Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,,
Le Sénat va se prononcer aujourd'hui sur ce qui constitue une vraie victoire de la lutte contre l'impunité au crépuscule d'un siècle marqué par des horreurs qui défient la conscience humaine. Chacun peut prendre la mesure des progrès accomplis par la lutte contre l'impunité depuis quelques années et le caractère hautement symbolique - après la création des tribunaux ad hoc sur l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, après l'affaire Pinochet - dont le dénouement n'est qu'une péripétie dans ce vaste mouvement - de l'adoption du statut de la Cour pénale internationale. Car cette Convention internationale marque aussi le dépassement d'une vision abusive de la souveraineté des Etats face aux violations radicales des Droits de l'Homme, une certaine vision de l'humanité que nous nous attachons à défendre partout dans le monde.
I - La Convention de Rome a été adoptée le 17 juillet 1998. 120 pays dont la France et les autres membres de l'Union européenne se sont prononcés en faveur du texte. Cependant, 7 ont voté contre (les Etats-Unis, l'Inde, la Chine, Israël, Bahreïn, Qatar, le Vietnam) et 21 se sont abstenus.
La France a signé ce texte dès le 18 juillet 1998 et le gouvernement entend que notre pays fasse partie des premiers à le ratifier. Le 24 décembre 1998, le président de la République et le Premier ministre ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel de la conformité du statut de la Cour pénale internationale avec les dispositions de la Constitution. Le 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et, sur cette base, le Congrès réuni à Versailles a procédé, le 28 juin 1999, à une révision constitutionnelle en ajoutant l'article 53-2 qui dit je cite " La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le Traité signé le 18 juillet 1998 ". Le 22 février dernier, l'Assemblée nationale a adopté à une très large majorité le projet de loi de ratification qui vous est proposé aujourd'hui.
A la date du 22 mars 2000, 95 pays ont signé la Convention, dont les quinze membres de l'Union européenne. Sept pays seulement l'ont ratifiée pour le moment : le Sénégal, Trinité-et-Tobago, San Marin, l'Italie, Fidji, le Ghana et la Norvège. Comme vous le savez, pour entrer en vigueur la Convention doit avoir été ratifiée par 60 pays. Nous en sommes encore loin, mais la France y travaille. En Europe, une dynamique est enclenchée : après l'Italie, la Norvège, l'Allemagne a engagé le mouvement, et mon collègue allemand, M. Joschka Fischer, a rendu hommage, lors de son allocution devant les parlementaires allemands, à l'adhésion rapide de la France. J'ai également demandé à Robert Badinter, dont je salue l'engagement de toujours pour l'affirmation d'une justice pénale internationale, de se rendre dans un certain nombre de pays signataires pour convaincre les responsables de hâter les procédures de ratification.
II - L'idée d'une cour permanente vient de loin.
Un premier projet avait déjà été évoqué au sein de la Société des Nations. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la Commission du droit international des Nations unies avait été saisie de nouvelles propositions. Les vainqueurs de l'Allemagne nazie et du Japon militariste avaient alors mis en place les Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ; la volonté que jamais ne se reproduise l'horreur avait conduit à l'adoption rapide de la Convention sur le génocide, le 9 décembre 1948, puis, le lendemain, de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Tout semblait prêt pour une concrétisation rapide des idées exprimées notamment par notre compatriote Donnedieu de Vabres, procureur à Nüremberg, en faveur d'une Cour permanente. Hélas, la guerre froide et les blocages qui en auront résulté, ont brisé net cet élan. Quarante ans plus tard la disparition de l'URSS a réouvert cette perspective. C'est ainsi que le Conseil de Sécurité, dans les années 1990, a créé les tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie (d'ailleurs sur proposition française) et le Rwanda. En 1994, les experts de la Commission du droit international ont enfin pu soumettre aux Etats-membres, à la demande de l'Assemblée générale des Nations unies, un avant-projet de Statut.
III - Les débats préparatoires à la création de la Cour se sont déroulés sur des bases et selon des méthodes novatrices. De nombreuses ONG ont pu faire valoir leurs observations et propositions à toutes les étapes. L'un des enjeux était de choisir entre l'adoption rapide d'une Convention-cadre ou l'élaboration d'un Statut complet. Certains voulaient éluder les questions de fond. Une coalition de pays, auto-baptisée "Etats pilotes" s'était donné pour objectif l'aboutissement très rapide des travaux. Notre tradition de droit écrit, le souci persistant que nous exprimons dans toutes les enceintes d'une meilleure régulation des rapports internationaux plaidaient plutôt pour l'élaboration sérieuse et méthodique d'un texte précis, garant d'une véritable sécurité juridique. Cette approche a prévalu.
C'est ainsi que le Statut adopté à Rome doit beaucoup aux conceptions françaises : donner une vraie réponse aux aspirations à la justice et à la lutte contre l'impunité, tout en créant une institution qui s'insère harmonieusement dans le système international. Pour la France, la fin de l'impunité des criminels, c'est la dignité rendue aux victimes, dont le droit de savoir et le droit à la justice doivent être reconnus, et l'espoir d'un futur Etat de droit à construire ou à reconstruire dans les régions meurtries. La Cour, qui peut être saisie par le Conseil de sécurité, doit aussi participer à l'action multilatérale en faveur de la paix et de la sécurité en contribuant au dépassement des tragédies.
La France a oeuvré en faveur d'une Cour dont la composition serait la plus universelle possible, dont les procédures seraient adaptées au contexte international. Tout au long des discussions, nous avons suscité une synthèse des diverses traditions juridiques plutôt que de laisser s'imposer un seul et même modèle sur la scène juridique internationale. La France a fait de nombreuses propositions sur le droit des victimes, sur le rôle d'une chambre préliminaire pendant l'instruction, sur l'obligation de coopération des Etats.
Si le compromis final a pu se faire à Rome, c'est sur bien des points autour des positions françaises.
Nous avions tout particulièrement souligné qu'on ne rendrait pas la justice internationale en l'absence des victimes et nous avons défendu, avec le concours des experts des Etats et des ONG intéressés, au cours du séminaire organisé à Paris en avril 1999 "l'accès des victimes à la Cour pénale internationale". Nos propositions visaient à mettre en place des solutions efficaces obligeant la Cour à prendre les mesures propres à protéger la sécurité, le bien être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des témoins "en particulier lorsque le crime s'accompagne de violences sexuelles, de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants". Elles tirent parti de l'expérience des Tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Il est en effet regrettable, qu'aujourd'hui encore, ces deux tribunaux voient leur légitimité contestée par ceux-là mêmes en faveur desquels ils rendent la justice et que ni l'opinion rwandaise ni la société civile en ex-Yougoslavie ne se sentent encore tout à fait concernées par l'action des TPI.
IV - Nous disposons ainsi d'un Statut précis et équilibré.
L'équilibre entre la Cour et les tribunaux nationaux est un élément important. N'oublions pas que la Cour est complémentaire des juridictions nationales, les Etats gardant la responsabilité principale de la prévention et de la répression des crimes. En finir avec l'engrenage incessant des revanches qui répondent aux violence antérieures - engrenage nourri par l'impunité de ceux qui violent les Droits de l'Homme - et créer des conditions propices à la réconciliation: tel est le double défi que doivent relever toutes les régions déchirées par des atrocités. Il est essentiel que les Etats ne se croient pas déresponsabilisés de cette mission essentielle par la création de la Cour. C'est pourquoi les Etats sortant de crise doivent agir eux-mêmes pour s'efforcer de trouver, seuls ou avec la communauté internationale, les voies adaptées à la solution des tragédies et à la réconciliation. Outre les voies judiciaires nationales, et désormais internationales, il existe à cet égard, comme en témoigne, parmi de nombreux autres, l'exemple de l'Afrique du Sud et de l'action du prix Nobel de la paix, Mgr Desmond Tutu à la tête de la Commission Vérité et Réconciliation, des solutions diverses. Le système de complémentarité réserve la compétence de la Cour aux cas de défaillance avérée de l'ordre interne. La Cour ne se substitue pas aux Etats ; elle n'intervient que si les autorités nationales sont incapables ou se refusent à traduire en justice les responsables des grands crimes.
Toutefois, en cas de contestation, il faut garder à l'esprit que la décision finale appartient à la Cour pénale internationale, qui est le juge ultime de sa propre compétence. A travers cette disposition, nous avons établi la primauté de la juridiction internationale.
Les débats ont permis également d'assurer un équilibre institutionnel au sein de la Cour. Ainsi, la France est à l'origine de la création de la chambre préliminaire, organe nouveau qui va superviser l'action du procureur et garantir les droits de la défense et des victimes pendant l'instruction. Cette chambre sera compétente pour confirmer les charges avant que ne s'ouvre un procès et devrait remédier à la lenteur des procédures constatées à La Haye et Arusha.
La Cour sera saisie par un Etat partie, par le Conseil de sécurité ou pourra s'autosaisir. C'est parce qu'il y aura une chambre préliminaire que bien des Etats ont accepté l'autosaisine : celle-ci sera collégiale, décidée conjointement par les juges de la Chambre préliminaire et le procureur.
Les dispositions relatives à la compétence de la Cour sont naturellement déterminantes. En ratifiant la Convention de Rome, les Etats acceptent la compétence obligatoire de la Cour pour les crimes contre l'humanité, les génocides et aussi les crimes de guerre. La Cour exerce sa compétence dès qu'un Etat concerné, l'Etat de la nationalité des auteurs présumés ou l'Etat sur le territoire duquel le crime a eu lieu, est partie au Statut ou donne son accord exprès. Cette forme de compétence est très large. Elle a le mérite d'écarter définitivement l'idée d'une compétence à la carte, d'un consentement au cas par cas.
Ce principe n'allait pas de soi. Des pays réticents à l'égard de toute intervention internationale dans les conflits internes s'opposaient à ce que les crimes de guerre fassent partie de la compétence de la Cour.
Le Mouvement des Non-alignés avait adopté une déclaration en ce sens avant la Conférence de Rome. L'abstention du Groupe arabe, le vote négatif de la Chine et de l'Inde le 17 juillet sont aussi significatifs.
Comme je l'ai dit, le Conseil de sécurité pourra saisir la Cour, sur la base du Chapitre VII de la Charte, c'est à dire dans des situations de menace ou d'atteinte à la paix, y compris à l'égard de pays qui n'auraient pas ratifié le Statut. Cette faculté de saisine du Conseil est essentielle. Elle permettra d'éviter dans le futur la multiplication de tribunaux ad hoc. Elle constituera également la forme la plus efficace de saisine de la Cour car celle-ci n'a aucun moyen de contrainte à l'égard des Etats. La Cour, saisie par le Conseil, pourra en retour lui demander d'agir en cas de non-coopération d'un Etat.
Par ailleurs, l'article 16 du Statut prévoit que le Conseil de sécurité, agissant toujours en vertu du Chapitre VII, pourra demander à la Cour de ne pas engager ou de suspendre des enquêtes et des poursuites. Il faudra un vote positif de 9 membres du Conseil de sécurité, y compris le vote positif de tous les membres permanents, pour suspendre l'intervention de la Cour.
Certes, il n'y a pas de raison à priori de penser que les logiques du Conseil et de la Cour puissent être contradictoires. Mais on ne peut pas non plus écarter cette éventualité. Les négociateurs ont pensé qu'on ne pouvait exclure qu'une pause soit nécessaire dans certaines situations pour arracher en priorité une solution à un conflit inextricable et mettre fin aux violences. L'article 16 répond à une telle éventualité.
Ce bref exposé des dispositions du Statut permet de mesurer les bouleversements que représente pour l'ordre international la création de la Cour pénale. Ce bouleversement est sans comparaison avec les quelques adaptations rendues nécessaires par la création des Tribunaux pénaux internationaux, dont la compétence géographique et temporelle est limitée, tribunaux dont le fonctionnement requiert malgré tout aujourd'hui 10 % du budget ordinaire de l'ONU. Il est trop tôt pour imaginer concrètement comment fonctionnera la Cour. Une fois le Statut entré en vigueur, s'ouvrira une période au cours de laquelle s'établiront, sur la base des textes fondateurs, des pratiques et une jurisprudence.
V - Ainsi que vous le savez la France a annoncé lors de la signature de la Convention qu'elle entendait se prévaloir de l'article 124 du Statut. La Garde des Sceaux l'avait confirmé devant votre Assemblée au moment de la présentation du projet de loi constitutionnelle. Contrairement aux pays que j'ai cités il y a un moment, notre pays accepte la compétence de la Cour pour les crimes de guerre, mais entend faire jouer la clause qui permet de reporter sa mise en oeuvre à une échéance de sept ans maximum après l'entrée en vigueur du Statut. Cela n'exonère aucunement un Français qui commettrait un crime de guerre : il sera de toute façon jugé par un tribunal français. Les autorités françaises ont demandé cette période transitoire pour pouvoir vérifier que toutes les garanties introduites dans le Statut afin d'éviter les plaintes abusives sont appliquées avec efficacité. De telles plaintes fallacieuses ne sont naturellement pas envisageables pour des crimes contre l'humanité ou un génocide qui ont par définition un caractère massif et systématique. Au contraire, les crimes de guerre, dont la définition recouvre des actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Or, ces plaintes non fondées pourraient mettre injustement en cause des pays qui ont le mérite d'assumer plus que d'autres leurs responsabilités internationales en participant à de très délicates opérations de maintien de la paix - et vous savez que la France y prend plus que sa part; elles nuiraient à ces Etats, aux opérations dans lesquelles ils sont engagés, ainsi qu'à la Cour naissante dévoyée comme instrument politique. Cette crainte n'est pas théorique : que l'on songe aux critiques contre l'opération Turquoise que la France s'était décidée à faire seule parce que personne d'autre ne voulait y aller, contre nos soldats, aux attaques contre la FORPRONU, à la tension aujourd'hui à Mitrovica dans la seule zone du Kossovo où les deux camps sont face à face. L'expérience des Tribunaux pénaux démontre également que de tels dysfonctionnements ne peuvent être exclus. Les Etats-Unis, vous le savez, considèrent pour leur part que la protection offerte par l'article 124 contre les plaintes abusives reste insuffisante. C'est une des raisons pour lesquelles ils ont rejeté le Statut. Plusieurs autres pays ont la même position. Pour ma part, j'ai la conviction que cette période transitoire, permettra de vérifier la validité des garanties destinées à éviter les recours abusifs. Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, et comme l'a confirmé le Premier ministre devant la Commision nationale consultative des Droits de l'Homme le 15 mars dernier, dès que ces garanties seront vérifiées, et sans attendre sept ans, la France pourrait renoncer à cette disposition transitoire. L'essentiel est le mouvement d'ensemble.
VI - Mesdames et Messieurs les Sénateurs, avant de conclure, je souhaiterais faire devant vous trois observations :
1.- La Convention qui est soumise aujourd'hui à votre Assemblée n'est pas parfaite. Quel texte l'est ? Il ne contient notamment aucune disposition permettant d'agir contre des pays qui commettraient des crimes sur leur propre territoire et contre leurs propres citoyens. Les dirigeants de ces pays peuvent se contenter de ne pas ratifier, espérant rester tranquilles et impunis à l'intérieur de leurs frontières, calcul illusoire à mon sens. Le Conseil de sécurité pourra néanmoins tenter de les contraindre à répondre de leurs actes devant la Cour. Le Statut constitue de toute façon une avancée historique et il faut le ratifier aujourd'hui.
2.- Ma deuxième observation concerne le chantier lancé par la ministre de la Justice et moi-même en vue d'assurer une meilleure promotion de notre droit au plan international. L'enjeu est d'envergure. Il est clair que les crises récentes, implosion de certains Etats, crises financières, difficultés croissantes à lutter par l'entraide judiciaire traditionnelle contre la criminalité organisée qui s'engouffre dans les failles de la modernisation soulignent les risques d'une dérégulation excessive. J'ai la conviction que le droit français dans nombre de ses composantes peut apporter des réponses adaptées. Nous l'avons trop longtemps sous-estimé alors que, dans tel ou tel domaine - droit économique, droit financier, droit pénal - la seule " common law " domine progressivement. Le contenu du Statut de Rome démontre que la défense et la promotion du droit romano-germanique peuvent être assurés par un effort mené en amont, lors de la codification de textes internationaux. Grâce aux négociateurs français, la nouvelle juridiction fait une synthèse novatrice entre droit civil et common law, non par la voie d'un affrontement entre blocs juridiques, mais grâce à un dialogue renforcé avec les grandes démocraties, particulièrement le Royaume-Uni et l'Australie, convaincues en définitive que cette synthèse serait porteuse d'efficacité de la Cour. C'est un exemple.
3.- Ma dernière observation concerne le rôle futur de la Cour dans le système international de prévention et de gestion des crises. Sans être chimérique - car il faut aussi se rappeler que les massacres de Srebrenica sont intervenus après la création du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie - sans être chimérique, donc, il faut espérer que l'existence même de la Cour jouera aussi un rôle dissuasif et préventif. Qu'elle pourra intervenir dès qu'il le faudra. Que le procureur et les juges auront la sagesse et le courage de s'engager, aux côtés des pays en sortie de crises, pour que la justice rendue - à La Haye ou dans les pays concernés comme en a l'intention aujourd'hui Mme Carla del Ponte -contribue effectivement à la réconciliation. Mais je voudrais redire solennellement que la création de la Cour pénale internationale ne dispense ni la France ni les autres grands pays du monde, de tout faire politiquement et diplomatiquement pour prévenir et résoudre les grandes crises internationales. Cette Cour ne devra être l'alibi d'aucune défaillance de la volonté politique. Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, mesurons l'importance historique de la future Cour et poursuivons nos efforts partout dans le monde pour trouver des solutions aux situations politiques, économiques, et sociales ou extirper les idéologies qui sont le terreau trop fertile des grandes tragédies. Luttons pour un développement durable et moins inégal, renforçons les solutions pacifiques et politiques des conflits, préservons la diversité culturelle et linguistique du monde, consolidons pierre par pierre l'Etat de droit, oeuvrons partout à la coexistence pacifique des groupes ennemis ou antagonistes, et un jour à leur coopération et à leur réconciliation. Telles sont, vous le savez, nos priorités. A l'aube d'un siècle marqué par les ravages engendrés par la passion aveugle des Hommes, au crépuscule du nouveau millénaire, hâtons par cette ratification le vaste mouvement de progrès et de civilisation de la vie internationale que nous souhaitons tous léguer aux futures générations..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2000)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,,
Le Sénat va se prononcer aujourd'hui sur ce qui constitue une vraie victoire de la lutte contre l'impunité au crépuscule d'un siècle marqué par des horreurs qui défient la conscience humaine. Chacun peut prendre la mesure des progrès accomplis par la lutte contre l'impunité depuis quelques années et le caractère hautement symbolique - après la création des tribunaux ad hoc sur l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, après l'affaire Pinochet - dont le dénouement n'est qu'une péripétie dans ce vaste mouvement - de l'adoption du statut de la Cour pénale internationale. Car cette Convention internationale marque aussi le dépassement d'une vision abusive de la souveraineté des Etats face aux violations radicales des Droits de l'Homme, une certaine vision de l'humanité que nous nous attachons à défendre partout dans le monde.
I - La Convention de Rome a été adoptée le 17 juillet 1998. 120 pays dont la France et les autres membres de l'Union européenne se sont prononcés en faveur du texte. Cependant, 7 ont voté contre (les Etats-Unis, l'Inde, la Chine, Israël, Bahreïn, Qatar, le Vietnam) et 21 se sont abstenus.
La France a signé ce texte dès le 18 juillet 1998 et le gouvernement entend que notre pays fasse partie des premiers à le ratifier. Le 24 décembre 1998, le président de la République et le Premier ministre ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel de la conformité du statut de la Cour pénale internationale avec les dispositions de la Constitution. Le 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et, sur cette base, le Congrès réuni à Versailles a procédé, le 28 juin 1999, à une révision constitutionnelle en ajoutant l'article 53-2 qui dit je cite " La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le Traité signé le 18 juillet 1998 ". Le 22 février dernier, l'Assemblée nationale a adopté à une très large majorité le projet de loi de ratification qui vous est proposé aujourd'hui.
A la date du 22 mars 2000, 95 pays ont signé la Convention, dont les quinze membres de l'Union européenne. Sept pays seulement l'ont ratifiée pour le moment : le Sénégal, Trinité-et-Tobago, San Marin, l'Italie, Fidji, le Ghana et la Norvège. Comme vous le savez, pour entrer en vigueur la Convention doit avoir été ratifiée par 60 pays. Nous en sommes encore loin, mais la France y travaille. En Europe, une dynamique est enclenchée : après l'Italie, la Norvège, l'Allemagne a engagé le mouvement, et mon collègue allemand, M. Joschka Fischer, a rendu hommage, lors de son allocution devant les parlementaires allemands, à l'adhésion rapide de la France. J'ai également demandé à Robert Badinter, dont je salue l'engagement de toujours pour l'affirmation d'une justice pénale internationale, de se rendre dans un certain nombre de pays signataires pour convaincre les responsables de hâter les procédures de ratification.
II - L'idée d'une cour permanente vient de loin.
Un premier projet avait déjà été évoqué au sein de la Société des Nations. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la Commission du droit international des Nations unies avait été saisie de nouvelles propositions. Les vainqueurs de l'Allemagne nazie et du Japon militariste avaient alors mis en place les Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ; la volonté que jamais ne se reproduise l'horreur avait conduit à l'adoption rapide de la Convention sur le génocide, le 9 décembre 1948, puis, le lendemain, de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Tout semblait prêt pour une concrétisation rapide des idées exprimées notamment par notre compatriote Donnedieu de Vabres, procureur à Nüremberg, en faveur d'une Cour permanente. Hélas, la guerre froide et les blocages qui en auront résulté, ont brisé net cet élan. Quarante ans plus tard la disparition de l'URSS a réouvert cette perspective. C'est ainsi que le Conseil de Sécurité, dans les années 1990, a créé les tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie (d'ailleurs sur proposition française) et le Rwanda. En 1994, les experts de la Commission du droit international ont enfin pu soumettre aux Etats-membres, à la demande de l'Assemblée générale des Nations unies, un avant-projet de Statut.
III - Les débats préparatoires à la création de la Cour se sont déroulés sur des bases et selon des méthodes novatrices. De nombreuses ONG ont pu faire valoir leurs observations et propositions à toutes les étapes. L'un des enjeux était de choisir entre l'adoption rapide d'une Convention-cadre ou l'élaboration d'un Statut complet. Certains voulaient éluder les questions de fond. Une coalition de pays, auto-baptisée "Etats pilotes" s'était donné pour objectif l'aboutissement très rapide des travaux. Notre tradition de droit écrit, le souci persistant que nous exprimons dans toutes les enceintes d'une meilleure régulation des rapports internationaux plaidaient plutôt pour l'élaboration sérieuse et méthodique d'un texte précis, garant d'une véritable sécurité juridique. Cette approche a prévalu.
C'est ainsi que le Statut adopté à Rome doit beaucoup aux conceptions françaises : donner une vraie réponse aux aspirations à la justice et à la lutte contre l'impunité, tout en créant une institution qui s'insère harmonieusement dans le système international. Pour la France, la fin de l'impunité des criminels, c'est la dignité rendue aux victimes, dont le droit de savoir et le droit à la justice doivent être reconnus, et l'espoir d'un futur Etat de droit à construire ou à reconstruire dans les régions meurtries. La Cour, qui peut être saisie par le Conseil de sécurité, doit aussi participer à l'action multilatérale en faveur de la paix et de la sécurité en contribuant au dépassement des tragédies.
La France a oeuvré en faveur d'une Cour dont la composition serait la plus universelle possible, dont les procédures seraient adaptées au contexte international. Tout au long des discussions, nous avons suscité une synthèse des diverses traditions juridiques plutôt que de laisser s'imposer un seul et même modèle sur la scène juridique internationale. La France a fait de nombreuses propositions sur le droit des victimes, sur le rôle d'une chambre préliminaire pendant l'instruction, sur l'obligation de coopération des Etats.
Si le compromis final a pu se faire à Rome, c'est sur bien des points autour des positions françaises.
Nous avions tout particulièrement souligné qu'on ne rendrait pas la justice internationale en l'absence des victimes et nous avons défendu, avec le concours des experts des Etats et des ONG intéressés, au cours du séminaire organisé à Paris en avril 1999 "l'accès des victimes à la Cour pénale internationale". Nos propositions visaient à mettre en place des solutions efficaces obligeant la Cour à prendre les mesures propres à protéger la sécurité, le bien être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des témoins "en particulier lorsque le crime s'accompagne de violences sexuelles, de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants". Elles tirent parti de l'expérience des Tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Il est en effet regrettable, qu'aujourd'hui encore, ces deux tribunaux voient leur légitimité contestée par ceux-là mêmes en faveur desquels ils rendent la justice et que ni l'opinion rwandaise ni la société civile en ex-Yougoslavie ne se sentent encore tout à fait concernées par l'action des TPI.
IV - Nous disposons ainsi d'un Statut précis et équilibré.
L'équilibre entre la Cour et les tribunaux nationaux est un élément important. N'oublions pas que la Cour est complémentaire des juridictions nationales, les Etats gardant la responsabilité principale de la prévention et de la répression des crimes. En finir avec l'engrenage incessant des revanches qui répondent aux violence antérieures - engrenage nourri par l'impunité de ceux qui violent les Droits de l'Homme - et créer des conditions propices à la réconciliation: tel est le double défi que doivent relever toutes les régions déchirées par des atrocités. Il est essentiel que les Etats ne se croient pas déresponsabilisés de cette mission essentielle par la création de la Cour. C'est pourquoi les Etats sortant de crise doivent agir eux-mêmes pour s'efforcer de trouver, seuls ou avec la communauté internationale, les voies adaptées à la solution des tragédies et à la réconciliation. Outre les voies judiciaires nationales, et désormais internationales, il existe à cet égard, comme en témoigne, parmi de nombreux autres, l'exemple de l'Afrique du Sud et de l'action du prix Nobel de la paix, Mgr Desmond Tutu à la tête de la Commission Vérité et Réconciliation, des solutions diverses. Le système de complémentarité réserve la compétence de la Cour aux cas de défaillance avérée de l'ordre interne. La Cour ne se substitue pas aux Etats ; elle n'intervient que si les autorités nationales sont incapables ou se refusent à traduire en justice les responsables des grands crimes.
Toutefois, en cas de contestation, il faut garder à l'esprit que la décision finale appartient à la Cour pénale internationale, qui est le juge ultime de sa propre compétence. A travers cette disposition, nous avons établi la primauté de la juridiction internationale.
Les débats ont permis également d'assurer un équilibre institutionnel au sein de la Cour. Ainsi, la France est à l'origine de la création de la chambre préliminaire, organe nouveau qui va superviser l'action du procureur et garantir les droits de la défense et des victimes pendant l'instruction. Cette chambre sera compétente pour confirmer les charges avant que ne s'ouvre un procès et devrait remédier à la lenteur des procédures constatées à La Haye et Arusha.
La Cour sera saisie par un Etat partie, par le Conseil de sécurité ou pourra s'autosaisir. C'est parce qu'il y aura une chambre préliminaire que bien des Etats ont accepté l'autosaisine : celle-ci sera collégiale, décidée conjointement par les juges de la Chambre préliminaire et le procureur.
Les dispositions relatives à la compétence de la Cour sont naturellement déterminantes. En ratifiant la Convention de Rome, les Etats acceptent la compétence obligatoire de la Cour pour les crimes contre l'humanité, les génocides et aussi les crimes de guerre. La Cour exerce sa compétence dès qu'un Etat concerné, l'Etat de la nationalité des auteurs présumés ou l'Etat sur le territoire duquel le crime a eu lieu, est partie au Statut ou donne son accord exprès. Cette forme de compétence est très large. Elle a le mérite d'écarter définitivement l'idée d'une compétence à la carte, d'un consentement au cas par cas.
Ce principe n'allait pas de soi. Des pays réticents à l'égard de toute intervention internationale dans les conflits internes s'opposaient à ce que les crimes de guerre fassent partie de la compétence de la Cour.
Le Mouvement des Non-alignés avait adopté une déclaration en ce sens avant la Conférence de Rome. L'abstention du Groupe arabe, le vote négatif de la Chine et de l'Inde le 17 juillet sont aussi significatifs.
Comme je l'ai dit, le Conseil de sécurité pourra saisir la Cour, sur la base du Chapitre VII de la Charte, c'est à dire dans des situations de menace ou d'atteinte à la paix, y compris à l'égard de pays qui n'auraient pas ratifié le Statut. Cette faculté de saisine du Conseil est essentielle. Elle permettra d'éviter dans le futur la multiplication de tribunaux ad hoc. Elle constituera également la forme la plus efficace de saisine de la Cour car celle-ci n'a aucun moyen de contrainte à l'égard des Etats. La Cour, saisie par le Conseil, pourra en retour lui demander d'agir en cas de non-coopération d'un Etat.
Par ailleurs, l'article 16 du Statut prévoit que le Conseil de sécurité, agissant toujours en vertu du Chapitre VII, pourra demander à la Cour de ne pas engager ou de suspendre des enquêtes et des poursuites. Il faudra un vote positif de 9 membres du Conseil de sécurité, y compris le vote positif de tous les membres permanents, pour suspendre l'intervention de la Cour.
Certes, il n'y a pas de raison à priori de penser que les logiques du Conseil et de la Cour puissent être contradictoires. Mais on ne peut pas non plus écarter cette éventualité. Les négociateurs ont pensé qu'on ne pouvait exclure qu'une pause soit nécessaire dans certaines situations pour arracher en priorité une solution à un conflit inextricable et mettre fin aux violences. L'article 16 répond à une telle éventualité.
Ce bref exposé des dispositions du Statut permet de mesurer les bouleversements que représente pour l'ordre international la création de la Cour pénale. Ce bouleversement est sans comparaison avec les quelques adaptations rendues nécessaires par la création des Tribunaux pénaux internationaux, dont la compétence géographique et temporelle est limitée, tribunaux dont le fonctionnement requiert malgré tout aujourd'hui 10 % du budget ordinaire de l'ONU. Il est trop tôt pour imaginer concrètement comment fonctionnera la Cour. Une fois le Statut entré en vigueur, s'ouvrira une période au cours de laquelle s'établiront, sur la base des textes fondateurs, des pratiques et une jurisprudence.
V - Ainsi que vous le savez la France a annoncé lors de la signature de la Convention qu'elle entendait se prévaloir de l'article 124 du Statut. La Garde des Sceaux l'avait confirmé devant votre Assemblée au moment de la présentation du projet de loi constitutionnelle. Contrairement aux pays que j'ai cités il y a un moment, notre pays accepte la compétence de la Cour pour les crimes de guerre, mais entend faire jouer la clause qui permet de reporter sa mise en oeuvre à une échéance de sept ans maximum après l'entrée en vigueur du Statut. Cela n'exonère aucunement un Français qui commettrait un crime de guerre : il sera de toute façon jugé par un tribunal français. Les autorités françaises ont demandé cette période transitoire pour pouvoir vérifier que toutes les garanties introduites dans le Statut afin d'éviter les plaintes abusives sont appliquées avec efficacité. De telles plaintes fallacieuses ne sont naturellement pas envisageables pour des crimes contre l'humanité ou un génocide qui ont par définition un caractère massif et systématique. Au contraire, les crimes de guerre, dont la définition recouvre des actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Or, ces plaintes non fondées pourraient mettre injustement en cause des pays qui ont le mérite d'assumer plus que d'autres leurs responsabilités internationales en participant à de très délicates opérations de maintien de la paix - et vous savez que la France y prend plus que sa part; elles nuiraient à ces Etats, aux opérations dans lesquelles ils sont engagés, ainsi qu'à la Cour naissante dévoyée comme instrument politique. Cette crainte n'est pas théorique : que l'on songe aux critiques contre l'opération Turquoise que la France s'était décidée à faire seule parce que personne d'autre ne voulait y aller, contre nos soldats, aux attaques contre la FORPRONU, à la tension aujourd'hui à Mitrovica dans la seule zone du Kossovo où les deux camps sont face à face. L'expérience des Tribunaux pénaux démontre également que de tels dysfonctionnements ne peuvent être exclus. Les Etats-Unis, vous le savez, considèrent pour leur part que la protection offerte par l'article 124 contre les plaintes abusives reste insuffisante. C'est une des raisons pour lesquelles ils ont rejeté le Statut. Plusieurs autres pays ont la même position. Pour ma part, j'ai la conviction que cette période transitoire, permettra de vérifier la validité des garanties destinées à éviter les recours abusifs. Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, et comme l'a confirmé le Premier ministre devant la Commision nationale consultative des Droits de l'Homme le 15 mars dernier, dès que ces garanties seront vérifiées, et sans attendre sept ans, la France pourrait renoncer à cette disposition transitoire. L'essentiel est le mouvement d'ensemble.
VI - Mesdames et Messieurs les Sénateurs, avant de conclure, je souhaiterais faire devant vous trois observations :
1.- La Convention qui est soumise aujourd'hui à votre Assemblée n'est pas parfaite. Quel texte l'est ? Il ne contient notamment aucune disposition permettant d'agir contre des pays qui commettraient des crimes sur leur propre territoire et contre leurs propres citoyens. Les dirigeants de ces pays peuvent se contenter de ne pas ratifier, espérant rester tranquilles et impunis à l'intérieur de leurs frontières, calcul illusoire à mon sens. Le Conseil de sécurité pourra néanmoins tenter de les contraindre à répondre de leurs actes devant la Cour. Le Statut constitue de toute façon une avancée historique et il faut le ratifier aujourd'hui.
2.- Ma deuxième observation concerne le chantier lancé par la ministre de la Justice et moi-même en vue d'assurer une meilleure promotion de notre droit au plan international. L'enjeu est d'envergure. Il est clair que les crises récentes, implosion de certains Etats, crises financières, difficultés croissantes à lutter par l'entraide judiciaire traditionnelle contre la criminalité organisée qui s'engouffre dans les failles de la modernisation soulignent les risques d'une dérégulation excessive. J'ai la conviction que le droit français dans nombre de ses composantes peut apporter des réponses adaptées. Nous l'avons trop longtemps sous-estimé alors que, dans tel ou tel domaine - droit économique, droit financier, droit pénal - la seule " common law " domine progressivement. Le contenu du Statut de Rome démontre que la défense et la promotion du droit romano-germanique peuvent être assurés par un effort mené en amont, lors de la codification de textes internationaux. Grâce aux négociateurs français, la nouvelle juridiction fait une synthèse novatrice entre droit civil et common law, non par la voie d'un affrontement entre blocs juridiques, mais grâce à un dialogue renforcé avec les grandes démocraties, particulièrement le Royaume-Uni et l'Australie, convaincues en définitive que cette synthèse serait porteuse d'efficacité de la Cour. C'est un exemple.
3.- Ma dernière observation concerne le rôle futur de la Cour dans le système international de prévention et de gestion des crises. Sans être chimérique - car il faut aussi se rappeler que les massacres de Srebrenica sont intervenus après la création du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie - sans être chimérique, donc, il faut espérer que l'existence même de la Cour jouera aussi un rôle dissuasif et préventif. Qu'elle pourra intervenir dès qu'il le faudra. Que le procureur et les juges auront la sagesse et le courage de s'engager, aux côtés des pays en sortie de crises, pour que la justice rendue - à La Haye ou dans les pays concernés comme en a l'intention aujourd'hui Mme Carla del Ponte -contribue effectivement à la réconciliation. Mais je voudrais redire solennellement que la création de la Cour pénale internationale ne dispense ni la France ni les autres grands pays du monde, de tout faire politiquement et diplomatiquement pour prévenir et résoudre les grandes crises internationales. Cette Cour ne devra être l'alibi d'aucune défaillance de la volonté politique. Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, mesurons l'importance historique de la future Cour et poursuivons nos efforts partout dans le monde pour trouver des solutions aux situations politiques, économiques, et sociales ou extirper les idéologies qui sont le terreau trop fertile des grandes tragédies. Luttons pour un développement durable et moins inégal, renforçons les solutions pacifiques et politiques des conflits, préservons la diversité culturelle et linguistique du monde, consolidons pierre par pierre l'Etat de droit, oeuvrons partout à la coexistence pacifique des groupes ennemis ou antagonistes, et un jour à leur coopération et à leur réconciliation. Telles sont, vous le savez, nos priorités. A l'aube d'un siècle marqué par les ravages engendrés par la passion aveugle des Hommes, au crépuscule du nouveau millénaire, hâtons par cette ratification le vaste mouvement de progrès et de civilisation de la vie internationale que nous souhaitons tous léguer aux futures générations..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2000)