Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les missions des préfectures notamment en matière de décentralisation, Rouen le 17 mai 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mesdames, Messieurs
Je suis heureux d'être à Rouen aujourd'hui et de vérifier sur le terrain l'ampleur du travail de votre préfecture de la Seine-Maritime et de la région Haute-Normandie. C'est l'occasion de vous rendre hommage, comme à l'ensemble des agents des préfectures, qu'ils appartiennent au cadre national ou à d'autres corps.
Vous êtes les représentants de l'Etat sur l'ensemble du territoire, et à ce titre vous êtes en charge de la cohésion nationale face aux multiples défis de la modernité.
Garants de notre unité et de l'égalité de tous, vous incarnez aussi le respect de la diversité de nos territoires, avec le souci constant d'adapter la politique du gouvernement aux réalités du terrain, qu'il s'agisse de sécurité, d'emploi, d'agriculture, de tourisme, d'industrie ou d'environnement.
Vous êtes pleinement mobilisés au service de nombreuses missions : gestion de la police administrative, réglementation, relations avec les collectivités locales, dotations financières de l'Etat, accueil du public et coordination interministérielle.
Votre tâche est lourde et souvent difficile : c'est toujours vers vous que l'on se tourne en matière de sécurité comme en cas de crise, qu'il s'agisse d'inondations, de catastrophe industrielle ou de graves accidents. Le rôle de coordination assuré par le préfet rend possible une très forte mobilisation de l'ensemble des services et je sais à quel point, compte tenu de l'importance des risques industriels dans ce département, cette mission vous mobilise. C'est le cas également dans le domaine de l'accueil du public, qu'il s'agisse de faire face à l'accroissement des demandes d'asile ou de réponde à l'augmentation, à l'approche de l'été, des délivrances de passeports et de cartes d'identité.
Pour tout cela, je souhaite vous exprimer ma gratitude.
Vos missions vous confèrent un devoir essentiel à l'égard de nos concitoyens : celui de l'efficacité, celui des résultats.
La légitimité de votre action, c'est la qualité du service public. Cela exige un service plus simple, un service plus rapide et un service plus sûr.
Plus simple : le gouvernement s'est engagé dans une démarche d'allégement des formalités administratives. Pionnières, les préfectures ont mis en uvre des chartes de qualité de services et le Président de la République vient de demander que l'ensemble des services de l'Etat s'en inspire en se dotant de chartes dites "Marianne". Pour répondre aux attentes des usagers, nous devons améliorer l'accueil téléphonique, nous engager sur des délais de délivrance d'une carte grise ou d'un passeport, et pouvoir délivrer des informations utiles par internet à toute heure.
Nous avons besoin, ensuite, d'un service plus rapide. D'ores et déjà, à travers le développement des téléprocédures, de plus en plus de démarches peuvent être accomplies depuis leur domicile par les particuliers, comme les certificats de non-gage des véhicules et, pour les professionnels, la délivrance des cartes grises. Demain, avec la réforme de l'immatriculation, les véhicules disposeront d'un numéro à vie. Les conducteurs qui pourront demander leur carte grise chez le concessionnaire et la recevront directement à leur domicile.
Enfin nous avons besoin d'un service plus sûr. L'environnement international exige en particulier une meilleure sécurisation des titres nationaux. Aujourd'hui, c'est la carte grise européenne que l'on vient de me présenter et qui sera délivrée partout en France au 1er juin prochain. En 2005, ce sera le passeport numérisé. En 2006, le citoyen disposera d'une carte nationale d'identité électronique mieux protégée grâce à l'introduction de données biométriques. Elle lui permettra de demander par internet d'autres titres qu'il obtiendra plus facilement et d'effectuer des transactions privées à distance grâce à la signature électronique que contiendra la puce de cette carte.
La décentralisation répond à une même volonté de cohérence et de clarté de l'action publique. L'enjeu est double : permettre aux citoyens de mieux identifier les responsabilités des différents acteurs ; libérer les énergies et les initiatives en responsabilisant d'avantage les collectivités territoriales.
Deux lois organiques ont déjà été votées sur le référendum local et sur l'expérimentation. Dès mon arrivée, j'ai fait voter la première lecture du projet de loi sur les responsabilités locales à l'assemblée nationale. Cette semaine, j'ai défendu la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales.
La décentralisation répond à un impératif de modernisation de nos processus de décision publique. Elle sera menée à son terme, même si, comme l'a dit le Président de la République, son application sera étalée sur plusieurs années. Par ailleurs, ses modalités définitives n'en sont pas arrêtées : j'ai décidé d'ouvrir une large concertation avec les parlementaires avant le passage en deuxième lecture.
Dans le contexte nouveau créé par la décentralisation, l'Etat a un rôle plus important que jamais. Mais pour relever les défis, il doit aujourd'hui s'adapter.
Il doit premièrement se recentrer sur ses missions essentielles.
L'Etat, c'est d'abord le garant de la vie collective. Il incarne l'autorité et le respect des règles communes : pour lutter contre la violence ordinaire qui se développe dans notre société ; pour donner à chacun, et en particulier aux plus jeunes, les repères dont ils ont besoin.
L'Etat, c'est également la légalité. Le travail que vous effectuez à ce titre est difficile. Je le mesure pleinement et je le soutiens, car il est la garantie du respect de l'intérêt général et de l'égalité de tous devant la loi. C'est pourquoi le contrôle administratif des collectivités locales figure explicitement à l'article 72 de notre constitution.
L'Etat, c'est ensuite la cohérence. Vous êtes responsables de la coordination de toutes les politiques publiques et de leur mise en uvre dans le département et la région. Vous seuls êtes en mesure d'appliquer avec intelligence les choix nationaux dans un cadre local.
L'Etat, c'est enfin le partenariat avec les autres acteurs publics et notamment les collectivités territoriales. Ainsi nous passons des contrats afin de mener des politiques convergentes dans de nombreux domaines, de la prévention à de l'aménagement du territoire ou au logement.
Deuxièmement, l'Etat doit accompagner le mouvement de décentralisation en choisissant chaque fois l'échelon territorial le mieux adapté, pour mettre en uvre une véritable déconcentration de ses propres décisions.
Il est en effet indispensable que les élus, qui bénéficieront de nouvelles compétences, disposent au sein de l'Etat territorial d'interlocuteurs capables de les aider, de les conseiller et de les contrôler.
Le niveau régional doit jouer désormais pleinement son rôle d'impulsion, d'orientation, de coordination, et d'évaluation des politiques de l'Etat. Ainsi, le projet d'action stratégique de l'Etat (PASE) fixera les priorités de l'action de l'Etat dans la région pour une durée de trois ans. Les huit pôles de regroupements fonctionnels des services seront mis en place d'ici à la fin de l'année, avant l'entrée en vigueur de la loi de décentralisation. C'est aussi dans cet esprit qu'une plus grande collégialité de décision sera mise en uvre au sein du Comité de l'administration régionale (CAR) entre le préfet de région, les préfets de départements et les chefs de pôle. Enfin, certaines fonctions comme la formation et l'organisation des concours seront mutualisées sous le pilotage de la préfecture de région.
Quant au niveau départemental, il demeure au quotidien le pivot de la mise en uvre des politiques dont les priorités seront fixées dans le projet d'action stratégique départemental de l'Etat. C'est le niveau de droit commun de l'action publique de proximité et il devra être réorganisé pour une plus grande complémentarité des différents services, sans pour autant entrer dans une logique de fusion systématique.
Sur toutes ces questions je souhaite que l'on privilégie une approche pragmatique. Les travaux sont en cours sous la coordination du ministère de l'Intérieur. Ils aboutiront au printemps prochain. En tout état de cause, les cultures professionnelles qui forment la richesse de l'administration locale doivent être préservées pour que les services territoriaux constituent de véritables équipes.
Vous le voyez donc bien : les services déconcentrés du ministère de l'Intérieur, préfectures et sous-préfectures, ont un rôle plus que jamais indispensable. Je voudrais aborder très clairement ce sujet et aller au fond des choses.
La réforme de l'Etat et la décentralisation conduiront à un renforcement des préfectures, et cela pour trois raisons.
D'abord parce que les préfectures sont garantes de missions essentielles qui ne sauraient être transférées vers les collectivités territoriales. Vous n'êtes donc pas concernés par le mouvement de transfert de compétences, puisque votre champ d'action est à la fois spécifique, interministériel et intimement lié à l'autorité même de l'Etat. Ni la sécurité des personnes et des biens, ni la garantie de l'identité et de la nationalité des citoyens, ni le bon déroulement de la vie démocratique, ni le respect de la légalité et l'appui aux collectivités locales, ni certaines missions d'accueil du public, ni la cohérence territoriale de l'action interministérielle, ni la capacité de l'Etat à jouer un rôle de médiation et de bons offices, ni sa présence dans les régions, les départements et les arrondissements ne sauraient être transférés.
Certaines missions vont évoluer. C'est vrai dans le domaine de la sécurité, sur lequel l'attente de nos concitoyens est toujours plus importante et qui couvre un spectre considérable, de la sécurité publique à la sécurité sanitaire et environnementale. C'est vrai également du contrôle de légalité dont le champ va s'accroître et qu'il faudra faciliter par l'utilisation de la télétransmission des actes. C'est vrai encore dans le domaine de l'accueil du public pour la délivrance des cartes d'identité et des passeports, où il faudra que nous trouvions une bonne complémentarité avec les mairies, tout en conservant pour la préfecture un rôle de supervision et de contrôle-qualité. C'est bien pour vous permettre de vous consacrer pleinement à vos missions que de nombreuses mesures de simplifications ont été prises par ordonnance.
Ensuite, votre rôle sera renforcé avec l'augmentation des pouvoirs des préfets.
Le nouveau décret du 29 avril dernier relatif aux pouvoirs des préfets et à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements, que j'ai présenté en Conseil des ministres, ouvre des champs d'action nouveaux à conquérir ; que ce soit sur le plan de la cohérence de l'action territoriale, par renforcement de la fonction de coordination ; ou sur le plan de la participation du préfet de région à l'élaboration de la loi de Finances et à la mise en oeuvre de nouveaux modes d'action en application de la LOLF.
Enfin, la préfecture sera renforcée dans son rôle central d'ancrage et de référence pour nos concitoyens. C'est autour d'elle que s'organiseront toutes les autres administrations de l'Etat, elles aussi profondément transformées. L'implantation géographique des préfectures et des sous-préfectures offre un remarquable maillage du territoire national. Ce sont elles qui assurent la proximité de l'Etat, aux côtés de la police, de la gendarmerie et de l'éducation nationale.
Lorsque le projet de loi relatif aux responsabilités locales sera voté, les préfets pourront proposer une révision des limites d'arrondissement pour tirer les conséquences de la nouvelle intercommunalité et pour mieux répartir la charge de travail d'un arrondissement à l'autre. Par ailleurs, il faudra que les sous-préfectures puissent, demain, se transformer en "maisons de l'Etat" pour y accueillir d'autres services publics qui viendraient y tenir des permanences.
C'est donc un véritable défi qu'il nous faut relever ensemble : il souhaite placer les préfectures en état d'assumer l'ensemble de leurs responsabilités au service des citoyens. Pour cela, nous devons poursuivre deux orientations essentielles.
D'abord, une répartition plus claire des missions entre l'administration centrale et l'administration territoriale.
Il appartient aux services centraux de fixer les objectifs, de déterminer la stratégie nationale et d'évaluer les politiques mises en uvre au plan local. C'est pourquoi l'organisation de l'administration centrale du ministère, elle aussi en pleine mutation, a été modifiée avec la création du secrétariat général qui a une double fonction : mieux coordonner l'action des services centraux au profit de l'administration territoriale, et créer les conditions les plus favorables pour que l'administration de terrain puisse réussir sa mutation.
La directive nationale d'orientation en cours d'élaboration déterminera les moyens de fonctionnement nécessaires, ainsi que les conditions de la modernisation de la gestion des ressources humaines. Lorsque j'ai reçu les organisations syndicales représentatives des agents des préfectures il y a deux semaines, je leur ai confirmé les orientations de la politique de gestion des ressources humaines. La gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences sera poursuivie : nous devons anticiper l'impact des nombreux départs à la retraite et adapter nos besoins à l'évolution des missions des préfectures.
Parallèlement, un effort sera engagé en direction des agents dans plusieurs domaines : actions sociales, formation aux différents métiers exercés au sein d'une préfecture, améliorations indemnitaires, promotion et requalification étroitement liées à la reconnaissance de la valeur professionnelle, et donc amélioration de l'évaluation ; mais aussi adaptations statutaires adéquates, telles que la fusion des corps, pour favoriser les déroulements de carrière et la mobilité au sein du ministère de l'Intérieur mais aussi entre les ministères. Nous venons de terminer la réforme du statut des directeurs de préfectures qui crée une réelle ouverture. Nous devons continuer.

Malgré un contexte budgétaire difficile, j'entends défendre ces améliorations dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005. Il est indispensable que les préfectures aient les moyens de fonctionner, même si l'importance d'un service ne s'apprécie pas au nombre de ses agents, mais surtout à la qualité de ses prestations.
La seconde orientation, c'est l'autonomie de gestion des préfectures.
Il était indispensable que les préfectures bénéficient d'une latitude d'action plus importante pour choisir les modes d'intervention les mieux adaptés au terrain. C'est désormais chose faite.
La globalisation du budget de l'ensemble des préfectures depuis le 1er janvier 2004, pour laquelle la Seine-Maritime a joué un rôle pilote, répond à cette exigence de responsabilisation. Elle doit conduire à un effort d'explication au plan local. Le préfet, les sous-préfets, les directeurs, les chefs de bureau et les attachés ont un rôle d'encadrement essentiel et j'ai constaté avec satisfaction ce matin la grande mobilisation des cadres de votre préfecture.
Mais aucune réforme ne peut être menée à bien sans un dialogue social permanent, approfondi et équilibré. Si nous parvenons à nous adapter aujourd'hui aux situations nouvelles, c'est grâce à un véritable renforcement de ce dialogue social. J'en ai encore eu la preuve ce matin lors de notre rencontre avec les syndicats. Et je peux témoigner devant vous qu'ils font preuve d'un réel sens des responsabilités.
Mesdames et Messieurs,
Nous avons un même devoir et une même ambition : réaffirmer l'autorité de l'Etat au service des citoyens et de l'intérêt général.
Beaucoup reste à faire et vous savez que vous avez une place essentielle au cur de ce défi. Je sais pouvoir compter sur vous.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 17 mai 2004)