Interview de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, sur France 2 le 22 août 2003, sur le déroulement du Conseil des ministres de rentrée, la prévention de l'enfance maltraitée et les nouveaux dispositifs de garde d'enfants.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

France 2 .- Bonjour. D'ordinaire, un Conseil des ministres de rentrée, ce sont des retrouvailles autour du chef de l'Etat et des ministres, qui affichent leur bronzage. Mais hier, les mines à l'Elysée étaient beaucoup plus tendues. J. Chirac est sorti de son silence, en pleine crise liée à la canicule. Avec nous ce matin, C. Jacob, bonjour.
Christian Jacob .- "Bonjour. "
Vous êtes le ministre délégué à la Famille, mais avant tout, comme vous dites vous-même, un chiraco-chiraquien. Alors, est-ce que le chef de l'Etat a réussi à refixer un cap à un gouvernement un peu déboussolé par l'ampleur de la canicule ?
- "C'est plus un qualificatif qu'on me prête que ce que je me l'attribue. Eh bien écoutez, je crois que le chef de l'Etat s'est exprimé naturellement, à l'issue du Conseil des ministres..."
C'est exceptionnel quand même.
- "Non, le Conseil des ministres n'est pas exceptionnel, c'est un conseil des ministres de rentrée. Le chef de l'Etat s'est exprimé, à son issue, après avoir entendu le compte rendu et l'analyse précise, faite par chacun des ministres, dont le secteur était directement concerné par la canicule, qui a touché l'ensemble du territoire national."
Mais du coup, en prenant la parole, est-ce que le chef de l'Etat n'a pas finalement crédibilisé les hypothèses les plus difficiles, parce que ça a quand même amené le Président de la République à prendre la parole, donc c'est qu'il y avait vraiment un drame national.
- "Ecoutez, je crois que l'on a vécu une situation exceptionnelle, tout le monde le reconnaît. Alors, si l'on fait le bilan de cet été entre les incendies, la vague de sécheresse sur le plan agricole, et puis cette canicule avec les milliers de morts qu'il y a eu, qui sont liés directement à la canicule ou pas, mais n'empêche qu'il était tout à fait normal qu'il y ait un état de la situation, très précis, qui soit fait, ce qui a été fait par chacun des ministres et que le président de la République s'exprime sur ce sujet, quoi de plus normal."
Vous étiez hier au Conseil des ministres, peut-être que vous ne voulez pas être à la place de votre ministre de tutelle, parce qu'un médecin, qui voit le système de santé lui exploser à la figure, ça ne doit pas être facile à vivre, non ?
- "Ecoutez, je crois que J.-F. Mattei a affronté cette crise avec beaucoup de sérénité, avec toute la compétence qu'on lui connaît. C'est d'abord un grand professeur de médecine, c'est aussi quelqu'un de profondément humaniste. Aujourd'hui, la situation est la suivante : il faut tirer toutes les conséquences, relever toutes les insuffisances, c'est ce qu'a signifié le Président de la République. Et, à partir de là, J.-P. Raffarin l'a annoncé, dès le mois d'octobre, le gouvernement fera des propositions très précises et proposera un plan pour lutter contre toutes ces insuffisances et faire en sorte qu'une situation si grave, ne se reproduise pas."
Il existe un autre secteur, d'ailleurs, dans votre domaine, où les dysfonctionnements semblent nombreux, c'est celui de la prévention de l'enfance maltraitée, on l'a vu cet été, avec les sévices du petit Nicolas à Strasbourg, qui ont entraîné d'ailleurs sa mort. On s'aperçoit aussi aujourd'hui qu'il n'existe pas d'enquêtes qui puissent recenser le nombre d'enfants maltraités. Alors, est-ce qu'il faut attendre de nouveaux drames, pour que les choses changent ?
- "Non, il existe des moyens d'information, le problème c'est que cette information est trop éclatée et c'est pour ça que j'ai souhaité, d'ailleurs, avec les associations qui travaillent sur ces sujets de la maltraitance, avec également l'ODAS, qui est un observatoire qui rassemble pratiquement la totalité des départements français, eh bien que nous puissions croiser toutes les informations qui existent. Aujourd'hui, les signalements sont faits soit dans les ASE, l'Aide Sociale à l'Enfance, soit dans les hôpitaux, également dans les services de protection judiciaire, mais aussi dans les gendarmeries, dans les commissariats"
Donc, on n'a pas à savoir vraiment comment on fait...
- " ce qui fait que toutes ces informations méritent d'être d'une part retravaillées, d'être croisées aussi, de façon à avoir des chiffres extrêmement précis. L'objectif, ce n'est pas d'avoir des statistiques pour des statistiques, mais c'est qu'à partir de cela, eh bien on peut mettre en place un véritable plan de prévention. C'est pour cela que nous allons, eh bien, dès la rentrée, puisque je vais proposer à un prochain Conseil des ministres, un projet de loi, qui permettra la mise en place de l'Observatoire national contre la maltraitance, afin de rassembler, à la fois les données émanant des services de police, de gendarmerie, ceux des hôpitaux, ceux de la justice, ceux de l'Aide Sociale à l'Enfance, de façon à ce que tout le monde travaille sur les mêmes chiffres et qu'ensuite, nous puissions mettre en place un grand plan de prévention."
Donc vous dites, ce matin : projet de loi à l'automne et création d'un observatoire de l'enfance maltraitée, ça c'est une première.
- "Pour la fin de l'année, tout à fait. Cet Observatoire est attendu depuis de nombreuses années, par les associations et nous allons donc le mettre en place. La loi sera votée cet automne, donc je pense que raisonnablement, à la fin de l'année ou début janvier prochain."
Mais comment assurer, finalement, aussi, la protection de l'enfance une fois que le mal est fait, du mineur, devant la justice, parce que jusqu'à présent c'est aussi difficile de faire entendre la voix de l'enfant.
- "C'est un point qui est tout à fait important également. Nous allons donc, dans le cadre de ce projet de loi, donner la possibilité aux associations de se porter partie civile. C'est quelque chose d'assez complexe, mais dans un certain nombre de cas, les associations ne peuvent pas se porter partie civile, là elles auront cette possibilité, c'est aussi quelque chose qui était très attendu dans ce domaine."
Cela fait partie donc des chantiers de la rentrée. Alors, justement, avec votre collègue, L. Ferry, vous êtes l'autre ministre de la rentrée, celui des familles, en charge des tout petits. Alors, comment se prépare-t-elle cette rentrée ?
- "Eh bien cette rentrée, avec, je dirais, son lot de difficultés habituelles, sur les moyens de garde... Pour cela, nous avons, à la suite de la conférence sur la famille du 29 avril dernier, le Premier ministre a rendu des arbitrages importants, dans le domaine de la garde d'enfants..."
C'est toujours aussi difficile de faire garder son enfant, quand on travaille.
- "Nous allons mettre donc un nouveau Plan crèches, en place, dès le 1er janvier, qui va permettre la création de 20.000 places de crèches supplémentaires. Nous allons également réformer le statut des assistantes maternelles, de façon à rendre ce métier plus attractif et, cela, eh bien il y aura d'ailleurs des dispositions dès cet automne, dans le projet de loi, et puis également renforcer les moyens financiers, le pouvoir d'achat des familles puisque aujourd'hui, objectivement, entre une famille qui a des enfants et une qui n'en a pas, la perte de pouvoir d'achat est beaucoup plus importante pour celles qui ont des enfants et c'est donc pour cela que le Premier ministre a aussi décidé de renforcer, grâce à une nouvelle prestation, qui s'appelle la PAJE, la Prestation d'Accueil du Jeune Enfant, qui va regrouper 6 anciennes prestations existantes, donc à la fois simplifier, renforcer le pouvoir d'achat et développer les moyens de garde."
Rapidement, vous avez écrit : " Le pari du bon sens, un paysan en politique "
- "C'était il y a quelques années."
alors, qu'est-ce que votre bon sens vous dit, pour la rentrée ? Avis de tempête ? Comment ça va se passer, les nuages s'amoncellent ?
- "Oh, eh bien écoutez, par définition, la tempête, c'est toujours difficile à prévoir, vous savez. Ceci étant, je crois que cette rentrée sera comme les autres, avec son lot d'incertitudes, de reprise, avec des grands chantiers importants qui s'ouvrent pour le Gouvernement. On nous avait prédit l'apocalypse avec le dossier sur les retraites, je crois qu'il a été particulièrement bien mené, dans une grande concertation. Sur l'assurance maladie, le chantier va s'ouvrir aussi et, puis bon, beaucoup d'autres sujets."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 août 2003)