Discours de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, à l'Assemblée nationale et dans une interview au "Parisien" le 14 octobre 2003 sur les orientations du budget 2004.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de finances pour 2004 à l'Assemblée nationale le 14 octobre 2003

Média : Le Parisien

Texte intégral


Monsieur le président,
Monsieur le président de la Commission des finances et Monsieur le rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les députés,
Confronté au ralentissement économique le plus prononcé que la France ait connu en 50 ans, après ceux de 1974 et 1993, le gouvernement vous propose un budget offensif qui porte le message toujours entendu dans les moments difficiles :
" Faire confiance aux Français "

" mériter leur confiance ".
Faire confiance aux Français, c'est croire en leur capacité et en leur ardeur à prendre part à l'oeuvre de redressement de notre pays.
Faire confiance aux Français, c'est rappeler cette évidence, parfois oubliée, que pour créer les richesses et les emplois si nécessaires à notre pays, la France a besoin de l'imagination, de l'enthousiasme et de l'effort de chaque citoyen.
Faire confiance aux Français, c'est reconnaître la valeur et la force de leur travail !
Oui, Mesdames et Messieurs les députés, en proclamant la dignité souveraine du travail comme source de richesse matérielle et morale de chaque citoyen, ce budget marque notre confiance dans les Français et notre engagement à mériter leur confiance !
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Mériter leur confiance, c'est respecter, reconnaître et récompenser leur travail. Ce respect et cet encouragement s'expriment dans chaque ligne du budget qui vous est soumis.
Respect et encouragement,
Envers 2 millions de salariés dont les SMICS sont relevés. Avec le relèvement de la PPE et la hausse du SMIC, nombre d'entre eux vont ainsi bénéficier d'un véritable 13e mois : juste récompense de la valeur de leur travail.
Respect et encouragement,
Envers 8 millions de foyers dont la PPE sera à nouveau améliorée en 2004, grâce à un barème revalorisé pour tous les bénéficiaires. Encouragement à la reprise d'une activité, en offrant un gain supplémentaire de pouvoir d'achat, grâce à un acompte de 250 euros versé au salarié dans les 6 mois de sa reprise d'activité.
Respect et encouragement,
Envers 16 millions de foyers qui verront leurs taux de l'impôt sur le revenu baisser de 3 %. Tous allègements confondus, la nouvelle majorité aura réduit en 2004 le poids de l'IR de plus de 10 %.
Ces baisses d'impôts et de charges marquent le respect que nous portons au fruit du travail des Français. Ces baisses traduisent le choix résolu d'un programme fiscal offensif destiné à encourager les Français, à mériter leur confiance et à mobiliser notre potentiel de croissance.
Fait remarquable, et sans doute unique : sur les 23 dispositions fiscales que compte ce PLF, 22 sont favorables ou neutres aux contribuables.
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Ce budget ne s'adresse pas seulement aux ménages. Il adresse aussi un message de respect et d'encouragement aux entreprises.
Respect et encouragement pour l'acte d'entreprendre qui, en France, reste encore malheureusement insuffisamment considéré, malgré l'espoir qu'a fait naître le changement de gouvernement.
Respect et encouragement pour tous ceux qui entreprennent et qui risquent dans notre monde ouvert, où la concurrence est si rude. Pour nos créateurs d'emplois qui méritent notre considération et auxquels nous voulons donner un environnement sûr et favorable.
C'est pourquoi nous vous proposons des mesures fortes pour réhabiliter, respecter et encourager ce beau risque d'entreprendre. Pour ce faire,
- nous favorisons la création d'emplois dans le secteur marchand et non dans le secteur public ;
- nous donnons un nouvel élan au crédit d'impôt recherche ;
- nous instaurons un statut spécifique de " Jeune Entreprise Innovante " ;
- nous aménageons un statut fiscal adapté aux investisseurs qui leur apportent capitaux et expérience de gestion.
- nous favorisons la compétitivité de nos entreprises, par l'amélioration de leur structure de bilan grâce au report en avant des pertes qui sera désormais illimité dans le temps.
Mesdames et Messieurs les députés, encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est aussi moderniser et simplifier l'impôt :
- en réformant en profondeur, comme promis l'an dernier, le régime fiscal des distributions, par un abattement de 50 % pour l'imposition des dividendes et la création d'un crédit d'impôt pour l'actionnaire, en remplacement de l'avoir fiscal. Et naturellement la suppression du précompte qui, à l'international, pénalise nos entreprises.
Moderniser et simplifier l'impôt :
- en simplifiant le régime de plus-values immobilières des particuliers, les règles d'imposition des exploitants agricoles et les formalités pour les successions de faible montant.
Encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est aussi prendre en compte la nouvelle donne démographique et assurer la solidarité entre les générations. Pour ce faire :
- nous instaurons un régime fiscal attractif pour les cotisations versées sur le Plan d'Epargne Retraite Populaire,
- nous assurons une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes, en triplant le nombre des bénéficiaires de la réduction d'impôt dépendance.
- nous relevons le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale au profit des personnes âgées ou handicapées.
- nous favorisons les transmissions anticipées de patrimoine en faveur des jeunes générations, plus aptes à en assurer la valorisation.
- nous créons enfin un crédit d'impôt pour les entreprises qui aident leurs salariés à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
Mesdames et Messieurs les députés, la seule mesure qui fait débat est celle relative à la TIPP gazole. Le Gouvernement souhaite poursuivre à hauteur de 2,5 centimes d'euros la réduction de l'écart de taxation entre l'essence et le gazole engagée sous la précédente législature. La recette qui en est attendue est à mettre en regard d'une contribution de même montant à RFF. Les effets pour le consommateur ne doivent pas être surestimés : même en incluant cette hausse, les prix à la pompe resteront très inférieurs à ceux du printemps dernier ; puis 2,5 centimes sont également très en dessous des écarts que nous constatons entre les stations-service de nos propres agglomérations.
J'en viens à la TVA, pour vous dire tout d'abord que nous sommes très confiants sur nos chances de parvenir à un accord communautaire, avant la fin de l'année, pour pérenniser le taux réduit de TVA applicable aux travaux dans les logements comme aux services d'aide à la personne.
Quant à la TVA restauration, l'engagement d'en baisser le taux est explicitement réitéré dans la loi de finances afin que cette mesure puisse entrer en vigueur après que l'Union Européenne l'aura autorisée.
Mesdames et Messieurs les députés, le montant net des allégements fiscaux et de charges s'établit à 2,5 Md euros. S'ajoute le bénéfice des lois votées ces derniers mois, pour 800 M euros.
Au total, ce sont donc 3,3 Md euros d'allégements fiscaux et sociaux qui vous sont ainsi proposés de rendre aux Français, hors fiscalité sur le tabac.
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Mesdames et Messieurs les députés, mériter la confiance des Français, c'est aussi maîtriser les dépenses. Remettre la France sur un sentier de croissance élevé et préparer l'avenir nous assignent comme 1er devoir, en effet, de maîtriser les dépenses dont je rappelle, de cette tribune, qu'elles sont engagées au nom des Français, qu'elles sont financées par eux, et qu'elles sont prélevées sur leur pouvoir d'achat.
Oui, mériter la confiance des Français, c'est maîtriser enfin, et sans retard, la dépense de l'État !
nous la stabilisons en volume, pour la 2e année consécutive. Ce sera la 1re fois en 20 ans !
nous rompons la tendance à l'accroissement perpétuel qui sera ainsi stoppée, en préalable à la réduction du déficit.
nous limitons le montant à structure constante à 277,9 Md euros, soit une progression égale à l'inflation prévisionnelle (1,5 %).
nous réalisons des efforts importants de redéploiements permettant de réaliser 5,4 Md euros d'économies.
nous finançons l'augmentation de 3 Md euros de dépenses inéluctables : la dette, les pensions, les minima sociaux et les dotations aux collectivités locales.
nous fondons nos économies sur des réformes structurelles qui permettent de ne pas remplacer près de 10 000 départs en retraites et en réaffectant une partie des moyens en fonctions des besoins.
nous diminuons au total, le nombre des emplois budgétaires de plus de 4 600, soit 6 fois l'effort réalisé en 2003.
nous stabilisons en 2004 en euros courants, la masse salariale de l'État. Contraste patent avec les années 2001 et 2002 quand furent créés 23 000 emplois budgétaires !
nous finançons nos priorités : la Justice, la sécurité, l'équipement de la Défense et l'aide au développement qui bénéficieront de tous les moyens prévus dans les lois de programmation. 4 Md euros supplémentaires auront été ainsi dégagés, entre 2002 et 2004, pour ces priorités.
Mesdames et Messieurs les députés, un État moderne n'est pas un État figé. Nous voulons doter la France d'un État efficace et performant, garant du bien commun, dont les ressources humaines sont redéployées progressivement, là où c'est nécessaire. Là où manquaient des moyens, ils ont été renforcés. Mais la vérité oblige à dire que l'efficacité n'est pas liée aux seuls taux d'évolution des crédits et des effectifs : ainsi, sans moyens particuliers supplémentaires, la sécurité routière enregistre-t-elle des succès jamais atteints et exemplaires.
Qu'il me soit permis de rappeler, de cette tribune, qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente ! Que l'efficacité de l'action publique au bénéfice des Français n'est pas proportionnelle à l'évolution des crédits. Que trop de groupes de pression entretiennent le fétichisme des pourcentages de progression.
Nous pouvons dépenser moins :
- en abrogeant plutôt qu'en multipliant les normes.
- en allégeant le poids écrasant de l'écheveau de lois et de règlements pléthoriques.
- en desserrant le carcan qui paralyse et menace la compétitivité de la France.
Je compte sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour affirmer votre volonté réformatrice avec une vigueur sans précédent.
La maîtrise de nos dépenses est la clé de la réduction du déficit ! En France, nous ne souffrons pas de " pas assez d'impôts " mais de trop de dépenses.
J'en viens au déficit budgétaire qui s'établit pour 2004, à -55,5 milliards d'euros. Il traduit une évolution divergente des dépenses, qui sont maîtrisées, et des recettes qui restent, hélas, très affaiblies par la conjoncture économique.
A structure constante, toutefois, le solde aurait été de 54 Md euros. Nous devrions donc enregistrer une amélioration de 2 Md euros par rapport au déficit prévisionnel de 2003, qui devrait s'établir à environ 56 Md euros.
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Mériter la confiance des Français, c'est aussi développer la sincérité du budget, autre exigence de cette Loi de Finances.
Tout d'abord, nous supprimons le FOREC, importante source d'opacité. Les moyens consacrés à la politique de l'emploi étaient segmentés et n'apparaissaient pas clairement. Aujourd'hui, l'effort de la nation se révèle dans toute son ampleur : en dehors de la dette, le budget de l'emploi est le 3e budget de l'État après l'Éducation nationale et la Défense.
En second lieu, le financement des charges de gros entretien et de désendettement du système ferroviaire est désormais sécurisé.
Troisième réforme : les concours de l'État aux collectivités locales, devenus incompréhensibles, sont clarifiés. Une réforme profonde regroupe la plupart des concours au sein de la DGF.
Dans le même temps, et malgré les difficultés de la conjoncture, l'État préserve le contrat de croissance et de solidarité. Alors qu'il stabilise ses propres dépenses en volume, il maintient, au bénéfice des collectivités territoriales, une indexation de ses concours sur la croissance. Le transfert du RMI est, pour sa part, financé par un partage du produit de la TIPP, conformément à nos engagements.
Quatrième réforme, celle de la parafiscalité. Engagée fin 2002, elle se poursuit et sera parachevée en collectif de fin d'année.
Cinquième réforme, celle du BAPSA. La loi organique conduit à créer un nouvel établissement public, qui en prendra la suite au 1er janvier 2005. Dès 2004, les ressources du BAPSA sont clarifiées : la fraction de TVA affectée est supprimée de même que la subvention d'équilibre. L'universalité de la TVA est ainsi rétablie, au bénéfice du budget général.
Dernière réforme, l'inscription dans le budget des emplois budgétaires de l'intégralité des personnels contractuels de l'Education nationale, soit 48 000 personnes, dont l'emploi n'était retracé nulle part, est désormais soumis à votre approbation.
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Au total et pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de budget que nous soumettons à votre approbation porte l'empreinte d'une volonté et d'une détermination sans faille.
En encourageant le travail, en favorisant l'emploi et en préparant l'avenir, il appelle chaque Français à offrir à son pays le meilleur de lui-même : audace, élan, et volonté pour dessiner ensemble le visage de l'avenir de la France.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 17 octobre 2003)