Texte intégral
(Point de presse de Michel Barnier à l'occasion de la Conférence intergouvernementale, à Bruxelles le 24 mai 2004) :
Cette fois-ci, nous avons eu vraiment notre dernière réunion sous forme de tour de table. La semaine dernière, je vous ai dit, et j'étais de bonne foi, que nous étions au bout de cet exercice de tour de table mais en réalité, le point de la discussion d'aujourd'hui concernant la double majorité ou le système de vote n'a pas du tout été évoqué la semaine dernière, notamment à l'occasion du déjeuner durant lequel je pensais qu'il le serait. Donc j'ai tout à fait compris le souci de la Présidence irlandaise de provoquer cette dernière réunion cet après-midi.
D'ailleurs, je veux vous dire à propos de la Présidence irlandaise et en particulier de Brian Cowen que - je lui ai dit publiquement, devant tous mes collègues - si nous parvenons, comme je l'espère, comme je le crois nécessaire, à un accord le 18 juin, nous le devrons vraiment à ce travail patient, extrêmement intelligent de la Présidence irlandaise et du ministre irlandais des Affaires étrangères et de ses collaborateurs. J'ai rendu hommage à leur qualité d'écoute. Et vraiment tout le monde a eu le sentiment - d'ailleurs plusieurs de mes collègues ont dit la même chose tout à l'heure après moi - que l'on avait une présidence à la fois volontariste et ouverte. Je crois que cela sera en grande partie l'explication du résultat si nous y parvenons. Les points principaux traités aujourd'hui ont été les suivants :
A partir des propositions que nous avons eues ce matin de la Présidence irlandaise il y a eu d'abord un point important, difficile, qui n'avait pas fait l'objet d'un accord jusqu'à présent : une proposition de compromis sur la procédure budgétaire. Cette procédure budgétaire proposée par les Irlandais consiste en réalité à construire une co-décision sur la procédure budgétaire, comme elle existe en matière législative. C'est exactement ce que nous souhaitions, ce que j'avais dit moi-même la semaine dernière et donc j'ai pu, comme la quasi-totalité des ministres, aujourd'hui approuver cette proposition. Elle doit faire l'objet de dernières vérifications avec le Parlement européen, puisqu'il est très concerné. Voilà clairement un progrès et un point qui ne devrait plus faire l'objet de débat. Ce qui d'ailleurs a ajouté à l'ambiance que j'ai trouvée aujourd'hui meilleure que les fois précédentes.
Le point principal du débat était celui de la double majorité sur lequel Brian Cowen travaille par ajustements. Aujourd'hui, beaucoup de délégations répétaient leur ligne rouge, ou leurs réserves, ou leurs exigences. Nous avons été quelques-uns à souhaiter, parce qu'il n'y a plus beaucoup de temps, qu'on fasse des efforts les uns vers les autres. Pour moi, la ligne rouge de la France est une ligne d'ambition pour ce Traité. J'ai donc répété que nous n'accepterions pas un Traité au rabais, que notre ligne rouge était une ambition à la hauteur d'une grande Europe qui doit fonctionner pour tout ce qu'elle a déjà mis en commun, pour toutes les politiques communes, et ce ne sera pas facile, et qui doit aussi avoir d'autres ambitions sur le plan politique. J'ai rappelé que nous étions donc soucieux de cette ambition et en même temps soucieux d'aboutir à un accord qui est possible si tout le monde est constructif. Donc, j'ai marqué une certaine ouverture de la France sur la question du système de vote, étant entendu que désormais tout le monde, peut-être à une réserve près, approuve désormais le principe de la double majorité, ce qui n'était pas le cas en décembre. J'ai rappelé pourquoi nous avons soutenu cette proposition de la Convention. La double majorité - 50 % des Etats, 60 % de la population -, c'est un système que j'ai qualifié devant mes collègues d'efficace, de simple et d'équitable. Et, très franchement, si on juge les choses dans la durée, le moyen et le long terme, c'est le meilleur système de ce point de vue. Voilà pourquoi j'ai du mal à m'en écarter. Comme il faut bouger pour aboutir à un compromis, il faut faire une hiérarchie, si je puis dire, dans les qualités. Et j'ai dit à mes collègues que, pour nous, les deux qualités du système qui nous paraissaient les plus importantes étaient l'efficacité et l'équité. Donc, si je devais renoncer, si le président de la République devait renoncer à une de ces qualités, ce serait peut-être à la simplicité du système, au profit et au service de ce qui nous paraît le plus important, c'est-à-dire l'efficacité, que cela fonctionne. Il est quand même temps que l'on retrouve dans le système de vote le poids des Etats, mais aussi le poids des citoyens, la représentation des citoyens. Voilà pourquoi j'ai marqué une ouverture sur une évolution, un ajustement, probablement à la hausse du deuxième seuil, celui de la population, pour nous rapprocher des préoccupations espagnoles ou polonaises. Mais sûrement pas les deux tiers, comme je vous l'ai déjà dit une fois. Nous pouvons discuter de cela mais ne m'en veuillez pas, si je ne suis pas plus précis dans le détail parce que, encore une fois, j'ai dit aujourd'hui et je répète que le moment est venu pour la Présidence irlandaise de prendre le risque nécessaire, positif de mettre sur la table un projet d'accord global, en tout cas de préparer ce projet d'accord. Ils ont tous les éléments pour le faire. Et notre souci d'être constructif, d'aider la Présidence irlandaise, c'est de ne pas les enfermer dans des chiffres. Donc nous voulons aider en étant ouverts et nous faisons confiance à la Présidence irlandaise pour présenter une proposition de vote qui sera donc efficace, équitable mais un peu moins simple, probablement.
Sur la répartition des sièges au Parlement, j'ai marqué notre accord pour que le nombre minimal des sièges par Etat puisse être légèrement augmenté mais j'ai indiqué que, pour nous, cet accord faisait partie d'un ensemble, d'un compromis institutionnel global.
Enfin il y a eu une discussion connue, à propos du préambule et du souhait qu'ont certains pays de modifier ce préambule, notamment pour y introduire une référence aux valeurs chrétiennes. J'ai beaucoup participé à cette discussion, notamment lorsque j'étais membre du Præsidium de la Convention. Nous avons eu de très longues discussions, et je mets de côté mes convictions, mes idées personnelles, ce n'est pas le sujet. J'ai personnellement contribué à la rédaction du préambule, notamment en y introduisant le pluriel, puisque la première rédaction de M. Giscard d'Estaing faisait référence à "l'héritage culturel chrétien ou humaniste" et que c'est sur ma proposition que le pluriel a été introduit dans ce groupe de mots. Désormais on indique "inspiré par les héritages". Très franchement, je pense que ce texte est équilibré, qu'il ne nie rien, qu'il reconnaît au contraire tout ce qui constitue notre héritage, notamment lié aux religions. Tout le monde peut s'y retrouver. Voilà ce que je pense. Il y a eu à nouveau un assez fort clivage dans la CIG aujourd'hui, comme il existait avant, et comme il existait à la Convention. C'est pour cela que je pense qu'au bout de cette discussion nouvelle, on reconnaîtra que la proposition de la Convention est équilibrée. J'en ai fini, je vous écoute.
Q - Est-ce que "renoncer à plus de simplicité" signifie que vous acceptez la mise en place de garde-fous pour la composition de la minorité de blocage ?
R - Oui, ça peut être cela. Toutes ces garanties pour la minorité de blocage représentent quatre Etats plutôt que trois, et 15 % de la population. Ce sont des garanties auxquelles tiennent certains pays et dont nous pourrons discuter.
Q - Est-ce que Dieu est négociable ?
R - Quand on parle de Dieu, il faut éviter de dire jamais. Vous avez entendu ce que je viens de vous répondre. Nous parlons d'inscrire les choses dans la durée si je puis dire. Mais franchement, je pense que ce texte est équilibré. La France a exprimé une position assez claire depuis le début, par rapport à notre propre tradition républicaine, au caractère laïque de la Constitution française et au caractère laïque de la construction européenne que plus personne, d'ailleurs, ne remet en cause. Je pense franchement que le texte proposé par la Convention, et dont nous avons pesé chaque virgule, chaque mot, chaque pluriel, est un résultat équilibré et qu'il permet à tout le monde de se retrouver, de se reconnaître. Je pense cela. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui. C'est ce que j'ai répété aujourd'hui.
Q - Est-ce que vous pensez qu'il soit "déraisonnable" de modifier le texte du préambule comme l'a dit le président de la République ?
R - Oui, je pense qu'il est raisonnable de le garder. Je dis la même chose que le Président de la République, ce qui ne doit pas vous étonner. Je pense que le président disait les choses de manière claire. En même temps, on peut comprendre le point de vue des Italiens, des Polonais ou d'autres pays. Nous pensons que le texte de la Convention est raisonnable, qu'il est équilibré, pour trouver plusieurs mots pour qualifier ce résultat après des discussions très longues, et qu'il permet, en tout cas, à tout le monde de se retrouver et de considérer qu'on ne nie pas les héritages chrétiens, humanistes et culturels. Je pense qu'il est raisonnable de s'en tenir là.
Q - En quoi votre position peut-elle encore évoluer ?
Je vous donne la position de la France aujourd'hui. Nous avons encore quatre semaines de discussion. On aboutira à un accord global. Je ne peux pas dire sur quels points les évolutions vont se faire. Nous souhaitons que, sur cette question, le texte de la Convention reste le texte de la Constitution.
Q - Faut-il modifier l'article 51 du projet de Constitution ?
R - La France a un grand souci de cohérence. Elle pense qu'il est raisonnable de ne rien toucher, ni à l'article 51, ni au préambule, au point où nous sommes parvenus dans une discussion à laquelle vous avez assisté les uns et les autres, entre 105 personnes qui avaient des convictions extrêmement différentes, philosophiques, religieuses ou politiques, et qui ont finalement, dans leur immense majorité accepté ce texte, et sur le statut des églises, et sur le texte du préambule. Donc je pense qu'il est raisonnable de ne pas penser à cela.
Q - (Sur la majorité qualifiée)
R - J'ai précisément dit que je ne voulais pas entrer dans les détails des chiffres, parce que ce serait une erreur, pour moi et pour la négociation qui n'est pas finie, de m'enfermer dans un chiffre que je vous dirais pour vous faire plaisir ou pour dire les choses maintenant. Nous avons des idées, mais laissez-moi la capacité de gérer cette question de flexibilité. Je ne veux pas m'enfermer dans un chiffre annoncé publiquement.
Q - Qu'en est-il des deux tiers ?
R - Je l'ai dit, nous n'accepterons pas les deux tiers.
Q - Et trois-cinquièmes ?
R - Trois-cinquièmes c'est moins que deux tiers, n'est-ce pas ? Mais de toute façon nous n'irons pas aux deux tiers.
Q - (Sur la majorité qualifiée)
R - Pourquoi voulez-vous m'enfermer entre deux barrières ? Non. Nous sommes prêts à aller au-delà de 60, mais j'avais dit d'ailleurs, pour être tout à fait clair que 62, pour moi, c'était le chiffre du filet démographique de Nice. S'il faut aller au-delà, on complique les choses. Encore une fois, nous sommes prêts à un compromis. Je vous ai dit ma conviction et je vous la répète : c'est une question de pouvoirs. Franchement, certains pays, de mon point de vue, attachent trop d'importance à cette question parce que ce qui caractérise un grand pays - il y a deux grands pays qui sont très braqués sur cette question, la Pologne et l'Espagne - ce qui caractérise un grand pays, ce n'est pas d'être dans une minorité de blocage, c'est d'être dans une majorité qu'on crée soi-même. Voilà ce qui caractérise un grand pays. Je crois même l'avoir dit dans un journal bien connu de vous, il y a quelques mois. Un grand pays se caractérise par sa capacité à entraîner les autres autour de ses idées et à créer une majorité autour de ses idées et non pas d'être dans l'idée de bloquer les autres. Donc, nous sommes dans cette dernière discussion. Je ne veux pas, moi, m'enfermer dans un pourcentage maintenant. Nous sommes prêts à aller au-delà de 60.
La question finale, la plus difficile, reste celle que je viens d'évoquer. Je pense que sur les questions de majorité qualifiée, nous avons dit à quoi nous tenions, d'autres ont dit ce qu'ils ne voulaient pas. Je pense que la Présidence irlandaise prendra le risque de proposer quelque chose qui ressemblera à ce qui se trouve dans le texte de Naples. Voilà ce que je pense, à titre personnel. Je n'ai pas d'informations précises. Le problème de la proposition de la Commission devrait faire l'objet d'un consensus dynamique dans le temps, avec l'idée que j'ai souvent évoquée devant vous quand j'étais commissaire : plutôt que de mélanger les deux modèles, comme l'avait proposé la Convention, ce qui était une construction baroque et qui ne fonctionnait pas, des commissaires à deux étages, il s'agit de mettre les deux modèles l'un après l'autre. Je pense que c'est une solution acceptable, finalement, par tout le monde, dans le temps.
Q - Que pensez-vous de la proposition de résolution des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne sur l'Irak ?
R - Je pense que le transfert du pouvoir au nouveau gouvernement, à partir du 1er juillet, doit être complet, sincère et clair. Naturellement, s'agissant de la sécurité pendant un certain temps, jusqu'aux élections de janvier, il faudra un partage des responsabilités, mais le gouvernement irakien devra être respecté et devra avoir une autorité sur les forces de police, de gendarmerie et les forces armées irakiennes.
Q - Faites-vous partie de ceux qui pensent que l'on doit augmenter le nombre minimal de députés par Etat membre ?
R - S'il s'agit de trois députés de plus, on peut discuter, on peut trouver une solution.
Q - Tout le monde dit que cette semaine l'ambiance générale est beaucoup plus coopérative. Y a-t-il eu des progrès concrets par rapport à la semaine dernière ?
R - Oui, je viens de le dire ; par exemple sur la procédure budgétaire.
Q - Et sur les autres questions ?
R - Non. C'était une seule question aujourd'hui qui était principalement celle de la double majorité. Mais, vous savez, dans une négociation institutionnelle - pour ma part c'est quand même la troisième fois que j'en vis une -, et notamment sur ce même sujet par rapport à décembre, je trouve qu'il y a une meilleure ambiance. On sait qu'on est au bout de la route. On sait qu'on doit arriver, que les citoyens nous attendent. Je vous répète ma conviction, je l'ai déjà dit plusieurs fois : par rapport aux préoccupations des citoyens, à l'inquiétude des gens sur le plan du terrorisme, de la sécurité, de l'emploi, de la question sociale, ce serait inexplicable qu'on n'aboutisse pas au mois de juin sur une question comme celle de la double majorité. On ne peut pas expliquer cela aux citoyens. Donc, on est au bout de la route et, au fond, tout le monde maintenant a envie qu'on aboutisse. Voilà ce que je pense. C'est plutôt une question d'ambiance.
Q - Mais il reste peu de temps.
R - Oui. Je vous l'ai dit, il reste peu de temps, mais le temps que nous avons devant nous, c'est un temps suffisant, pour la Présidence irlandaise, pour élaborer maintenant le paquet global. Ils ont le temps de faire ça. Ils ont tous les éléments pour prendre le risque, pour prendre leurs responsabilités, et nous les soutiendrons. Il faudra voir ceux qui prennent la responsabilité de ne pas les soutenir.
Q - Quelles sont vos lignes rouges ?
R - Je n'aime pas ce mot de lignes rouges. Je vous l'ai dit. Pour moi, il n'y a qu'une ligne rouge : c'est l'ambition. Et, s'agissant des seuils, nous ne voulons pas monter trop haut le deuxième seuil, mais nous sommes ouverts à le monter au-delà de 60.
Q - Sur les intentions de la Présidence, avez-vous plus de détails ?
R - Je pense que la Présidence irlandaise doit présenter et peut présenter, et nous la soutiendrons, un paquet global. Voilà.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec RFI et Radio-France, à Bruxelles le 24 mai 2004) :
Q -S'agissant du projet de Constitution, est-ce cette fois-ci, pour de vrai, la dernière ligne droite ?
R - Nous sommes dans la dernière ligne droite, mais pas encore dans les derniers mètres, puisque les derniers mètres, ce seront les chefs d'Etat et de gouvernement qui les franchiront. Mais j'espère qu'ils arriveront tous sur la ligne d'arrivée, ensemble. C'est assez difficile, mais c'est possible le 18 juin, et même, je crois, nécessaire. Nous sommes là, maintenant, avec tous les éléments d'un accord. Il faut que la Présidence irlandaise, qui a vraiment fait du bon travail depuis plusieurs mois, prenne le risque maintenant de rassembler ces éléments et de mettre sur la table des chefs d'Etat un projet d'accord de Constitution, qui ne devrait tout de même pas être trop éloigné du travail que nous avions fait pendant dix-huit mois au sein de la Convention. Je crois qu'on ne pourra pas faire mieux que le travail de la Convention.
Q - Vous paraissez aujourd'hui plus optimiste qu'il y a une semaine.
R - Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste, je reste déterminé et ouvert pour aider les Irlandais, sous l'autorité du président de la République, à obtenir cet accord, parce que nous avons besoin pour fonctionner de cette boîte à outils, de cette Constitution. Une Constitution, ce n'est pas un projet, c'est un outil au service du projet européen. Et le projet européen qui continue, qui s'agrandit, dont on a encore plus besoin maintenant qu'avant, parce qu'il y a encore plus de risques dans le monde, liés au terrorisme, à l'écologie, à l'économie, ce projet européen a besoin de cette boîte à outil.
Q - Cette Constitution, si elle est adoptée effectivement le 18 juin, arrivera après les élections européennes. Ne pensez-vous pas que ce flou, le fait qu'il n'y ait pas de projet précis, entraînera une certaine forme de désaffection des électeurs ?
R - L'élection européenne ne se résume pas à la question de la Constitution. Il faut d'abord expliquer que c'est important d'élire des députés européens. Le rôle est aussi important à Strasbourg que l'est celui d'un député ou d'un sénateur français à Paris. Il faut que les Français aillent voter ! J'allais dire peu importe le choix qu'ils feront, mais il faut qu'ils aillent voter pour l'élection des députés européens ! C'est très important, parce que l'Europe est un projet dans lequel nous vivons. L'Europe n'est pas à côté. Les règles, les lois européennes sont élaborées par nous, avec les autres, et cela nous concerne dans notre vie quotidienne, pour l'agriculture, les transports, l'environnement, la monnaie. La Constitution, on peut l'expliquer, je vais l'expliquer à ma place de ministre des Affaires étrangères dans le débat européen, parce qu'elle est presque là. Nous y avons travaillé, elle est publique - on peut la consulter sur Internet - même si elle n'est pas définitive. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un signal qui soit adressé pour dire qu'on y est presque, qu'on a presque abouti à un accord.
Q - Tout à fait autre chose : à New York on présente ces heures-ci la proposition de projet de résolution britannique et américain sur la présence militaire qui se maintiendrait en Irak après le transfert de souveraineté.
R - Tout le monde sait que, pendant une certaine période après le 1er juillet, c'est-à-dire après la constitution d'un gouvernement de transition, nous l'espérons réellement souverain et qui aura la confiance des forces politiques irakiennes, la stabilité et la sécurité en Irak exigeront une présence militaire internationale. Mais tout le monde sait aussi que le statut de ces forces militaires ne pourra pas être celui d'une force d'occupation comme aujourd'hui. Même si ce sont des forces issues des mêmes pays, leur statut va être différent dans le cadre des Nations unies. Ce sera une force de stabilisation. Donc, pendant quelques mois et, de mon point de vue, jusqu'à l'élection du gouvernement par le peuple irakien, en janvier 2005 au début de l'année prochaine, il y aura une présence militaire. Ce qui est important, c'est que pendant cette présence militaire internationale, dans le cadre des Nations unies, le gouvernement irakien puisse gouverner l'Irak, puisse avoir une autorité sur la police, la justice, les forces armées irakiennes, puisse gérer l'économie, les ressources naturelles et, avec l'aide de cette force de stabilisation et en donnant son avis sur l'action de cette force de stabilisation, puisse préparer le grand rendez-vous politique et démocratique du début de l'année que seront les élections, par les Irakiens, de leur propre gouvernement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2004)
Cette fois-ci, nous avons eu vraiment notre dernière réunion sous forme de tour de table. La semaine dernière, je vous ai dit, et j'étais de bonne foi, que nous étions au bout de cet exercice de tour de table mais en réalité, le point de la discussion d'aujourd'hui concernant la double majorité ou le système de vote n'a pas du tout été évoqué la semaine dernière, notamment à l'occasion du déjeuner durant lequel je pensais qu'il le serait. Donc j'ai tout à fait compris le souci de la Présidence irlandaise de provoquer cette dernière réunion cet après-midi.
D'ailleurs, je veux vous dire à propos de la Présidence irlandaise et en particulier de Brian Cowen que - je lui ai dit publiquement, devant tous mes collègues - si nous parvenons, comme je l'espère, comme je le crois nécessaire, à un accord le 18 juin, nous le devrons vraiment à ce travail patient, extrêmement intelligent de la Présidence irlandaise et du ministre irlandais des Affaires étrangères et de ses collaborateurs. J'ai rendu hommage à leur qualité d'écoute. Et vraiment tout le monde a eu le sentiment - d'ailleurs plusieurs de mes collègues ont dit la même chose tout à l'heure après moi - que l'on avait une présidence à la fois volontariste et ouverte. Je crois que cela sera en grande partie l'explication du résultat si nous y parvenons. Les points principaux traités aujourd'hui ont été les suivants :
A partir des propositions que nous avons eues ce matin de la Présidence irlandaise il y a eu d'abord un point important, difficile, qui n'avait pas fait l'objet d'un accord jusqu'à présent : une proposition de compromis sur la procédure budgétaire. Cette procédure budgétaire proposée par les Irlandais consiste en réalité à construire une co-décision sur la procédure budgétaire, comme elle existe en matière législative. C'est exactement ce que nous souhaitions, ce que j'avais dit moi-même la semaine dernière et donc j'ai pu, comme la quasi-totalité des ministres, aujourd'hui approuver cette proposition. Elle doit faire l'objet de dernières vérifications avec le Parlement européen, puisqu'il est très concerné. Voilà clairement un progrès et un point qui ne devrait plus faire l'objet de débat. Ce qui d'ailleurs a ajouté à l'ambiance que j'ai trouvée aujourd'hui meilleure que les fois précédentes.
Le point principal du débat était celui de la double majorité sur lequel Brian Cowen travaille par ajustements. Aujourd'hui, beaucoup de délégations répétaient leur ligne rouge, ou leurs réserves, ou leurs exigences. Nous avons été quelques-uns à souhaiter, parce qu'il n'y a plus beaucoup de temps, qu'on fasse des efforts les uns vers les autres. Pour moi, la ligne rouge de la France est une ligne d'ambition pour ce Traité. J'ai donc répété que nous n'accepterions pas un Traité au rabais, que notre ligne rouge était une ambition à la hauteur d'une grande Europe qui doit fonctionner pour tout ce qu'elle a déjà mis en commun, pour toutes les politiques communes, et ce ne sera pas facile, et qui doit aussi avoir d'autres ambitions sur le plan politique. J'ai rappelé que nous étions donc soucieux de cette ambition et en même temps soucieux d'aboutir à un accord qui est possible si tout le monde est constructif. Donc, j'ai marqué une certaine ouverture de la France sur la question du système de vote, étant entendu que désormais tout le monde, peut-être à une réserve près, approuve désormais le principe de la double majorité, ce qui n'était pas le cas en décembre. J'ai rappelé pourquoi nous avons soutenu cette proposition de la Convention. La double majorité - 50 % des Etats, 60 % de la population -, c'est un système que j'ai qualifié devant mes collègues d'efficace, de simple et d'équitable. Et, très franchement, si on juge les choses dans la durée, le moyen et le long terme, c'est le meilleur système de ce point de vue. Voilà pourquoi j'ai du mal à m'en écarter. Comme il faut bouger pour aboutir à un compromis, il faut faire une hiérarchie, si je puis dire, dans les qualités. Et j'ai dit à mes collègues que, pour nous, les deux qualités du système qui nous paraissaient les plus importantes étaient l'efficacité et l'équité. Donc, si je devais renoncer, si le président de la République devait renoncer à une de ces qualités, ce serait peut-être à la simplicité du système, au profit et au service de ce qui nous paraît le plus important, c'est-à-dire l'efficacité, que cela fonctionne. Il est quand même temps que l'on retrouve dans le système de vote le poids des Etats, mais aussi le poids des citoyens, la représentation des citoyens. Voilà pourquoi j'ai marqué une ouverture sur une évolution, un ajustement, probablement à la hausse du deuxième seuil, celui de la population, pour nous rapprocher des préoccupations espagnoles ou polonaises. Mais sûrement pas les deux tiers, comme je vous l'ai déjà dit une fois. Nous pouvons discuter de cela mais ne m'en veuillez pas, si je ne suis pas plus précis dans le détail parce que, encore une fois, j'ai dit aujourd'hui et je répète que le moment est venu pour la Présidence irlandaise de prendre le risque nécessaire, positif de mettre sur la table un projet d'accord global, en tout cas de préparer ce projet d'accord. Ils ont tous les éléments pour le faire. Et notre souci d'être constructif, d'aider la Présidence irlandaise, c'est de ne pas les enfermer dans des chiffres. Donc nous voulons aider en étant ouverts et nous faisons confiance à la Présidence irlandaise pour présenter une proposition de vote qui sera donc efficace, équitable mais un peu moins simple, probablement.
Sur la répartition des sièges au Parlement, j'ai marqué notre accord pour que le nombre minimal des sièges par Etat puisse être légèrement augmenté mais j'ai indiqué que, pour nous, cet accord faisait partie d'un ensemble, d'un compromis institutionnel global.
Enfin il y a eu une discussion connue, à propos du préambule et du souhait qu'ont certains pays de modifier ce préambule, notamment pour y introduire une référence aux valeurs chrétiennes. J'ai beaucoup participé à cette discussion, notamment lorsque j'étais membre du Præsidium de la Convention. Nous avons eu de très longues discussions, et je mets de côté mes convictions, mes idées personnelles, ce n'est pas le sujet. J'ai personnellement contribué à la rédaction du préambule, notamment en y introduisant le pluriel, puisque la première rédaction de M. Giscard d'Estaing faisait référence à "l'héritage culturel chrétien ou humaniste" et que c'est sur ma proposition que le pluriel a été introduit dans ce groupe de mots. Désormais on indique "inspiré par les héritages". Très franchement, je pense que ce texte est équilibré, qu'il ne nie rien, qu'il reconnaît au contraire tout ce qui constitue notre héritage, notamment lié aux religions. Tout le monde peut s'y retrouver. Voilà ce que je pense. Il y a eu à nouveau un assez fort clivage dans la CIG aujourd'hui, comme il existait avant, et comme il existait à la Convention. C'est pour cela que je pense qu'au bout de cette discussion nouvelle, on reconnaîtra que la proposition de la Convention est équilibrée. J'en ai fini, je vous écoute.
Q - Est-ce que "renoncer à plus de simplicité" signifie que vous acceptez la mise en place de garde-fous pour la composition de la minorité de blocage ?
R - Oui, ça peut être cela. Toutes ces garanties pour la minorité de blocage représentent quatre Etats plutôt que trois, et 15 % de la population. Ce sont des garanties auxquelles tiennent certains pays et dont nous pourrons discuter.
Q - Est-ce que Dieu est négociable ?
R - Quand on parle de Dieu, il faut éviter de dire jamais. Vous avez entendu ce que je viens de vous répondre. Nous parlons d'inscrire les choses dans la durée si je puis dire. Mais franchement, je pense que ce texte est équilibré. La France a exprimé une position assez claire depuis le début, par rapport à notre propre tradition républicaine, au caractère laïque de la Constitution française et au caractère laïque de la construction européenne que plus personne, d'ailleurs, ne remet en cause. Je pense franchement que le texte proposé par la Convention, et dont nous avons pesé chaque virgule, chaque mot, chaque pluriel, est un résultat équilibré et qu'il permet à tout le monde de se retrouver, de se reconnaître. Je pense cela. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui. C'est ce que j'ai répété aujourd'hui.
Q - Est-ce que vous pensez qu'il soit "déraisonnable" de modifier le texte du préambule comme l'a dit le président de la République ?
R - Oui, je pense qu'il est raisonnable de le garder. Je dis la même chose que le Président de la République, ce qui ne doit pas vous étonner. Je pense que le président disait les choses de manière claire. En même temps, on peut comprendre le point de vue des Italiens, des Polonais ou d'autres pays. Nous pensons que le texte de la Convention est raisonnable, qu'il est équilibré, pour trouver plusieurs mots pour qualifier ce résultat après des discussions très longues, et qu'il permet, en tout cas, à tout le monde de se retrouver et de considérer qu'on ne nie pas les héritages chrétiens, humanistes et culturels. Je pense qu'il est raisonnable de s'en tenir là.
Q - En quoi votre position peut-elle encore évoluer ?
Je vous donne la position de la France aujourd'hui. Nous avons encore quatre semaines de discussion. On aboutira à un accord global. Je ne peux pas dire sur quels points les évolutions vont se faire. Nous souhaitons que, sur cette question, le texte de la Convention reste le texte de la Constitution.
Q - Faut-il modifier l'article 51 du projet de Constitution ?
R - La France a un grand souci de cohérence. Elle pense qu'il est raisonnable de ne rien toucher, ni à l'article 51, ni au préambule, au point où nous sommes parvenus dans une discussion à laquelle vous avez assisté les uns et les autres, entre 105 personnes qui avaient des convictions extrêmement différentes, philosophiques, religieuses ou politiques, et qui ont finalement, dans leur immense majorité accepté ce texte, et sur le statut des églises, et sur le texte du préambule. Donc je pense qu'il est raisonnable de ne pas penser à cela.
Q - (Sur la majorité qualifiée)
R - J'ai précisément dit que je ne voulais pas entrer dans les détails des chiffres, parce que ce serait une erreur, pour moi et pour la négociation qui n'est pas finie, de m'enfermer dans un chiffre que je vous dirais pour vous faire plaisir ou pour dire les choses maintenant. Nous avons des idées, mais laissez-moi la capacité de gérer cette question de flexibilité. Je ne veux pas m'enfermer dans un chiffre annoncé publiquement.
Q - Qu'en est-il des deux tiers ?
R - Je l'ai dit, nous n'accepterons pas les deux tiers.
Q - Et trois-cinquièmes ?
R - Trois-cinquièmes c'est moins que deux tiers, n'est-ce pas ? Mais de toute façon nous n'irons pas aux deux tiers.
Q - (Sur la majorité qualifiée)
R - Pourquoi voulez-vous m'enfermer entre deux barrières ? Non. Nous sommes prêts à aller au-delà de 60, mais j'avais dit d'ailleurs, pour être tout à fait clair que 62, pour moi, c'était le chiffre du filet démographique de Nice. S'il faut aller au-delà, on complique les choses. Encore une fois, nous sommes prêts à un compromis. Je vous ai dit ma conviction et je vous la répète : c'est une question de pouvoirs. Franchement, certains pays, de mon point de vue, attachent trop d'importance à cette question parce que ce qui caractérise un grand pays - il y a deux grands pays qui sont très braqués sur cette question, la Pologne et l'Espagne - ce qui caractérise un grand pays, ce n'est pas d'être dans une minorité de blocage, c'est d'être dans une majorité qu'on crée soi-même. Voilà ce qui caractérise un grand pays. Je crois même l'avoir dit dans un journal bien connu de vous, il y a quelques mois. Un grand pays se caractérise par sa capacité à entraîner les autres autour de ses idées et à créer une majorité autour de ses idées et non pas d'être dans l'idée de bloquer les autres. Donc, nous sommes dans cette dernière discussion. Je ne veux pas, moi, m'enfermer dans un pourcentage maintenant. Nous sommes prêts à aller au-delà de 60.
La question finale, la plus difficile, reste celle que je viens d'évoquer. Je pense que sur les questions de majorité qualifiée, nous avons dit à quoi nous tenions, d'autres ont dit ce qu'ils ne voulaient pas. Je pense que la Présidence irlandaise prendra le risque de proposer quelque chose qui ressemblera à ce qui se trouve dans le texte de Naples. Voilà ce que je pense, à titre personnel. Je n'ai pas d'informations précises. Le problème de la proposition de la Commission devrait faire l'objet d'un consensus dynamique dans le temps, avec l'idée que j'ai souvent évoquée devant vous quand j'étais commissaire : plutôt que de mélanger les deux modèles, comme l'avait proposé la Convention, ce qui était une construction baroque et qui ne fonctionnait pas, des commissaires à deux étages, il s'agit de mettre les deux modèles l'un après l'autre. Je pense que c'est une solution acceptable, finalement, par tout le monde, dans le temps.
Q - Que pensez-vous de la proposition de résolution des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne sur l'Irak ?
R - Je pense que le transfert du pouvoir au nouveau gouvernement, à partir du 1er juillet, doit être complet, sincère et clair. Naturellement, s'agissant de la sécurité pendant un certain temps, jusqu'aux élections de janvier, il faudra un partage des responsabilités, mais le gouvernement irakien devra être respecté et devra avoir une autorité sur les forces de police, de gendarmerie et les forces armées irakiennes.
Q - Faites-vous partie de ceux qui pensent que l'on doit augmenter le nombre minimal de députés par Etat membre ?
R - S'il s'agit de trois députés de plus, on peut discuter, on peut trouver une solution.
Q - Tout le monde dit que cette semaine l'ambiance générale est beaucoup plus coopérative. Y a-t-il eu des progrès concrets par rapport à la semaine dernière ?
R - Oui, je viens de le dire ; par exemple sur la procédure budgétaire.
Q - Et sur les autres questions ?
R - Non. C'était une seule question aujourd'hui qui était principalement celle de la double majorité. Mais, vous savez, dans une négociation institutionnelle - pour ma part c'est quand même la troisième fois que j'en vis une -, et notamment sur ce même sujet par rapport à décembre, je trouve qu'il y a une meilleure ambiance. On sait qu'on est au bout de la route. On sait qu'on doit arriver, que les citoyens nous attendent. Je vous répète ma conviction, je l'ai déjà dit plusieurs fois : par rapport aux préoccupations des citoyens, à l'inquiétude des gens sur le plan du terrorisme, de la sécurité, de l'emploi, de la question sociale, ce serait inexplicable qu'on n'aboutisse pas au mois de juin sur une question comme celle de la double majorité. On ne peut pas expliquer cela aux citoyens. Donc, on est au bout de la route et, au fond, tout le monde maintenant a envie qu'on aboutisse. Voilà ce que je pense. C'est plutôt une question d'ambiance.
Q - Mais il reste peu de temps.
R - Oui. Je vous l'ai dit, il reste peu de temps, mais le temps que nous avons devant nous, c'est un temps suffisant, pour la Présidence irlandaise, pour élaborer maintenant le paquet global. Ils ont le temps de faire ça. Ils ont tous les éléments pour prendre le risque, pour prendre leurs responsabilités, et nous les soutiendrons. Il faudra voir ceux qui prennent la responsabilité de ne pas les soutenir.
Q - Quelles sont vos lignes rouges ?
R - Je n'aime pas ce mot de lignes rouges. Je vous l'ai dit. Pour moi, il n'y a qu'une ligne rouge : c'est l'ambition. Et, s'agissant des seuils, nous ne voulons pas monter trop haut le deuxième seuil, mais nous sommes ouverts à le monter au-delà de 60.
Q - Sur les intentions de la Présidence, avez-vous plus de détails ?
R - Je pense que la Présidence irlandaise doit présenter et peut présenter, et nous la soutiendrons, un paquet global. Voilà.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec RFI et Radio-France, à Bruxelles le 24 mai 2004) :
Q -S'agissant du projet de Constitution, est-ce cette fois-ci, pour de vrai, la dernière ligne droite ?
R - Nous sommes dans la dernière ligne droite, mais pas encore dans les derniers mètres, puisque les derniers mètres, ce seront les chefs d'Etat et de gouvernement qui les franchiront. Mais j'espère qu'ils arriveront tous sur la ligne d'arrivée, ensemble. C'est assez difficile, mais c'est possible le 18 juin, et même, je crois, nécessaire. Nous sommes là, maintenant, avec tous les éléments d'un accord. Il faut que la Présidence irlandaise, qui a vraiment fait du bon travail depuis plusieurs mois, prenne le risque maintenant de rassembler ces éléments et de mettre sur la table des chefs d'Etat un projet d'accord de Constitution, qui ne devrait tout de même pas être trop éloigné du travail que nous avions fait pendant dix-huit mois au sein de la Convention. Je crois qu'on ne pourra pas faire mieux que le travail de la Convention.
Q - Vous paraissez aujourd'hui plus optimiste qu'il y a une semaine.
R - Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste, je reste déterminé et ouvert pour aider les Irlandais, sous l'autorité du président de la République, à obtenir cet accord, parce que nous avons besoin pour fonctionner de cette boîte à outils, de cette Constitution. Une Constitution, ce n'est pas un projet, c'est un outil au service du projet européen. Et le projet européen qui continue, qui s'agrandit, dont on a encore plus besoin maintenant qu'avant, parce qu'il y a encore plus de risques dans le monde, liés au terrorisme, à l'écologie, à l'économie, ce projet européen a besoin de cette boîte à outil.
Q - Cette Constitution, si elle est adoptée effectivement le 18 juin, arrivera après les élections européennes. Ne pensez-vous pas que ce flou, le fait qu'il n'y ait pas de projet précis, entraînera une certaine forme de désaffection des électeurs ?
R - L'élection européenne ne se résume pas à la question de la Constitution. Il faut d'abord expliquer que c'est important d'élire des députés européens. Le rôle est aussi important à Strasbourg que l'est celui d'un député ou d'un sénateur français à Paris. Il faut que les Français aillent voter ! J'allais dire peu importe le choix qu'ils feront, mais il faut qu'ils aillent voter pour l'élection des députés européens ! C'est très important, parce que l'Europe est un projet dans lequel nous vivons. L'Europe n'est pas à côté. Les règles, les lois européennes sont élaborées par nous, avec les autres, et cela nous concerne dans notre vie quotidienne, pour l'agriculture, les transports, l'environnement, la monnaie. La Constitution, on peut l'expliquer, je vais l'expliquer à ma place de ministre des Affaires étrangères dans le débat européen, parce qu'elle est presque là. Nous y avons travaillé, elle est publique - on peut la consulter sur Internet - même si elle n'est pas définitive. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un signal qui soit adressé pour dire qu'on y est presque, qu'on a presque abouti à un accord.
Q - Tout à fait autre chose : à New York on présente ces heures-ci la proposition de projet de résolution britannique et américain sur la présence militaire qui se maintiendrait en Irak après le transfert de souveraineté.
R - Tout le monde sait que, pendant une certaine période après le 1er juillet, c'est-à-dire après la constitution d'un gouvernement de transition, nous l'espérons réellement souverain et qui aura la confiance des forces politiques irakiennes, la stabilité et la sécurité en Irak exigeront une présence militaire internationale. Mais tout le monde sait aussi que le statut de ces forces militaires ne pourra pas être celui d'une force d'occupation comme aujourd'hui. Même si ce sont des forces issues des mêmes pays, leur statut va être différent dans le cadre des Nations unies. Ce sera une force de stabilisation. Donc, pendant quelques mois et, de mon point de vue, jusqu'à l'élection du gouvernement par le peuple irakien, en janvier 2005 au début de l'année prochaine, il y aura une présence militaire. Ce qui est important, c'est que pendant cette présence militaire internationale, dans le cadre des Nations unies, le gouvernement irakien puisse gouverner l'Irak, puisse avoir une autorité sur la police, la justice, les forces armées irakiennes, puisse gérer l'économie, les ressources naturelles et, avec l'aide de cette force de stabilisation et en donnant son avis sur l'action de cette force de stabilisation, puisse préparer le grand rendez-vous politique et démocratique du début de l'année que seront les élections, par les Irakiens, de leur propre gouvernement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2004)