Déclaration de M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, sur la refonte du code de la mutualité et la reconnaissance des principes mutualistes, notamment dans le secteur de la santé, Paris le 9 juin 2000.

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Circonstance : Congrès de la FMF à Paris le 9 juin 2000

Texte intégral

Monsieur Le Président,
Mesdames, Messieurs les élus
Mesdemoiselles,
Mesdames,
Messieurs,
La mutualité, à l'initiative de René TEULADE, a fait le choix de l'Europe ! Ce choix aboutit, aujourd'hui, à une refonte complète du code de la mutualité, qui a fait l'objet d'un avis favorable du Conseil supérieur de la mutualité.
Préserver la spécificité mutualiste, tel a été le souci de Lionel Jospin et de Martine Aubry tout au long du processus de transposition des directives " Assurances " et de modernisation des règles de la mutualité.
Ce choix, qui ouvre la mutualité sur l'Europe, je m'en félicite et comme le Premier ministre, je souligne qu'il n'était pas aisé mais qu'il est porteur d'avenir.
En effet, ce choix intervient dans un environnement européen et mondial où les valeurs mutualistes ne constituent pas l'alpha et l'oméga des dynamiques économiques et sociales. Pourtant, la libre concurrence n'a pas vocation à être le principe directeur de la pensée et de l'action dans le domaine de la santé, ou dans d'autres, tant au plan national qu'européen ou international.
En vous attachant, dans le débat sur la transposition des directives, à la reconnaissance et à l'affirmation des principes mutualistes, vous faites entendre une musique singulière qui m'est chère, mais aussi et surtout vous vous donnez les moyens de la faire entendre à l'échelle européenne.
Cette musique s'écrit sur la portée des sociétés de personnes à but non lucratif.
Cette forme exprime en elle-même la solidarité et en outre, elle enracine celle-ci au cur de la démocratie en mettant en uvre le principe " un homme, une voix ". Il vous faut, et j'y apporterai mon concours, faire reconnaître au niveau européen la spécificité des sociétés de personnes. Si le principe de subsidiarité signifie que les choses doivent être traitées au plus près des hommes, les sociétés de personnes sont, sans nul doute, le premier échelon d'une organisation sociale consacrant cette subsidiarité.
En d'autres termes, l'économie sociale et solidaire repose d'abord sur ses acteurs, ses entrepreneurs. Le rôle des pouvoirs publics, nationaux ou européens, est de créer un cadre favorable au développement des initiatives, mais pas de faire à la place des gens du terrain ou de les enfermer dans des carcans réglementaires et bureaucratiques. C'est dans cet esprit que je lis votre invitation, Monsieur le Président, à assister à la signature de la charte de partenariat pour le développement des services aux personnes entre la Mutualité française, l'Union nationale des associations de soins et services à domicile et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale.
Pour en revenir à mon image musicale, quelle musique écrire sur cette portée ?
La tonalité sera naturellement différente selon le champ dans lequel interviennent les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Dans votre domaine, la santé, la clé de cette portée détermine la mélodie d'une protection sociale articulée autour de la non-sélection des risques et de l'absence de discrimination entre les membres autre que celle fondée sur le revenu et l'âge.
" La santé n'est pas une marchandise " ! Les principes mutualistes en sont la démonstration et constituent la charpente de votre spécificité. Leur intégration dans le code de la mutualité consacre la solidarité militante. Les mutualistes ne sont pas de simples consommateurs de services. Ils doivent se saisir de ces principes pour faire entendre la singularité de l'économie sociale et solidaire.
Ces principes constituent un " label ", ils représentent " la valeur ajoutée" mutualiste et quelque part se joue également ici la question de l'égalité.
C'est sur ces principes que la mutualité devra fonder sa " force de vente ", sa " force de pénétration " dans le système économique de telle sorte que leur puissance éthique " contamine " les autres acteurs.
Une première expression nationale de cette force se trouve dans les dispositions modifiant la loi EVIN et posant le caractère viager des garanties en matière de maladie, de maternité ou d'accident. Le délai de carence de 2 ans est supprimé.
C'est un premier pas. Il faudra, sans doute, aller plus loin, notamment au plan européen, mais pour une large part, cela repose sur la capacité de mobilisation des mutuelles et donc de leurs membres sur cet enjeu.
L'exemplarité d'une prise en charge, dans un cadre concurrentiel, d'activités fondées sur la solidarité doit permettre de consacrer, au plan national comme au plan européen, l'idée d'une économie plurielle.
La transposition des directives " Assurances " permet aux mutuelles de porter les idées et les avantages mutualistes au-delà de leur champ territorial traditionnel. Elles disposeront de la capacité de le faire sans remettre en cause la spécificité mutualiste.
Dans cette conquête de champs nouveaux, j'entends vous apporter mon concours à l'occasion de la Présidence française de l'Union. J'envisage, avec votre appui et celui des mutuelles d'assurances, d'organiser une grande manifestation au cours de laquelle, après un état des lieux de l'économie sociale et solidaire en Europe, seraient posés les éléments de son développement. Parallèlement, avec mes collègues qui, dans les Etats de l'Union, sont en charge de l'économie sociale et solidaire, j'examinerai les initiatives que nous pourrions prendre, en concertation avec les parlementaires européens et nationaux, pour affirmer la diversité nécessaire, dans le champ européen, des acteurs économiques.
Je souhaite qu'ensemble, nous soyons les initiateurs d'un livre vert de l'économie sociale et solidaire en Europe.
C'est un enjeu important non seulement en termes de démonstration d'une alternative à l'économie capitaliste, mais aussi en termes de reconnaissance par l'Union européenne de la spécificité des sociétés de personnes, expression d'un droit fondamental en devenir.
Cette ambition européenne nous devons la porter tout en posant en France le cadre juridique du secteur de l'économie sociale et solidaire.
J'ai entendu les propos de votre Président qui, hier matin, dans son allocution devant le Premier ministre soulignait l'urgence d'une intervention législative sur les sociétés de personnes.
Le groupement des mutuelles d'assurances, le secteur coopératif, les associations, les acteurs de l'insertion, des services de proximité, du commerce équitable m'ont fait connaître leur forte attente dans ce domaine.
A cette demande concernant le statut juridique des sociétés de personnes s'ajoute la question de la fiscalité qui leur serait applicable, mais aussi le problème de leur financement et plus généralement du financement de l'économie sociale et solidaire. Vous le voyez les attentes sont importantes et elles exigent réflexion et pragmatisme !
Au moment de ma nomination, j'avais l'intuition, de la nécessité d'une loi appréhendant l'ensemble de la problématique de l'économie sociale et solidaire. Mes rencontres avec les responsables de la mutualité, des mutuelles d'assurances, de la coopération et du monde associatif et dernièrement la journée de synthèse des consultations régionales de l'économie sociale et solidaire ont conforté mon intuition initiale.
L'accord de principe du Premier ministre m'était, alors, donné pour lancer ce projet législatif.
Je souhaite que cette loi affirme la solidarité des acteurs de l'économie sociale et solidaire dans le cadre d'un label de l'utilité sociale et collective. Des acteurs de l'insertion à ceux du secteur marchand en passant par ceux du tiers secteur, ce label couvrirait toutes les familles du champ de l'économie sociale et solidaire en valorisant leurs spécificités respectives. Ce label servirait de socle à un régime social et fiscal qui serait décliné en fonction de la spécificité de chacune des familles.
Ce label offrirait un statut juridique aux sociétés de personnes au nombre desquelles s'ajouterait la société coopérative d'intérêt collectif. Il permettrait de définir un statut de l'élu à l'instar de ce qui a été fait à l'occasion de la refonte du code de la mutualité.
Cette loi devra traiter, aussi, de la question essentielle du financement de l'économie sociale et solidaire. Elle devra permettre de drainer l'épargne vers ses acteurs, de satisfaire les besoins de fonds propres et de trésorerie, de garantir les engagements des acteurs, etc Déjà, dans le cadre du projet sur l'épargne salariale, nous formulons des propositions, en concertation avec Martine Aubry et Laurent Fabius, pour permettre l'orientation de cette épargne vers l'innovation sociale.
Nous avons des ambitions, elles s'appuient sur vos demandes, elles impliquent votre mobilisation.
Le 21ème siècle sera citoyen ou ne sera pas ! Face à la concentration des acteurs capitalistes, les acteurs de l'économie sociale et solidaire doivent se regrouper autour de leurs valeurs communes.
La refonte du code de la mutualité a démontré votre détermination. Votre ouverture à l'Europe s'appuie sur l'affirmation des valeurs mutualistes.
C'est sur ces valeurs de solidarité que nous bâtirons une société moderne, respectueuse des hommes d'aujourd'hui et de demain.
Je peux mobiliser des Ministres et ouvrir un processus européen. Il est aisé de mobiliser des parlementaires. Mais il faut que les fonctionnaires de Bruxelles sente souffler le vent de la citoyenneté. Toutes les familles de l'économie sociale et solidaire représentent une force citoyenne qui doit faire entendre sa voix pour que les textes fondamentaux : Charte européenne, et constitution demain affirme la pluralité des démarches économiques en Europe.
J'ai conscience que j'ai besoin de vous.
Vous savez pouvoir compter sur moi pour mener à bien toutes ces ambitions partagées.
Je vous remercie.


(source http://www.social.gouv.fr, le 24 août 2000)