Déclaration de M. Christian Sautter, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur le projet de réforme du ministère et la création d'un service fiscal unifié, Paris, le 10 février 2000.

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Circonstance : Rencontres avec les fédérations syndicales du ministère de l'économie des finances et de l'industrie, à Paris, le 10 février 2000

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
Nous voici réunis aujourd'hui dans une formation inhabituelle. Il n'est pas commun que nous nous rencontrions tous ensemble en dehors des CTP ministériels. Mais le ministère est engagé aujourd'hui dans une phase de son histoire particulièrement importante, marquée par des réformes de grande ampleur. Il est normal que nous adoptions des formes de dialogue adaptées aux enjeux de ces réformes, nous permettant d'échanger librement sur les questions qui vous préoccupent .
Florence Parly vous l'a dit le 3 février, je vous l'avais indiqué le 27 janvier . Nous sommes ouverts au dialogue. C'est dans cet esprit que nous abordons la réforme de ce grand ministère et que nous voulons construire, avec vous, avec l'ensemble des agents, le service public de demain.
Je ne souhaite pas que cette rencontre soit celle des grands discours. Nous devons, vous et nous, être concrets parce que, vous et nous, sommes attendus par les agents. Et les agents nous demandent 2 choses :
1/ Quelles réformes allons-nous ensemble mettre en uvre ?
2/ Quelle sera leur situation personnelle et comment s'organiseront les discussions ?
Ce sont les 2 sujets dont nous devons débattre aujourd'hui. J'y ajoute, sur les questions sociales, les sujets d'intérêt commun dont je vous avais parlé le 27 janvier.
Vous avez aussi souhaité que nous parlions aussi des missions de notre ministère. Je commencerai par ce sujet.
Le 27 janvier, je vous disais pourquoi, à mon sens, notre ministère est au cur de l'action de l'État. Un État que je décrivais comme organisateur, protecteur, développeur. Un État qui doit bouger pour répondre à l'attente de nos concitoyens.
Tout cela, je le redis aujourd'hui ; mais je veux aussi le mettre en lumière en vous reparlant des contrats d'objectifs et de moyens, qui sont en fait plutôt des contrats de missions, de résultats et de moyens.
Concrètement, les directions de ce ministère mettent en uvre nos missions. Celles-ci ont été définies et même classées, organisées. Je fais ici référence à l'annexe du programme pluriannuel de modernisation (PPM), dont vous avez été destinataire en avril 1999. Pour la 1ère fois de l'histoire de ce ministère, un document officiel analyse l'ensemble des missions et l'ensemble des interlocuteurs du ministère, direction par direction.
Je souhaite donc que ce soit au niveau des directions du ministère, par l'élaboration des contrats de missions, de résultats et de moyens que le débat sur les missions s'organise et se concrétise. C'est déjà ce qui s'est fait à la DGI et à la DREE. C'est ce qui se fera dès cette année pour l'ensemble du ministère.
Et j'ai demandé que ce débat se fasse désormais en vous associant aux travaux d'élaboration de ces contrats. Je suis prêt à aller plus loin aujourd'hui, en demandant que ce débat se conclut, dans chaque direction, par un comité technique paritaire central.
La réforme du ministère
Je ne reprendrai pas tous les propos que j'ai tenus lors du CTPM ; je rappelle cependant que la réforme compte 4 piliers :
- rénover la gestion publique,
- constituer un réseau d'appui et d'information au service des PME,
- réaliser un service fiscal unifié,
- élargir la dynamique de réforme à tout le ministère.
Au cur de ce processus de réformes, qui concerne donc tout le ministère, il y la mise en place du service fiscal unifié en 2003 et le développement de nouvelles missions pour la nouvelle direction générale de la comptabilité publique.
Des inquiétudes se sont exprimées sur la création du service fiscal unifié. Des doutes ont été exprimés sur les nouvelles missions de la DGCP. Je voudrais y revenir en confirmant ce qui a déjà été écrit ou vous a été dit par Florence Parly le 3 février dernier.

Sur la création du service fiscal unifié :
Je veux dire d'emblée que cette réforme ne sera pas imposée de manière monolithique, uniforme, à l'ensemble du réseau mais fera l'objet de travaux prévisionnels, d'abord au niveau local. Nous voulons faire du sur-mesure. Nous ferons du sur-mesure.
Ces travaux seront menés, en concertation avec les élus et les organisations syndicales, par le TPG et le DSF du département. Il s'agit d'élaborer, au plus près du terrain, des propositions en vue d'une nouvelle organisation de l'administration fiscale.
Le Secrétariat Général à la Réforme de l'Administration Fiscale donnera à l'ensemble des responsables des services déconcentrés le cadre méthodologique sur lequel ils pourront travailler ; d'ici là, rien n'existe et ne peut exister et en particulier aucune carte, aucun projet de restructuration. C'est pourquoi, comme l'a dit Florence Parly devant les Députés de la commission des finances et devant vous-mêmes le 3 février, les schémas qui pourraient ici ou là circuler ne sont que des élucubrations sans valeur aucune.
Deuxième précision: le réseau des trésoreries rurales ne sera pas modifié par la réforme.
Je rappelle au demeurant que plus des 3/4 de leur activité porte sur la gestion du secteur public local et que cette part est encore plus forte dans les petits postes ; leur devenir n'est donc pas lié à la mise en place du service fiscal unifié.
Les décisions que nous avons prises prévoient donc le maintien d'un réseau dense de trésoreries rurales. Aucune trésorerie ne sera fermée du fait de la réforme.
Troisième précision : la DGI restera présente dans toutes les communes où elle est actuellement implantée.
Quatrième précision : l'application du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables.
La nouvelle organisation respectera ce principe. C'est une condition essentielle de garantie de la sécurité du maniement des fonds et de la sécurité comptable.
En matière de finances publiques, alors que l'exigence de contrôles sur l'argent public s'accroît, ce principe ne saurait être remis en cause.
Ainsi, au sein de chaque HIP et de chaque HIE, un cadre aura le statut de comptable public. Il sera responsable personnellement et pécuniairement.
Outre ses attributions comptables, il fera partie de l'encadrement de l'hôtel des impôts dans sa globalité : à ce titre il supervisera par exemple des tâches d'assiette et de contrôle.
J'ajoute que la centralisation et le contrôle de la régularité des opérations comptables des hôtels des impôts seront assurés par le trésorier-payeur général.

Les nouvelles missions de la DGCP :
Je vous rappelais tout à l'heure que le premier pilier de la réforme du ministère devait être celui de la rénovation de la gestion publique. Lors du CTPM du 27 janvier, je vous ai indiqué que j'attendais que la nouvelle DGCP relève 3 défis majeurs : l'amélioration de l'efficacité de la gestion publique, le renforcement du service aux collectivités locales et le développement de la surveillance des marchés publics et du conseil aux acheteurs publics.
Je voudrais aujourd'hui réaffirmer que cette modernisation de la gestion publique est une priorité absolue et souligner qu'elle constitue pour le Trésor public un très grand enjeu.
Elle passe d'abord, par la conduite de chantiers très importants que la DGCP doit mener à bien et qui mobiliseront toutes les compétences du réseau du Trésor public.
A titre d'exemple, proposer aux maires, directeurs d'hôpitaux ou d'offices HLM, une offre de services financiers globale intégrant des prestations d'analyses financières, une expertise économique et financière en matière d'investissement et des conseils dans le domaine des achats publics répond à une véritable attente des décideurs locaux et à un besoin pour l'approfondissement de la décentralisation : il s'agit pour le réseau du Trésor public d'un champ d'intervention particulièrement porteur.
Ce recentrage de l'action de la DGCP passe aussi par des compétences nouvelles pour cette direction ; c'est le cas notamment du rattachement du service des Domaines. Pour moi, il ne s'agit pas simplement de faire du redécoupage des structures pour le principe, mais de rechercher une véritable complémentarité autour d'un projet.
La mission de conseil aux acheteurs publics locaux est aussi une compétence nouvelle que je veux voir confiée à la DGCP : cette mission sera donc ainsi déconcentrée.
Cette rénovation passe enfin par un engagement résolu de tous.
Soyez assurés que ma détermination est forte. Certains ont fait remarquer que tout ne relève pas de la seule compétence du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et que certaines décisions seront interministérielles : je tiens à cette occasion à vous redire ma ferme volonté de faire aboutir les décisions qui seront nécessaires sur le plan interministériel. Florence Parly et moi nous y engageons devant vous.
De même, j'attends un fort engagement du réseau du Trésor public autour de ce grand projet. Elle doit reposer sur l'adhésion de tous les agents à un plan d'action précis et concret qui donne tout son sens à cette grande ambition pour le Trésor public. Aussi, je demande au directeur général qu'il bâtisse dès à présent ce plan, en association avec le réseau et en concertation avec les organisations syndicales.
Le social
Je souhaite que nous en débattions effectivement aujourd'hui, parce que ce sujet concerne directement les agents et que, comme je le disais tout à l'heure, à juste titre, nous devons répondre à leurs questions.
Mais, pour répondre à vos interrogations, je dois d'abord revenir sur la question de l'emploi.
Dès lors que nous faisons des gains d'efficacité, leur partage est nécessaire. Je fixe cependant une limite claire : la part donnée aux autres services publics, ne saurait conduire à un affaiblissement de nos missions. C'est la seule limite que je fixe, mais je la considère comme majeure. En fait, certaines de nos missions doivent être renforcées et elles le seront : il en est par exemple ainsi de la lutte contre la fraude fiscale et la fraude internationale, de la gestion publique, des marchés publics, du contrôle technique et de la sécurité alimentaire.
Plusieurs d'entre vous attendent aussi que la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail (l'ARTT) se traduise mécaniquement par des créations d'emplois. Je ne peux les suivre sur ce terrain. Tout dépend en fait du type de fonctions et de l'organisation retenue. Il ne peut y avoir de modèle unique en ce domaine, et là aussi la situation devra être examinée concrètement sur le terrain.
C'est d'ailleurs pourquoi le 27 janvier dernier, j'ai donné mon accord pour que soit d'ores et déjà lancé le travail sur l'état des lieux ; c'est une première étape certes, mais c'est une étape indispensable.
De même, j'ai décidé que la création des nouveaux services ou la réorganisation des services pour créer le service fiscal unifié devaient prendre immédiatement en compte l'ARTT.
Je suis prêt aujourd'hui à considérer que cette possibilité s'applique pour tout nouveau service ou tout service réorganisé de toutes les directions du ministère.
En méthode, et ainsi que je le disais le 27 janvier, les travaux qui seront menés par les directions ou le Secrétariat Général selon les cas, s'appuieront sur un cadre ministériel cohérent avec celui qui est en voie d'être défini pour l'ensemble de la fonction publique. Ce cadre ministériel sera arrêté d'ici juin 2000 par le groupe de travail ARTT du CTPM.
Je souhaite revenir maintenant sur la négociation sociale que j'ai annoncée le 27 janvier au C.T.P.M. Croyez bien que nous sommes très attentifs à tout ce que vous nous avez dit et à tout ce qui a été dit par les personnels.
S'agissant de la situation individuelle des agents, nous avons exposé les 6 principes qui, de notre point de vue, doivent permettre de répondre à leurs interrogations. J'ai le sentiment que ces principes, qui sont en fait en même temps des engagements de notre part et des garanties pour les agents, permettent effectivement de répondre à ces interrogations. Mais là aussi la discussion est ouverte et vos propositions sont les bienvenues.
Mon souhait est clairement que nous puissions nous mettre d'accord pour que ces principes, servent de cadre aux travaux qui devront être engagés par le Secrétariat Général dans les plus brefs délais avec les organisations syndicales.
Je veux être clair en effet : notre responsabilité, à Florence Parly et à moi, est double :
- elle est d'ouvrir le dialogue, ce que nous faisons ensemble aujourd'hui ;
- elle est aussi de donner l'assurance à tous les agents de ce ministère que les réformes que nous engageons aujourd'hui et celles que nous engagerons demain se fassent avec eux, sans qu'ils en soient lésés, mais au contraire bénéficiaires. C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'avais indiqué que ces principes s'appliqueraient aux 4 piliers de la réforme.
Je le redis aujourd'hui encore plus clairement : tout agent de ce ministère, quelle que soit sa direction, doit bénéficier de ces principes dès lors qu'il est concerné par une réforme d'ampleur. Mais dans chaque cas, il appartiendra aux directions concernées de débattre des conditions d'application et de mise en uvre avec ses organisations syndicales.

S'agissant du service fiscal unifié, j'ai demandé au Secrétariat Général :
- de réunir très vite le comité de suivi social de la réforme qui associera les organisations syndicales des deux directions. Cette réunion devrait se tenir au plus tard d'ici 1 mois ;
- de fixer, dès cette réunion, la méthode de travail au sein de ce comité et de définir les principales étapes de son calendrier de réunions en 2000, en particulier s'agissant de la mise en uvre des 6 principes que j'ai fixés.

Enfin, outre l'ARTT dont j'ai déjà parlé, j'ai souhaité que 2 autres sujets d'intérêt commun soient ouverts à la discussion.
Le premier est celui du développement du dialogue interdirectionnel local.
Le groupe du travail du CTPM dédié au dialogue social nous proposera un dispositif équilibré d'ici l'été, qui pourra prendre la forme d'une charte de référence, posant les principes de ce dialogue interdirectionnel local et de la mise en uvre d'heures mensuelles d'informations interdirectionnelles.
Le deuxième est celui des conditions de travail.
Nous vous l'avons dit, pour nous, le service aux usagers et le confort des agents devront, partout, aller de pair. C'est pourquoi nous avons pris trois engagements :
- l'amélioration des conditions d'exercice de la fonction d'accueil ;
- une attention réelle à l'ergonomie des logiciels et à celle des postes de travail ;
- une concertation locale en CTPL et en CHSDI sur l'implantation des postes de travail, dans le respect des compétences de ces instances.
Nous proposons qu'un travail soit engagé dans le cadre des groupes de travail du CHSM et du CTPM. Une première présentation des travaux aura lieu en juin pour une validation définitive au CHSM de fin d'année.

Voilà ce que je tenais à vous indiquer dans ce propos liminaire.
Je souhaite qu'il nous permette de poursuivre nos échanges sur des bases qui ne devraient plus laisser de place à des malentendus. Nous devons nous attacher à ce que nos travaux soient constructifs. Nous ne devons pas décevoir les attentes des agents.
Nous travaillons ensemble pour le service public et pour les agents qui le servent avec compétence et dévouement, et la réforme du ministère se fait aussi pour eux.
Je vous invite à dépasser les appréhensions, au demeurant compréhensibles, pour construire ensemble un cheminement de la réforme qui ne laisse personne sur le bord du chemin.

(Source http://www.finances.gouv.fr, le 9 mars 2000)