Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le rapporteur
Mesdames et Messieurs les sénateurs
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui la réforme de la loi sur la liberté de communication préparée par le Gouvernement, telle qu'elle a été adoptée en première lecture par l'assemblée nationale.
Avec cette réforme, le service public trouvera les moyens d'une nouvelle ambition. Avec cette réforme, le système de la régulation audiovisuelle à la française prendra pleinement en compte la nouvelle donne de la numérisation.
Depuis un demi-siècle déjà, la radio et la télévision se sont imposées comme la principale source d'information des citoyens, le premier de leur divertissement et, avec l'école, le plus puissant vecteur de l'éducation, de la culture et de l'expression des idées.
Une nouvelle mutation des usages audiovisuels est cependant engagée avec l'essor conjoint des transmissions satellitaires et de la numérisation des signaux.
Un bouleversement plus puissant encore est en uvre avec la convergence de l'audiovisuel, de la téléphonie et de l'informatique.
Ouverture au monde le plus lointain, mais aussi connaissance du monde le plus proche : si les frontières géographiques disparaissent, nos concitoyens ne veulent pas perdre leurs racines et négliger leur village. C'est dans le même esprit d'universalité que nous exigeons que l'information nous renseigne aussi bien sur ce qui arrive à l'autre bout du monde, que sur ce qui se passe dans notre village ou notre quartier. Devenue européenne, demain peut-être mondiale, la citoyenneté se veut plus fraternelle et plus intime.
Est-ce à dire que cette facilité de recueillir l'information, de disposer de toute l'ampleur du savoir humain en temps réel va transformer notre société au point de faire disparaître toutes les inégalités et progresser l'intelligence humaine ?
A nous d'en décider : deux espoirs se dessinent devant nous :
- la fin des inégalités culturelles : tous ces progrès ne sont encore accessibles qu'à une petite partie de l'humanité, la plus riche. Bien sûr, nous pouvons aujourd'hui recevoir plus de trois cents chaînes : mais 80 % des foyers ne disposent encore aujourd'hui que des seules chaînes hertziennes gratuites. Dans quelques années, peut-être ne seront-ils que 50 % mais quand bien même, ils ne seraient que 20 %, 10 %, voire moins, nous devrions leur garantir une qualité et une diversité de contenus. C'est ainsi que nous combattrons l'exclusion.
- second espoir : la diversité de la pensée : en matière économique, les monopoles sont coûteux pour le consommateur, en matière de communication, ils sont pernicieux pour l'esprit. Nous pouvons bénéficier de nouvelles sources de divertissement, d'information, de culture, multiples et diverses.
Ouvrir notre paysage audiovisuel, faciliter le développement de nouvelles chaînes du câble, du satellite ou du numérique hertzien, c'est permettre l'épanouissement de chacun dans la liberté.
Renforcer le contrôle de l'indépendance des rédactions, à l'égard des intérêts politiques et économiques, c'est favoriser le pluralisme et l'impartialité de l'information.
Soutenir la production de contenus audiovisuels de qualité, en incitant les nouvelles chaînes à ne pas se contenter de rediffuser des stocks largement amortis, ou des téléfilms américains achetés au kilomètre, mais à investir dans la création de programmes originaux, c'est défendre la diversité culturelle.
Ce sont bien ces principes que la France défend dans l'arène internationale. Ce sont bien ces principes qui sous-tendent la loi de développement et de liberté que le gouvernement vous soumet aujourd'hui.
Une loi de développement qui permette à nos entreprises publiques et privées de prendre toute leur part dans le renouveau des techniques et des services, et d'affirmer efficacement leur présence sur le marché international.
Une loi de liberté qui garantisse que cet essor soit porteur d'un regain de la démocratie et d'un épanouissement des forces de la création.
Je sais que beaucoup de sénateurs, au-delà de nos différences d'approche, partagent avec le gouvernement l'attachement au service public audiovisuel, à l'indépendance des autorités de régulation ou au pluralisme de la création.
Je n'ai pas besoin de le souligner, le contexte a profondément changé depuis le moment où vous avez adopté un projet de loi modifiant la loi de 1986 présenté par mon prédécesseur : le temps écoulé nous permet de nous pencher aujourd'hui, en temps réel, sur les questions que l'évolution des techniques nous pose. Qui pouvait alors prévoir la fusion AOL-Time Warner, le développement de la web-tv, ou l'accélération du passage à la télévision numérique de terre ?
C'est bien dans cet esprit d'adaptation souple aux nouvelles problématiques que nous ouvrons le débat sur la télévision numérique de terre ou que nous réfléchirons ensemble au développement des télévisions locales, avec l'objectif de finaliser ces dispositifs au cours des secondes lectures. Je conçois cette navette parlementaire comme une chance d'enrichissement de texte. Et j'en profite pour rendre hommage au travail remarquable accompli ici, et tout particulièrement par Messieurs Hugot et Belot, vos rapporteurs, ainsi que par Madame Pourtaud, Messieurs Pelchat et Weber.
Mesdames et messieurs les sénateurs, dans cette démarche tout à la fois pragmatique et réfléchie, fondée sur la conviction que l'action publique dans l'audiovisuel est légitime, cette réforme poursuit trois objectifs :
Refonder. Développer. Réguler.
1. D'abord refonder le service public, d'une part pour renouer le contrat démocratique qui lie les citoyens à leur audiovisuel public, d'autre part, pour créer un point d'équilibre et de référence dans un monde concurrentiel et changeant.
Missions, organisation, moyens sont les trois piliers de ce projet.
J'ai tenu à ce que la représentation nationale débatte des missions qu'elle assigne au service public de l'audiovisuel, dans son ensemble et à travers chacune de ses composantes, dans les nouvelles technologies comme dans ses aspects plus classiques.
Dans cette volonté de redonner force et ambition à l'audiovisuel public, la France agit de concert avec tous les pays d'Europe et prendra dans le cadre de sa présidence de l'Union plusieurs initiatives.
Car ce que nous défendons ensemble, c'est l'idée qu'un audiovisuel public fort et diversifié constitue un outil irremplaçable au service de la démocratie, du développement culturel, de la diversité de la création audiovisuelle et du rayonnement international. Ce choix s'impose à la fois comme une exigence de citoyenneté et comme un pari industriel d'avenir.
L'audiovisuel public, par la richesse de ses programmes et de ses savoirs-faire, dispose d'atouts remarquables pour contribuer au développement de l'offre thématique aussi bien qu'au renforcement de notre présence dans la compétition internationale de l'information et des programmes. C'est également lui qui est le mieux placé pour anticiper l'enrichissement des services que permettront le développement de diffusion numérique hertzienne de terre.
Aucune chaîne privée ne saurait se substituer au rôle joué par la Sept-Arte en matière de création, de documentaire ou de fiction, ou par la Cinquième comme pôle de connaissance, d'éducation et de savoir. Mais il est également décisif que le service public, avec la force conjuguée de France 2 et de France 3, fasse uvre de qualité et d'invention dans tous les grands genres de programmes à vocation " grand public " : fictions bien sûr, mais aussi jeux, sports ou divertissements.
France 2, est la chaîne publique à qui incombe la mission fédératrice la plus large et qui doit exercer, au plus haut niveau d'exigence, son rôle d'information nationale et internationale. C'est grâce à la puissance de ce navire amiral que le secteur public, loin d'être condamné à un destin subsidiaire, va pouvoir se déployer avec succès dans les nouveaux services et sur la scène internationale. Et, enfin, grâce aux moyens que cette loi lui donnera, France 2 finira de sortir de la crise d'identité et de la crise financière qu'elle traversait depuis plusieurs années.
Si toutes ces évolutions, si tous ces défis technologiques et sociologiques plaident pour un développement offensif de l'audiovisuel public, ils permettent aussi de mesurer les déficiences actuelles de son organisation.
C'est bien pour donner à la télévision publique la plénitude de ses moyens que j'ai proposé de rassembler ses forces en un véritable groupe industriel et financier, la fameuse " holding".
Pourquoi un tel groupe ?
Pour mener une stratégie d'investissement plus efficace en particulier dans le numérique, et de développement des programmes..
Pour " faire le poids " face à des opérateurs privés d'autant plus puissants qu'ils s'allient, pour atteindre une véritable dimension européenne.
Pour permettre aux chaînes publiques de réaffirmer leur identité éditoriale au sein d'un même groupe industriel et financier, dans le respect de leurs missions et de leurs antennes respectives. A côté de France 2, dont je vous ai indiqué la place centrale, France 3 doit être la chaîne de la proximité, de l'attachement au territoire et au voisin. Quant à la Cinquième, j'attends de cette chaîne, voulue par le Sénat, qu'elle s'adresse à tous les publics, avec une mission éducative très large, consubstantielle à la notion même de service public.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, le gouvernement vous propose que la Sept-Arte ne fasse pas partie de ce groupe. Il s'agit là d'une décision qu'après mûre réflexion, j'ai soumise au Premier ministre, qui l'a acceptée, et dont il a fait part au chancelier allemand. Je souhaiterai vous l'expliquer.
J'ai été, vous le savez, parmi les premières et les plus ardentes à m'impliquer, dès l'origine, dans la défense d'Arte, dont vous n'ignorez pas que le siège est à Strasbourg. Il s'agissait alors pour moi de soutenir un projet culturel réellement innovant et démocratique, traduction dans les faits de mon idéal européen.
L'essentiel a donc toujours été et reste, à mes yeux, le développement d'Arte en France, en Allemagne et en Europe, et je continue à penser que la Sept-Arte aurait été assez forte pour participer au groupe France Télévision sans perdre son identité.
Le projet de loi garantissait l'indépendance éditoriale, l'autonomie financière et managériale de la Sept-Arte, comme d'ailleurs celle de France 2, France 3 ou de la Cinquième. Dans ce cadre donc, les revendications de la partie allemande pouvaient trouver satisfaction à l'intérieur de France Télévision, grâce à des aménagements, que j'avais proposés tout en veillant à leur compatibilité avec un bon fonctionnement du groupe. Je me suis cependant aperçue que les demandes de nos partenaires, qui, en maints points, dépassaient le cadre prévu par le Traité, voire la situation du pôle allemand d'Arte, risquaient, si nous les satisfaisions intégralement, de nuire à la cohérence de France Télévision, notamment au niveau de la direction du groupe et d'Arte.
Alors, attachée aujourd'hui, comme hier, au maintien du pacte de confiance et de la sérénité du partenariat sur lequel repose l'existence de cette chaîne, j'ai préféré choisir une autre solution.
Arte, chaîne européenne de service public, a toute sa place dans le paysage audiovisuel français : nous veillerons à ce qu'elle bénéficie de tout le soutien nécessaire à l'extension de sa diffusion, en France et en Allemagne, en Europe et dans le monde, à l'amélioration de ses moyens de programmes et de développement. Je suis persuadée de trouver, dans cet effort pour que l'excellence profite au plus grand nombre, l'appui de tous ceux qui, dans le milieu intellectuel notamment, se sont mobilisés dès l'origine pour la Sept et pour Arte et entendent en préserver et développer les acquis. Nous travaillerons ensemble comme nous l'avons toujours fait.
La Sept-Arte conservera bien évidemment ses liens capitalistiques avec France Télévision : je vous rappelle que France 3 détient 45 % de son capital. Nous pourrons ainsi veiller à une bonne coordination stratégique entre le groupe et La Sept-Arte.
En effet, regrouper France 2, France 3, La Cinquième, et leurs filiales, dont TV5 et CFI, mais aussi les nouvelles chaînes thématiques existantes ou à venir, ce n'est pas créer une superstructure administrative, mais mettre en place un état-major doté des pouvoirs et des moyens nécessaires à la conduite d'une véritable stratégie.
L'enjeu est de mieux affirmer la richesse éditoriale de l'offre publique de télévision tout en renforçant l'efficacité économique du service public. De renforcer sa politique de diversification thématique et dans les nouveaux services. D'accroître sa capacité de négociation sur les marchés internationaux des droits sportifs. D'améliorer sa coopération avec les organes de l'action audiovisuelle extérieure, CFI et TV 5, dont les chaînes publiques seront désormais actionnaires majoritaire.
Plus fondamentalement, seule une vision stratégique commune permettra aux chaînes publiques de se préparer aux nouvelles opportunités que permettra le passage au numérique de terre. J'attends d'elles qu'elles assument pleinement le rôle moteur qui leur revient dans une telle transition.
Evidemment, une telle réforme de structures serait inachevée si elle ne s'appuyait pas sur des moyens renforcés. Il fallait non seulement remédier à la privatisation rampante, c'est à dire à la croissance de la part de la publicité dans les chaînes publiques, mais aussi accroître leurs moyens.
D'une part donc, nous maintenons la redevance, véritable " cotisation citoyenne ". La redevance est la seule ressource qui garantisse dans la durée, l'autonomie du fonctionnement de la radio et de la télévision publique notamment à l'égard des aléas propres à toute recette commerciale. C'est pourquoi, l'Assemblée a adopté, et j'espère que le Sénat le fera également, l'inscription dans la loi, comme un principe pérenne, de l'obligation pour l'Etat de rembourser intégralement au compte spécial de la redevance, le montant des exonérations, c'est à dire 2,5 milliards par an.
Dès l'année 2000, l'audiovisuel public bénéficiera de moyens très nettement accrus : 5,3 % d'augmentation, soit un milliard de francs, 971 millions très exactement, de moyens nouveaux, bien entendu, au-delà, de la compensation intégrale de la baisse de la publicité.
D'autre part, nous baissons la durée de la publicité autorisée sur les chaînes publiques: depuis quinze ans, tous les rapports, tous les experts mais aussi beaucoup de téléspectateurs réclamaient la fin des tunnels pour des raisons de confort d'écoute bien sûr, mais aussi comme garantie de la qualité des programmes. Le gouvernement a donc décidé d'abaisser de 12 à 8 mn la durée horaire maximale de la publicité pour France 2 comme pour France 3. D'ailleurs, depuis le 1er janvier, cette réduction est en partie effective, puisque le gouvernement avait souhaité limiter dès 2000 cette durée maximale à 10 minutes.
Nous le faisons dans la loi parce qu'il s'agit d'une véritable décision politique, qui signe l'engagement pris de compenser le manque à gagner en recettes publicitaires. Il vous appartiendra désormais de veiller à ce qu'il soit strictement rempli dans le vote comme dans l'exécution de chacune des lois de finances annuelles.
Tous en convenaient : l'accroissement de la part de la publicité dans son financement menaçait de plus en plus le service public dans l'indépendance et l'identité de sa programmation.
Décidé à passer aux actes, le Gouvernement a souhaité que les mesures prises portent des effets clairement perceptibles pour le téléspectateur. Il devait également veiller à ce qu'elles n'affaiblissent pas le potentiel d'activité des chaînes publiques. D'où le versement intégral des sommes correspondant à la perte de recettes publicitaires, mais aussi de celles qui seront nécessaires pour produire les 350 heures de programmes qui remplaceront la publicité. Ceci représentera 1,5 milliard par an.
Sur les 2,5 milliards de compensation des exonérations, il restera donc 1 milliard de francs par an aux chaînes publiques pour financer l'amélioration de leurs programmes et les investissements nécessaires, notamment au passage à la télévision numérique de terre .
Une remarque à ce propos : que le budget de l'Etat compense les exonérations de redevance qui sont un élément de notre politique sociale est une excellente décision, que beaucoup d'entre vous réclamaient tous les ans, et que ce gouvernement a prise. Elle n'est nullement contradictoire avec une réflexion sur la redevance, sur son mode de recouvrement, son assiette, voire son montant. Cette réflexion est en cours, et fera l'objet d'un rapport que le gouvernement remettra au Parlement avant le mois de juin prochain.
Redonner à l'audiovisuel public un projet d'avenir, c'est enfin le doter d'un management stable et responsable et lui permettre la maîtrise de son développement.
Dans ce domaine encore, le Gouvernement vous propose de faire enfin entrer dans les faits des recommandations dont chacun plaide le bien fondé mais dont la mise en uvre a toujours été différée. Oui, la loi va enfin porter à 5 ans le mandat des dirigeants de l'audiovisuel public. Oui, elle va enfin libérer le service public des aléas d'une gestion budgétaire à courte vue, lui permettre de maîtriser une véritable stratégie de développement : c'est tout l'objet des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, novation par rapport aux aléas de court terme d'une gestion purement budgétaire, garantie d'indépendance pour les dirigeants, possibilité de contrôle intelligent et efficace pour la tutelle.
Ces deux mesures tendent à une profonde modernisation des modes de gestion et de tutelle des chaînes publiques, où les pouvoirs publics et les dirigeants des sociétés se trouvent désormais liés par une véritable pacte de responsabilité mutuelle, pour définir en commun une stratégie et arrêter les conditions de sa mise en uvre.
Missions organisation, moyens : avec ces trois piliers, la réforme devrait permettre à tous, téléspectateurs et citoyens, de considérer la télévision publique comme "notre" télévision.
Un mot pour terminer : la conception du service public que je vous ai exposée justifie, sans discours supplémentaire, que le projet de loi mette fin au contrat d'exclusivité de diffusion de France 2 et de France 3 qui avait été consenti au profit de TPS. Ceci n'a rien à voir avec la décision de la Commission européenne qui ne se prononce pas sur les mêmes bases, mais au nom de règles de concurrence et qui n'empêche nullement le gouvernement français de prendre ses décisions d'actionnaire des chaînes publiques. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
2. J'en viens au second objectif de cette réforme : développer. Car préparer l'avenir c'est réunir aujourd'hui les conditions économiques et juridiques qui permettent à nos entreprises d'entrer dans une nouveau cycle de développement et de diversification des programmes et des services audiovisuels.
Je l'ai souligné, la réforme du service public s'inscrit toute entière dans une perspective de développement. Mais cette visée s'étend bien au delà ; elle concerne l'ensemble des entreprises du secteur et des industries de programmes.
La réforme induira une action sans précédent de relance économique pour toute l'économie des médias et pour l'industrie des programmes, grâce à l'apport additionnel de ressources publiques correspondant aux remboursement des exonérations.
En premier lieu, celui-ci accroîtra de plus d'un milliard de francs le potentiel propre d'investissement de l'audiovisuel public dans les programmes et dans les services.
Mais dans le même temps, l'essentiel des ressources commerciales libérées par la baisse de la publicité pourrait se transférer, partie vers les autres médias comme la radio ou la presse écrite ou les chaînes thématiques, partie vers les chaînes privées.
Ce double effet suffira à générer au total un accroissement d'au moins 500 millions de francs des sommes mobilisées au bénéfice de la production, par le jeu des obligations d'investissement et de la taxe sur le compte de soutien auxquelles chaînes publiques et privées sont assujetties.
La réforme apporte par ailleurs des garanties nouvelles en faveur d'un développement pluraliste de la création audiovisuelle et cinématographique et du renforcement d'un tissu diversifié de producteurs, distributeurs et éditeurs indépendants.
S'agissant des grandes chaînes hertziennes, la loi se propose de renforcer l'efficacité des dispositions en vigueur en matière d'obligations économiques à l'égard de la production indépendante et pour assurer une plus grande fluidité des droits.
C'est ainsi que les chaînes thématiques du câble et du satellite seront désormais soumises, elles aussi, à des obligations de contribution à la production de programmes.
Dans le même temps, câblo-opérateurs et les opérateurs de bouquets satellitaires, seront tenus de faire une place suffisante, dans leur offre de services, à des éditeurs indépendants.
S'agissant enfin de l'équilibre du paysage radiophonique, le souci de préserver la pluralité des opérateurs conduit à demander au CSA de veiller à ce qu'une proportion suffisante de fréquences reste allouée aux radios associatives, et à ce que le public ait accès à des stations généralistes contribuant à l'information politique et générale.
La loi audiovisuelle comportera également l'ensemble des dispositions indispensables au développement des services par câble comme par satellite.
En conformité avec le droit communautaire, le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera donc désormais habilité à conventionner l'ensemble des chaînes par satellite établies en France.
En conséquence, les chaînes thématiques diffusées par satellite seront soumises à un régime d'obligations identiques à celles distribuées par câble.
Quant aux plates-formes satellitaires, elles feront désormais l'objet d'une déclaration auprès du CSA, les cablo-opérateurs restant pour leur part assujettis à un régime d'autorisation que justifie le monopole d'exploitation dont ils disposent localement..
Par des propositions d'amendements, votre Commission montre tout l'intérêt porté par la Haute Assemblée à l'évolution que va connaître, dans les prochaines années, avec la numérisation de la diffusion, le secteur de la radio télévision, et à ses enjeux de toute première importance. Je souhaiterais donc que nous nous y arrêtions un instant.
La technologie numérique s'installe sur l'ensemble des supports de communication au public, qu'il s'agisse du satellite, du câble ou de la diffusion hertzienne. Les opérateurs français à travers les bouquets satellite et les réseaux câblés ont su développer une véritable expertise en la matière, qui leur permettra de prendre très rapidement position dans la télévision numérique de terre. La diffusion hertzienne terrestre demeurant en France le mode majoritaire de réception des programmes télévisés, il apparaît difficile de ne pas en envisager la numérisation. Celle-ci est déjà effective dans certains pays de l'Union européenne (Grande-Bretagne, Suède) ou en cours de lancement dans d'autres (Espagne, Pays-Bas, Italie...).
Conscient des enjeux, le Gouvernement français a souhaité mener une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés afin de définir le meilleur cadre juridique, économique et technique de la numérisation de la diffusion hertzienne. Un Livre Blanc a donc été envoyé à plus de 300 acteurs socioprofessionnels et par l'ouverture d'un forum Internet.
J'ai alors confié à M. Hadas-Lebel, conseiller d'Etat et ancien directeur général de France 2, la présidence d'un groupe de travail réunissant les administrations concernées et les autorités de régulation. Ce groupe a procédé au dépouillement des réponses au Livre Blanc et au forum Internet. M. Hadas-Lebel m'a remis son rapport hier soir. Je l'ai aussitôt adressé à votre Président et à vos Rapporteurs.
C'est en s'appuyant sur ce rapport, aboutissement d'un long travail qui a associé toutes les autorités publiques, tous les opérateurs mais aussi de simples téléspectateurs, et sur les autres travaux dont il dispose aujourd'hui que le gouvernement prendra les décisions politiques nécessaires. Nous aurons l'occasion de débattre plus longuement de ce sujet dans la discussion par article.
Je sais également que votre Assemblée est très soucieuse du développement des télévisions locales, sur lesquelles j'aimerai maintenant vous dire quelques mots. Leur développement correspond, à mon sens, à un véritable approfondissement de notre démocratie, et répond à des aspirations profondes de nos concitoyens.
A la demande du gouvernement, le CSA a engagé les travaux de planification des ressources hertziennes. Il ne s'agit pas de renvoyer le développement des télévisions locales à la période où l'équipement numérique des ménages sera suffisant pour assurer à lui seul leur équilibre. Au contraire, au vu des premières étapes de la planification et dès lors qu'aura été confirmée la décision d'engager le passage au numérique, le CSA sera en mesure de vérifier quelles fréquences actuellement inemployées pourraient ou non être attribuées à des projets locaux ou régionaux existants sans compromettre la couverture territoriale des futurs "multiplexes" numériques.
3. Je conclurai en évoquant le dernier principe de cette réforme : la régulation. Ce sera, en effet, contribuer à la modernisation de notre démocratie, que de promouvoir un exercice plus efficace et plus transparent des pouvoirs confiés aux autorités indépendantes existantes en vue de garantir aux citoyens un fonctionnement des médias audiovisuels qui reste concurrentiel, pluraliste et respectueux du public.
Loi de développement pour l'ensemble de l'économie audiovisuelle, la réforme entend encourager le renforcement de grands groupes français capables de s'affirmer au plan international, dans des conditions qui respectent la concurrence et le pluralisme.
Il nous a paru nécessaire de renforcer les procédures de régulation déjà en vigueur, de rendre plus efficace et plus transparent l'exercice des compétences de chacune des autorités indépendantes et d'organiser la bonne complémentarité de leur intervention à l'égard des activités audiovisuelles.
Le Gouvernement a notamment considéré que l'ensemble des mouvements économiques affectant l'audiovisuel ne permettaient plus de maintenir ce secteur à l'écart du contrôle des concentrations. Afin de prendre pleinement en compte, les exigences propres au pluralisme, il est donc proposé que de telles concentrations soient soumises au contrôle du Conseil de la concurrence, mais avec une consultation systématique du CSA.
De même, le projet de loi élargit l'information économique dont disposera le CSA à propos du candidat et de ses principaux actionnaires lors de l'attribution des fréquences hertziennes. Il précise également les critères lui permettant de ne pas recourir à la "reconduction automatique " instaurée par la loi Carignon, et améliore la transparence de cette procédure lorsqu'elle est utilisée.
Je veux le souligner pour finir, ce sont bien l'auditeur et le téléspectateur, l'usager et le citoyen, qui sont les vrais destinataires de l'ensemble de notre réforme.
De ce point de vue, j'attache le plus grand prix à plusieurs des dispositions du projet de loi qui concourent à faire prévaloir, à l'égard de l'ensemble des opérateurs, les droits essentiels du téléspectateur.
Je pense notamment à la transposition dans notre droit interne de la Directive européenne en ce qui concerne la protection des mineurs ou le droit à accéder à une diffusion en clair des événements d'importance majeure.
C'est aussi le respect de l'usager qui conduit à confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin de veiller à l'indépendance de l'information audiovisuelle à l'égard des intérêts économiques des actionnaires. Le Conseil disposera à cet effet d'un droit d'information sur les marchés publics pour lesquels ces derniers auront soumissionné. Il devra également rechercher avec les opérateurs les dispositions les mieux adaptées pour garantir l'indépendance des rédactions : médiateurs, sociétés de journalistes, code de déontologie devraient ainsi, je l'espère, contribuer à renouveler la relation de confiance qui s'impose entre les médias et leur public.
Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est dans un esprit constructif que je souhaite que nous travaillions ensemble, au cours de ce débat, pour faire progresser ce projet de loi. Je suis pour ma part fermement déterminée à aboutir à un texte efficace, traduisant dans les faits les grands principes auxquels nous sommes pareillement attachés. Mon objectif est modeste et pourtant d'une très grande ambition: c'est chaque téléspectateur, chaque citoyen que j'entends placer au cur de cette réforme.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 19 janvier 2000)
Monsieur le rapporteur
Mesdames et Messieurs les sénateurs
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui la réforme de la loi sur la liberté de communication préparée par le Gouvernement, telle qu'elle a été adoptée en première lecture par l'assemblée nationale.
Avec cette réforme, le service public trouvera les moyens d'une nouvelle ambition. Avec cette réforme, le système de la régulation audiovisuelle à la française prendra pleinement en compte la nouvelle donne de la numérisation.
Depuis un demi-siècle déjà, la radio et la télévision se sont imposées comme la principale source d'information des citoyens, le premier de leur divertissement et, avec l'école, le plus puissant vecteur de l'éducation, de la culture et de l'expression des idées.
Une nouvelle mutation des usages audiovisuels est cependant engagée avec l'essor conjoint des transmissions satellitaires et de la numérisation des signaux.
Un bouleversement plus puissant encore est en uvre avec la convergence de l'audiovisuel, de la téléphonie et de l'informatique.
Ouverture au monde le plus lointain, mais aussi connaissance du monde le plus proche : si les frontières géographiques disparaissent, nos concitoyens ne veulent pas perdre leurs racines et négliger leur village. C'est dans le même esprit d'universalité que nous exigeons que l'information nous renseigne aussi bien sur ce qui arrive à l'autre bout du monde, que sur ce qui se passe dans notre village ou notre quartier. Devenue européenne, demain peut-être mondiale, la citoyenneté se veut plus fraternelle et plus intime.
Est-ce à dire que cette facilité de recueillir l'information, de disposer de toute l'ampleur du savoir humain en temps réel va transformer notre société au point de faire disparaître toutes les inégalités et progresser l'intelligence humaine ?
A nous d'en décider : deux espoirs se dessinent devant nous :
- la fin des inégalités culturelles : tous ces progrès ne sont encore accessibles qu'à une petite partie de l'humanité, la plus riche. Bien sûr, nous pouvons aujourd'hui recevoir plus de trois cents chaînes : mais 80 % des foyers ne disposent encore aujourd'hui que des seules chaînes hertziennes gratuites. Dans quelques années, peut-être ne seront-ils que 50 % mais quand bien même, ils ne seraient que 20 %, 10 %, voire moins, nous devrions leur garantir une qualité et une diversité de contenus. C'est ainsi que nous combattrons l'exclusion.
- second espoir : la diversité de la pensée : en matière économique, les monopoles sont coûteux pour le consommateur, en matière de communication, ils sont pernicieux pour l'esprit. Nous pouvons bénéficier de nouvelles sources de divertissement, d'information, de culture, multiples et diverses.
Ouvrir notre paysage audiovisuel, faciliter le développement de nouvelles chaînes du câble, du satellite ou du numérique hertzien, c'est permettre l'épanouissement de chacun dans la liberté.
Renforcer le contrôle de l'indépendance des rédactions, à l'égard des intérêts politiques et économiques, c'est favoriser le pluralisme et l'impartialité de l'information.
Soutenir la production de contenus audiovisuels de qualité, en incitant les nouvelles chaînes à ne pas se contenter de rediffuser des stocks largement amortis, ou des téléfilms américains achetés au kilomètre, mais à investir dans la création de programmes originaux, c'est défendre la diversité culturelle.
Ce sont bien ces principes que la France défend dans l'arène internationale. Ce sont bien ces principes qui sous-tendent la loi de développement et de liberté que le gouvernement vous soumet aujourd'hui.
Une loi de développement qui permette à nos entreprises publiques et privées de prendre toute leur part dans le renouveau des techniques et des services, et d'affirmer efficacement leur présence sur le marché international.
Une loi de liberté qui garantisse que cet essor soit porteur d'un regain de la démocratie et d'un épanouissement des forces de la création.
Je sais que beaucoup de sénateurs, au-delà de nos différences d'approche, partagent avec le gouvernement l'attachement au service public audiovisuel, à l'indépendance des autorités de régulation ou au pluralisme de la création.
Je n'ai pas besoin de le souligner, le contexte a profondément changé depuis le moment où vous avez adopté un projet de loi modifiant la loi de 1986 présenté par mon prédécesseur : le temps écoulé nous permet de nous pencher aujourd'hui, en temps réel, sur les questions que l'évolution des techniques nous pose. Qui pouvait alors prévoir la fusion AOL-Time Warner, le développement de la web-tv, ou l'accélération du passage à la télévision numérique de terre ?
C'est bien dans cet esprit d'adaptation souple aux nouvelles problématiques que nous ouvrons le débat sur la télévision numérique de terre ou que nous réfléchirons ensemble au développement des télévisions locales, avec l'objectif de finaliser ces dispositifs au cours des secondes lectures. Je conçois cette navette parlementaire comme une chance d'enrichissement de texte. Et j'en profite pour rendre hommage au travail remarquable accompli ici, et tout particulièrement par Messieurs Hugot et Belot, vos rapporteurs, ainsi que par Madame Pourtaud, Messieurs Pelchat et Weber.
Mesdames et messieurs les sénateurs, dans cette démarche tout à la fois pragmatique et réfléchie, fondée sur la conviction que l'action publique dans l'audiovisuel est légitime, cette réforme poursuit trois objectifs :
Refonder. Développer. Réguler.
1. D'abord refonder le service public, d'une part pour renouer le contrat démocratique qui lie les citoyens à leur audiovisuel public, d'autre part, pour créer un point d'équilibre et de référence dans un monde concurrentiel et changeant.
Missions, organisation, moyens sont les trois piliers de ce projet.
J'ai tenu à ce que la représentation nationale débatte des missions qu'elle assigne au service public de l'audiovisuel, dans son ensemble et à travers chacune de ses composantes, dans les nouvelles technologies comme dans ses aspects plus classiques.
Dans cette volonté de redonner force et ambition à l'audiovisuel public, la France agit de concert avec tous les pays d'Europe et prendra dans le cadre de sa présidence de l'Union plusieurs initiatives.
Car ce que nous défendons ensemble, c'est l'idée qu'un audiovisuel public fort et diversifié constitue un outil irremplaçable au service de la démocratie, du développement culturel, de la diversité de la création audiovisuelle et du rayonnement international. Ce choix s'impose à la fois comme une exigence de citoyenneté et comme un pari industriel d'avenir.
L'audiovisuel public, par la richesse de ses programmes et de ses savoirs-faire, dispose d'atouts remarquables pour contribuer au développement de l'offre thématique aussi bien qu'au renforcement de notre présence dans la compétition internationale de l'information et des programmes. C'est également lui qui est le mieux placé pour anticiper l'enrichissement des services que permettront le développement de diffusion numérique hertzienne de terre.
Aucune chaîne privée ne saurait se substituer au rôle joué par la Sept-Arte en matière de création, de documentaire ou de fiction, ou par la Cinquième comme pôle de connaissance, d'éducation et de savoir. Mais il est également décisif que le service public, avec la force conjuguée de France 2 et de France 3, fasse uvre de qualité et d'invention dans tous les grands genres de programmes à vocation " grand public " : fictions bien sûr, mais aussi jeux, sports ou divertissements.
France 2, est la chaîne publique à qui incombe la mission fédératrice la plus large et qui doit exercer, au plus haut niveau d'exigence, son rôle d'information nationale et internationale. C'est grâce à la puissance de ce navire amiral que le secteur public, loin d'être condamné à un destin subsidiaire, va pouvoir se déployer avec succès dans les nouveaux services et sur la scène internationale. Et, enfin, grâce aux moyens que cette loi lui donnera, France 2 finira de sortir de la crise d'identité et de la crise financière qu'elle traversait depuis plusieurs années.
Si toutes ces évolutions, si tous ces défis technologiques et sociologiques plaident pour un développement offensif de l'audiovisuel public, ils permettent aussi de mesurer les déficiences actuelles de son organisation.
C'est bien pour donner à la télévision publique la plénitude de ses moyens que j'ai proposé de rassembler ses forces en un véritable groupe industriel et financier, la fameuse " holding".
Pourquoi un tel groupe ?
Pour mener une stratégie d'investissement plus efficace en particulier dans le numérique, et de développement des programmes..
Pour " faire le poids " face à des opérateurs privés d'autant plus puissants qu'ils s'allient, pour atteindre une véritable dimension européenne.
Pour permettre aux chaînes publiques de réaffirmer leur identité éditoriale au sein d'un même groupe industriel et financier, dans le respect de leurs missions et de leurs antennes respectives. A côté de France 2, dont je vous ai indiqué la place centrale, France 3 doit être la chaîne de la proximité, de l'attachement au territoire et au voisin. Quant à la Cinquième, j'attends de cette chaîne, voulue par le Sénat, qu'elle s'adresse à tous les publics, avec une mission éducative très large, consubstantielle à la notion même de service public.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, le gouvernement vous propose que la Sept-Arte ne fasse pas partie de ce groupe. Il s'agit là d'une décision qu'après mûre réflexion, j'ai soumise au Premier ministre, qui l'a acceptée, et dont il a fait part au chancelier allemand. Je souhaiterai vous l'expliquer.
J'ai été, vous le savez, parmi les premières et les plus ardentes à m'impliquer, dès l'origine, dans la défense d'Arte, dont vous n'ignorez pas que le siège est à Strasbourg. Il s'agissait alors pour moi de soutenir un projet culturel réellement innovant et démocratique, traduction dans les faits de mon idéal européen.
L'essentiel a donc toujours été et reste, à mes yeux, le développement d'Arte en France, en Allemagne et en Europe, et je continue à penser que la Sept-Arte aurait été assez forte pour participer au groupe France Télévision sans perdre son identité.
Le projet de loi garantissait l'indépendance éditoriale, l'autonomie financière et managériale de la Sept-Arte, comme d'ailleurs celle de France 2, France 3 ou de la Cinquième. Dans ce cadre donc, les revendications de la partie allemande pouvaient trouver satisfaction à l'intérieur de France Télévision, grâce à des aménagements, que j'avais proposés tout en veillant à leur compatibilité avec un bon fonctionnement du groupe. Je me suis cependant aperçue que les demandes de nos partenaires, qui, en maints points, dépassaient le cadre prévu par le Traité, voire la situation du pôle allemand d'Arte, risquaient, si nous les satisfaisions intégralement, de nuire à la cohérence de France Télévision, notamment au niveau de la direction du groupe et d'Arte.
Alors, attachée aujourd'hui, comme hier, au maintien du pacte de confiance et de la sérénité du partenariat sur lequel repose l'existence de cette chaîne, j'ai préféré choisir une autre solution.
Arte, chaîne européenne de service public, a toute sa place dans le paysage audiovisuel français : nous veillerons à ce qu'elle bénéficie de tout le soutien nécessaire à l'extension de sa diffusion, en France et en Allemagne, en Europe et dans le monde, à l'amélioration de ses moyens de programmes et de développement. Je suis persuadée de trouver, dans cet effort pour que l'excellence profite au plus grand nombre, l'appui de tous ceux qui, dans le milieu intellectuel notamment, se sont mobilisés dès l'origine pour la Sept et pour Arte et entendent en préserver et développer les acquis. Nous travaillerons ensemble comme nous l'avons toujours fait.
La Sept-Arte conservera bien évidemment ses liens capitalistiques avec France Télévision : je vous rappelle que France 3 détient 45 % de son capital. Nous pourrons ainsi veiller à une bonne coordination stratégique entre le groupe et La Sept-Arte.
En effet, regrouper France 2, France 3, La Cinquième, et leurs filiales, dont TV5 et CFI, mais aussi les nouvelles chaînes thématiques existantes ou à venir, ce n'est pas créer une superstructure administrative, mais mettre en place un état-major doté des pouvoirs et des moyens nécessaires à la conduite d'une véritable stratégie.
L'enjeu est de mieux affirmer la richesse éditoriale de l'offre publique de télévision tout en renforçant l'efficacité économique du service public. De renforcer sa politique de diversification thématique et dans les nouveaux services. D'accroître sa capacité de négociation sur les marchés internationaux des droits sportifs. D'améliorer sa coopération avec les organes de l'action audiovisuelle extérieure, CFI et TV 5, dont les chaînes publiques seront désormais actionnaires majoritaire.
Plus fondamentalement, seule une vision stratégique commune permettra aux chaînes publiques de se préparer aux nouvelles opportunités que permettra le passage au numérique de terre. J'attends d'elles qu'elles assument pleinement le rôle moteur qui leur revient dans une telle transition.
Evidemment, une telle réforme de structures serait inachevée si elle ne s'appuyait pas sur des moyens renforcés. Il fallait non seulement remédier à la privatisation rampante, c'est à dire à la croissance de la part de la publicité dans les chaînes publiques, mais aussi accroître leurs moyens.
D'une part donc, nous maintenons la redevance, véritable " cotisation citoyenne ". La redevance est la seule ressource qui garantisse dans la durée, l'autonomie du fonctionnement de la radio et de la télévision publique notamment à l'égard des aléas propres à toute recette commerciale. C'est pourquoi, l'Assemblée a adopté, et j'espère que le Sénat le fera également, l'inscription dans la loi, comme un principe pérenne, de l'obligation pour l'Etat de rembourser intégralement au compte spécial de la redevance, le montant des exonérations, c'est à dire 2,5 milliards par an.
Dès l'année 2000, l'audiovisuel public bénéficiera de moyens très nettement accrus : 5,3 % d'augmentation, soit un milliard de francs, 971 millions très exactement, de moyens nouveaux, bien entendu, au-delà, de la compensation intégrale de la baisse de la publicité.
D'autre part, nous baissons la durée de la publicité autorisée sur les chaînes publiques: depuis quinze ans, tous les rapports, tous les experts mais aussi beaucoup de téléspectateurs réclamaient la fin des tunnels pour des raisons de confort d'écoute bien sûr, mais aussi comme garantie de la qualité des programmes. Le gouvernement a donc décidé d'abaisser de 12 à 8 mn la durée horaire maximale de la publicité pour France 2 comme pour France 3. D'ailleurs, depuis le 1er janvier, cette réduction est en partie effective, puisque le gouvernement avait souhaité limiter dès 2000 cette durée maximale à 10 minutes.
Nous le faisons dans la loi parce qu'il s'agit d'une véritable décision politique, qui signe l'engagement pris de compenser le manque à gagner en recettes publicitaires. Il vous appartiendra désormais de veiller à ce qu'il soit strictement rempli dans le vote comme dans l'exécution de chacune des lois de finances annuelles.
Tous en convenaient : l'accroissement de la part de la publicité dans son financement menaçait de plus en plus le service public dans l'indépendance et l'identité de sa programmation.
Décidé à passer aux actes, le Gouvernement a souhaité que les mesures prises portent des effets clairement perceptibles pour le téléspectateur. Il devait également veiller à ce qu'elles n'affaiblissent pas le potentiel d'activité des chaînes publiques. D'où le versement intégral des sommes correspondant à la perte de recettes publicitaires, mais aussi de celles qui seront nécessaires pour produire les 350 heures de programmes qui remplaceront la publicité. Ceci représentera 1,5 milliard par an.
Sur les 2,5 milliards de compensation des exonérations, il restera donc 1 milliard de francs par an aux chaînes publiques pour financer l'amélioration de leurs programmes et les investissements nécessaires, notamment au passage à la télévision numérique de terre .
Une remarque à ce propos : que le budget de l'Etat compense les exonérations de redevance qui sont un élément de notre politique sociale est une excellente décision, que beaucoup d'entre vous réclamaient tous les ans, et que ce gouvernement a prise. Elle n'est nullement contradictoire avec une réflexion sur la redevance, sur son mode de recouvrement, son assiette, voire son montant. Cette réflexion est en cours, et fera l'objet d'un rapport que le gouvernement remettra au Parlement avant le mois de juin prochain.
Redonner à l'audiovisuel public un projet d'avenir, c'est enfin le doter d'un management stable et responsable et lui permettre la maîtrise de son développement.
Dans ce domaine encore, le Gouvernement vous propose de faire enfin entrer dans les faits des recommandations dont chacun plaide le bien fondé mais dont la mise en uvre a toujours été différée. Oui, la loi va enfin porter à 5 ans le mandat des dirigeants de l'audiovisuel public. Oui, elle va enfin libérer le service public des aléas d'une gestion budgétaire à courte vue, lui permettre de maîtriser une véritable stratégie de développement : c'est tout l'objet des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, novation par rapport aux aléas de court terme d'une gestion purement budgétaire, garantie d'indépendance pour les dirigeants, possibilité de contrôle intelligent et efficace pour la tutelle.
Ces deux mesures tendent à une profonde modernisation des modes de gestion et de tutelle des chaînes publiques, où les pouvoirs publics et les dirigeants des sociétés se trouvent désormais liés par une véritable pacte de responsabilité mutuelle, pour définir en commun une stratégie et arrêter les conditions de sa mise en uvre.
Missions organisation, moyens : avec ces trois piliers, la réforme devrait permettre à tous, téléspectateurs et citoyens, de considérer la télévision publique comme "notre" télévision.
Un mot pour terminer : la conception du service public que je vous ai exposée justifie, sans discours supplémentaire, que le projet de loi mette fin au contrat d'exclusivité de diffusion de France 2 et de France 3 qui avait été consenti au profit de TPS. Ceci n'a rien à voir avec la décision de la Commission européenne qui ne se prononce pas sur les mêmes bases, mais au nom de règles de concurrence et qui n'empêche nullement le gouvernement français de prendre ses décisions d'actionnaire des chaînes publiques. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
2. J'en viens au second objectif de cette réforme : développer. Car préparer l'avenir c'est réunir aujourd'hui les conditions économiques et juridiques qui permettent à nos entreprises d'entrer dans une nouveau cycle de développement et de diversification des programmes et des services audiovisuels.
Je l'ai souligné, la réforme du service public s'inscrit toute entière dans une perspective de développement. Mais cette visée s'étend bien au delà ; elle concerne l'ensemble des entreprises du secteur et des industries de programmes.
La réforme induira une action sans précédent de relance économique pour toute l'économie des médias et pour l'industrie des programmes, grâce à l'apport additionnel de ressources publiques correspondant aux remboursement des exonérations.
En premier lieu, celui-ci accroîtra de plus d'un milliard de francs le potentiel propre d'investissement de l'audiovisuel public dans les programmes et dans les services.
Mais dans le même temps, l'essentiel des ressources commerciales libérées par la baisse de la publicité pourrait se transférer, partie vers les autres médias comme la radio ou la presse écrite ou les chaînes thématiques, partie vers les chaînes privées.
Ce double effet suffira à générer au total un accroissement d'au moins 500 millions de francs des sommes mobilisées au bénéfice de la production, par le jeu des obligations d'investissement et de la taxe sur le compte de soutien auxquelles chaînes publiques et privées sont assujetties.
La réforme apporte par ailleurs des garanties nouvelles en faveur d'un développement pluraliste de la création audiovisuelle et cinématographique et du renforcement d'un tissu diversifié de producteurs, distributeurs et éditeurs indépendants.
S'agissant des grandes chaînes hertziennes, la loi se propose de renforcer l'efficacité des dispositions en vigueur en matière d'obligations économiques à l'égard de la production indépendante et pour assurer une plus grande fluidité des droits.
C'est ainsi que les chaînes thématiques du câble et du satellite seront désormais soumises, elles aussi, à des obligations de contribution à la production de programmes.
Dans le même temps, câblo-opérateurs et les opérateurs de bouquets satellitaires, seront tenus de faire une place suffisante, dans leur offre de services, à des éditeurs indépendants.
S'agissant enfin de l'équilibre du paysage radiophonique, le souci de préserver la pluralité des opérateurs conduit à demander au CSA de veiller à ce qu'une proportion suffisante de fréquences reste allouée aux radios associatives, et à ce que le public ait accès à des stations généralistes contribuant à l'information politique et générale.
La loi audiovisuelle comportera également l'ensemble des dispositions indispensables au développement des services par câble comme par satellite.
En conformité avec le droit communautaire, le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera donc désormais habilité à conventionner l'ensemble des chaînes par satellite établies en France.
En conséquence, les chaînes thématiques diffusées par satellite seront soumises à un régime d'obligations identiques à celles distribuées par câble.
Quant aux plates-formes satellitaires, elles feront désormais l'objet d'une déclaration auprès du CSA, les cablo-opérateurs restant pour leur part assujettis à un régime d'autorisation que justifie le monopole d'exploitation dont ils disposent localement..
Par des propositions d'amendements, votre Commission montre tout l'intérêt porté par la Haute Assemblée à l'évolution que va connaître, dans les prochaines années, avec la numérisation de la diffusion, le secteur de la radio télévision, et à ses enjeux de toute première importance. Je souhaiterais donc que nous nous y arrêtions un instant.
La technologie numérique s'installe sur l'ensemble des supports de communication au public, qu'il s'agisse du satellite, du câble ou de la diffusion hertzienne. Les opérateurs français à travers les bouquets satellite et les réseaux câblés ont su développer une véritable expertise en la matière, qui leur permettra de prendre très rapidement position dans la télévision numérique de terre. La diffusion hertzienne terrestre demeurant en France le mode majoritaire de réception des programmes télévisés, il apparaît difficile de ne pas en envisager la numérisation. Celle-ci est déjà effective dans certains pays de l'Union européenne (Grande-Bretagne, Suède) ou en cours de lancement dans d'autres (Espagne, Pays-Bas, Italie...).
Conscient des enjeux, le Gouvernement français a souhaité mener une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés afin de définir le meilleur cadre juridique, économique et technique de la numérisation de la diffusion hertzienne. Un Livre Blanc a donc été envoyé à plus de 300 acteurs socioprofessionnels et par l'ouverture d'un forum Internet.
J'ai alors confié à M. Hadas-Lebel, conseiller d'Etat et ancien directeur général de France 2, la présidence d'un groupe de travail réunissant les administrations concernées et les autorités de régulation. Ce groupe a procédé au dépouillement des réponses au Livre Blanc et au forum Internet. M. Hadas-Lebel m'a remis son rapport hier soir. Je l'ai aussitôt adressé à votre Président et à vos Rapporteurs.
C'est en s'appuyant sur ce rapport, aboutissement d'un long travail qui a associé toutes les autorités publiques, tous les opérateurs mais aussi de simples téléspectateurs, et sur les autres travaux dont il dispose aujourd'hui que le gouvernement prendra les décisions politiques nécessaires. Nous aurons l'occasion de débattre plus longuement de ce sujet dans la discussion par article.
Je sais également que votre Assemblée est très soucieuse du développement des télévisions locales, sur lesquelles j'aimerai maintenant vous dire quelques mots. Leur développement correspond, à mon sens, à un véritable approfondissement de notre démocratie, et répond à des aspirations profondes de nos concitoyens.
A la demande du gouvernement, le CSA a engagé les travaux de planification des ressources hertziennes. Il ne s'agit pas de renvoyer le développement des télévisions locales à la période où l'équipement numérique des ménages sera suffisant pour assurer à lui seul leur équilibre. Au contraire, au vu des premières étapes de la planification et dès lors qu'aura été confirmée la décision d'engager le passage au numérique, le CSA sera en mesure de vérifier quelles fréquences actuellement inemployées pourraient ou non être attribuées à des projets locaux ou régionaux existants sans compromettre la couverture territoriale des futurs "multiplexes" numériques.
3. Je conclurai en évoquant le dernier principe de cette réforme : la régulation. Ce sera, en effet, contribuer à la modernisation de notre démocratie, que de promouvoir un exercice plus efficace et plus transparent des pouvoirs confiés aux autorités indépendantes existantes en vue de garantir aux citoyens un fonctionnement des médias audiovisuels qui reste concurrentiel, pluraliste et respectueux du public.
Loi de développement pour l'ensemble de l'économie audiovisuelle, la réforme entend encourager le renforcement de grands groupes français capables de s'affirmer au plan international, dans des conditions qui respectent la concurrence et le pluralisme.
Il nous a paru nécessaire de renforcer les procédures de régulation déjà en vigueur, de rendre plus efficace et plus transparent l'exercice des compétences de chacune des autorités indépendantes et d'organiser la bonne complémentarité de leur intervention à l'égard des activités audiovisuelles.
Le Gouvernement a notamment considéré que l'ensemble des mouvements économiques affectant l'audiovisuel ne permettaient plus de maintenir ce secteur à l'écart du contrôle des concentrations. Afin de prendre pleinement en compte, les exigences propres au pluralisme, il est donc proposé que de telles concentrations soient soumises au contrôle du Conseil de la concurrence, mais avec une consultation systématique du CSA.
De même, le projet de loi élargit l'information économique dont disposera le CSA à propos du candidat et de ses principaux actionnaires lors de l'attribution des fréquences hertziennes. Il précise également les critères lui permettant de ne pas recourir à la "reconduction automatique " instaurée par la loi Carignon, et améliore la transparence de cette procédure lorsqu'elle est utilisée.
Je veux le souligner pour finir, ce sont bien l'auditeur et le téléspectateur, l'usager et le citoyen, qui sont les vrais destinataires de l'ensemble de notre réforme.
De ce point de vue, j'attache le plus grand prix à plusieurs des dispositions du projet de loi qui concourent à faire prévaloir, à l'égard de l'ensemble des opérateurs, les droits essentiels du téléspectateur.
Je pense notamment à la transposition dans notre droit interne de la Directive européenne en ce qui concerne la protection des mineurs ou le droit à accéder à une diffusion en clair des événements d'importance majeure.
C'est aussi le respect de l'usager qui conduit à confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin de veiller à l'indépendance de l'information audiovisuelle à l'égard des intérêts économiques des actionnaires. Le Conseil disposera à cet effet d'un droit d'information sur les marchés publics pour lesquels ces derniers auront soumissionné. Il devra également rechercher avec les opérateurs les dispositions les mieux adaptées pour garantir l'indépendance des rédactions : médiateurs, sociétés de journalistes, code de déontologie devraient ainsi, je l'espère, contribuer à renouveler la relation de confiance qui s'impose entre les médias et leur public.
Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est dans un esprit constructif que je souhaite que nous travaillions ensemble, au cours de ce débat, pour faire progresser ce projet de loi. Je suis pour ma part fermement déterminée à aboutir à un texte efficace, traduisant dans les faits les grands principes auxquels nous sommes pareillement attachés. Mon objectif est modeste et pourtant d'une très grande ambition: c'est chaque téléspectateur, chaque citoyen que j'entends placer au cur de cette réforme.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 19 janvier 2000)