologies modernes de l'information, d'entrer dans le détail des bouleversements concrets que ce nouveau langage entraîne dans la vie de nos sociétés et de nos cités.
Je me contenterai de tracer quelques pistes de réflexion, en comptant sur vous, parce que vous êtes aux avant-postes de toutes ces mutations, pour apporter à tous nos concitoyens et à leurs gouvernants, les éclairages nécessaires sur la manière dont pourrait fonctionner cette cité du futur.
On parle beaucoup de "cité numérique". La juxtaposition de ces deux mots peut surprendre : le premier renvoie à l'une des formes les plus anciennes de l'organisation des hommes en collectivité, - la cité est en effet le lieu d'échanges par excellence où le citoyen est conduit à prendre la parole -, et le second qui est un terme relativement récent, et qui désigne la forme impersonnelle de langage utilisé dans les techniques de communication les plus sophistiquées.
J'entends aussi parler de village planétaire, d'autoroutes de l'information, de démocratie électronique, de bureaux nomades, d'argent virtuel ou encore de cybercafés dont les clients s'appellent désormais des internautes... Voilà tout un vocabulaire qui constitue ce que l'un d'entre vous a qualifié tout à l'heure d'utopie réaliste.
Derrière cette débauche d'expressions parfois mystérieuses et nouvellement introduites dans notre vocabulaire, quelle est précisément la réalité et de quoi parlons-nous exactement ?
En tant qu'élu local, comme responsable politique national, et tout simplement comme citoyen, j'ai le sentiment de lire tout et son contraire. Personne n'est en mesure aujourd'hui de qualifier de manière précise la façon dont nous communiquerons demain. Il serait donc largement prématuré de définir dès à présent une politique publique à moyen terme.
En revanche, le moment me parait bien choisi pour poser le plus grand nombre de questions.
Nous faisons référence avec le numérique à une technique prometteuse qui abolit les dimensions traditionnellement contraignantes d'espace et de temps, mais qui ne saurait se développer sous n'importe quelles conditions.
L'Histoire retiendra sans doute que la seconde moitié de notre siècle aura été marquée par l'explosion, tous azimuts, des techniques de communication et que le début du prochain millénaire verra le triomphe des années numériques avec le cortège d'avantages de toute nature dont elles sont créditées.
Après le téléphone, la radio, puis l'ordinateur et la télévision, l'arrivée du numérique est, de fait, le dernier grand progrès offert par notre siècle pour améliorer la communication entre les hommes.
Que de chemin parcouru en si peu de temps. Je n'en donnerai que quelques exemples :
- le développement de la télévision numérique et l'apparition de ce qu'il est convenu d'appeler des "bouquets", qui pourront, nous dit-on, offrir sous le seul ciel européen 1 500 programmes au lieu des 200 actuels,
- le stockage et la transmission plus aisés et plus rapides des données numérisées de textes, d'images ou de sons, sur des disques ou des réseaux de télécommunications,
- l'accès, depuis n'importe quel lieu de notre planète à de gigantesques banques de données consultables en temps réel.
Les améliorations qui en résultent, déjà connues dans le domaine du son numérique sont spectaculaires pour tout ce qui concerne les produits hors ligne, comme les CD ROM et surtout les réseaux en ligne, je pense bien sûr au succès du réseau anglo-saxon Internet.
Quels enseignements, au moins provisoires peut-on d'ores et déjà tirer ?
Le premier me semble-t-il est que les progrès accomplis par les nouvelles technologies d'information et de communication apparaissent sans limites, et qu'il serait illusoire de prétendre formuler des prévisions et des pronostics sur le degré de progression des connaissances, tant son rythme est rapide.
Dans quelle société d'information vivrons-nous demain ? Nul ne peut en définir les contours avec une certitude absolue. Une chose est sûre vraisemblablement les techniques seront toujours plus performantes, toujours plus puissantes et toujours plus accessibles.
Le second est que la mondialisation croissante de tous les échanges, et pas seulement des échanges économiques, alimentera naturellement le processus de modernisation de l'information en générant des besoins toujours plus précis et plus exigeants.
Le troisième et nous serions bien inspirés d'y être peut être plus attentifs, est que la compétition, pour contrôler ces techniques de diffusion et ces outils de navigation est de plus en plus sauvage. Le duel auquel nous assistons en ce moment entre deux géants américains démontre, s'il en était besoin, l'importance de l'enjeu. De même, la guerre des communiqués à laquelle se livrent depuis quelques mois les grands groupes audiovisuels européens, annonçant une alliance abandonnée quelques jours plus tard, atteste de ce climat d'incertitude qui continue de peser dans l'esprit des "stratèges du numérique".
Le quatrième est que toutes ces évolutions spectaculaires ne sont pas sans risques. Il n'est pas dans mes intentions de porter un jugement de valeur, mais il est du devoir des responsables politiques d'alerter ses concitoyens et en particulier ceux qui contribuent au plus près à cette marche forcée vers la société de l'information, sur un certain nombre de dangers.
Le progrès de la connaissance, du savoir-faire et de l'ingéniosité humaine même s'il n'engendre plus l'optimisme sans nuances qu'il inspirait à nos prédécesseurs du 19ème siècle, ne doit pas susciter la crainte, ou la méfiance à priori. Souvenons-nous qu'à sa naissance, l'imprimerie a d'abord effrayé ceux qui craignaient la mise entre toutes les mains d'exemplaires imprimés. L'accès à la connaissance devait rester le privilège d'une élite. Or, qu'est-il advenu ? Un extraordinaire bond en avant dans la transmission des savoirs et donc dans la création et l'invention.
Je crois toujours, personnellement, que le progrès technique peut demeurer le moteur de l'activité humaine à la condition que sa finalité consiste à demeurer au service de la personne humaine. Or chacun voit bien que les nouvelles technologies présentent des risques de dévoiement.
De la "révolution numérique" découle toute une série de questions sur lesquelles vous vous pencherez durant vos journées d'études. J'en énumérerai quelques-unes devant vous.
Comment faire respecter des principes tels que le pluralisme, la protection des enfants, l'interdiction de trafics illicites ? Comment garantir l'égalité d'accès de tous aux réseaux et aux banques de données ? Comment éviter les positions dominantes ? Comment maintenir nos cultures et nos identités face à une irrésistible mondialisation ? Sommes-nous assez agressifs au sens commercial du terme, assez solidaires, assez unis, en France ou en Europe, je pense aux opérateurs au moment où de grands groupes anglo-saxons ont, eux, une stratégie mondiale. Comment garantir le niveau éducatif et culturel des programmes ? Comment éviter les délocalisations d'activités et maintenir une politique harmonieuse d'aménagement du territoire ?
Comment protéger les auteurs si l'on veut favoriser des uvres multimédias de qualité et de quantité suffisantes ? Comment susciter plus d'auteurs pour augmenter une production notoirement insuffisante, notamment en France ? Comment former à la culture de l'image ? Comment "l'honnête homme" du XXe siècle, sollicité par des médias de plus en plus nombreux et dévoreurs de temps, va-t-il accomplir ce nouvel équilibre en culture et en connaissance ?
Comment préparer certaines activités, notamment celles relevant de l'intermédiation - je pense aux services bancaires, au commerce de détail, à la distribution etc. -, comment les préparer aux mutations que les réseaux en ligne ne manqueront pas de leur imposer ?
Toutes ces questions, auxquelles personne n'est aujourd'hui véritablement en mesure de répondre d'une manière globale, portent en germe des inquiétudes ou des craintes. Faudrait-il pour autant redouter la future société de l'information ? Quel comportement adopter devant les champs immenses de possibilités qui s'offrent à nous ?
Je crois qu'au-delà de la fascination, nous devons faire preuve de vigilance : si numérique elle doit devenir, la cité, c'est à dire la collectivité ne saurait ignorer ou laisser de côté les principes essentiels qui fondent notre démocratie : liberté et respect de l'homme, égalité de tous devant l'accès à la connaissance.
Les nouveaux supports numériques peuvent être une chance à saisir pour élargir l'accès à la culture et au savoir, ils le sont déjà.
Auprès des jeunes, ils peuvent apporter une ouverture à une culture plus large et qui souvent les rebute sous ses formes classiques. L'utilisation des CD ROMS et de l'Internet peut ouvrir un espace de réconciliation de ceux ci avec l'écrit notamment, et avec la culture en général. Le multimédia et l'exploitation des réseaux peuvent constituer de nouvelles propositions pour ceux qui éprouvent des difficultés à se familiariser à la culture dite "classique". En effet, le jeune n'est plus placé en position de récepteur passif de la connaissance, mais comme participant au partage du savoir : il peut à son tour valoriser sa propre culture.
Il reste donc à définir les processus d'accompagnement à mettre en uvre, et en particulier la formation des médiateurs, enseignants, ou animateurs. Il y aurait danger à faciliter des usages non maîtrisés par des auteurs et des médiateurs formés. Le risque serait réel de donner l'illusion de la maîtrise de contenus qu'on ne ferait que survoler. Il convient donc de poursuivre la réflexion sur les scénarios d'accès et sur les types d'usage permis par ces nouveaux supports.
Le réseau n'a pas de centre et n'a pas de périphérie. Chacun peut devenir un diffuseur sur le réseau, permettant ainsi une véritable décentralisation des sources de culture et de savoir. En ce sens, le réseau peut véritablement devenir un lieu de création et de débat ouvert à tous, si l'occasion est donnée à chacun de s'en saisir, faute de quoi il pourrait devenir un outil d'exclusion, venant s'ajouter à la fracture sociale que nous nous efforçons de réduire.
Devant une telle avalanche d'interrogations auxquelles nous ne sommes pas en mesure de répondre de manière précise et exhaustive, une chose parait sûre : l'irruption du numérique est susceptible de modifier beaucoup de comportements économiques, sociaux et culturels. Notre société doit être consciente des enjeux, procéder à une réflexion suffisamment large pour s'adapter à ces évolutions, et dans la mesure du possible s'efforcer de les anticiper.
Les Ministres qui participeront à vos travaux, durant toute cette semaine, vous feront part des initiatives que le Gouvernement a déjà prises ou entend prendre dans un certain nombre de domaines, qu'il s'agisse de l'appel d'offre qui a été lancé pour des projets d'expérimentation de tout le travail que le ministère de la culture fait en matière de CD ROM.
Mais, n'attendez pas des pouvoirs publics une réponse définitive à tous les problèmes posés. Il n'est plus du rôle de l'État de tout réguler, de tout contrôler, de tout décider. En revanche, il est de son devoir de rester en état de vigilance permanente et de favoriser le plus possible l'émergence de règles d'autodiscipline.
Pour ma part, je suis demandeur d'un débat permanent entre experts, acteurs économiques et sociaux, chercheurs, industriels, responsables territoriaux et nationaux, en liaison avec les pouvoirs publics, afin de préparer notre pays aux conséquences de la révolution technique à laquelle nous assistons.
J'attends beaucoup des propositions que vous pourrez formuler.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un certain nombre d'interrogations, et il en existe bien d'autres, que je voulais exposer devant vous.
Encore une fois, il serait illusoire sur une matière aussi mouvante de vouloir tirer des conclusions définitives.
Rappelons-nous qu'en prédisant des révolutions, certains prophètes se sont parfois lourdement trompés. Je pense à Mac Luhan et à sa "Galaxie Gutenberg", qui n'hésitait pas à proclamer la mort de l'écriture au profit de l'image, sous prétexte que l'écrit allait devenir très vite un mode de communication désuet. C'était en 1962 ! Jamais, depuis, dans le monde, il n'a été autant publié !
N'oublions jamais non plus que la cité reste le lieu d'échanges privilégié et irremplaçable entre les hommes. Prenons garde, à travers le numérique, à ne pas générer une société de solitaires égoïstes, où l'individu ne communiquerait plus à l'autre que de manière virtuelle. A travers un écran, la "Cité numérique", alors, pourrait être "Big Brother" si elle aggravait les tendances à la déshumanisation qui nous menace. Pour être un progrès, la "Cité numérique" doit être une cité chaleureuse, au service de l'homme et des valeurs qui peuvent nous rassembler. A nous d'y veiller.
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Merci, Monsieur le Maire, de vos propos de bienvenue et de l'accueil chaleureux que votre ville, ainsi que tous ses habitants, savent toujours ménager à leurs hôtes. L'idée d'une alliance un peu privilégiée entre la plus grande ville d'Aquitaine et l'une de ses plus vastes communes mériterait d'être plus approfondie.
Pour la 17ème fois, Hourtin organise son Université d'été de la Communication. Mesdames et Messieurs, vous me faites beaucoup d'honneur en me demandant d'inaugurer ces journées ; je voulais vous en remercier et former des vux de pleine réussite pour vos travaux qui auraient tant de personnalités éminentes que je salue.
Je connais le retentissement, tant sur le plan local que national. D'éminentes contributions sont attendues. J'en prendrai connaissance avec le plus grand soin. Vous avez choisi, cette année, de placer vos réflexions, sous le signe du numérique. Je suis, avec beaucoup d'intérêt toutes les initiatives prises au niveau local ou régional. Je me réjouis que ce mouvement, qui montre que la France n'est pas en retard dans cette évolution mondiale, trouve un point d'application, en particulier en Aquitaine, qui pour sa part, apporte une contribution importante à l'expérimentation de ces nouvelles formes de communication.
La généralisation du numérique est en passe de modifier durablement la nature des échanges entre les hommes, placés traditionnellement sous l'égide de l'échange direct et de la parole. Or, le numérique est un mode de langage par définition impersonnel. Faut-il se réjouir ou non de son avènement ? Ce mouvement semble irréversible et le problème, dès lors, consiste à savoir comment s'y préparer au mieux.
Il serait présomptueux de ma part, devant un parterre de spécialistes éminents de toutes les technologies modernes de l'information, d'entrer dans le détail des bouleversements concrets que ce nouveau langage entraîne dans la vie de nos sociétés et de nos cités.
Je me contenterai de tracer quelques pistes de réflexion, en comptant sur vous, parce que vous êtes aux avant-postes de toutes ces mutations, pour apporter à tous nos concitoyens et à leurs gouvernants, les éclairages nécessaires sur la manière dont pourrait fonctionner cette cité du futur.
On parle beaucoup de "cité numérique". La juxtaposition de ces deux mots peut surprendre : le premier renvoie à l'une des formes les plus anciennes de l'organisation des hommes en collectivité, - la cité est en effet le lieu d'échanges par excellence où le citoyen est conduit à prendre la parole -, et le second qui est un terme relativement récent, et qui désigne la forme impersonnelle de langage utilisé dans les techniques de communication les plus sophistiquées.
J'entends aussi parler de village planétaire, d'autoroutes de l'information, de démocratie électronique, de bureaux nomades, d'argent virtuel ou encore de cybercafés dont les clients s'appellent désormais des internautes... Voilà tout un vocabulaire qui constitue ce que l'un d'entre vous a qualifié tout à l'heure d'utopie réaliste.
Derrière cette débauche d'expressions parfois mystérieuses et nouvellement introduites dans notre vocabulaire, quelle est précisément la réalité et de quoi parlons-nous exactement ?
En tant qu'élu local, comme responsable politique national, et tout simplement comme citoyen, j'ai le sentiment de lire tout et son contraire. Personne n'est en mesure aujourd'hui de qualifier de manière précise la façon dont nous communiquerons demain. Il serait donc largement prématuré de définir dès à présent une politique publique à moyen terme.
En revanche, le moment me parait bien choisi pour poser le plus grand nombre de questions.
Nous faisons référence avec le numérique à une technique prometteuse qui abolit les dimensions traditionnellement contraignantes d'espace et de temps, mais qui ne saurait se développer sous n'importe quelles conditions.
L'Histoire retiendra sans doute que la seconde moitié de notre siècle aura été marquée par l'explosion, tous azimuts, des techniques de communication et que le début du prochain millénaire verra le triomphe des années numériques avec le cortège d'avantages de toute nature dont elles sont créditées.
Après le téléphone, la radio, puis l'ordinateur et la télévision, l'arrivée du numérique est, de fait, le dernier grand progrès offert par notre siècle pour améliorer la communication entre les hommes.
Que de chemin parcouru en si peu de temps. Je n'en donnerai que quelques exemples :
- le développement de la télévision numérique et l'apparition de ce qu'il est convenu d'appeler des "bouquets", qui pourront, nous dit-on, offrir sous le seul ciel européen 1 500 programmes au lieu des 200 actuels,
- le stockage et la transmission plus aisés et plus rapides des données numérisées de textes, d'images ou de sons, sur des disques ou des réseaux de télécommunications,
- l'accès, depuis n'importe quel lieu de notre planète à de gigantesques banques de données consultables en temps réel.
Les améliorations qui en résultent, déjà connues dans le domaine du son numérique sont spectaculaires pour tout ce qui concerne les produits hors ligne, comme les CD ROM et surtout les réseaux en ligne, je pense bien sûr au succès du réseau anglo-saxon Internet.
Quels enseignements, au moins provisoires peut-on d'ores et déjà tirer ?
Le premier me semble-t-il est que les progrès accomplis par les nouvelles technologies d'information et de communication apparaissent sans limites, et qu'il serait illusoire de prétendre formuler des prévisions et des pronostics sur le degré de progression des connaissances, tant son rythme est rapide.
Dans quelle société d'information vivrons-nous demain ? Nul ne peut en définir les contours avec une certitude absolue. Une chose est sûre vraisemblablement les techniques seront toujours plus performantes, toujours plus puissantes et toujours plus accessibles.
Le second est que la mondialisation croissante de tous les échanges, et pas seulement des échanges économiques, alimentera naturellement le processus de modernisation de l'information en générant des besoins toujours plus précis et plus exigeants.
Le troisième et nous serions bien inspirés d'y être peut être plus attentifs, est que la compétition, pour contrôler ces techniques de diffusion et ces outils de navigation est de plus en plus sauvage. Le duel auquel nous assistons en ce moment entre deux géants américains démontre, s'il en était besoin, l'importance de l'enjeu. De même, la guerre des communiqués à laquelle se livrent depuis quelques mois les grands groupes audiovisuels européens, annonçant une alliance abandonnée quelques jours plus tard, atteste de ce climat d'incertitude qui continue de peser dans l'esprit des "stratèges du numérique".
Le quatrième est que toutes ces évolutions spectaculaires ne sont pas sans risques. Il n'est pas dans mes intentions de porter un jugement de valeur, mais il est du devoir des responsables politiques d'alerter ses concitoyens et en particulier ceux qui contribuent au plus près à cette marche forcée vers la société de l'information, sur un certain nombre de dangers.
Le progrès de la connaissance, du savoir-faire et de l'ingéniosité humaine même s'il n'engendre plus l'optimisme sans nuances qu'il inspirait à nos prédécesseurs du 19ème siècle, ne doit pas susciter la crainte, ou la méfiance à priori. Souvenons-nous qu'à sa naissance, l'imprimerie a d'abord effrayé ceux qui craignaient la mise entre toutes les mains d'exemplaires imprimés. L'accès à la connaissance devait rester le privilège d'une élite. Or, qu'est-il advenu ? Un extraordinaire bond en avant dans la transmission des savoirs et donc dans la création et l'invention.
Je crois toujours, personnellement, que le progrès technique peut demeurer le moteur de l'activité humaine à la condition que sa finalité consiste à demeurer au service de la personne humaine. Or chacun voit bien que les nouvelles technologies présentent des risques de dévoiement.
De la "révolution numérique" découle toute une série de questions sur lesquelles vous vous pencherez durant vos journées d'études. J'en énumérerai quelques-unes devant vous.
Comment faire respecter des principes tels que le pluralisme, la protection des enfants, l'interdiction de trafics illicites ? Comment garantir l'égalité d'accès de tous aux réseaux et aux banques de données ? Comment éviter les positions dominantes ? Comment maintenir nos cultures et nos identités face à une irrésistible mondialisation ? Sommes-nous assez agressifs au sens commercial du terme, assez solidaires, assez unis, en France ou en Europe, je pense aux opérateurs au moment où de grands groupes anglo-saxons ont, eux, une stratégie mondiale. Comment garantir le niveau éducatif et culturel des programmes ? Comment éviter les délocalisations d'activités et maintenir une politique harmonieuse d'aménagement du territoire ?
Comment protéger les auteurs si l'on veut favoriser des uvres multimédias de qualité et de quantité suffisantes ? Comment susciter plus d'auteurs pour augmenter une production notoirement insuffisante, notamment en France ? Comment former à la culture de l'image ? Comment "l'honnête homme" du XXe siècle, sollicité par des médias de plus en plus nombreux et dévoreurs de temps, va-t-il accomplir ce nouvel équilibre en culture et en connaissance ?
Comment préparer certaines activités, notamment celles relevant de l'intermédiation - je pense aux services bancaires, au commerce de détail, à la distribution etc. -, comment les préparer aux mutations que les réseaux en ligne ne manqueront pas de leur imposer ?
Toutes ces questions, auxquelles personne n'est aujourd'hui véritablement en mesure de répondre d'une manière globale, portent en germe des inquiétudes ou des craintes. Faudrait-il pour autant redouter la future société de l'information ? Quel comportement adopter devant les champs immenses de possibilités qui s'offrent à nous ?
Je crois qu'au-delà de la fascination, nous devons faire preuve de vigilance : si numérique elle doit devenir, la cité, c'est à dire la collectivité ne saurait ignorer ou laisser de côté les principes essentiels qui fondent notre démocratie : liberté et respect de l'homme, égalité de tous devant l'accès à la connaissance.
Les nouveaux supports numériques peuvent être une chance à saisir pour élargir l'accès à la culture et au savoir, ils le sont déjà.
Auprès des jeunes, ils peuvent apporter une ouverture à une culture plus large et qui souvent les rebute sous ses formes classiques. L'utilisation des CD ROMS et de l'Internet peut ouvrir un espace de réconciliation de ceux ci avec l'écrit notamment, et avec la culture en général. Le multimédia et l'exploitation des réseaux peuvent constituer de nouvelles propositions pour ceux qui éprouvent des difficultés à se familiariser à la culture dite "classique". En effet, le jeune n'est plus placé en position de récepteur passif de la connaissance, mais comme participant au partage du savoir : il peut à son tour valoriser sa propre culture.
Il reste donc à définir les processus d'accompagnement à mettre en uvre, et en particulier la formation des médiateurs, enseignants, ou animateurs. Il y aurait danger à faciliter des usages non maîtrisés par des auteurs et des médiateurs formés. Le risque serait réel de donner l'illusion de la maîtrise de contenus qu'on ne ferait que survoler. Il convient donc de poursuivre la réflexion sur les scénarios d'accès et sur les types d'usage permis par ces nouveaux supports.
Le réseau n'a pas de centre et n'a pas de périphérie. Chacun peut devenir un diffuseur sur le réseau, permettant ainsi une véritable décentralisation des sources de culture et de savoir. En ce sens, le réseau peut véritablement devenir un lieu de création et de débat ouvert à tous, si l'occasion est donnée à chacun de s'en saisir, faute de quoi il pourrait devenir un outil d'exclusion, venant s'ajouter à la fracture sociale que nous nous efforçons de réduire.
Devant une telle avalanche d'interrogations auxquelles nous ne sommes pas en mesure de répondre de manière précise et exhaustive, une chose parait sûre : l'irruption du numérique est susceptible de modifier beaucoup de comportements économiques, sociaux et culturels. Notre société doit être consciente des enjeux, procéder à une réflexion suffisamment large pour s'adapter à ces évolutions, et dans la mesure du possible s'efforcer de les anticiper.
Les Ministres qui participeront à vos travaux, durant toute cette semaine, vous feront part des initiatives que le Gouvernement a déjà prises ou entend prendre dans un certain nombre de domaines, qu'il s'agisse de l'appel d'offre qui a été lancé pour des projets d'expérimentation de tout le travail que le ministère de la culture fait en matière de CD ROM.
Mais, n'attendez pas des pouvoirs publics une réponse définitive à tous les problèmes posés. Il n'est plus du rôle de l'État de tout réguler, de tout contrôler, de tout décider. En revanche, il est de son devoir de rester en état de vigilance permanente et de favoriser le plus possible l'émergence de règles d'autodiscipline.
Pour ma part, je suis demandeur d'un débat permanent entre experts, acteurs économiques et sociaux, chercheurs, industriels, responsables territoriaux et nationaux, en liaison avec les pouvoirs publics, afin de préparer notre pays aux conséquences de la révolution technique à laquelle nous assistons.
J'attends beaucoup des propositions que vous pourrez formuler.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un certain nombre d'interrogations, et il en existe bien d'autres, que je voulais exposer devant vous.
Encore une fois, il serait illusoire sur une matière aussi mouvante de vouloir tirer des conclusions définitives.
Rappelons-nous qu'en prédisant des révolutions, certains prophètes se sont parfois lourdement trompés. Je pense à Mac Luhan et à sa "Galaxie Gutenberg", qui n'hésitait pas à proclamer la mort de l'écriture au profit de l'image, sous prétexte que l'écrit allait devenir très vite un mode de communication désuet. C'était en 1962 ! Jamais, depuis, dans le monde, il n'a été autant publié !
N'oublions jamais non plus que la cité reste le lieu d'échanges privilégié et irremplaçable entre les hommes. Prenons garde, à travers le numérique, à ne pas générer une société de solitaires égoïstes, où l'individu ne communiquerait plus à l'autre que de manière virtuelle. A travers un écran, la "Cité numérique", alors, pourrait être "Big Brother" si elle aggravait les tendances à la déshumanisation qui nous menace. Pour être un progrès, la "Cité numérique" doit être une cité chaleureuse, au service de l'homme et des valeurs qui peuvent nous rassembler. A nous d'y veiller.