Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, à "France-Antilles" le 8 octobre 2003, sur le projet d'évolution institutionnelle des Antilles.

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Média : France Antilles

Texte intégral

France-Antilles : La session parlementaire est ouverte depuis une semaine. Le Président de la République signera-t-il le décret de convocation des électeurs de la Martinique ? Si oui, à quelle date devront-ils se prononcer sur le projet d'évolution institutionnelle ?
Brigitte GIRARDIN : Dans la communication que j'ai faite lors du Conseil des ministres de ce matin, j'ai indiqué, au nom du Gouvernement, que les électeurs de la Martinique pourraient être consultés le dimanche 7 décembre. D'ici là, le Conseil d'Etat aura rendu son avis sur le " document d'orientation " qui sera soumis aux électeurs. Après cet avis, le Conseil des ministres formulera officiellement sa proposition au Chef de l'Etat : cela pourrait être fait d'ici fin octobre. Le Président de la République prendra alors sa décision définitive.
France-Antilles : Un certain flottement a régné durant ces derniers mois notamment à la Martinique. Etait-ce suffisant pour que le Gouvernement retarde sa prise de décision, quant à l'opportunité de la consultation ?
Brigitte GIRARDIN : Je ne sais pas de quel " flottement " vous voulez parler. Je note que les élus et les responsables des forces politiques les plus représentatives ont tous adhéré à une demande collective qui s'est ensuite concrétisée par la signature d'un document d'orientation à soumettre aux électeurs. C'était au mois de juillet. J'ai saisi le Premier ministre à la fin du mois d'août. La mise en oeuvre des procédures constitutionnelles, surtout quand c'est la première fois qu'on les utilise, nécessite un travail technique et juridique approfondi. Ce travail a été mené à bien dans les délais requis, et la procédure est lancée. Le Gouvernement n'a donc pris aucun retard : pour ma part, j'ai toujours évoqué l'automne 2003 comme ultime échéance, ce qui, au rythme des saisons de la métropole, nous menait au 21 décembre au plus tard.
France-Antilles : Saint-Martin et Saint-Barthélemy, communes de Guadeloupe se sont prononcées pour une évolution différente, tendant à un statut d¹autonomie. N'y aura-t-il pas confusion si jamais leurs électeurs sont convoqués le même jour que ceux de la Martinique et de la Guadeloupe ? Fallait-il attendre une nouvelle délibération du congrès de Guadeloupe pour fixer une date commune de convocation des électeurs de ces collectivités ?
Brigitte GIRARDIN : Aucune confusion ne me paraît possible, car les électeurs de ces deux îles seront les seuls à se prononcer sur leur propre statut. Organiser le scrutin le même jour permet aux électeurs des différentes collectivités consultées de se prononcer librement, sans être influencés par les résultats de l'île voisine.
Quant à la Guadeloupe dans son ensemble, si ses élus aboutissent d'ici là à un accord, elle pourra être appelée à voter, elle aussi, le 7 décembre.
France-Antilles : La Constitution prévoit une déclaration du Gouvernement au Parlement sur la consultation. Devra-t-elle se faire avant la date de convocation des électeurs ? Ne serait-ce pas l'opportunité de présenter, au moins l'avant projet de loi organique des éventuelles collectivités comme le réclame nombre d¹élus pour mieux informer les électeurs ?
Brigitte GIRARDIN : La déclaration du Gouvernement au Parlement n'est constitutionnellement requise que pour Saint-Barthélémy et Saint-Martin, qui envisagent de quitter le régime de l'article 73 pour celui de l'article 74. Pour la Martinique et la Guadeloupe " continentale ", la Constitution n'impose rien.

Quant à présenter un avant-projet de loi statutaire aux électeurs avant la consultation, cela ne me paraît pas possible. D'abord, parce que ce serait laisser croire que tout est joué ; or, les prochaines lois statutaires ne sont pas encore écrites. Nous nous livrerons à cet exercice en étroite concertation avec les actuelles assemblées, une fois la consultation passée, si le " OUI " l'emporte. Ensuite, parce qu'un " avant-projet " peut être substantiellement modifié par le Conseil d'Etat qui en est saisi pour avis, puis par le Parlement, dont le pouvoir d'appréciation et le droit d'amendement s'exercent librement. Ce serait donc déloyal de présenter aux électeurs un projet de loi déjà " ficelé " dont nul ne sait ce qu'il adviendra ensuite.
France-Antilles : Vous avez toujours dit que ces projets d¹évolutions sont ceux des élus et que le Gouvernement n'y était pas engagé. Pour autant, dans l'hypothèse où le Oui l'emporte, vous devrez présenter devant le Parlement un projet de loi organique instituant la nouvelle collectivité. N¹est-ce pas là un engagement que vous devrez tenir ?
Brigitte GIRARDIN : La démarche du Gouvernement est bien de consulter les électeurs sur des projets qui sont d'initiative locale et dont nous avons vérifié qu'ils sont conformes à la Constitution.

Je rappelle en effet que le seul projet du gouvernement était de réviser la Constitution pour permettre aux collectivités d'outre-mer qui le souhaitaient des évolutions statutaires ou institutionnelles, en toute sécurité, c'est à dire sans aucun risque de dérive vers une sortie de la République. Cet engagement qui était un engagement du Président de la République, a été tenu puisque la Constitution révisée garantit à la fois un ancrage très fort de nos collectivités d'outre-mer dans la République et une sécurité totale pour des évolutions qui ne peuvent que s'inscrire dans ce cadre constitutionnel rénové. Il appartient aux élus et à eux seuls de proposer des changements qui ne doivent en aucun cas être dictés depuis Paris. En revanche, c'est le rôle du gouvernement de vérifier, avant de soumettre à la signature du Président de la République le décret convoquant les électeurs, que ces propositions des élus sont bien conformes à la Constitution.
Naturellement, si les électeurs se prononcent favorablement, et de manière déterminante, le Gouvernement aura une obligation politique et morale de proposer au Parlement la mise en oeuvre des orientations approuvées par les électeurs. Ensuite, le Parlement décidera souverainement.
On peut penser que le Gouvernement et le Parlement seront attentifs au taux de participation : si un " NON " est bloquant en toute hypothèse, un " OUI " n'ouvre qu'une possibilité. Une victoire trop étriquée du " OUI ", avec un taux de participation très faible, ne permettrait sans doute pas à la réforme d'aboutir à son terme. Les électeurs doivent donc se mobiliser et saisir l'occasion de se prononcer sur une question qui concerne directement leur vie quotidienne et qui, s'agissant de la collectivité unique, constitue un " abcès de fixation " du débat politique depuis plus de 20 ans.
Propos recueillis par Gabriel Gallion

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 9 octobre 2003)