Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "L'Hémicycle" d'avril 2004, sur le rapport Beaugendre et notamment la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole.

Prononcé le 1er avril 2004

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Média : L'Hémicycle

Texte intégral

L'Hémicycle : Quel est votre point de vue sur le rapport Beaugendre ?
Brigitte Girardin : Ce rapport arrive à un moment tout à fait opportun. Il dresse un état des lieux objectif de la situation de la desserte de l'outre-mer, qui a connu pendant une longue période, une baisse des tarifs et une forte croissance de la capacité offerte (3,2 millions de passagers par an entre la métropole et les DOM à ce jour pour 600 000 en 1986 ) alors que depuis 1998 notamment, la tendance s'est inversée avec une augmentation des tarifs. Depuis quelques mois cependant, grâce à l'arrivée de nouvelles compagnies comme Air Austral et Air Bourbon sur la desserte de la Réunion, et Air Caraïbes sur celle des Antilles-Guyane, on assiste à une baisse sensible des prix. Air France vient d'ailleurs d'instaurer un nouveau Tempo 5 à 380 hors taxes pour les Antilles , 424 HT pour la Guyane et 510 HT pour la Réunion.
Dans ce rapport, Joël Beaugendre fait plusieurs propositions concrètes comme par exemple le renforcement des obligations de service public existantes ou l'étalement des départs et retours dans les périodes de pointe.
Ces propositions seront examinées avec intérêt par le groupe de travail interministériel que j'ai mis en place avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau sur ce sujet.
L'Hémicycle : Quelles sont les propositions que le Gouvernement compte mettre en application ?
Brigitte Girardin : A ce stade, je pense qu'une réduction pour les jeunes de moins de 18 ans pourrait trouver rapidement sa place au sein des obligations de service public. Une telle réduction serait applicable toute l'année. Cette mesure serait équilibrée par les réductions de charges sociales dont bénéficient désormais les compagnies aériennes vers l'outre-mer. Ainsi, ces réductions nouvelles inspirées par exemple des tarifs jeunes sur les billets SNCF, ne conduiraient pas à une augmentation des autres tarifs.
Tout comme Joël Beaugendre, je pense aussi nécessaire de travailler sur l'idée du billet social pour les personnes qui connaissent des difficultés de la vie dans leurs familles, que ce soit un décès ou l'accompagnement d'une personne évacuée sanitaire vers un établissement de santé situé en métropole.
Ces dispositions sont réellement attendues par nos concitoyens d'outre-mer, qu'ils vivent outre-mer ou en métropole. Des associations comme le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais, que je rencontre régulièrement, s'en font l'écho.
L'Hémicycle : Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures pour améliorer la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole. Quel bilan en tirez-vous ?
Brigitte Girardin : L'amélioration de la continuité territoriale est un engagement important qu'avait pris le Président de la République. Le Gouvernement l'a concrétisé dès l'été 2002, avec la mise en place du passeport mobilité pour les jeunes. L'objectif poursuivi est de faciliter la mobilité des jeunes ultramarins étudiants, en formation professionnelle, ou en situation de trouver un emploi en métropole, en prenant en charge, au travers le plus souvent d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités, la totalité du coût du billet d'avion. Ainsi, les perspectives de formation et de recherche d'emplois sont améliorées pour nos jeunes d'outre-mer qui ont du mal à trouver un emploi sur place.
Ensuite, avec l'adoption de la loi Programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, deux nouvelles mesures ont été mises en uvre : les exonérations de charges sociales ont été élargies au transport aérien, secteur qui n'y était pas éligible auparavant, et une dotation de continuité territoriale est désormais allouée par l'Etat à chaque collectivité d'outre-mer.
Pour la première fois, le législateur a donc reconnu et donné un contenu précis à la notion de continuité territoriale entre l'hexagone et l'outre-mer.
La dotation doit permettre l'octroi d'une aide sociale au transport, c'est à dire attribuée aux passagers résidant outre-mer. L'aide sera donc délivrée par les collectivités, selon des modalités d'attribution décidées au plan local. La dotation pour l'année 2004 est de 30 M, ce qui permettra de subventionner environ 200 000 passages par an entre l'outre-mer et la métropole, à hauteur de 30 % environ.
L'Hémicycle : L'Union européenne participerait-elle au financement du dispositif de continuité territoriale permettant une baisse du prix des billets pour les ultramarins ?
Brigitte Girardin : La dotation de continuité territoriale que l'Etat versera aux collectivités, a vocation à être abondée par ces mêmes collectivités, ainsi que par l'Union européenne. Nous avons engagé des discussions avec les autres régions ultra-périphériques (RUP) et la demande de participation de l'Union européenne à ce dispositif d'aides sociales a été officiellement transmise à la Commission en juin 2003, dans le mémorandum des RUP élaboré par l'Espagne, le Portugal et la France et les 7 régions concernées.
J'ai évoqué cette question à plusieurs reprises avec le commissaire Michel Barnier, qui m'a fait part de l'intérêt de la Commission. Celle-ci prépare actuellement un rapport sur le sujet et les éléments dont je dispose indiquent que cette orientation est bien à l'étude.

(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 avril 2004)