Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le commerce électronique, la sécurité des paiements avec carte bancaire sur internet et sur la directive communautaire destinée à améliorer la sécurité juridique et la transparence des échanges électroniques entre Etats européens, à Paris, le 18 avril 2000.

Prononcé le 1er avril 2000

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Circonstance : Colloque de lancement par la société Cyber Comm d'un système de paiement sécurisé par carte bancaire, à Paris, le 18 avril 2000

Texte intégral

En deux ans et demi, la société de l'information est devenue une réalité en France : mobilisation des entreprises, attentes des consommateurs et volontarisme du Gouvernement se sont conjugués pour permettre à la France de rattraper son retard dans ce domaine.
C'est maintenant chose faite. Ceci ne signifie en rien que nous devons ralentir nos efforts, bien au contraire : la société de l'information et le développement de l'internet appellent à des développements continus pour faire entrer la nouvelle croissance dans la durée ; la réalité du développement de la société de l'information pose des questions concrètes nouvelles, comme celle qui nous réunit aujourd'hui - le lancement de la solution de paiement Cyber-Comm. L'importance de la sécurité des paiements sur Internet
(1), et plus généralement de la confiance pour accompagner le développement du commerce électronique
(2), tels sont les deux points que je souhaite évoquer aujourd'hui devant vous. 1-assurer la sécurité des paiements sur internet
Le commerce repose sur la confiance. Il en est de même pour le commerce électronique. Le développement attendu de ce nouveau mode d'échanges et les bénéfices importants qui devraient en découler ne pourront s'effectuer que si la "confiance électronique" est parfaitement assurée pour et par tous les acteurs concernés.
Les débats récents autour de la sécurité du système français des cartes bancaires ont permis de mettre en avant, si besoin en était, que les transactions les plus fiables étaient celles où les fonctionnalités de la puce étaient effectivement et correctement mises en oeuvre.
La solution conçue et proposée aujourd'hui par Cyber-Comm permet de transposer aux paiements effectués sur internet le niveau de sécurité et de confiance apporté par la carte à puce dans le commerce du monde réel.
Il était en effet nécessaire que l'ensemble des acteurs concernés - banques, commerçants, fournisseurs d'accès et de services Internet - se rapprochent pour diffuser ce type de solutions le plus largement, le plus rapidement possible et au meilleur coût.
Au niveau international, car bien entendu Internet et le commerce électronique sont sans frontières, les efforts d'ores et déjà entrepris par Cyber-Comm pour assurer le développement et l'interopérabilité de cette solution dans d'autres pays sont essentiels. La compatibilité de la solution Cyber-Comm avec d'autres standards internationaux sera déterminante.
A cet égard, j'invite Cyber-Comm à développer activement ses partenariats dans ce domaine. La solution proposée par Cyber-Comm doit en effet trouver sa place, et a tous les atouts pour y parvenir, aux côtés ou en complément d'autres solutions de paiement sur Internet.
Au-delà de la carte bancaire à puce, elle doit également prendre en compte les moyens de paiement de petits montants que constituent les porte-monnaies électroniques en cours de déploiement à travers l'Europe, y compris en France dans le cadre de projets comme MONEO ou MODEUS.
L'industrie de la carte à puce représente un atout fondamental au niveau européen. Il est indispensable que les applications, notamment celles concernant le paiement sécurisé sur Internet se développent dans un cadre harmonieux permettant de coordonner au mieux les efforts de chacun.
Dans ce cadre, je suis très heureux que, grâce notamment à la mobilisation française, l'initiative e-Europe discutée à la conférence de Lisbonne la semaine dernière, contienne un volet lié au développement des cartes à puces afin d'aboutir à l'élaboration d'une charte européenne rassemblant les principaux partenaires concernés.
La démarche en matière de sécurité des technologies de l'information relève clairement de l'éternel problème de l'obus et du blindage : plus les parades sont évoluées et performantes et plus les criminels sont inventifs pour les détourner. De fait, un niveau de sécurité donné n'est valable que pour une certaine période de temps, dans un certain environnement technique.
Ceci nécessite, de la part des industriels fournisseurs de produits et de services de sécurité, une innovation permanente et des efforts de recherche et développement importants et, de la part des utilisateurs et des intermédiaires, comme les organismes financiers, une remise en question régulière des solutions qu'ils mettent en oeuvre.
C'est pourquoi depuis 1998 je soutiens les innovations liées à la sécurité des technologies de l'information au travers du programme OPPIDUM que j'ai doté de 40 MF (Offre de Procédés et de Produits de sécurIsation pour la mise en oeuvre Des aUtoroutes de l'inforMation).
Cette action trouve son complément au niveau européen dans le programme MEDEA, qui soutient les développements de composants électroniques, notamment pour les cartes à puces.
Le Secrétariat d'Etat à l'Industrie a labellisé Cyber-Comm dans le cadre d'OPPIDUM et soutiendra, pour environ un tiers du montant total soit 5 MF d'aide pour un budget total de recherche de Cyber-Comm de 15 MF, les recherches effectuées par Cyber-Comm et ses partenaires industriels.
Je me félicite à ce titre qu'un certain nombre d'innovations actuellement étudiées dans le cadre du projet de convention d'aide soient de nature à entraîner une baisse sensible du coût des lecteurs de cartes.
Afin de continuer cet effort, je vous annonce que l'appel à projets OPPIDUM sera relancé en 2000 et poursuivi.
2-Développer la confiance des consommateurs dans le commerce électronique
Au-delà des questions liées au paiement électronique, la création d'un cadre de confiance passe également par l'adaptation de notre cadre juridique aux transactions en ligne.
C'est pourquoi, dans la ligne tracée par le Premier Ministre Lionel JOSPIN, à Hourtin, en août dernier, nous avons entrepris avec le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et en étroite collaboration avec la Garde des Sceaux et la Ministre de la culture et de la communication, un vaste chantier sur la mise en oeuvre d'un cadre juridique adapté.
Il ne s'agit pas de refaire tout le droit du commerce, les analyses à tous les niveaux montrent bien que le droit commun s'applique en très grande partie, mais de préciser les règles juridiques applicables dès lors qu'internet crée un contexte nouveau.
Nous avons lancé en octobre dernier une consultation publique à cet effet, sur la base d'un document d'orientation. La synthèse de cette consultation publique est disponible en ligne.
Je souhaite vous présenter les principales orientations que j'en retiens : saluée par tous comme un nouveau moyen de faire vivre le débat démocratique grâce à un forum en ligne notamment, cette consultation a permis de débattre en profondeur des orientations proposées par le gouvernement, d'en valider les grandes lignes et d'enrichir sur de nombreux aspects pratiques la réflexion du Gouvernement.
A ce titre, je voudrais citer la demande clairement formulée d'une information très fine sur les vrais risques encourus lors d'un achat en ligne et sur les sanctions applicables en cas d'acte de piratage, sanctions élevées au titre de la loi anti-contrefaçon.
La confiance des consommateurs et des fournisseurs de contenu suppose une transparence exigeante sur les réseaux. L'adaptation de notre droit à la société de l'information est maintenant en cours à vitesse accélérée.
Un ensemble de textes a déjà été examiné par le Parlement ou est en cours d'examen.
En ce qui concerne la signature électronique, j'ai adopté, lors du Conseil Télécommunications du mois de novembre 1999, la directive européenne visant la mise en place d'un cadre communautaire pour les signatures électroniques. La transposition en droit français, venant modifier notre code civil, a été votée par le Parlement le 29 février 2000.
Le décret d'application préparé par mes services et les services concernés du Premier Ministre et de la Chancellerie sera prochainement publié. La rapidité de ce processus, malgré les enjeux lourds qu'il comporte, montre l'importance qu'attache le gouvernement à faire que la France, et plus généralement l'Europe, prenne toute sa place dans cette nouvelle forme de commerce.
Responsabilisation, confiance tels sont les traits saillants d'une étude du Service des études et statistiques industrielles que j'ai rendue publique dans le cadre de la fête de l'Internet. Je retiens notamment de cette étude que les domaines où les Français souhaitent le plus un renforcement de l'action des pouvoirs publics sont la protection du consommateur et la sécurité du paiement, thèmes qui sont chers à Marylise LEBRANCHU.
Ainsi, je prépare pour l'automne un projet de loi sur la société de l'information qui sera articulé autour de trois orientations : la liberté de communication, qui doit être au coeur de la société de l'information; l'accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l'information; la sécurité et la loyauté des transactions en ligne, afin de renforcer la confiance des utilisateurs et de promouvoir la transparence sur les réseaux.
Concernant ce dernier aspect qui nous réunit plus particulièrement aujourd'hui, je voudrais insister sur deux points :
- une très importante directive sur le commerce électronique a fait l'objet d'une position commune du conseil le 28 février dernier : elle permet de clarifier le droit applicable en cas de transaction en ligne entre pays membres de l'Union européenne ; elle précise les obligations de transparence en matière de commerce électronique afin de renforcer la protection des consommateurs.
Elle prévoit une obligation d'identification pour les vendeurs et prestataires de services, et impose que la publicité en ligne apparaisse comme telle, en particulier la publicité non sollicitée par courrier électronique.
Elle désigne chaque Etat européen comme le responsable du contrôle du respect de ces obligations par les acteurs établis sur son territoire. Elle préconise enfin la mise en place de moyens de recours extrajudiciaire en ligne et demande l'instauration de recours judiciaires rapides dans tous les pays de l'Union.
Cette proposition de directive pourrait être adoptée très prochainement. Elle permettra dès lors d'améliorer la sécurité juridique et la transparence des échanges électroniques dans le cadre du marché intérieur européen. Elle sera transposée dans le cadre de la loi sur la société de l'information, montrant ainsi la célérité avec laquelle la France conduit les changements juridiques rendus nécessaires par la révolution numérique.
- un élément essentiel pour la confiance concerne la garantie de confidentialité des informations échangées sur des réseaux ouverts comme internet.
Les outils de cryptologie, qui permettent d'assurer cette confidentialité, ont pendant de nombreuses années été traités comme des armes de guerre et fortement contrôlés. Un vaste mouvement de libéralisation a été entrepris par étape depuis 1996, qui sera poursuivi par une liberté totale d'utilisation des outils de cryptologie.
Une société de l'information pour tous, tel est l'objectif du Gouvernement pour que toutes les entreprises, pour que tous les citoyens puissent bénéficier de la révolution numérique.
Dans cette conquête, le développement de solutions nouvelles et sécurisées à grande échelle, telle que Cyber-Comm, est essentiel pour renforcer la confiance des utilisateurs et je vous en félicite. Pour sa part, le Gouvernement sous l'égide de Lionel JOSPIN, s'est pleinement engagé dans le soutien à ce secteur : programmes d'aide aux solutions technologiques innovantes, soutien aux nouveaux entrepreneurs, adaptation de notre cadre juridique. Cette politique sera au coeur de mon action avec Laurent FABIUS dans les mois qui viennent autour de la présentation de la loi sur la société de l'information et dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne.

(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 19 avril 2000)