Déclaration de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, sur les différentes mesures, contenues dans la loi sur l'initiative économique, favorables à la création et à la transmission d'entreprises, Lyon le 26 septembre 2003.

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Circonstance : Dixième édition de Patrimonia - Convention annuelle des professionnels de la gestion du patrimoine - à Lyon le 26 septembre 2003

Texte intégral

Je voudrais tout d'abord adresser mes félicitations aux organisateurs de cette 10ème édition de PATRIMONIA. Vous avez abordé un certain nombre de nouvelles dispositions prises par le législateur, en particulier dans la Loi sur l'initiative Economique, que j'ai présentée au Parlement.
Il s'agit d'une loi de revitalisation de notre économie, qui doit créer plus d'entreprises, préparer la transmission de celles dont les dirigeants vont partir à la retraite dans les dix prochaines années et, plus largement, faire souffler l'esprit d'entreprise sur notre pays. Cette tâche, même si elle apparaît difficile, n'est pas au-dessus de nos forces : les Français sont des entrepreneurs. Peut-être fallait-il que tout le monde se mobilise pour que l'on réalise qu'ils sont prêts à entreprendre pour exprimer leurs projets, leurs souhaits et ambitions professionnelles.
I. Les principales mesures du projet de loi de finance 2004
Le projet de loi de finance pour 2004 a été présenté en Conseil des Ministres. Parmi ses principales mesures, on trouve la baisse de l'impôt sur le revenu à hauteur de 3 % et la poursuite du plan de baisse des charges sociales, auquel plus d'un milliard d'euros sera consacré. Au total, depuis mai 2002, ce sont près de 10 milliards d'euros qui ont été engagés en faveur des entreprises et, pour les deux tiers, des ménages.
Il s'agit également de mettre en place un plan pour l'innovation, avec des mesures inédites en France, notamment les statuts de " jeune entreprise " de moins de huit ans investissant dans l'innovation et " d'investisseur providentiel ", ainsi qu'une modernisation du crédit impôt-recherche, qui devrait stimuler les entreprises investissant dans la recherche et le développement. Enfin, j'évoquerai une réorganisation des interventions de l'Etat autour de l'ANVAR.
Nous souhaitons par ailleurs poursuivre la diminution de la dépense publique : près de 5 000 postes de fonctionnaires ne seront pas renouvelés cette année, ce qui constitue une première dans notre pays, qui témoigne d'une véritable conduite de la qualité du service public.
Je n'oublie pas les mesures liées à l'épargne, ni la réforme conduite en la matière à l'issue de la loi Fillon sur les retraites.
II. La Loi sur l'Initiative Economique
La Loi sur l'Initiative Economique vise à mettre la France au niveau d'autres pays européens plus dynamiques en matière de création d'entreprises, comme l'Espagne ou la Grande-Bretagne. Cette dernière comptait 3,4 millions d'entreprises il y a dix mois, contre 2,4 millions en France. Depuis lors, nous avons fourni un effort important puisque notre rythme atteint désormais 200 000 entreprises créées chaque année, contre 175 000 par an depuis plus de quinze ans.
1. Deux mesures emblématiques
Les différentes mesures contenues dans la loi concernent aussi bien la simplification de la création d'entreprise que la sécurisation de l'entrepreneur. Nous avons réussi à mettre en place la protection de la résidence principale pour les entrepreneurs individuels. Nous avons également prévu une période de transition pour les salariés qui souhaitent créer leur entreprise. Ils pourront tester leur projet pendant douze mois sans pour autant perdre leur statut de salarié. Ils auront l'obligation d'en accomplir toutes les conditions contractuelles, tout en lançant leur projet en étant exonérés de charges sociales pendant un an.
Il s'agit donc de sécuriser ceux qui veulent entreprendre. Aujourd'hui, la sécurisation est en effet l'une des dimensions essentielles de la prise de risque. Il faut cesser de croire que les entrepreneurs sont des " amoureux du risque " : ils sont simplement, comme la plupart des Français, désireux d'améliorer leur protection patrimoniale, personnelle et familiale. Par conséquent, si nous souhaitons développer la création d'entreprises en France, il faut également améliorer la sécurité de ceux qui entreprennent. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre d'une seconde loi actuellement en préparation, je souhaite améliorer l'assurance-chômage pour les entrepreneurs, notamment les micro-entrepreneurs, afin d'harmoniser ce statut et celui de salarié en termes de droits et de protection.
Des mesures importantes ont également été mises en place, dans ce projet de loi, pour drainer l'épargne des Français vers les entreprises :
o l'investissement direct, qui a été amélioré : il est possible, depuis le 1er janvier 2003, d'investir directement jusqu'à 40 000 euros dans une entreprise et bénéficier d'une réduction de l'impôt sur le revenu égale au quart de cet investissement. Cette mesure est rétroactive au 1er janvier 2003 ;
o le lancement du Fonds d'Investissement de Proximité (FIP), FCPR bénéficiant des avantages fiscaux des FCPI. Ce produit sera disponible prochainement.
2. Les FIP, Fonds d'Investissement de Proximité
Je me suis dernièrement rendu en Auvergne, où le Conseil Régional a décidé de soutenir un FIP, constitué dès que le décret ad hoc sera promulgué et que la COB aura donné son agrément à la création de ce fonds.
Le FIP est un outil territorialisé, pour la première fois en France. Cette nouvelle logique tient compte du fait que les territoires développent des stratégies économiques et renvoie au développement durable, avec l'idée de relier les épargnants au territoire sur lequel ils vivent. Il s'agit là d'une dimension civique, éthique, qui peut motiver des épargnants à investir dans des produits, non parce qu'ils sont intéressants au plan fiscal, mais parce qu'ils correspondent à un environnement, un territoire.
Les FIP donnent droit à des avantages fiscaux à l'entrée. Les investisseurs pourront y investir jusqu'à 24 000 euros et bénéficier d'un abattement d'impôt sur le revenu représentant le quart de la somme, soit 6 000 euros au maximum. Il y aura également un avantage fiscal à la sortie, puisque les plus-values réalisées dans le cadre de ces fonds d'investissement seront totalement exonérées de fiscalité.
L'objectif poursuivi est de trouver de nouveaux moyens de financer la création d'entreprises - les jeunes entreprises bénéficieront de 10 % des fonds collectés dans le cadre des FIP - mais également de favoriser le développement et la transmission d'entreprises. Il est essentiel pour notre économie de PME de trouver des ressources de long terme, qui accompagnent le risque, autrement dit des ressources de capital-risque. Les Etats-Unis ont quatre fois plus de fonds dirigés vers les PME sous forme de capital-risque que la France. Ils sont donc beaucoup moins dépendants du crédit bancaire sur ce point et l'on sait que les conditions de financement par le crédit bancaire ne sont aujourd'hui plus aussi avantageuses qu'auparavant. A l'avenir, les ratios prudentiels qui seront applicables dans toutes les banques du monde rendront le financement du développement des PME encore plus contraignant, ce qui montre bien l'intérêt des FIP, qui sont en phase d'observation par les partenaires économiques concernés, y compris les banques.
Les collectivités territoriales pourront intervenir sous deux formes : soit en mettant en place des fonds de garantie afin de sécuriser les investisseurs, soit en prévoyant des capitaux d'amorçage. La Région Auvergne utilisera ces deux moyens et investira 500 000 euros en fonds d'amorçage dans le FIP Auvergne. La part des capitaux publics ne pourra toutefois dépasser 30 % des fonds collectés dans les FIP.
Enfin, des personnes morales de droit privé pourront prendre des participations dans ces fonds d'investissement, jusqu'à hauteur de 10 %.
III. La Loi de Sécurité Financière
La Loi de Sécurité Financière est inspirée par trois idées :
o renforcer la surveillance des marchés ;
o renforcer la démocratie actionnariale ;
o assurer une meilleure protection du consommateur.
Vous êtes concernés par la législation sur le démarchage financier, qui a créé un statut de Conseiller en Investissement Financier.
En outre, la Loi de Finance initiale pour 2004 va créer des Plans d'Epargne-retraite Populaires qui permettront aux sommes investies d'être déductibles du revenu imposable, dans la limite de 10 % du revenu, avec un plafond de 24 000 euros par an et par cotisant.
Ces mesures seront complétées par celles concernant la transmission des entreprises. En la matière, nous allons avoir un véritable défi démographique à relever, puisque près de 550 000 chefs d'entreprise vont partir à la retraite dans les quinze années à venir. Il nous fallait donc veiller à ce que la transmission se fasse au profit des entreprises, des repreneurs et des cédants, l'Etat devant se faire discret au moment de ces transmissions. La discrétion, en la matière, prendra la forme d'une baisse de la fiscalité. Nous veillerons à ce que les plus petites entreprises soient les premières bénéficiaires de ces changements. Ainsi, la taxation des plus-values de cession, qui atteint 26 % et qui fragilise bien souvent les transmissions, passera dans bien des cas à 0 %. Cela devrait permettre à un très grand nombre de petites unités économiques d'être reprises dans de bien meilleures conditions qu'actuellement.
Je suis également très soucieux de la transmission de nos PME. En région Rhône-Alpes, où les Etats-Unis sont le premier investisseur étranger, les capitaux américains vont assez peu à la création d'entreprises ex nihilo ou au développement d'entreprises existantes. Ils vont majoritairement au rachat de PME. Il faut être attentifs à ce phénomène, qui peut faire courir à ces entreprises un risque de délocalisation des centres de décision et de production. Nous avons donc également abaissé la fiscalité pour la transmission de PME, avec la création d'un abattement de 50 % sur les actifs transférés par succession ou donation. Le cumul de cet abattement et des taux particulièrement favorables en matière de donation devrait se traduire par une fiscalité sur les transmissions d'entreprises divisée par deux. Ainsi, la France sera au niveau de ses partenaires européens.
Cela étant, toutes les mesures que j'ai évoquées ne sont rien si elles ne s'accompagnent pas d'un changement de mentalité, de culture dans notre pays, où les entreprises ont trop souvent été considérées comme des " vaches à lait " fiscales ou des boucs émissaires de tous les maux de la société. Nous souhaitons que les Français puissent épouser davantage les intérêts de leur entreprise, se reconnaître dans ces entreprises qui sont, très souvent, à l'unisson des territoires où elles sont implantées.
Vous êtes les accompagnateurs naturels des investisseurs et de ceux qui bénéficient des investissements. Tous les dysfonctionnements des textes légaux que vous pourrez relever m'intéressent. Comme je suis le plus souvent possible présent sur le terrain, vos propositions sont donc les bienvenues. N'hésitez pas à proposer de nouvelles solutions si vous le souhaitez.
Enfin, je prépare un second projet de loi visant notamment à rendre le statut de l'entrepreneur plus attractif et qui pourrait également réfléchir à l'organisation des formes de travail dans notre pays, où le salariat, quasi-monopole, est en crise. On sent bien la volonté d'un travail plus libre et épanouissant. La conception du Code du Travail, tel qu'il a été élaboré depuis quarante ou cinquante ans, fondée sur un mode de production industriel, taylorien, dissociant de plus en plus le capital et le travail, doit être dépassée. Il faut renouveler notre conception du travail, en faisant preuve de beaucoup d'imagination, en lui apportant d'autres outils juridiques. Ce travail d'imagination est aujourd'hui ouvert et je suis à votre disposition sur ce plan.
Michel GIRARDET
Je vous invite à vous joindre à nous l'année prochaine pour dialoguer avec les professionnels de la gestion de patrimoine.
Renaud DUTREIL
Je vous remercie.
(source http://www.patrimonia.fr, le 24 novembre 2003)