Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur la politique d'aide au logement social dans les DOM, Paris le 9 mai 2000.

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Circonstance : Installation de la mission d'évaluation de la politique du logement social dans les DOM, Paris le 9 mai 2000

Texte intégral

Après avis du conseil national de l'évaluation, le Premier ministre a décidé d'inscrire dans le programme annuel d'évaluation interministérielle des politiques publiques, le thème des aides au logement social dans les départements d'outre-mer
Je me réjouis qu'avec votre concours, Monsieur le commissaire général au plan, l'instance d'évaluation puisse démarrer aujourd'hui ses travaux.
Je voudrais dans un premier temps vous faire part des raisons qui m'ont amené à proposer ce thème au Premier ministre.
Comme vous le savez, les ménages domiens peuvent bénéficier d'une gamme spécifique d'aides au logement social. Cette gamme a évolué au cours des vingt dernières années pour s'adapter à la situation particulière des départements d'outre-mer.
Dans le domaine de l'habitat, les défis liés au retard des DOM par rapport à la métropole, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, sont considérables.
Ainsi, d'après l'INSEE, le taux de logements surpeuplés dans les DOM était en 1997 de 22%, soit le double de la métropole.
Sur le plan qualitatif, 12% des logements dans les DOM ne disposaient pas en 1997 du confort moderne élémentaire (raccordement à l'eau et à l'électricité, présence d'un W-C dans le logement, présence d'une baignoire ou d'une douche). Ce taux n'était que de 3% en métropole.
Je voudrais également souligner les défis de la croissance démographique, de l'ordre de 3% par an. Cette croissance impose un effort particulier pour loger l'ensemble de la population domienne, et je pense en particulier aux jeunes ménages.
Par ailleurs, la politique d'aides au logement social doit prendre en compte dans les DOM une majoration significative des coûts de construction (30% environ) liés à l'éloignement et à l'insularité.
Enfin, cette politique doit être menée dans le contexte de la crise sociale grave que connaissent les départements d'outre-mer, comme l'illustrent malheureusement les données du chômage. La moitié des ménages domiens gagne moins de 6 500 Francs par mois.
Après avoir rappelé ces éléments de contexte, je voudrais évoquer les objectifs que vise la politique d'aide au logement social dans les DOM.
Ces objectifs ne peuvent être différents de ceux du reste du territoire français, tels qu'ils sont rappelés par le code de la construction et de l'habitation dans son article L 301-1 : " La politique d'aide au logement a pour objet de favoriser la satisfaction des besoins en logements, de promouvoir la qualité de l'habitat, d'améliorer l'habitat existant et d'adapter les dépenses de logement à la situation de famille et aux ressources des occupants tout en laissant subsister un effort de leur part (...).
Cette politique doit tendre à favoriser une offre de logements qui, par son importance, son insertion urbaine et sa diversité soit de nature à assurer la liberté de choix pour toute personne de son mode d'habitation ".
Toutefois, le niveau et les modalités des aides au logement dans les DOM doivent être adaptés pour répondre aux défis spécifiques des DOM.
Le travail d'évaluation de votre instance devra établir un rapprochement entre les adaptations apportées à la gamme des aides, et les défis liés à la situation particulière des DOM d'autre part. Je souhaite qu'il formule des propositions d'adaptations nouvelles de la réglementation, qui pourraient d'ailleurs être mises en oeuvre différemment dans chaque DOM.
Il devra également examiner si le nombre des logements aidés, tant en construction neuve qu'en amélioration et réhabilitation est adéquat compte tenu des besoins.
La population des DOM s'accroît en effet de plus de 25 000 personnes par an soit un besoin de 12 000 logements par an. La convergence vers les taux d'occupation des logements de la métropole imposerait la construction de 11 000 logements par an. On peut donc estimer que le besoin total en logements nouveaux est de 23 000 par an dans les DOM.
Evidemment, tous les logements neufs à construire ne doivent pas être aidés. Cependant, trois quart des ménages domiens ont des ressources qui les rendent éligibles aux logements sociaux. Les besoins sont donc considérables.
Je pense également aux enjeux liés à la résorption de l'habitat insalubre dans les DOM. Dix pour cent des ménages domiens sont encore logés dans un habitat insalubre, souvent en bidonville, en l'an 2000.
Votre instance devra vérifier que la politique du logement social bénéficie autant aux plus démunis qu'aux autres couches sociales.
Je vous propose pour répondre à cette question d'examiner les plans de financement et les politiques d'attribution des logements sociaux.
Enfin, je voudrais rappeler que l'Etat n'est pas le seul acteur de la politique du logement social. Son action ne peut trouver sa pleine efficacité que dans un partenariat étroit avec l'ensemble des acteurs : collectivités locales, caisses d'allocations familiales, agences d'insertion, bailleurs sociaux, entreprises et associations Il serait utile que le travail de l'instance d'évaluation porte un regard sur ce partenariat.
Cette évaluation devra aussi conduire au renforcement de la transparence de la politique des aides au logement dans les DOM, et d'en accroître ainsi la lisibilité pour les populations domiennes et pour le contribuable.
Je souhaite que cette évaluation soit l'occasion de formuler au Premier ministre des propositions d'évolution de la politique d'aide au logement dans les DOM.
Certaines des solutions spécifiques aux DOM ne pourraient-elles d'ailleurs pas inspirer la politique d'aide au logement menée en métropole par le gouvernement.
La politique du logement social constitue une de mes priorités depuis ma prise de fonction. Beaucoup a été fait pour la rendre plus efficace.
Mais la matière est complexe et les enjeux nombreux. Vous aurez compris l'intérêt que je porte à vos travaux, qui sont une occasion précieuse pour moi de mesurer le chemin qui reste à parcourir.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 26 mai 2000)