Texte intégral
Monsieur le Ministre de l'agriculture,
Madame la Présidente du conseil régional,
Monsieur le Délégué de la DATAR
Messieurs les Présidents des Conseils généraux,
Monsieur le Président d'Europarc,
Monsieur le Président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France,
Monsieur le Président du parc naturel régional du Massif des Bauges,
Mesdames et messieurs les élus et techniciens des parcs naturels régionaux,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs, chers amis,
C'est en tant que membre de la grande famille des parcs naturels régionaux de France que je suis présente parmi vous aujourd'hui. C'est avec un réel plaisir que je participe pour la seconde fois à vos journées nationales. Comme j'ai pu le constater à Millau l'année dernière, ces journées sont en effet un moment essentiel pour la dynamique du réseau des parcs, axé sur la réflexion, l'échange et le partage, le tout dans une ambiance particulièrement chaleureuse, conviviale et constructive.
Ce matin, en effectuant une courte visite dans la commune de Cruet, en piémont de la combe de Savoie, j'ai apprécié quelques uns des nombreux atouts du parc naturel régional du Massif des Bauges, hôte de ces journées.
Votre parc, cher André GUERRAZ, illustre parfaitement l'esprit des PNR : la préservation de sa richesse et de sa qualité patrimoniale exceptionnelle a permis un développement harmonieux du territoire. Ainsi, et je vous en félicite, votre parc a su s'adapter à l'évolution du contexte agricole, économique et touristique particulièrement difficile en zone de montagne. Ce résultat est le fruit d'un engagement déterminé de toute une équipe d'élus et de techniciens au service du développement durable de ces lieux.
Je mesure toute l'ampleur du travail que vous avez fourni pour organiser ces journées, avec l'appui constant et efficace de votre fédération nationale. J'y suis d'autant plus sensible que vous oeuvrez actuellement à la révision de votre charte. Or nous savons tous que c'est un chantier exigeant et fortement mobilisateur pour toute l'équipe du parc.
J'adresse à tous un grand merci.
J'en profite pour saluer l'arrivée du nouveau directeur national, Gérard MOULINAS, et pour me réjouir que votre fédération ait récemment emménagé dans des locaux spacieux et efficients. L'équipe bénéficie désormais des meilleures conditions pour continuer l'excellent travail engagé depuis fort longtemps. Et je salue à cet égard Jean-Paul FUCHS.
A présent, permettez-moi de vous dire quelques mots sur les axes prioritaires de ma politique.
1. La Charte de l'environnement
La charte de l'environnement a été adoptée le 25 juin dernier en conseil des ministres et sera prochainement présentée au Parlement.
Son inscription dans la Constitution française permettra la prise en compte de l'environnement au plus haut niveau de notre droit, au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation, qu'il s'agisse des domaines économique ou social. C'est une décision exceptionnelle qui marquera un vrai tournant, qui délimitera un " avant " et un " après ".
C'est aussi la consécration des efforts entrepris depuis plusieurs décennies par tous les protecteurs de l'environnement. Vous devez être fiers, vous, acteurs des parcs naturels régionaux, de retrouver la philosophie qui guide depuis toujours votre politique, dans un texte de cette importance. Je vous suggère, sur ce point, de relire les articles 1 et 6 de la charte de l'environnement.
Plus largement, je vous invite à vous approprier ce texte, à le faire connaître autour de vous et surtout à le faire vivre dans votre quotidien. J'attends en effet des parcs qu'ils soient un vecteur privilégié de " l'esprit charte ". Le débat national que j'ai animé pour bâtir cette charte doit maintenant être poursuivi par vous au plus près du terrain.
Si la société revendique légitimement le droit de vivre dans un environnement préservé, elle ne doit pas pour autant méconnaître ses devoirs. Elle a besoin d'être guidée pour modifier ses comportements dans la vie de tous les jours. Cette responsabilisation de nos concitoyens est admise, et même souhaitée par eux, si j'en juge d'après le résultat des 14 000 réponses aux questionnaires que j'ai lancés pour le débat sur la charte.
A ce titre, je veux à nouveau souligner combien votre action dans les domaines de la formation et de l'éducation à l'environnement est indispensable. A cet égard, les conclusions du forum 1 consacré à ce sujet vont dans le bon sens. Vous êtes de ceux qui savent convaincre : continuez à utiliser ce savoir sans modération !
2. La préservation de la biodiversité
L'appauvrissement de la diversité biologique mondiale s'accélère au point que les experts craignent la disparition, d'ici un siècle, de la moitié des espèces vivantes que nous connaissons. Compte tenu des services rendus par ces espèces et par les écosystèmes qui les abritent, cette menace est aujourd'hui considérée comme d'égale ampleur à celle du changement climatique. La communauté internationale commence a en prendre véritablement conscience.
Notre pays, qui possède, en métropole, et plus encore outre-mer, un patrimoine naturel exceptionnellement riche, porte une responsabilité de premier plan dans cette mobilisation planétaire, et se doit d'être exemplaire.
Lors d'une communication en conseil des ministres le 10 septembre dernier, j'ai proposé d'élaborer en 2004 une stratégie nationale pour la diversité biologique, stratégie qui sera un exercice pratique des principes énoncés dans la charte de l'environnement et qui concrétisera les engagements de la stratégie nationale du développement durable adoptée par le gouvernement le 3 juin dernier.
J'en exposerai les objectifs et les grandes orientations à la 7ème conférence des parties de la convention sur la diversité biologique, qui se tiendra à Kuala Lumpur, en février 2004. La stratégie finale et ses plans d'actions seront établis pour l'été 2004 et pourront être présentés lors du colloque international d'experts sur la recherche et la biodiversité que la France accueillera à l'automne 2004. L'enjeu est de taille : il s'agit de contribuer à stopper la perte de biodiversité d'ici 2010.
Comme le rappelle de façon éloquente le titre que vous avez choisi pour ces journées, cet enjeu est au cur de votre action. En tant qu'acteurs, vous défendez le potentiel que représente la nature pour le développement local. Aussi, je ne peux que vous encourager à continuer à en faire la démonstration sur le terrain et à participer activement aux réflexions qui s'engagent.
Un PNR est plus qu'un pays. Le label qu'octroie mon ministère se veut le garant de la préservation de la valeur patrimoniale du territoire et de sa qualité paysagère. Il implique à la fois :
- exigence dans la formulation des politiques locales,
- constance et détermination dans leur application,
- vigilance dans leur suivi et évaluation.
Le PNR doit être une vitrine, un " concentré " de la mise en uvre de la politique de mon ministère, particulièrement dans le domaine de la biodiversité. A titre d'illustration :
- - la protection scrupuleuse, et sur tous les fronts, des ressources en eau est, comme le rappelait le président JOSEPH, un enjeu crucial pour la totalité des parcs ;
- - Natura 2000 doit continuer à bénéficier de la réelle valeur ajoutée des PNR par le biais d'une concertation locale ouverte impliquant largement les élus. J'ai pu constater ce matin que l'immense travail de terrain qui est accompli porte ses fruits, et je m'en réjouis. J'ai noté les préoccupations qui sont les vôtres en matière de lancements de nouveaux DOCOB et d'animation de la gestion. Croyez bien que ce sont également les miennes et que Natura 2000 demeure en 2004 une de mes priorités budgétaires ;
Concernant la création de réserves régionales, je souhaite que, dès l'aboutissement prochain du décret, vous vous portiez au devant des conseils régionaux pour les accompagner dans la mise en place de ces nouveaux outils. Les organismes de gestion des parcs naturels régionaux possèdent déjà, me semble-t-il, les compétences et les équipes qui les rendraient légitimes pour porter des projets de réserves naturelles régionales et en être ensuite les gestionnaires. Les territoires des parcs, au patrimoine naturel riche mais fragile, n'en seraient que davantage valorisés.
- Les zones humides, qui se situent à la croisée des politiques de l'eau et de protection de la biodiversité, doivent mobiliser davantage nos efforts. Comme vous le savez, le projet de loi sur le développement des territoires ruraux que porte Hervé Gaymard le permettra. Là encore, j'entends que vous montriez l'exemple sur ces espaces qui ont beaucoup régressé ces dernières années ;
- Quant à la montagne, je profite de ma présence dans un parc du massif des Alpes pour vous féliciter de toutes les actions que vous avez développées au sein du réseau alpin des espaces protégés. Je tiens à saluer son président, Michel Vogel, par l'intermédiaire de son directeur, ici présent. Ce réseau est en effet aujourd'hui devenu une référence au point de faire des émules dans le massif pyrénéen comme dans celui de Carpates ;
- Les paysages, qui font le caractère de vos PNR, sont parfois menacés par l'installation d'équipements nouveaux. Dans l'esprit de la charte de l'environnement, je souhaite que toutes les alternatives soient étudiées avec soin afin de préserver l'intégrité de ces paysages et la forte valeur patrimoniale de ces territoires.
J'arrêterai là les exemples. Je compte sur votre engagement ferme pour uvrer plus que jamais à stopper l'érosion de la biodiversité. Et pour ce faire, je crois beaucoup aux coopérations que vous avez déjà engagées, qu'il s'agisse de collaborations entre parcs ou de participations à des réseaux d'espaces protégés.
Par ailleurs, le système d'évaluation que vous devez mettre en place pour mesurer l'évolution de vos territoires contribuera, j'en suis certaine, à nourrir le réseau national des données sur le patrimoine naturel et les paysages dont la structuration est initiée.
3. La politique du patrimoine naturel
Il y a un an, à Millau, j'exprimais mon souhait d'entreprendre une modernisation de la politique de protection de la nature afin de l'inscrire dans une dynamique de valorisation des territoires et d'intégrer les évolutions institutionnelles en cours en matière de décentralisation.
J'insistais également sur ma volonté de prendre le temps de la réflexion, d'organiser la concertation et la participation. Vos journées nationales sont pour moi une étape et une contribution importante à la démarche.
Sous la coordination de la direction de la nature et des paysages, plusieurs groupes sont déjà au travail et des missions spécifiques sur des sujets aussi importants que le financement et la fiscalité de la politique du patrimoine naturel sont lancées. L'ensemble de ce vaste chantier se traduira en juin 2004 par un colloque national, puis, en fin d'année 2004, à l'issue d'une large concertation, de consultations régionales et d'un débat public, par un plan d'actions dont certaines mesures seront législatives. Je compte ainsi présenter un projet de loi sur la rénovation de la politique du patrimoine naturel au second semestre 2004.
Je sais que vos travaux d'hier, dans le forum 4, vous ont permis de débattre en profondeur de l'impact de la décentralisation sur la gestion des espaces naturels. Je suis attentive aux propositions que vous avez formulées et qui seront étudiées avec soin par mes services, qu'il s'agisse des documents de planification, de la maîtrise foncière, de la police de la nature, des politiques fiscales, de la gouvernance ou de la participation Certains faciles, d'autres moins.
En tout état de cause, je l'ai dit à maintes reprises sans ambiguïté : l'Etat doit rester le garant. Je tiens à ce que les parcs naturels régionaux conservent un classement par décret, concourant ainsi pleinement à la politique nationale de protection de la nature. Privilégions la qualité des projets et préservons ensemble la valeur de ce label !
Mon sentiment est que nous progresserons en ouvrant certaines " fenêtres " d'expérimentation dûment encadrées, permettant de tester différentes formules adaptées au contexte de chaque terrain.
Mais tout d'abord, il me paraît important que vous renforciez votre appui technique auprès des collectivités, spécifiquement dans le domaine de la protection de la nature, qui est votre vocation première. J'insiste sur le concours que vous devez leur apporter dans les domaines de la police de la nature, de la gestion de la ressource en eau, du traitement des paysages, et de la prévention des incendies, Ô combien d'actualité ! (Les PNR ont à ce titre payé un lourd tribu avec 16 % des surfaces incendiées cet été).
C'est pour cette raison que la contractualisation entre l'Etat et les régions est essentielle pour la mise en uvre de vos chartes. A cet égard, je suis très heureuse de pouvoir participer aujourd'hui à la signature du contrat de parc du massif des Bauges, premier de ce genre en région Rhône-Alpes.
Les parcs sont aussi un lieu de rencontres et de débats. Dans une société où il est indispensable de restaurer plus de solidarité, de transparence et de communication, le parc doit être un trait d'union entre tous les acteurs du territoire, qu'il s'agisse d'individus ou d'institutions. Je compte sur vous pour organiser cette participation ainsi que cette implication de vos habitants et de vos usagers.
4. Le budget
Je connais vos inquiétudes sur les financements qui vous sont alloués par l'Etat. Nous traversons des moments difficiles, ce qui nous impose de faire preuve de solidarité. Je sais ce que cet effort représente pour vous et les problèmes auxquels vous êtes confrontés.
Pour autant, croyez bien que l'Etat ne se désengage pas d'une politique que chacun sait exemplaire.
Pour le PLF 2004, je me suis à nouveau attachée à préserver en priorité les moyens de fonctionnement des gestionnaires des espaces naturels. En revanche, vous comprendrez que je serai plus vigilante que jamais sur les demandes de création de nouveaux parcs.
J'ai obtenu que le PLF 2004 intègre l'exonération totale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés situées dans une zone Natura 2000 faisant l'objet d'un contrat de gestion Natura 2000 reprenant les objectifs du DOCOB.
Dans la même ligne, je m'efforce actuellement de faire adopter de nouvelles dispositions fiscales qui devraient permettre une exonération partielle ou totale de la taxe sur le foncier non bâti dans les zones humides à fort enjeu patrimonial, avec compensation par l'Etat. Naturellement des garanties de bonne gestion seront exigées en contrepartie pour atteindre l'excellence environnementale. Ces propositions figurent dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, que j'ai évoqué précédemment. Je les présenterai au parlement dans les mois qui viennent, aux côtés d'Hervé Gaymard.
5. L'Europe et l'international
Je ne peux terminer mes propos, sans vous encourager à continuer de nourrir votre action européenne et internationale. Je pense que ni Michael STARETT, ni Françoise GROSSETETE ne me démentiront. Elle contribue beaucoup au rayonnement de la France au-delà de nos frontières. Je me félicite particulièrement de la collaboration technique fructueuse qui s'est établie avec le gouvernement et les collectivités locales de Pologne dans le cadre d'un jumelage sur Natura 2000.
Les rendez-vous internationaux sont des temps forts d'échange. Comme vous l'avez dit, président JOSEPH, le récent Congrès mondial des parcs qui s'est tenu à Durban à l'invitation de l'UICN a montré toute l'utilité de ces rencontres et a mis en exergue quelques uns des points forts des PNR, consolidant et valorisant ainsi notre expérience hexagonale.
Conclusion
En France, nous sommes collectivement dépositaires d'un magnifique héritage naturel.
Vous, parcs naturels régionaux, vous jouez un rôle de premier en ce domaine, tous divers mais surtout tous unis dans la protection d'un bien commun.
J'entends, avec vous, promouvoir ces valeurs universelles de responsabilité à l'égard de la biodiversité et d'appartenance à des territoires de vie et d'énergie.
Je vous remercie de votre attention et de votre total engagement.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 8 octobre 2003)