Texte intégral
J.-J. Bourdin -. Première partie - 8h35 :
Q- Nous sommes à Rungis depuis six heures ce matin. [...] Nos invités : M. Spielrein, président du marché de Rungis, C. Jacob, ministre délégué aux PME, à l'artisanat, au commerce et aux professions libérales et le chef triplement étoilé, M. Veyrat. [...] C. Jacob, que faire pour satisfaire tout le monde, pour que le produit du producteur soit bien payé, que le revendeur gagne sa vie et que le consommateur il paie moins cher ?
R- C. Jacob : "[...] C'est un message que je reçois bien. Le paysan que je suis est suffisamment attaché à la fois au monde de la production et à celui des PME. Effectivement, l'équation n'est pas facile à résoudre, parce qu'on a besoin de redynamiser la consommation. Mais en même temps, il faut surtout maintenir les emplois, l'activité sur le secteur de production. Et donc aujourd'hui, j'ai commencé toutes les discussions avec les différents partenaires, j'ai rencontré les producteurs agricoles, je suis en train de rencontrer les patrons de PME, j'ai vu les dirigeants d'enseignes... C'est-à-dire qu'à chaque fois, je pense qu'il reste un certain nombre de marges. Vous savez, il y a un débat démagogique qui consiste à accuser la loi Galland de tous les maux. Je pense que cette loi elle a permis de moraliser un certain nombre de choses... Ceci étant, aujourd'hui, il faut aussi que nous fassions une politique, peut-être encore plus en avant de l'identification des produits, sur les politiques de label, de reconnaissance de la qualité de nos produits. Nous avons aussi des consommateurs qui sont en attente de mieux comprendre, de mieux connaître nos produits et à partir de là, peut-être aussi dans certains cas et notamment dans les menus..."
Q- Mais le consommateur va vous répondre, qu'il a moins de pouvoir d'achat, qu'il a moins d'argent pour acheter de bons produits. C'est ce que dit N. Sarkozy quand il dit qu'il faut redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs. [...] Sur les 35 heures, [...] que faut-il faire ? Donner la possibilité aux PME de déroger par branche ou par entreprise aux 35 heures ?
R- C. Jacob : "Il faut surtout mettre de la souplesse dans le système. C'est-à-dire qu'on a, à la fois, des ouvriers, des employés qui ont envie de travailler davantage, parce qu'à 30 ans, on a envie de taper dans la butte, on a envie de bosser, on a envie de gagner un peu plus d'argent. Et puis en même temps, il faut laisser aussi aux entreprises des marges de compétitivité, parce que c'est ce qui permet de créer d'autres emplois. Ceci étant, tout cela ne peut se faire que dans un cadre de négociation et d'accord global, bien évidemment."
Q- Est-ce qu'on ne risque pas de retrouver un salariat à deux vitesses ?
Q- - M. Veyrat : "Bien sûr, mais c'est le problème. Ecoutez, M. le ministre : aujourd'hui, nous avons des entreprises privées, j'ai cent employés. Il faut que l'on travaille chez nous. Alors on a mis la participation, [...] parce que le travailleur a aussi des droits, on est au XXIème siècle. Est-ce qu'on n'aurait pas pu moduler ces 35 heures et, par exemple, obliger à l'entreprise d'avoir deux jours et demi de congés successifs ? Ca, c'était un progrès social, travailler plus et faire une modulation, faire qu'il y ait une participation. Aujourd'hui nous sommes confrontés, nous aussi, au public. Vous savez quel est le public ? Ce sont les grandes organisations, les grands hôtels, les grands palaces qui sont, eux, à 35 heures et nous on est pénalisé devant eux. Comment allez-vous résoudre le problème ?"
R- C. Jacob : "Eh bien, en mettant des marges de souplesse. C'est un discours que je retiens complètement. Mais simplement, aujourd'hui, on avait besoin de faire cet état des lieux précis. C'est le travail qui vient d'être fait par la mission parlementaire. Dans une semaine, on va avoir le détail complet. A partir de là, on va pouvoir travailler à ces marges de souplesse. Mais encore une fois, cela ne peut se faire que dans un accord global, il faut être gagnant-gagnant."
Q- Quoi qu'il arrive, la loi sera révisée ?
R- C. Jacob : "Non, je n'ai pas à répondre à ça aujourd'hui. Attendons une semaine..."
Q- Mais à titre personnel, souhaitez-vous une révision de la loi ?
R- "Non, on ne réagit pas à chaud et à grand coup de serpe sur un dossier comme celui-là. On regarde ça la semaine prochaine, on va prendre les choses en détail. Non, mais c'est trop facile ! On a besoin que la réforme, on le voit bien, soit partagée par tout le monde, il faut que cela soit gagnant-gagnant. C'est-à-dire que le salarié qui a envie de travailler, de gagner plus doit pouvoir le faire, mais il faut aussi que le chef d'entreprise puisse créer davantage d'emplois et plus de marge..."
Deuxième partie - 8h45 :
Q- Est-ce que vous allez engager une réforme de la grande distribution ?
R- C. Jacob : "Ce n'est pas que la grande distribution. Le problème du commerce est celui des marges arrières, pour parler des choses telles qu'elles sont. La loi Galland a une vertu très importante : c'est qu'elle interdit les opérations de dumping, c'est-à-dire les reventes à perte. Ceci étant, depuis il y a eu d'autres choses d'imaginer : ce système des marges arrières est un système assez pervers en matière de commerce, c'est-à-dire que l'on achète un produit et au-delà de ça, le producteur qui vous a fourni ce produit, on lui dit qu'il va payer un certain nombre de services..."
Q- La publicité etc. ?
R- C. Jacob : "La présentation en tête de gondole et pourquoi pas le rond-point pour accéder à la grande surface..."
Q- Le producteur, en plus, est donc obligé de donner des ristournes à l'acheteur, à la grande distribution ?
R- C. Jacob : "Le système des marges arrières, c'est celui-là. C'est un système qui fausse les bonnes règles de commerce. Et donc c'est pour cela que j'ai commencé les consultations, comme je le disais tout à l'heure, avec les PME, avec les producteurs, avec les grandes marques de distributeur..."
Q- Est-ce que vous avez pour objectif de revenir sur cette loi Galland ?
R- C. Jacob : "Je ne suis pas persuadé que ce soit la loi Galland..."
Q- Je dis ça parce qu'aucun gouvernement n'est revenu sur cette loi qui date de 96...
R- C. Jacob : "Aujourd'hui, il n'y a pas d'arguments qui peuvent me convaincre de dire qu'il faut changer la loi Galland."
Q- Mais quand vous entendez M.-E. Leclerc dire qu'avec la loi Galland, sur la revente à perte, ils ne peuvent pas baisser certains prix...
R- C. Jacob : Si, parce que vous savez que les marges arrières sont de 20, 30 % en moyenne, parfois 60 %. Donc peut-être que M.-E. Leclerc peut diminuer ses 60 % de marge sur les marges arrières et peut-être que comme ça, il peut baisser le prix des produits. Je vais le recevoir donc on va en discuter ensemble..."
Q- Donc, vous allez lui dire ça, qu'il a des marges arrières, qu'il en profite pour baisser le prix de ses produits ?
C. Jacob : "Oui, puisque le moyen de baisser le prix à la consommation, ce n'est pas seulement en le baissant au producteur, il y a d'autres intervenants et à commencer par le distributeur. Donc on en parle clairement avec lui, les yeux dans les yeux."
R- Intervention de M. Veyrat : "Je crois avoir une bonne nouvelle et une bonne information. Paraît-il que justement, dans les grandes surfaces, les produits de basse qualité sont en diminution et que l'on revient vers la qualité. Ce sont les dernières information que j'ai et on est en train de se repositionner dans les grands hypers pour ces produits-là. Alors, donc vive Rungis, vive les produits de qualité !"
Q- Vous confirmez, C. Jacob ?
R- C. Jacob : "Il y a une attente de plus en plus forte des consommateurs, sur des produits de qualité clairement identifiés. Et donc là, on a encore des efforts à faire pour mieux faire connaître nos produits."
Q- Ceci dit, regardons les chiffres, depuis 2000, depuis quatre ans, les prix de biens de grande consommation ont augmenté plus vite que l'inflation en France, plus vite et plus fort en France qu'ailleurs. C'est une réalité, tout le monde la constate tous les jours. Les producteurs se plaignent que les grandes surfaces leur achètent leurs produits de moins en moins cher. Les consommateurs se plaignent d'acheter les produits de plus en plus cher. Et maintenant, ce sont les grands distributeurs qui se plaignent. Tout le monde se plaint !
R- C. Jacob : "Les grand distributeurs arrivent encore à faire des résultats. Ceci étant, il y a un problème de commerce qu'il faut bien prendre en compte, c'est celui de la stagnation de la consommation globalement, et où là, on a besoin de redonner - c'est le moteur de l'économie, c'est la consommation. Et il faut faire en sorte, entre autres, que les familles qui ont les revenus les plus modestes puissent accéder de la même façon à ces produits de qualité. Donc il y a effectivement des efforts à faire dans ce sens-là. Mais les efforts, ce n'est pas nécessairement sur le prix de la production. Ce serait la pire des choses, puisque là, on a le secteur le plus créateur d'emplois, qui est celui des PME, celui des producteurs. Donc si on supprime des emplois dans ces secteurs-là, il est bien évident que la consommation va encore diminuer, c'est la spirale infernale."
Q- Est-ce que vous allez revenir sur la loi qui régit l'ouverture des grandes surfaces, qui est une loi Raffarin, je le rappelle ?
R- C. Jacob : "Oui, c'est une bonne loi, qui a aussi réglementé sur l'urbanisme commercial et sur les autorisations..."
Q- Allez-vous l'aménager cette loi ?
R- C. Jacob : "Aujourd'hui, je ne suis pas persuadé que cela soit là-dessus qu'il faille bouger. Ceci étant, j'écoute tout le monde. Vous savez je suis un paysan, je prends le temps d'abord d'entendre les gens, de comprendre leurs revendications et puis ensuite on agit, mais on n'inverse pas les choses."
Q- Question d'un auditeur : Je voudrais savoir si vous comptez faire quelque chose pour les petites SARL familiales qui, au moment de la liquidation pour retraite, se retrouvent avec des taxes sur la plus-value à 26 %, constituées de la CSG et de la RDS - alors que les activités en nom personnel en sont exemptées jusqu'à un plafond de 2.500 euros ?
R- C. Jacob : "Il y a déjà eu quelque chose qui vient d'être fait par la loi... Cela ne concerne peut-être pas ce monsieur, mais depuis le début de l'année, la loi qui a été voté par mon prédécesseur, R. Dutreil, permet justement à 85 % des entreprises qui vont être transmises, de les exonérer des plus-values commerciales. Alors il y a un cadre très technique mais qui, effectivement, facilite la transmission. On a dans les 10 ans qui viennent à peu près 500.000 à 600.000 entreprises qui vont changer de main, qui vont être transmises. Or aujourd'hui, la fiscalité est dans un certain nombre de cas, un vrai handicap à la transmission de l'entreprise, soit à ses enfants, soit à un salarié qui est déjà présent dans l'entreprise. Et la première loi de R. Dutreil permet, justement, de supprimer l'imposition sur les plus-values qui existaient."
Q- A propos du statut du conjoint, quelle protection sociale allez-vous offrir au conjoint d'un commerçant qui a travaillé toute sa vie et qui, finalement, n'a aucun statut ?
R- C. Jacob : "C'est un sujet que j'ai connu dans un autre secteur, qui était celui de l'agriculture, parce qu'on a souvent exactement le même problème pour les femmes d'exploitants - je suis un éleveur laitier - qui se levaient, qui trayaient les vaches et qui au bout de quarante ans d'activités, n'avaient rien. On leur disait : "Vous êtes femme d'agriculteur, donc vous n'avez droit à rien". On a créé le statut du conjoint d'exploitant. Et là, de la même façon, un des projets que j'ai en tête pour cet été ou pour l'automne, c'est de créer le statut du conjoint collaborateur chez les artisans, commerçants et chefs d'entreprises, de façon à avoir une reconnaissance au moment de la retraite, mais aussi une protection sociale."
Q- Une même protection sociale qu'un salarié ?
R- C. Jacob : "Protection sociale qui soit comparable. On est en train d'y travailler en ce moment. Mais aujourd'hui il n'y a aucun cadre, donc de créer une vraie reconnaissance sociale pour ces gens qui bossent tous les jours."
Q- Question d'un auditeur : Je voulais savoir si M. Jacob comptait un petit peu niveler les inégalités d'obtention de subventions et d'aides à la création d'entreprise ? Moi, j'ai créé ma cave en février de cette année, et j'ai essayé de trouver des aides et des subventions pour ouvrir mon magasin. Et on m'a dit qu'il fallait être chômeur, qu'il fallait investir plus de 7.000 euros dans son magasin pour avoir quelque chose, pour avoir une aide...
R- C. Jacob : "Sur ce sujet, mais qui est plus large que ça, qui est celui du financement et de la création d'entreprise, il y a deux difficultés auxquelles on se heurte. C'est notamment le suivi des banques, c'est-à-dire que les banques acceptent de jouer le jeu avec des créateurs d'entreprise là où, souvent, il n'y a pas de garantie..."
Q- Vous pourriez les contraindre ?
R- C. Jacob : "Non, mais on va ouvrir une discussion ensemble, parce que si on veut créer de l'activité et de l'emploi, il faut aussi trouver un financement et il faut aussi que les banques acceptent de partager le risque. Lorsque quelqu'un se lance dans une entreprise, souvent il essaye de collecter des fonds auprès de sa famille, ses amis et il faut aussi avoir un banquier, un partenaire en face, qui joue le jeu et qui l'accompagne. Donc il y a un problème de fonds de garantie, il y a un problème de financement dans les premières années, parce que la première année où on se lance, c'est parfois difficile de faire face aux premières charges. Donc cela fait partie des réflexions que j'ai déjà évoquées avec les représentants de la CGPME et encore hier, avec les artisans..."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2004)
Q- Nous sommes à Rungis depuis six heures ce matin. [...] Nos invités : M. Spielrein, président du marché de Rungis, C. Jacob, ministre délégué aux PME, à l'artisanat, au commerce et aux professions libérales et le chef triplement étoilé, M. Veyrat. [...] C. Jacob, que faire pour satisfaire tout le monde, pour que le produit du producteur soit bien payé, que le revendeur gagne sa vie et que le consommateur il paie moins cher ?
R- C. Jacob : "[...] C'est un message que je reçois bien. Le paysan que je suis est suffisamment attaché à la fois au monde de la production et à celui des PME. Effectivement, l'équation n'est pas facile à résoudre, parce qu'on a besoin de redynamiser la consommation. Mais en même temps, il faut surtout maintenir les emplois, l'activité sur le secteur de production. Et donc aujourd'hui, j'ai commencé toutes les discussions avec les différents partenaires, j'ai rencontré les producteurs agricoles, je suis en train de rencontrer les patrons de PME, j'ai vu les dirigeants d'enseignes... C'est-à-dire qu'à chaque fois, je pense qu'il reste un certain nombre de marges. Vous savez, il y a un débat démagogique qui consiste à accuser la loi Galland de tous les maux. Je pense que cette loi elle a permis de moraliser un certain nombre de choses... Ceci étant, aujourd'hui, il faut aussi que nous fassions une politique, peut-être encore plus en avant de l'identification des produits, sur les politiques de label, de reconnaissance de la qualité de nos produits. Nous avons aussi des consommateurs qui sont en attente de mieux comprendre, de mieux connaître nos produits et à partir de là, peut-être aussi dans certains cas et notamment dans les menus..."
Q- Mais le consommateur va vous répondre, qu'il a moins de pouvoir d'achat, qu'il a moins d'argent pour acheter de bons produits. C'est ce que dit N. Sarkozy quand il dit qu'il faut redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs. [...] Sur les 35 heures, [...] que faut-il faire ? Donner la possibilité aux PME de déroger par branche ou par entreprise aux 35 heures ?
R- C. Jacob : "Il faut surtout mettre de la souplesse dans le système. C'est-à-dire qu'on a, à la fois, des ouvriers, des employés qui ont envie de travailler davantage, parce qu'à 30 ans, on a envie de taper dans la butte, on a envie de bosser, on a envie de gagner un peu plus d'argent. Et puis en même temps, il faut laisser aussi aux entreprises des marges de compétitivité, parce que c'est ce qui permet de créer d'autres emplois. Ceci étant, tout cela ne peut se faire que dans un cadre de négociation et d'accord global, bien évidemment."
Q- Est-ce qu'on ne risque pas de retrouver un salariat à deux vitesses ?
Q- - M. Veyrat : "Bien sûr, mais c'est le problème. Ecoutez, M. le ministre : aujourd'hui, nous avons des entreprises privées, j'ai cent employés. Il faut que l'on travaille chez nous. Alors on a mis la participation, [...] parce que le travailleur a aussi des droits, on est au XXIème siècle. Est-ce qu'on n'aurait pas pu moduler ces 35 heures et, par exemple, obliger à l'entreprise d'avoir deux jours et demi de congés successifs ? Ca, c'était un progrès social, travailler plus et faire une modulation, faire qu'il y ait une participation. Aujourd'hui nous sommes confrontés, nous aussi, au public. Vous savez quel est le public ? Ce sont les grandes organisations, les grands hôtels, les grands palaces qui sont, eux, à 35 heures et nous on est pénalisé devant eux. Comment allez-vous résoudre le problème ?"
R- C. Jacob : "Eh bien, en mettant des marges de souplesse. C'est un discours que je retiens complètement. Mais simplement, aujourd'hui, on avait besoin de faire cet état des lieux précis. C'est le travail qui vient d'être fait par la mission parlementaire. Dans une semaine, on va avoir le détail complet. A partir de là, on va pouvoir travailler à ces marges de souplesse. Mais encore une fois, cela ne peut se faire que dans un accord global, il faut être gagnant-gagnant."
Q- Quoi qu'il arrive, la loi sera révisée ?
R- C. Jacob : "Non, je n'ai pas à répondre à ça aujourd'hui. Attendons une semaine..."
Q- Mais à titre personnel, souhaitez-vous une révision de la loi ?
R- "Non, on ne réagit pas à chaud et à grand coup de serpe sur un dossier comme celui-là. On regarde ça la semaine prochaine, on va prendre les choses en détail. Non, mais c'est trop facile ! On a besoin que la réforme, on le voit bien, soit partagée par tout le monde, il faut que cela soit gagnant-gagnant. C'est-à-dire que le salarié qui a envie de travailler, de gagner plus doit pouvoir le faire, mais il faut aussi que le chef d'entreprise puisse créer davantage d'emplois et plus de marge..."
Deuxième partie - 8h45 :
Q- Est-ce que vous allez engager une réforme de la grande distribution ?
R- C. Jacob : "Ce n'est pas que la grande distribution. Le problème du commerce est celui des marges arrières, pour parler des choses telles qu'elles sont. La loi Galland a une vertu très importante : c'est qu'elle interdit les opérations de dumping, c'est-à-dire les reventes à perte. Ceci étant, depuis il y a eu d'autres choses d'imaginer : ce système des marges arrières est un système assez pervers en matière de commerce, c'est-à-dire que l'on achète un produit et au-delà de ça, le producteur qui vous a fourni ce produit, on lui dit qu'il va payer un certain nombre de services..."
Q- La publicité etc. ?
R- C. Jacob : "La présentation en tête de gondole et pourquoi pas le rond-point pour accéder à la grande surface..."
Q- Le producteur, en plus, est donc obligé de donner des ristournes à l'acheteur, à la grande distribution ?
R- C. Jacob : "Le système des marges arrières, c'est celui-là. C'est un système qui fausse les bonnes règles de commerce. Et donc c'est pour cela que j'ai commencé les consultations, comme je le disais tout à l'heure, avec les PME, avec les producteurs, avec les grandes marques de distributeur..."
Q- Est-ce que vous avez pour objectif de revenir sur cette loi Galland ?
R- C. Jacob : "Je ne suis pas persuadé que ce soit la loi Galland..."
Q- Je dis ça parce qu'aucun gouvernement n'est revenu sur cette loi qui date de 96...
R- C. Jacob : "Aujourd'hui, il n'y a pas d'arguments qui peuvent me convaincre de dire qu'il faut changer la loi Galland."
Q- Mais quand vous entendez M.-E. Leclerc dire qu'avec la loi Galland, sur la revente à perte, ils ne peuvent pas baisser certains prix...
R- C. Jacob : Si, parce que vous savez que les marges arrières sont de 20, 30 % en moyenne, parfois 60 %. Donc peut-être que M.-E. Leclerc peut diminuer ses 60 % de marge sur les marges arrières et peut-être que comme ça, il peut baisser le prix des produits. Je vais le recevoir donc on va en discuter ensemble..."
Q- Donc, vous allez lui dire ça, qu'il a des marges arrières, qu'il en profite pour baisser le prix de ses produits ?
C. Jacob : "Oui, puisque le moyen de baisser le prix à la consommation, ce n'est pas seulement en le baissant au producteur, il y a d'autres intervenants et à commencer par le distributeur. Donc on en parle clairement avec lui, les yeux dans les yeux."
R- Intervention de M. Veyrat : "Je crois avoir une bonne nouvelle et une bonne information. Paraît-il que justement, dans les grandes surfaces, les produits de basse qualité sont en diminution et que l'on revient vers la qualité. Ce sont les dernières information que j'ai et on est en train de se repositionner dans les grands hypers pour ces produits-là. Alors, donc vive Rungis, vive les produits de qualité !"
Q- Vous confirmez, C. Jacob ?
R- C. Jacob : "Il y a une attente de plus en plus forte des consommateurs, sur des produits de qualité clairement identifiés. Et donc là, on a encore des efforts à faire pour mieux faire connaître nos produits."
Q- Ceci dit, regardons les chiffres, depuis 2000, depuis quatre ans, les prix de biens de grande consommation ont augmenté plus vite que l'inflation en France, plus vite et plus fort en France qu'ailleurs. C'est une réalité, tout le monde la constate tous les jours. Les producteurs se plaignent que les grandes surfaces leur achètent leurs produits de moins en moins cher. Les consommateurs se plaignent d'acheter les produits de plus en plus cher. Et maintenant, ce sont les grands distributeurs qui se plaignent. Tout le monde se plaint !
R- C. Jacob : "Les grand distributeurs arrivent encore à faire des résultats. Ceci étant, il y a un problème de commerce qu'il faut bien prendre en compte, c'est celui de la stagnation de la consommation globalement, et où là, on a besoin de redonner - c'est le moteur de l'économie, c'est la consommation. Et il faut faire en sorte, entre autres, que les familles qui ont les revenus les plus modestes puissent accéder de la même façon à ces produits de qualité. Donc il y a effectivement des efforts à faire dans ce sens-là. Mais les efforts, ce n'est pas nécessairement sur le prix de la production. Ce serait la pire des choses, puisque là, on a le secteur le plus créateur d'emplois, qui est celui des PME, celui des producteurs. Donc si on supprime des emplois dans ces secteurs-là, il est bien évident que la consommation va encore diminuer, c'est la spirale infernale."
Q- Est-ce que vous allez revenir sur la loi qui régit l'ouverture des grandes surfaces, qui est une loi Raffarin, je le rappelle ?
R- C. Jacob : "Oui, c'est une bonne loi, qui a aussi réglementé sur l'urbanisme commercial et sur les autorisations..."
Q- Allez-vous l'aménager cette loi ?
R- C. Jacob : "Aujourd'hui, je ne suis pas persuadé que cela soit là-dessus qu'il faille bouger. Ceci étant, j'écoute tout le monde. Vous savez je suis un paysan, je prends le temps d'abord d'entendre les gens, de comprendre leurs revendications et puis ensuite on agit, mais on n'inverse pas les choses."
Q- Question d'un auditeur : Je voudrais savoir si vous comptez faire quelque chose pour les petites SARL familiales qui, au moment de la liquidation pour retraite, se retrouvent avec des taxes sur la plus-value à 26 %, constituées de la CSG et de la RDS - alors que les activités en nom personnel en sont exemptées jusqu'à un plafond de 2.500 euros ?
R- C. Jacob : "Il y a déjà eu quelque chose qui vient d'être fait par la loi... Cela ne concerne peut-être pas ce monsieur, mais depuis le début de l'année, la loi qui a été voté par mon prédécesseur, R. Dutreil, permet justement à 85 % des entreprises qui vont être transmises, de les exonérer des plus-values commerciales. Alors il y a un cadre très technique mais qui, effectivement, facilite la transmission. On a dans les 10 ans qui viennent à peu près 500.000 à 600.000 entreprises qui vont changer de main, qui vont être transmises. Or aujourd'hui, la fiscalité est dans un certain nombre de cas, un vrai handicap à la transmission de l'entreprise, soit à ses enfants, soit à un salarié qui est déjà présent dans l'entreprise. Et la première loi de R. Dutreil permet, justement, de supprimer l'imposition sur les plus-values qui existaient."
Q- A propos du statut du conjoint, quelle protection sociale allez-vous offrir au conjoint d'un commerçant qui a travaillé toute sa vie et qui, finalement, n'a aucun statut ?
R- C. Jacob : "C'est un sujet que j'ai connu dans un autre secteur, qui était celui de l'agriculture, parce qu'on a souvent exactement le même problème pour les femmes d'exploitants - je suis un éleveur laitier - qui se levaient, qui trayaient les vaches et qui au bout de quarante ans d'activités, n'avaient rien. On leur disait : "Vous êtes femme d'agriculteur, donc vous n'avez droit à rien". On a créé le statut du conjoint d'exploitant. Et là, de la même façon, un des projets que j'ai en tête pour cet été ou pour l'automne, c'est de créer le statut du conjoint collaborateur chez les artisans, commerçants et chefs d'entreprises, de façon à avoir une reconnaissance au moment de la retraite, mais aussi une protection sociale."
Q- Une même protection sociale qu'un salarié ?
R- C. Jacob : "Protection sociale qui soit comparable. On est en train d'y travailler en ce moment. Mais aujourd'hui il n'y a aucun cadre, donc de créer une vraie reconnaissance sociale pour ces gens qui bossent tous les jours."
Q- Question d'un auditeur : Je voulais savoir si M. Jacob comptait un petit peu niveler les inégalités d'obtention de subventions et d'aides à la création d'entreprise ? Moi, j'ai créé ma cave en février de cette année, et j'ai essayé de trouver des aides et des subventions pour ouvrir mon magasin. Et on m'a dit qu'il fallait être chômeur, qu'il fallait investir plus de 7.000 euros dans son magasin pour avoir quelque chose, pour avoir une aide...
R- C. Jacob : "Sur ce sujet, mais qui est plus large que ça, qui est celui du financement et de la création d'entreprise, il y a deux difficultés auxquelles on se heurte. C'est notamment le suivi des banques, c'est-à-dire que les banques acceptent de jouer le jeu avec des créateurs d'entreprise là où, souvent, il n'y a pas de garantie..."
Q- Vous pourriez les contraindre ?
R- C. Jacob : "Non, mais on va ouvrir une discussion ensemble, parce que si on veut créer de l'activité et de l'emploi, il faut aussi trouver un financement et il faut aussi que les banques acceptent de partager le risque. Lorsque quelqu'un se lance dans une entreprise, souvent il essaye de collecter des fonds auprès de sa famille, ses amis et il faut aussi avoir un banquier, un partenaire en face, qui joue le jeu et qui l'accompagne. Donc il y a un problème de fonds de garantie, il y a un problème de financement dans les premières années, parce que la première année où on se lance, c'est parfois difficile de faire face aux premières charges. Donc cela fait partie des réflexions que j'ai déjà évoquées avec les représentants de la CGPME et encore hier, avec les artisans..."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2004)