Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans ""Dom Hebdo" de novembre 2003, sur le budget 2004 pour l'outre-mer, la consultation par référendum des populations aux Antilles sur les orientations statutaires concernant les collectivités de Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélémy et Saint-Martin, et sur sa position favorable à l'intégration de RFO à France-Télévision.

Prononcé le 1er novembre 2003

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Média : Dom Hebdo

Texte intégral

Dom-Hebdo : le projet de budget 2004 pour loutre-mer est en progression de 3,4 %. Une légère hausse qui vous fait dire que «loutre-mer est prioritaire pour le Gouvernement ». Pourtant, il est de tradition que ce ministère bénéficie dun coup de pouce compte tenu des retards et des handicaps des régions ultramarines. Alors, en quoi donc loutre-mer est-il prioritaire ?
Brigitte Girardin :Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, le budget de loutre-mer est en progression, comme vous le rappelez, de 3,4 % ce qui le situe au 4ème rang de progression des budgets civils, après les ministères de la culture et de la communication, de la justice et de lintérieur. Il faut y voir lattachement fort du Gouvernement à loutre-mer et sa volonté de mettre en uvre tous les engagements du Président de la République.
En outre, la priorité attachée à loutre-mer doit sapprécier par rapport à leffort global de lEtat à son profit, effort qui sélève à plus de 8 milliards deuros pour 2004. Dans ce montant figurent les crédits consacrés à la continuité territoriale sur le budget du secrétariat dEtat aux transports (+ 30 M) et la hausse importante (+ de 27 %) des exonérations de charges sociales outre-mer sur le budget du ministère des affaires sociales (+ 145 M) en faveur de lemploi dans le secteur marchand. Loutre-mer est donc bien une priorité de laction gouvernementale.

Dom-Hebdo : Un député de la majorité, Marc Laffineur, vient de présenter un rapport sur les surrémunérations des fonctionnaires que vous avez aussitôt dénoncé. Sagit-il dune initiative maladroite dun parlementaire en mal de reconnaissance ou dune stratégie gouvernementale ?
Brigitte Girardin : Il ne sagit ni de lun ni de lautre. Le député Marc Laffineur sest vu confier une mission par la commission des finances de lAssemblée nationale pour étudier cette question. Son rapport, sur lequel je me suis exprimée en faisant part de mes plus grandes réserves, ne résulte donc pas comme vous dites dune « initiative maladroite » dun parlementaire et encore moins dune initiative du Gouvernement !
Dom-Hebdo : Le gouvernement vient de relancer le processus de réforme statutaire. Quel est le calendrier pour la mise en uvre de ce processus en sachant que vous envisagez de consulter les populations le 7 décembre ?Quelle sera la question posée ? - Pourquoi les Antillais résidant dans lHexagone sont-ils exclus de la consultation ? - En cas dabstention massive, envisagez-vous darrêter le processus même si le oui lemporte ?
Brigitte Girardin : Dans tous les cas, les électeurs devront répondre par « OUI » ou par « NON » à la question qui portera sur lapprobation des orientations statutaires concernant chaque collectivité. Pour la Martinique et la Guadeloupe, ces orientations porteront sur la création dune collectivité unique se substituant au département et à la région. Pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy, les orientations porteront sur la création dune collectivité doutre-mer régie par larticle 74 de la Constitution.
Lexercice du droit de vote, cest très classique, sera subordonné à linscription sur les listes électorales dans les collectivités concernées. Cest une exigence constitutionnelle et il nest pas possible dy déroger. Dailleurs, on voit mal sur quels critères on pourrait autoriser les Domiens résidant en métropole à voter aux Antilles sils ont eux-mêmes fait le choix de sinscrire sur les listes électorales métropolitaines. Mais mon intention est de mettre en place avec les principales associations doriginaires doutre-mer vivant en métropole, un système de consultation informelle de nos compatriotes qui ne votent pas outre-mer et dont il me paraît utile de recueillir lavis et les propositions sur tous les sujets qui les concernent. Je considère en effet que mon ministère na pas seulement la charge de 10 collectivités doutre-mer mais doit aussi se préoccuper du million dultramarins qui vivent en métropole.
Le Gouvernement et le Parlement apprécieront, le moment venu, en cas de victoire du « OUI », la suite quil conviendra de donner au processus institutionnel. Il est clair quun « OUI » acquis à quelques dizaines de voix avec 10 % de votants nencouragera pas à poursuivre. Il est clair aussi que si nous navons pas dobligation juridique de tenir compte dun « OUI », alors que nous sommes tenus de ne rien faire en cas de victoire du « NON », nous aurons un engagement politique et moral si le « OUI » lemporte.

Dom-Hebdo : Pourquoi êtes-vous favorable à lintégration de RFO à France Télévisions ? Ne craignez-vous pas comme semblent le suggérer le personnel des stations régionales et les élus locaux, que RFO perde son identité et sa spécificité en cas dintégration?
Brigitte Girardin : Nous souhaitons précisément une réforme qui permettrait à RFO dêtre rattachée à France Télévisions tout en conservant au sein de la holding son identité et son activité radiophonique. Notre objectif est de permettre à RFO de bénéficier de la dynamique dun groupe important tout en préservant sa spécificité.
Nous voulons un accroissement de la production et de la diffusion de programmes de proximité. LEtat apporterait en effet des moyens supplémentaires à RFO comme ceux dont profite aujourdhui lensemble du groupe France Télévisions. Le contrat dobjectifs et de moyens de France Télévisions en préciserait les modalités. Ces moyens supplémentaires devraient aller prioritairement au développement de loffre propre de RFO.
Nous voulons aussi accroître la visibilité de loutre-mer en métropole par une plus large diffusion dimages ultramarines sur les chaînes publiques métropolitaines. Et le développement nécessaire de RFO Sat serait mieux assuré par un groupe important.
Bien entendu, les statuts de lensemble des personnels et leurs spécificités ne seront en aucun cas affectés, il ny aura pas de plan social ni au siège ni dans aucune des stations de RFO.
Des consultations sont actuellement en cours avec les personnels et les élus. Le principe et le calendrier de cette réforme pourraient être précisés dans les prochaines semaines.
Dom-Hebdo : Où en est le projet de la cité de loutre-mer à Paris ? Sagirait-il dun projet mort-né ?
Brigitte Girardin : La création à Paris dun centre culturel et daffaires de loutre-mer, projet de lAMEDOM et de lUGAG, deux associations importantes doriginaires doutre-mer en métropole, est en bonne voie. Le Président de la République a soutenu, dès lorigine, ce projet qui a fait lobjet dune étude de faisabilité permettant de sélectionner le site le plus approprié pour sa localisation. Nous travaillons maintenant sur le montage du projet en concertation avec nos partenaires des associations et avec la volonté daboutir le plus rapidement possible.
Propos recueillis par E. Boulard
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 6 novembre 2003)