Texte intégral
Madame le Ministre, chère Marie-Thérèse BOISSEAU,
Monsieur le Président de la Région Bretagne, cher Josselin de ROHAN,
Monsieur le Président de la FNSEA, cher Jean-Michel LEMETAYER,
Monsieur le Député, cher Philippe ROUAULT,
Monsieur le Commissaire Général, cher Paul KERDRAON,
Messieurs et Mesdames les Conseillers Généraux,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour la seconde fois à Rennes - sur les terres de ma collègue Marie-Thérèse BOISSEAU - à l'occasion de ce rendez-vous des professionnels de l'élevage. Ce n'est certes que ma seconde visite au SPACE comme Ministre de l'Agriculture, mais la chaleur des exposants, la passion et le courage des professionnels me rappellent ceux des éleveurs de Tarentaise au milieu desquels j'ai grandi, et je vous avoue que je m'en sens déjà un peu familier ! Familier de ceux qui le font vivre et prospérer, et de ceux encore plus nombreux qui le visitent chaque année.
Jean-Michel LEMETAYER, Jean SALMON et moi-même revenons tous trois de Cancun où nous avons défendu ensemble la même vision de l'agriculture et des échanges internationaux. Comme eux, je suis heureux, en vérité, de retrouver ici la grande fraternité de l'agriculture bretonne, une fraternité qui n'était pas véritablement la marque des discussions de Cancùn, votre Député, Philippe ROUAULT, peut en porter témoignage.
Ces négociations internationales se sont conclues - vous le savez - sur un constat de désaccord entre les pays représentés à Cancùn. Je sais que ces discussions avaient suscité à la fois beaucoup d'attentes et d'appréhension, et vous comprendrez que je veuille vous en parler sans attendre.
[I- Humaniser la mondialisation agricole]
Me trouver sur le terrain, directement à votre contact, me permet de ne jamais perdre de vue les difficultés que vous vivez. Mais c'est aussi en étant fortement présent hier à Cancun comme dans toutes les enceintes internationales où se joue l'avenir de notre agriculture que je peux défendre le plus efficacement ses intérêts et ses valeurs. C'est, d'ailleurs, tout le sens du combat que je mène avec vous, et qui me tient à coeur.
o Prolonger l'effort engagé à Cancùn
C'est avec le même souci d'exigence et de pragmatisme que nous avons abordé la conférence ministérielle de Cancun.
Cancùn a illustré, une nouvelle fois, l'affrontement entre les partisans d'un ultra libéralisme se résumant à supprimer toutes les politiques agricoles et à mettre en oeuvre un libre échange total, et les partisans, tels la France et l'Union Européenne, de politiques agricoles fortes garantissant, au Nord comme au Sud, la sécurité des approvisionnements.
Jean Michel LEMETAYER et Jean SALMON pourront en témoigner, jamais l'Europe n'avait fait preuve d'une telle unité dans la promotion de son modèle agricole et dans la défense de ses intérêts. Forte de la cohésion née de l'accord de Luxembourg, elle a ainsi refusé d'accepter l'élimination des restitutions dans des conditions déséquilibrées, où les Etats-Unis n'auraient pris aucun engagement concernant leurs marketing loans.
Mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour convaincre nos partenaires en développement - notamment en Afrique - de la pertinence de nos idées et de nos propositions. Je l'ai constaté à Cancùn, le discours pro-développement et pro-environnement de certains pays et de certaines Organisations Non-Gouvernementales recouvre, en réalité, un plaidoyer ultra-libéral. Cette confusion doit être dissipée. Je vais m'y employer, avec mes collègues du Gouvernement, Dominique de VILLEPIN, François LOOS et Pierre-André WILTZER, pendant les semaines et les mois qui viennent. Il est important que vos organisations professionnelles s'y appliquent également, comme elles l'ont fait à Cancùn.
Il est évidemment très difficile de se prononcer sur les prochaines étapes de la négociation et notamment sur la réunion de hauts fonctionnaires qui doit avoir lieu à Genève d'ici la fin de l'année, puisque nous avons vu à Cancùn que l'agriculture n'a pas été le seul, ni même le principal point de blocage dans la négociation. Je m'interroge bien évidemment sur la possibilité de parvenir à un accord en décembre, après l'échec de Cancùn et les déclarations du négociateur américain, Robert ZOELLICK, estimant qu'il sera difficile de conclure le cycle de négociations en décembre 2004, comme cela était initialement prévu.
o Faire vivre la réforme de la PAC
Dans un environnement communautaire et international en évolution permanente, j'ai, d'abord, voulu rendre aux agriculteurs français la stabilité et la visibilité dont ils ont besoin pour accomplir efficacement leur métier.
Nous devions pour cela sécuriser l'enveloppe budgétaire attribuée à la Politique Agricole Commune, et la préserver des menaces que faisaient peser sur elle la double contrainte d'un élargissement à dix nouveaux Etats et la renégociation des plafonds financiers du budget communautaire, prévue en 2006. Avec l'Allemagne, la France a jeté les fondements d'un accord, qu'elle a su faire partager à ses partenaires lors du Conseil européen de Bruxelles, en octobre dernier. Au terme de cet accord, le budget de la PAC est stabilisé jusqu'en 2013 et intègre les ressources supplémentaires qui correspondent au budget d'une Union élargie à 25. La PAC est ainsi la seule politique commune qui dispose de visibilité pour une si longue période.
L'accord que nous avons trouvé fin juin, à Luxembourg, préserve l'essentiel et répond à mon souci de rendre aux agriculteurs français une capacité de décision renforcée sur leur avenir.
- Dans le cadre d'une enveloppe budgétaire inchangée - ce qui est important dans un contexte budgétaire que vous savez tendu -, nous avons, d'abord, évité le péril d'un découplage total, contraire aux valeurs d'effort et de travail auxquelles nous sommes attachés. Le maintien d'un couplage partiel nous permettra, au contraire, de conserver des outils de gestion des marchés et de maintenir une activité agricole sur l'ensemble de notre territoire.
- Le prix des céréales a également pu être stabilisé et celui du beurre n'a été diminué que du strict nécessaire, tandis que les quotas laitiers, dont nous pouvions redouter la suppression, ont été consolidés jusqu'en 2014. Le maintien des quotas devrait, d'ailleurs, fortement limiter l'impact du cours du lait sur les revenus des agriculteurs.
- Enfin, la France a obtenu un certain nombre de contreparties, que ce soit au niveau des aides à la mise aux normes, des aides aux jeunes agriculteurs ou de la gestion des crises.
" Chaque fois qu'il y a une volonté, il y a un chemin ", nous a appris le Président de la République. Ces derniers épisodes, d'une féroce adversité, viennent encore nous le confirmer.
L'issue de la Conférence de Cancùn confirme que les négociations européennes et multilatérales obéissent à des calendriers distincts et à des logiques propres, j'ai eu l'occasion de le dire très souvent.
Il nous appartient aujourd'hui de faire vivre ensemble l'accord de Luxembourg.
D'ici la fin du mois, le Conseil des ministres européens de l'Agriculture doit adopter le règlement précisant les conditions de mise en oeuvre de l'accord politique conclu en juin dernier. La Commission devra ensuite proposer des règlements d'application plus précis, et vous pouvez compter sur moi pour les examiner en concertation avec vous, avec la plus grande attention et la plus extrême vigilance.
Alors que beaucoup critiquent l'inadaptation d'une PAC uniforme aux contraintes spécifiques de notre agriculture, l'accord de Luxembourg offre aux Etats membres les flexibilités nécessaires à son application. Comme je l'avais indiqué lors de sa conclusion, je lancerai cet automne une grande consultation nationale, de façon à recueillir l'avis des organisations professionnelles sur les diverses options qui nous sont offertes pour son application. Car c'est ensemble que nous devrons trancher un certain nombre de choix essentiels pour l'avenir, des choix qui touchent à la fois au calendrier, aux modalités de gestion des aides et à l'articulation de notre politique agricole et de notre politique rurale.
Le Conseil des ministres vient d'adopter un projet de loi en faveur du développement des territoires ruraux. Il nous appartient maintenant d'explorer les voies d'une adaptation législative du cadre de nos activités agricoles.
Je suis convaincu que vous saurez prendre toute votre part à l'un et à l'autre de ces deux exercices, que vous avez appelé de vos voeux.
[II- Soutenir l'élevage]
Nous devons considérer avec confiance - y compris ici en Bretagne - l'avenir de nos agricultures.
Beaucoup évoquent le modèle agricole breton, pour l'admirer ou le jalouser, mais sans toujours connaître précisément les réalités qu'il recouvre. Or, ce qui me semble, d'abord, caractériser l'agriculture bretonne, c'est la volonté de maintenir sur une terre moins favorisée que d'autres par la nature un tissu dense de petites exploitations familiales. Et c'est à l'aune de cette volonté que doit être apprécié le développement d'un élevage que l'on qualifie parfois rapidement d' " intensif " et que l'on stigmatise trop souvent.
Sans cette densité d'exploitation, unique dans notre pays, la Bretagne n'aurait sans doute pas connu un développement si important de ses coopératives et de ses organismes syndicaux et de développement, des organismes qui font aujourd'hui la force de son secteur agricole et agroalimentaire. Or, c'est grâce à eux que la Bretagne a pu devenir en quelques décennies, la première région française dans le domaine de l'élevage laitier, porcin et avicole.
Cette réussite ne doit pas nous faire oublier que nous devrons à l'avenir favoriser un meilleur renouvellement des générations.
Ici-même, l'année dernière, Jean-Pierre RAFFARIN vous disait la préoccupation du Gouvernement devant le recul des installations. Un contexte international tendu et incertain, des contraintes administratives de plus en plus prégnantes, des crises parmi les plus sévères qu'aient traversées les filières du porc et de la volaille expliquent que le doute, parfois le renoncement, se soient insidieusement immiscés dans les esprits.
Les années récentes resteront marquées par un discours dominant de culpabilisation de l'agriculture intensive.
Depuis mon arrivée rue de Varenne, j'ai souhaité prendre le contre-pied de cette dérive et réconcilier les Français et leurs agriculteurs.
Au sein de l'Union Européenne, et même si les discussions devant l'OMC laissent certaines questions en suspens, nous avons également - et j'en suis fier - redonné des perspectives aux agriculteurs.
Je pense évidemment, tout d'abord, au secteur laitier, où les quotas ont été maintenus grâce à notre engagement et que j'ai continué à défendre à Cancùn.
Parallèlement à ces discussions, nous avons également pris à bras le corps les problèmes sectoriels au niveau national :
o La filière porcine
S'agissant, tout d'abord, de la filière porcine, nous avons voulu établir un diagnostic partagé et le présenter sous une forme synthétique et percutante, chacun sait que je veux parler ici du rapport PORRY. Ce rapport est le fruit d'un travail collectif, dont la qualité et la justesse ne sont pas contestables. Après en avoir pris connaissance, nous avons confié à trois groupes de travail le soin de faire progresser la filière suivant ses conclusions.
Outre les travaux du groupe de prospective, je suis très attaché à leurs travaux concernant :
- d'une part, la nécessité d'une politique collective de mise en marché, et je sais les débats passionnés que cette idée suscite ;
- d'autre part, l'amélioration de l'image du métier, dans le souci d'un meilleur renouvellement des générations.
Fort de ce constat, nous avons pu ensemble mettre en place des mesures, pour lesquelles il nous a fallu nous battre à Bruxelles.
- La mise en oeuvre de STABIPORC, l'accompagnement des mesures interprofessionnelles de promotion et les efforts de dégagement du marché ont constitué une première réponse des pouvoirs publics aux graves difficultés que traversait le secteur.
- Comme vous me l'aviez demandé nous avons également obtenu la réouverture des marchés japonais et coréen.
- Enfin, nous avons entrepris un certain nombre d'actions structurantes, dont le secteur avait grand besoin. Qu'il s'agisse de la reprise des flux commerciaux entre le Japon et la Corée, de la défense de nos positions à Bruxelles, de l'amélioration du dialogue entre les producteurs et les salaisonniers, ou de la mise en oeuvre de VPF, l'interprofession a su être présente et efficace, et je veux saluer ici le travail remarquable accompli par son Président, Guillaume ROUE, ses Vices-présidents, dont Jacques LEMAITRE ici présent, et son équipe. L'interprofession porcine va désormais être agréée.
C'est également en concertation avec cette interprofession que je souhaite avancer sur le difficile dossier de la restructuration des élevages, que beaucoup appellent maintenant de leurs voeux et auquel nous travaillons.
Pour conduire ces évolutions, je suis heureux que nous puissions désormais nous appuyer sur l'interprofession porcine, INAPORC.
o La filière avicole
Une telle interprofession est également essentielle dans le secteur avicole, je l'ai déjà dit aux représentants des abattoirs et des producteurs, alors que nous élaborons les mesures dont la filière a besoin.
L'an dernier, beaucoup d'entre vous me pressaient de mettre en place un plan de restructuration de la filière et de m'attaquer au contournement des règles douanières par les exportateurs brésiliens et thaïlandais.
Je m'étais alors engagé ici-même à mettre en place un plan d'adaptation de la filière.
Depuis lors, je l'ai engagé tant dans son volet amont, doté de 6 millions d'euros, que dans son volet aval, fort de 3 millions d'euros.
Je sais que de nombreux éleveurs n'ont pu bénéficier de cette première tranche. Vos représentants m'ont demandé de mettre en oeuvre sans délai une deuxième tranche, qui doit permettre de prendre en compte toutes les demandes qui n'ont pu être satisfaites.
Les moyens budgétaires du Ministère de l'Agriculture ne sont pas illimités, et chacun d'entre vous sait combien ils ont été soumis à rude épreuve en 2003.
Il me paraît toutefois essentiel de mettre en oeuvre cette seconde tranche. Et c'est dans cet esprit que je prends aujourd'hui devant vous l'engagement solennel de conduire cette deuxième tranche, même si nous devions pour cela réduire d'autres actions de l'OFIVAL. Nous fixerons le montant de cette seconde tranche de façon à pouvoir prendre en compte les demandes non satisfaites.
o Les mesures de solidarité liées à la sécheresse
Comme de nombreuses régions, la Bretagne a été affectée par la vague de chaleur.
Dès le 3 juillet, le Gouvernement a engagé ou obtenu de la Commission européenne un certain nombre de mesures au profit des agriculteurs les plus touchés : la mise en pâture des jachères, une aide exceptionnelle au transport de fourrage, le report au 15 décembre 2003 du paiement des cotisations sociales dues à partir du mois d'août, le paiement anticipé d'une partie des aides européennes animales et végétales, et la mobilisation des stocks d'intervention de céréales de l'Union Européenne pour compléter l'alimentation du bétail. Par ailleurs, un parlementaire breton, Christian MENARD a été missionné pour faire le point du fonctionnement du régime des calamités agricoles, l'améliorer et étudier son articulation avec des formules d'assurance-récolte.
Le 22 août, j'ai proposé au Premier ministre que nous complétions cette mobilisation du Gouvernement par un certain nombre de mesures supplémentaires : la mobilisation de 300 millions d'euros dans le cadre du Fonds national des calamités agricoles, l'affectation de 50 millions d'euros au transport de fourrage, en plus des aides versées par les départements et les régions, l'octroi de facilités de paiement sans pénalité de retard pour les impôts directs et la TVA dus avant la fin de l'année 2003, la prise en charge du dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés non bâties, éventuellement des remises gracieuses d'impôt sur le revenu pour les situations les plus critiques, la prise en compte des pertes liées à la sécheresse pour déterminer le bénéfice agricole forfaitaire pour l'année 2003, une bonification exceptionnelle pour le remboursement des prêts professionnels des agriculteurs touchés, et un différé total de paiement pendant un an à taux zéro en intérêt et en capital pour les agriculteurs surendettés.
Enfin, le 5 septembre, j'ai décidé de porter à 70 % le taux des acomptes qui seront versés fin septembre.
En plus de ses effets sur les récoltes - et vous le savez mieux que quiconque ici en Bretagne -, la canicule a entraîné une importante mortalité d'animaux dans les élevages hors-sol, qu'ils soient avicoles, cunicoles ou porcins. Or, les pertes enregistrées dans ces secteurs ne sont pas éligibles aux calamités agricoles.
La Commission nationale des catastrophes naturelles est saisie d'un certain nombre de demandes. Sans préjuger de la réponse qu'elle leur apportera et que j'étudie avec mes autres collègues, j'ai décidé, pour prendre en compte les difficultés de ces secteurs du porc, de la volaille, du lapin et du veau de boucherie, de mettre en oeuvre une procédure spécifique et de réserver, à cet effet, une partie de l'enveloppe du FAC prévue pour la sécheresse aux éleveurs les plus touchés.
Au total, une dotation de 5 millions d'euros sera répartie entre tous les départements concernés, en tenant compte de ce qui a déjà été entrepris par les différentes filières concernées et de ce qui a pu ou pourra être fait grâce aux dispositifs d'assurance et de mutualisation des coûts. Avec eux, elle permettra d'accorder aux sinistrés des prises en charge partielle d'intérêts des emprunts professionnels à moyen et long terme.
[III- Donner des perspectives à l'agriculture bretonne]
Parallèlement aux difficultés liées à la canicule, la Bretagne se trouve confrontée à des contraintes spécifiques qui affectent son environnement et certaines de ces filières.
o Les fruits et légumes
Les propositions de la Commission sur la réforme de la PAC n'étaient pas sans incidence sur le secteur des fruits et légumes, dont le marché aurait pu souffrir, si nous n'y avions pris garde, de la concurrence déloyale de productions bénéficiant d'aides découplées.
Il était donc essentiel, en particulier pour de grandes régions de tradition légumières comme la Bretagne, que la Commission accepte de prendre en compte les spécificités de ce secteur.
Vous me l'avez dit vous-même, ici en Bretagne il y a plusieurs mois, craignant la délocalisation de la production au détriment des zones traditionnelles.
Par ailleurs, le mois d'août a vu l'aboutissement de longs mois de négociation sur les règlements d'application de l'OCM fruits et légumes. Sécurisation de l'action des organisations de producteurs, simplification et clarification de l'OCM : voilà les deux grands principes défendus par la France, qui ont finalement présidé à la modification de ces textes.
Mais cela ne répond pas pour autant à toutes les questions qui se posent dans un secteur ou l'absence d'aides directes de la PAC et la volatilité du marché exposent le revenu des producteurs. C'est pourquoi, à ma demande, le compromis de Luxembourg enjoint la Commission de proposer des dispositifs de gestion de crise dans les mois qui viennent. Il faut maintenant transformer l'essai et je ne relâcherai pas la pression pour que la Commission honore cet engagement.
Parallèlement, nous devons poursuivre la réflexion que nous avons engagée ensemble, pour sécuriser des mécanismes durables que l'OCM ne prévoit pas aujourd'hui afin de gérer et non pas de subir le marché.
o La restructuration des Industries Agro-Alimentaires
Je sais que la Bretagne a été récemment éprouvée par la restructuration de certaines de ces Industries Agro-Alimentaires. En plus des pertes d'emploi, ces restructurations viennent fragiliser l'agriculture qui en constitue souvent le fondement.
Pour y répondre, j'entends mobiliser tous les dispositifs interministériels disponibles, je pense notamment au Comité interministériel pour les Restructurations Industrielles (CIRI) et à la Mission Interministérielle sur les Mutations Economiques (MIME), inciter les partenaires sociaux à réfléchir et à proposer des pistes pour le reclassement du personnel, et veiller avec beaucoup de vigilance au respect de la loi. Du fait de leur compétitivité et de leur dynamisme, ces industries doivent passer le cap.
o La restauration de la qualité de l'eau
L'amélioration de la qualité de l'eau constitue une préoccupation quotidienne pour de nombreux Bretons. Ce faisant, nous ne devons pas oublier que depuis plusieurs années, les agriculteurs et les éleveurs ont su s'adapter aux changements techniques et à la demande des marchés. Nous devons rappeler qu'ils sont nombreux à s'être engagé dans des actions remarquables, bien qu'insuffisamment connues, en faveur de la restauration de la qualité des eaux. Plus de 200 stations de traitement ont ainsi été mises en service au cours de ces 18 derniers mois.
Après avoir été sensibilisés à ce problème par leurs organisations, un nombre important d'éleveurs équilibrent, en effet, mieux la fertilisation de leurs cultures, équilibre par ailleurs plus délicat à obtenir avec des effluents d'élevage. Ils enregistrent leurs épandages et élaborent des plans de fumure au moyen des documents élaborés par leur Chambre d'agriculture. Les lisiers sont également mieux valorisés.
Enfin, en collaboration avec ma collègue, Roselyne BACHELOT NARQUIN, un travail de simplification de la réglementation des installations classées d'élevage a été entrepris.
Un nouvel élan va être donné à cette politique.
Fort de connaissances nouvellement acquises, je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous allons proposer au Conseil supérieur des installations classées un relèvement des seuils à partir duquel les élevages de bovins et de volailles sont soumis à autorisation. Dans le même esprit, la procédure d'instruction des dossiers, les prescriptions applicables aux élevages seront également adaptées, de façon à rétablir entre elles une certaine hiérarchie.
Déjà le 15 mai dernier, j'ai publié la circulaire simplifiant le PMPOA : le dossier administratif est désormais allégé, le diagnostic préalable (dexel) est simplifié, le volet fertilisation est traité dans un document unique, et l'étude du projet de travaux est allégée de tout ce qui n'est pas strictement nécessaire.
Lors de ma précédente visite avec ma collègue Roselyne BACHELOT, j'avais demandé à Madame la Préfète de la région Bretagne de m'adresser des propositions d'adaptation de la réglementation en zones d'excédent structurel pour les nitrates, de rendre possibles les nécessaires transferts de droits à produire, quotas laitiers et droits à primes, et d'autoriser dans certaines limites les restructurations externes des élevages situés dans ces zones. Cette respiration - pourtant nécessaire - avait été rendue impossible par une réglementation trop rigide, élaborée sans concertation et en méconnaissance des réalités économiques. Car, il est vrai que seules des exploitations qui peuvent se développer, réaliser des économies d'échelles seront financièrement capables de supporter le surcoût de leurs obligations et notamment celles tenant au traitement des excédents d'effluents.
J'avais alors également insisté sur l'importance que j'attache à l'écoute, à la concertation avec les professionnels. Madame la Préfète a mené à bien cette tâche. Moi-même, j'ai reçu, avec mon Cabinet, vos représentants à plusieurs reprises. En Bretagne comme dans bien des secteurs, les intérêts sont contradictoires, les avis divergent. Néanmoins, en accord avec Roselyne BACHELOT, des décisions permettant aux exploitations de poursuivre leur adaptation ont été prises : les regroupements d'installations sur un même site sont désormais possibles, les changements de productions également. Vous me dites que les taux de prélèvement en cas de restructuration ou de cessations sont encore très éloignés des réalités économiques.
Je suis prêt à examiner avec vous les nouveaux chiffrages que vous me présenterez. Je souhaite avant tout, jouer la confiance avec la profession. Et c'est dans cet esprit que je suis prêt à laisser aux Préfets la libre disposition des quantités réaffectables au titre des cessations d'activité, comme c'est déjà le cas pour les restructurations, moyennant une garantie de résultat de la part de la profession. Je vous confirme enfin que nous pourrons envisager la révision des seuils des EDEI en 2004 après celle des projets agricoles départementaux. Une ultime concertation est possible, et je suis prêt - sachez-le - à l'organiser avec vous.
[Conclusion : Restaurer la confiance dans l'avenir]
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire général,
Mesdames, Messieurs,
Les filières d'élevage ont traversé d'importantes difficultés au cours de l'année écoulée. Mais vous avez su les affronter avec la force qu'autorise le courage et la persévérance, et je sais ce que c'est avant tout à cela que vous devez de conserver aujourd'hui confiance en l'avenir.
Face aux défis, votre enthousiasme est votre meilleur atout. Mais la qualité de notre dialogue est également essentielle à la réussite des transformations nécessaires de nos filières d'élevage. Ce dialogue, j'entends le poursuivre avec vous. Sachez, pour votre part, que vous me trouverez toujours résolu pour conforter l'équilibre économique et défendre, à vos côtés, l'image de nos filières d'élevage, auxquelles je suis, comme vous, particulièrement attaché.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 septembre 2003)
Monsieur le Président de la Région Bretagne, cher Josselin de ROHAN,
Monsieur le Président de la FNSEA, cher Jean-Michel LEMETAYER,
Monsieur le Député, cher Philippe ROUAULT,
Monsieur le Commissaire Général, cher Paul KERDRAON,
Messieurs et Mesdames les Conseillers Généraux,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour la seconde fois à Rennes - sur les terres de ma collègue Marie-Thérèse BOISSEAU - à l'occasion de ce rendez-vous des professionnels de l'élevage. Ce n'est certes que ma seconde visite au SPACE comme Ministre de l'Agriculture, mais la chaleur des exposants, la passion et le courage des professionnels me rappellent ceux des éleveurs de Tarentaise au milieu desquels j'ai grandi, et je vous avoue que je m'en sens déjà un peu familier ! Familier de ceux qui le font vivre et prospérer, et de ceux encore plus nombreux qui le visitent chaque année.
Jean-Michel LEMETAYER, Jean SALMON et moi-même revenons tous trois de Cancun où nous avons défendu ensemble la même vision de l'agriculture et des échanges internationaux. Comme eux, je suis heureux, en vérité, de retrouver ici la grande fraternité de l'agriculture bretonne, une fraternité qui n'était pas véritablement la marque des discussions de Cancùn, votre Député, Philippe ROUAULT, peut en porter témoignage.
Ces négociations internationales se sont conclues - vous le savez - sur un constat de désaccord entre les pays représentés à Cancùn. Je sais que ces discussions avaient suscité à la fois beaucoup d'attentes et d'appréhension, et vous comprendrez que je veuille vous en parler sans attendre.
[I- Humaniser la mondialisation agricole]
Me trouver sur le terrain, directement à votre contact, me permet de ne jamais perdre de vue les difficultés que vous vivez. Mais c'est aussi en étant fortement présent hier à Cancun comme dans toutes les enceintes internationales où se joue l'avenir de notre agriculture que je peux défendre le plus efficacement ses intérêts et ses valeurs. C'est, d'ailleurs, tout le sens du combat que je mène avec vous, et qui me tient à coeur.
o Prolonger l'effort engagé à Cancùn
C'est avec le même souci d'exigence et de pragmatisme que nous avons abordé la conférence ministérielle de Cancun.
Cancùn a illustré, une nouvelle fois, l'affrontement entre les partisans d'un ultra libéralisme se résumant à supprimer toutes les politiques agricoles et à mettre en oeuvre un libre échange total, et les partisans, tels la France et l'Union Européenne, de politiques agricoles fortes garantissant, au Nord comme au Sud, la sécurité des approvisionnements.
Jean Michel LEMETAYER et Jean SALMON pourront en témoigner, jamais l'Europe n'avait fait preuve d'une telle unité dans la promotion de son modèle agricole et dans la défense de ses intérêts. Forte de la cohésion née de l'accord de Luxembourg, elle a ainsi refusé d'accepter l'élimination des restitutions dans des conditions déséquilibrées, où les Etats-Unis n'auraient pris aucun engagement concernant leurs marketing loans.
Mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour convaincre nos partenaires en développement - notamment en Afrique - de la pertinence de nos idées et de nos propositions. Je l'ai constaté à Cancùn, le discours pro-développement et pro-environnement de certains pays et de certaines Organisations Non-Gouvernementales recouvre, en réalité, un plaidoyer ultra-libéral. Cette confusion doit être dissipée. Je vais m'y employer, avec mes collègues du Gouvernement, Dominique de VILLEPIN, François LOOS et Pierre-André WILTZER, pendant les semaines et les mois qui viennent. Il est important que vos organisations professionnelles s'y appliquent également, comme elles l'ont fait à Cancùn.
Il est évidemment très difficile de se prononcer sur les prochaines étapes de la négociation et notamment sur la réunion de hauts fonctionnaires qui doit avoir lieu à Genève d'ici la fin de l'année, puisque nous avons vu à Cancùn que l'agriculture n'a pas été le seul, ni même le principal point de blocage dans la négociation. Je m'interroge bien évidemment sur la possibilité de parvenir à un accord en décembre, après l'échec de Cancùn et les déclarations du négociateur américain, Robert ZOELLICK, estimant qu'il sera difficile de conclure le cycle de négociations en décembre 2004, comme cela était initialement prévu.
o Faire vivre la réforme de la PAC
Dans un environnement communautaire et international en évolution permanente, j'ai, d'abord, voulu rendre aux agriculteurs français la stabilité et la visibilité dont ils ont besoin pour accomplir efficacement leur métier.
Nous devions pour cela sécuriser l'enveloppe budgétaire attribuée à la Politique Agricole Commune, et la préserver des menaces que faisaient peser sur elle la double contrainte d'un élargissement à dix nouveaux Etats et la renégociation des plafonds financiers du budget communautaire, prévue en 2006. Avec l'Allemagne, la France a jeté les fondements d'un accord, qu'elle a su faire partager à ses partenaires lors du Conseil européen de Bruxelles, en octobre dernier. Au terme de cet accord, le budget de la PAC est stabilisé jusqu'en 2013 et intègre les ressources supplémentaires qui correspondent au budget d'une Union élargie à 25. La PAC est ainsi la seule politique commune qui dispose de visibilité pour une si longue période.
L'accord que nous avons trouvé fin juin, à Luxembourg, préserve l'essentiel et répond à mon souci de rendre aux agriculteurs français une capacité de décision renforcée sur leur avenir.
- Dans le cadre d'une enveloppe budgétaire inchangée - ce qui est important dans un contexte budgétaire que vous savez tendu -, nous avons, d'abord, évité le péril d'un découplage total, contraire aux valeurs d'effort et de travail auxquelles nous sommes attachés. Le maintien d'un couplage partiel nous permettra, au contraire, de conserver des outils de gestion des marchés et de maintenir une activité agricole sur l'ensemble de notre territoire.
- Le prix des céréales a également pu être stabilisé et celui du beurre n'a été diminué que du strict nécessaire, tandis que les quotas laitiers, dont nous pouvions redouter la suppression, ont été consolidés jusqu'en 2014. Le maintien des quotas devrait, d'ailleurs, fortement limiter l'impact du cours du lait sur les revenus des agriculteurs.
- Enfin, la France a obtenu un certain nombre de contreparties, que ce soit au niveau des aides à la mise aux normes, des aides aux jeunes agriculteurs ou de la gestion des crises.
" Chaque fois qu'il y a une volonté, il y a un chemin ", nous a appris le Président de la République. Ces derniers épisodes, d'une féroce adversité, viennent encore nous le confirmer.
L'issue de la Conférence de Cancùn confirme que les négociations européennes et multilatérales obéissent à des calendriers distincts et à des logiques propres, j'ai eu l'occasion de le dire très souvent.
Il nous appartient aujourd'hui de faire vivre ensemble l'accord de Luxembourg.
D'ici la fin du mois, le Conseil des ministres européens de l'Agriculture doit adopter le règlement précisant les conditions de mise en oeuvre de l'accord politique conclu en juin dernier. La Commission devra ensuite proposer des règlements d'application plus précis, et vous pouvez compter sur moi pour les examiner en concertation avec vous, avec la plus grande attention et la plus extrême vigilance.
Alors que beaucoup critiquent l'inadaptation d'une PAC uniforme aux contraintes spécifiques de notre agriculture, l'accord de Luxembourg offre aux Etats membres les flexibilités nécessaires à son application. Comme je l'avais indiqué lors de sa conclusion, je lancerai cet automne une grande consultation nationale, de façon à recueillir l'avis des organisations professionnelles sur les diverses options qui nous sont offertes pour son application. Car c'est ensemble que nous devrons trancher un certain nombre de choix essentiels pour l'avenir, des choix qui touchent à la fois au calendrier, aux modalités de gestion des aides et à l'articulation de notre politique agricole et de notre politique rurale.
Le Conseil des ministres vient d'adopter un projet de loi en faveur du développement des territoires ruraux. Il nous appartient maintenant d'explorer les voies d'une adaptation législative du cadre de nos activités agricoles.
Je suis convaincu que vous saurez prendre toute votre part à l'un et à l'autre de ces deux exercices, que vous avez appelé de vos voeux.
[II- Soutenir l'élevage]
Nous devons considérer avec confiance - y compris ici en Bretagne - l'avenir de nos agricultures.
Beaucoup évoquent le modèle agricole breton, pour l'admirer ou le jalouser, mais sans toujours connaître précisément les réalités qu'il recouvre. Or, ce qui me semble, d'abord, caractériser l'agriculture bretonne, c'est la volonté de maintenir sur une terre moins favorisée que d'autres par la nature un tissu dense de petites exploitations familiales. Et c'est à l'aune de cette volonté que doit être apprécié le développement d'un élevage que l'on qualifie parfois rapidement d' " intensif " et que l'on stigmatise trop souvent.
Sans cette densité d'exploitation, unique dans notre pays, la Bretagne n'aurait sans doute pas connu un développement si important de ses coopératives et de ses organismes syndicaux et de développement, des organismes qui font aujourd'hui la force de son secteur agricole et agroalimentaire. Or, c'est grâce à eux que la Bretagne a pu devenir en quelques décennies, la première région française dans le domaine de l'élevage laitier, porcin et avicole.
Cette réussite ne doit pas nous faire oublier que nous devrons à l'avenir favoriser un meilleur renouvellement des générations.
Ici-même, l'année dernière, Jean-Pierre RAFFARIN vous disait la préoccupation du Gouvernement devant le recul des installations. Un contexte international tendu et incertain, des contraintes administratives de plus en plus prégnantes, des crises parmi les plus sévères qu'aient traversées les filières du porc et de la volaille expliquent que le doute, parfois le renoncement, se soient insidieusement immiscés dans les esprits.
Les années récentes resteront marquées par un discours dominant de culpabilisation de l'agriculture intensive.
Depuis mon arrivée rue de Varenne, j'ai souhaité prendre le contre-pied de cette dérive et réconcilier les Français et leurs agriculteurs.
Au sein de l'Union Européenne, et même si les discussions devant l'OMC laissent certaines questions en suspens, nous avons également - et j'en suis fier - redonné des perspectives aux agriculteurs.
Je pense évidemment, tout d'abord, au secteur laitier, où les quotas ont été maintenus grâce à notre engagement et que j'ai continué à défendre à Cancùn.
Parallèlement à ces discussions, nous avons également pris à bras le corps les problèmes sectoriels au niveau national :
o La filière porcine
S'agissant, tout d'abord, de la filière porcine, nous avons voulu établir un diagnostic partagé et le présenter sous une forme synthétique et percutante, chacun sait que je veux parler ici du rapport PORRY. Ce rapport est le fruit d'un travail collectif, dont la qualité et la justesse ne sont pas contestables. Après en avoir pris connaissance, nous avons confié à trois groupes de travail le soin de faire progresser la filière suivant ses conclusions.
Outre les travaux du groupe de prospective, je suis très attaché à leurs travaux concernant :
- d'une part, la nécessité d'une politique collective de mise en marché, et je sais les débats passionnés que cette idée suscite ;
- d'autre part, l'amélioration de l'image du métier, dans le souci d'un meilleur renouvellement des générations.
Fort de ce constat, nous avons pu ensemble mettre en place des mesures, pour lesquelles il nous a fallu nous battre à Bruxelles.
- La mise en oeuvre de STABIPORC, l'accompagnement des mesures interprofessionnelles de promotion et les efforts de dégagement du marché ont constitué une première réponse des pouvoirs publics aux graves difficultés que traversait le secteur.
- Comme vous me l'aviez demandé nous avons également obtenu la réouverture des marchés japonais et coréen.
- Enfin, nous avons entrepris un certain nombre d'actions structurantes, dont le secteur avait grand besoin. Qu'il s'agisse de la reprise des flux commerciaux entre le Japon et la Corée, de la défense de nos positions à Bruxelles, de l'amélioration du dialogue entre les producteurs et les salaisonniers, ou de la mise en oeuvre de VPF, l'interprofession a su être présente et efficace, et je veux saluer ici le travail remarquable accompli par son Président, Guillaume ROUE, ses Vices-présidents, dont Jacques LEMAITRE ici présent, et son équipe. L'interprofession porcine va désormais être agréée.
C'est également en concertation avec cette interprofession que je souhaite avancer sur le difficile dossier de la restructuration des élevages, que beaucoup appellent maintenant de leurs voeux et auquel nous travaillons.
Pour conduire ces évolutions, je suis heureux que nous puissions désormais nous appuyer sur l'interprofession porcine, INAPORC.
o La filière avicole
Une telle interprofession est également essentielle dans le secteur avicole, je l'ai déjà dit aux représentants des abattoirs et des producteurs, alors que nous élaborons les mesures dont la filière a besoin.
L'an dernier, beaucoup d'entre vous me pressaient de mettre en place un plan de restructuration de la filière et de m'attaquer au contournement des règles douanières par les exportateurs brésiliens et thaïlandais.
Je m'étais alors engagé ici-même à mettre en place un plan d'adaptation de la filière.
Depuis lors, je l'ai engagé tant dans son volet amont, doté de 6 millions d'euros, que dans son volet aval, fort de 3 millions d'euros.
Je sais que de nombreux éleveurs n'ont pu bénéficier de cette première tranche. Vos représentants m'ont demandé de mettre en oeuvre sans délai une deuxième tranche, qui doit permettre de prendre en compte toutes les demandes qui n'ont pu être satisfaites.
Les moyens budgétaires du Ministère de l'Agriculture ne sont pas illimités, et chacun d'entre vous sait combien ils ont été soumis à rude épreuve en 2003.
Il me paraît toutefois essentiel de mettre en oeuvre cette seconde tranche. Et c'est dans cet esprit que je prends aujourd'hui devant vous l'engagement solennel de conduire cette deuxième tranche, même si nous devions pour cela réduire d'autres actions de l'OFIVAL. Nous fixerons le montant de cette seconde tranche de façon à pouvoir prendre en compte les demandes non satisfaites.
o Les mesures de solidarité liées à la sécheresse
Comme de nombreuses régions, la Bretagne a été affectée par la vague de chaleur.
Dès le 3 juillet, le Gouvernement a engagé ou obtenu de la Commission européenne un certain nombre de mesures au profit des agriculteurs les plus touchés : la mise en pâture des jachères, une aide exceptionnelle au transport de fourrage, le report au 15 décembre 2003 du paiement des cotisations sociales dues à partir du mois d'août, le paiement anticipé d'une partie des aides européennes animales et végétales, et la mobilisation des stocks d'intervention de céréales de l'Union Européenne pour compléter l'alimentation du bétail. Par ailleurs, un parlementaire breton, Christian MENARD a été missionné pour faire le point du fonctionnement du régime des calamités agricoles, l'améliorer et étudier son articulation avec des formules d'assurance-récolte.
Le 22 août, j'ai proposé au Premier ministre que nous complétions cette mobilisation du Gouvernement par un certain nombre de mesures supplémentaires : la mobilisation de 300 millions d'euros dans le cadre du Fonds national des calamités agricoles, l'affectation de 50 millions d'euros au transport de fourrage, en plus des aides versées par les départements et les régions, l'octroi de facilités de paiement sans pénalité de retard pour les impôts directs et la TVA dus avant la fin de l'année 2003, la prise en charge du dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés non bâties, éventuellement des remises gracieuses d'impôt sur le revenu pour les situations les plus critiques, la prise en compte des pertes liées à la sécheresse pour déterminer le bénéfice agricole forfaitaire pour l'année 2003, une bonification exceptionnelle pour le remboursement des prêts professionnels des agriculteurs touchés, et un différé total de paiement pendant un an à taux zéro en intérêt et en capital pour les agriculteurs surendettés.
Enfin, le 5 septembre, j'ai décidé de porter à 70 % le taux des acomptes qui seront versés fin septembre.
En plus de ses effets sur les récoltes - et vous le savez mieux que quiconque ici en Bretagne -, la canicule a entraîné une importante mortalité d'animaux dans les élevages hors-sol, qu'ils soient avicoles, cunicoles ou porcins. Or, les pertes enregistrées dans ces secteurs ne sont pas éligibles aux calamités agricoles.
La Commission nationale des catastrophes naturelles est saisie d'un certain nombre de demandes. Sans préjuger de la réponse qu'elle leur apportera et que j'étudie avec mes autres collègues, j'ai décidé, pour prendre en compte les difficultés de ces secteurs du porc, de la volaille, du lapin et du veau de boucherie, de mettre en oeuvre une procédure spécifique et de réserver, à cet effet, une partie de l'enveloppe du FAC prévue pour la sécheresse aux éleveurs les plus touchés.
Au total, une dotation de 5 millions d'euros sera répartie entre tous les départements concernés, en tenant compte de ce qui a déjà été entrepris par les différentes filières concernées et de ce qui a pu ou pourra être fait grâce aux dispositifs d'assurance et de mutualisation des coûts. Avec eux, elle permettra d'accorder aux sinistrés des prises en charge partielle d'intérêts des emprunts professionnels à moyen et long terme.
[III- Donner des perspectives à l'agriculture bretonne]
Parallèlement aux difficultés liées à la canicule, la Bretagne se trouve confrontée à des contraintes spécifiques qui affectent son environnement et certaines de ces filières.
o Les fruits et légumes
Les propositions de la Commission sur la réforme de la PAC n'étaient pas sans incidence sur le secteur des fruits et légumes, dont le marché aurait pu souffrir, si nous n'y avions pris garde, de la concurrence déloyale de productions bénéficiant d'aides découplées.
Il était donc essentiel, en particulier pour de grandes régions de tradition légumières comme la Bretagne, que la Commission accepte de prendre en compte les spécificités de ce secteur.
Vous me l'avez dit vous-même, ici en Bretagne il y a plusieurs mois, craignant la délocalisation de la production au détriment des zones traditionnelles.
Par ailleurs, le mois d'août a vu l'aboutissement de longs mois de négociation sur les règlements d'application de l'OCM fruits et légumes. Sécurisation de l'action des organisations de producteurs, simplification et clarification de l'OCM : voilà les deux grands principes défendus par la France, qui ont finalement présidé à la modification de ces textes.
Mais cela ne répond pas pour autant à toutes les questions qui se posent dans un secteur ou l'absence d'aides directes de la PAC et la volatilité du marché exposent le revenu des producteurs. C'est pourquoi, à ma demande, le compromis de Luxembourg enjoint la Commission de proposer des dispositifs de gestion de crise dans les mois qui viennent. Il faut maintenant transformer l'essai et je ne relâcherai pas la pression pour que la Commission honore cet engagement.
Parallèlement, nous devons poursuivre la réflexion que nous avons engagée ensemble, pour sécuriser des mécanismes durables que l'OCM ne prévoit pas aujourd'hui afin de gérer et non pas de subir le marché.
o La restructuration des Industries Agro-Alimentaires
Je sais que la Bretagne a été récemment éprouvée par la restructuration de certaines de ces Industries Agro-Alimentaires. En plus des pertes d'emploi, ces restructurations viennent fragiliser l'agriculture qui en constitue souvent le fondement.
Pour y répondre, j'entends mobiliser tous les dispositifs interministériels disponibles, je pense notamment au Comité interministériel pour les Restructurations Industrielles (CIRI) et à la Mission Interministérielle sur les Mutations Economiques (MIME), inciter les partenaires sociaux à réfléchir et à proposer des pistes pour le reclassement du personnel, et veiller avec beaucoup de vigilance au respect de la loi. Du fait de leur compétitivité et de leur dynamisme, ces industries doivent passer le cap.
o La restauration de la qualité de l'eau
L'amélioration de la qualité de l'eau constitue une préoccupation quotidienne pour de nombreux Bretons. Ce faisant, nous ne devons pas oublier que depuis plusieurs années, les agriculteurs et les éleveurs ont su s'adapter aux changements techniques et à la demande des marchés. Nous devons rappeler qu'ils sont nombreux à s'être engagé dans des actions remarquables, bien qu'insuffisamment connues, en faveur de la restauration de la qualité des eaux. Plus de 200 stations de traitement ont ainsi été mises en service au cours de ces 18 derniers mois.
Après avoir été sensibilisés à ce problème par leurs organisations, un nombre important d'éleveurs équilibrent, en effet, mieux la fertilisation de leurs cultures, équilibre par ailleurs plus délicat à obtenir avec des effluents d'élevage. Ils enregistrent leurs épandages et élaborent des plans de fumure au moyen des documents élaborés par leur Chambre d'agriculture. Les lisiers sont également mieux valorisés.
Enfin, en collaboration avec ma collègue, Roselyne BACHELOT NARQUIN, un travail de simplification de la réglementation des installations classées d'élevage a été entrepris.
Un nouvel élan va être donné à cette politique.
Fort de connaissances nouvellement acquises, je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous allons proposer au Conseil supérieur des installations classées un relèvement des seuils à partir duquel les élevages de bovins et de volailles sont soumis à autorisation. Dans le même esprit, la procédure d'instruction des dossiers, les prescriptions applicables aux élevages seront également adaptées, de façon à rétablir entre elles une certaine hiérarchie.
Déjà le 15 mai dernier, j'ai publié la circulaire simplifiant le PMPOA : le dossier administratif est désormais allégé, le diagnostic préalable (dexel) est simplifié, le volet fertilisation est traité dans un document unique, et l'étude du projet de travaux est allégée de tout ce qui n'est pas strictement nécessaire.
Lors de ma précédente visite avec ma collègue Roselyne BACHELOT, j'avais demandé à Madame la Préfète de la région Bretagne de m'adresser des propositions d'adaptation de la réglementation en zones d'excédent structurel pour les nitrates, de rendre possibles les nécessaires transferts de droits à produire, quotas laitiers et droits à primes, et d'autoriser dans certaines limites les restructurations externes des élevages situés dans ces zones. Cette respiration - pourtant nécessaire - avait été rendue impossible par une réglementation trop rigide, élaborée sans concertation et en méconnaissance des réalités économiques. Car, il est vrai que seules des exploitations qui peuvent se développer, réaliser des économies d'échelles seront financièrement capables de supporter le surcoût de leurs obligations et notamment celles tenant au traitement des excédents d'effluents.
J'avais alors également insisté sur l'importance que j'attache à l'écoute, à la concertation avec les professionnels. Madame la Préfète a mené à bien cette tâche. Moi-même, j'ai reçu, avec mon Cabinet, vos représentants à plusieurs reprises. En Bretagne comme dans bien des secteurs, les intérêts sont contradictoires, les avis divergent. Néanmoins, en accord avec Roselyne BACHELOT, des décisions permettant aux exploitations de poursuivre leur adaptation ont été prises : les regroupements d'installations sur un même site sont désormais possibles, les changements de productions également. Vous me dites que les taux de prélèvement en cas de restructuration ou de cessations sont encore très éloignés des réalités économiques.
Je suis prêt à examiner avec vous les nouveaux chiffrages que vous me présenterez. Je souhaite avant tout, jouer la confiance avec la profession. Et c'est dans cet esprit que je suis prêt à laisser aux Préfets la libre disposition des quantités réaffectables au titre des cessations d'activité, comme c'est déjà le cas pour les restructurations, moyennant une garantie de résultat de la part de la profession. Je vous confirme enfin que nous pourrons envisager la révision des seuils des EDEI en 2004 après celle des projets agricoles départementaux. Une ultime concertation est possible, et je suis prêt - sachez-le - à l'organiser avec vous.
[Conclusion : Restaurer la confiance dans l'avenir]
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire général,
Mesdames, Messieurs,
Les filières d'élevage ont traversé d'importantes difficultés au cours de l'année écoulée. Mais vous avez su les affronter avec la force qu'autorise le courage et la persévérance, et je sais ce que c'est avant tout à cela que vous devez de conserver aujourd'hui confiance en l'avenir.
Face aux défis, votre enthousiasme est votre meilleur atout. Mais la qualité de notre dialogue est également essentielle à la réussite des transformations nécessaires de nos filières d'élevage. Ce dialogue, j'entends le poursuivre avec vous. Sachez, pour votre part, que vous me trouverez toujours résolu pour conforter l'équilibre économique et défendre, à vos côtés, l'image de nos filières d'élevage, auxquelles je suis, comme vous, particulièrement attaché.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 septembre 2003)